Le feuilleton Activision/Microsoft continue. Alors que la firme américaine attend les futures décisions des régulateurs britanniques et européens, de nouveaux rapports affirment que la Federal Trade Commission (FTC) aurait précipité sa décision d’engager une procédure visant à bloquer le rachat afin d’influencer les autres agences. Mais à quelles fins ?
Sommaire
- Une décision forte pour donner le cap
- La politique s’invite à la fête
Une décision forte pour donner le cap
C’est un fait, l’union annoncée de l’un des plus gros éditeurs de jeux vidéo à l’une des entreprises les plus riches du monde fait des vagues. Plus d’un an après l’annonce formulée par Phil Spencer de son souhait d’acquérir Activision Blizzard King pour 69 milliards de dollars, les doutes quant à la finalisation de ce rachat sont toujours présents. Les trois principales instances régulatrices scrutent le deal afin de savoir si oui ou non il est une menace pour la concurrence. Tout du moins, officiellement.
D’après un article de Bloomberg s’appuyant sur des sources confidentielles, la FTC aurait décidé de bloquer l’acquisition le 8 décembre 2022 “en partie pour devancer ses homologues européens et les dissuader d’accepter un accord autorisant la transaction” peut-on lire. La journaliste Leah Nylen, spécialisée dans tous les sujets gravitant autour de droit de la concurrence, ajoute que la FTC aurait déposé sa plainte contestant la fusion “quelques heures seulement après un appel entre des responsables américains et européens au sujet de leurs enquêtes”. Au cours de cet entretien, la Commission européenne aurait indiqué son intention “d’entamer des discussions avec Microsoft au sujet d’éventuelles mesures correctives”. Interrogé par Bloomberg, Barry Nigro, responsable antitrust de Fried Frank Harris Shriver & Jacobson LLP, estime que par cette action, la FTC a voulu “prendre les devants sur les Européens dans le but de façonner le récit". En d’autres termes, le régulateur américain aurait cherché à prendre les devants pour influencer – insidieusement – les autres agences. La suite, nous la connaissons : en janvier 2023, la CMA a décidé de prolonger le délai de son enquête jusqu’au 26 avril 2023, tandis que d’après Reuters, la Commission européenne s’apprêterait à publier ses griