J’peux pas j’ai piscine

À la toute fin du mois du mars 2003, Tecmo fêtait l’arrivée du printemps en proposant dans les boutiques européennes son Dead or Alive Xtreme Beach Volleyball développé par la Team Ninja. Révélé à l’E3 2002 par l’intermédiaire d’une bande-annonce “muy caliente” sous l’hymne de Meja “how crazy are you”, ce drôle de jeu a immédiatement attiré l’attention. Quoi de plus normal ? Il promettait aux joueurs intéressés de passer les vacances d’été en compagnie des combattantes de la série Dead or Alive. Sauf qu’ici, pas de bourre-pif ni de low kick. La seule chose à tuer est le temps. Sur Zack Island, le maître mot est : détente, seul ou à deux en multijoueur. Le tout avec du Bob Marley, Christina Aguilera, Spice Girls, ou encore du B*Witched dans les oreilles.

Dans la peau recouverte de crème solaire d’une des huit filles disponibles, il est demandé de passer 14 jours sur une île paradisiaque et d’effectuer les activités de son choix : jouer au jeu des bouées à la piscine, passer du temps au casino (uniquement disponible le soir) ou juste lézarder sur le sable d’une plage. Chaque activité terminée fait passer à un autre moment de la journée, journée qui est découpée en trois périodes principales : matin, après-midi et soir. Et le volley-ball dans tout ça ? Malgré les apparences, il n’est qu’une occupation parmi les autres et ne se joue qu’avec deux boutons du pad, “A” pour attaquer et “B” pour faire une manchette. Cet aspect simpliste du gameplay n’a pas joué en la faveur du soft. Si nous ajoutons à cela le côté dating sim où il faut créer des liens forts avec les autres participantes en leur offrant des cadeaux collant à leurs goûts, vous comprendrez aisément pourquoi DoA X a rapidement été catalogué comme un titre réservé aux otakus collectionneurs.

Pour les (a)mateurs de beaux gestes

Contrairement à ce que son nom suggère, Dead or Alive Xtreme Beach Volleyball n’est pas un jeu de sport. Il est avant tout un titre qui oblige à passer du temps dans des menus (et des boutiques) pour rhabiller son héroïne mais aussi pour se faire des copines. Bien que Lisa soit automatiquement désignée comme partenaire du joueur dès le premier jour sur Zack Island, autorisant ainsi de faire du beach volley dès la sortie de l’avion, il faut mettre la main au porte-monnaie si vous souhaitez coopérer avec le reste du casting. Grâce aux cadeaux échangés, la bonne entente avec les protagonistes augmente, ce qui fait qu’une autre participante acceptera peut-être de taper la balle à vos côtés. Offrez-lui encore plus de trucs qu’elle aime, et elle deviendra plus efficace pendant un jeu. Bien sûr, chaque personnage a ses propres goûts.

En d’autres termes, ce DOA est avant tout un simulateur de vacances dans lequel la principale occupation est de créer des liens avec les autres participantes. Certains joueurs se sentent trahis sur la marchandise tandis que d’autres apprécient cette tentative de défier certaines conventions. Quelques détails amusants jouent en sa faveur, comme le fait que le soft offre plus de crédits aux joueurs ayant passé du temps sur le mode Survie de DoA 3, ou le fait qu’il est possible de regarder des vidéos (publicité de DoA X, trailer de Ninja Gaiden) dans sa chambre d’hôtel.

N’allons pas faire passer DoA X pour ce qu’il n’est pas. Il n’est ni un bon jeu de sport, ni un bon jeu de drague, ni même un bon jeu érotique. Il est un titre original très simple d’accès, relaxant, amusant, pensé pour de courtes sessions de jeu entre deux parties de Halo et de Project Gotham Racing 2. Son attrait principal repose sur ses graphismes, magnifiques en 2003, qui exposent des décors splendides et des sportives superbement modélisées malgré les exagérations de leurs courbes. Le côté “sexy” est bien là, les maillots de bain étant riquiqui et les poses suggestives, mais l’aspect sulfureux du titre vient plus de ses mécaniques – les relations avec les femmes du jeu n’évoluant qu’avec des cadeaux – que de son contenu prétendument sexuel. Aucune nudité n’est de la partie, bien que certains magazines aient assuré le contraire à cause d’un poisson d’avril d’EGM. À la sortie de DoA X, les notes de la presse sont partagées. Edge lui attribue un joli 8/10 alors qu'Eurogamer lui donne un terrible 3/10. Fait assez exceptionnel, Playboy teste le soft et lui colle la note de 74 %. Un résultat très proche de la moyenne publiée par Metacritic, fixée à 73/100.

3 nuances de Grey

Plutôt ravis des ventes de son jeu, Tecmo propose une suite en 2006 sobrement intitulée Dead or Alive Xtreme 2, cette fois-ci à destination de la Xbox 360. Ce nouveau volet ne change pas la formule d’un poil : entre voyeurisme soft et détente cérébrale, DoA X 2 propose de passer des vacances sur une Zack Island dotée de nouvelles épreuves comme celle de la corde ou de la bataille de popotins. Parmi les occupations plus que sympathiques, nous notons la présence d’un toboggan aquatique assez fun et surtout le jet-ski qui apporte un vrai plus aux vacances sur l’île. Malheureusement, le mode deux joueurs en local disparaît sans explication.

Il faut attendre une décennie avant de retourner passer du bon temps sur Zack Island avec Dead or Alive Xtreme 3 : Fortune, cette fois-ci sur PlayStation 4. Itagaki n’est plus aux commandes, le designer ayant quitté Tecmo en 2008 après avoir été accusé de harcèlement sexuel en 2006 par une ex-employée. L’épisode retire des épreuves (jet ski, toboggan) et en ajoute une (l’escalade). En outre, il apporte une fonctionnalité “propriétaire/visiteur” assez anecdotique. Ne nous mentons pas, le véritable argument de cette version est le mode VR, disponible via une mise à jour, qui permet de voir les sportives comme si elles étaient devant nous. L’aspect sulfureux est ici beaucoup plus poussé que dans les précédents volets puisqu’il est possible d’acheter des cartes de “poses” qu’effectueront les filles en mode photo (et VR). Voilà qui explique sûrement pourquoi DoA X 3 n’est jamais arrivé en occident. Il n’empêche que graphiquement, techniquement, musicalement et ludiquement, ce troisième opus est très décevant car beaucoup trop proche de son modèle de 2003.

Il dépasse les limites aisément, facilement

Que retenir de la série des Dead or Alive Xtreme 20 ans après le lancement du jeu d’origine ? Qu’il s’agit d’un jeu à part, un spin-off sexy d’un jeu de combat sexy. Comme le disait Karim Debbache dans Crossed, “tout dans la franchise Dead or Alive suinte la beauferie décomplexée. (...) Pour ce qui est de l'esthétique, de l'imagerie qui s'en dégage, c'est un jeu qui est célèbre pour l'animation des nichons de ses personnages. Ce qui d'ailleurs m'a toujours surpris car un jeu aussi racoleur, souvent, ça veut dire qu'il est pourri et qu'il a que ça à offrir, alors que là pas du tout”.

Nous avons récemment pu demander à Ed Fries, Vice-Président du gaming chez Microsoft à l’époque du lancement de la première Xbox, ce qui lui évoque DoA X 20 ans après. “Il était relativement facile d'obtenir la mention réservé aux adultes auprès de l’ESRB si vous vous attaquiez à ce genre de choses” répond-il. “S’il avait terminé dans cette catégorie, il n’aurait pas été distribué en magasin, et à cette époque, être dans une boutique était important puisqu’il n’y avait pas de distribution numérique sur Xbox. Il fallait donc être prudent. Mais c'était définitivement un jeu qui repoussait les limites” déclare-t-il.

Nous avons également pu demander à Ina Gelbert, directrice de Xbox France, ce que lui évoque ce spin-off polémique. “On est dans un marché culturel, comme le cinéma, la musique, et d’autres supports. On se doit donc d’avoir un catalogue assez large. Mais selon moi, il ne s’agissait pas de filles sexy, mais de filles caricaturales. Personnellement je ne me sens pas représentée dans un jeu comme ça. Je ne pense pas être la seule” nous explique-t-elle. Avant de conclure : “est-ce que ce jeu doit exister sur Xbox ? Pour moi c’est le choix du joueur de pouvoir retrouver ce type de jeu. On a le système PEGI qui est mis en place pour faire en sorte de pouvoir bien orienter un jeu en fonction du public auquel il s’adresse. Est-ce qu’aujourd’hui nous utiliserions ce genre de jeu pour communiquer sur Xbox ? Je ne pense pas”.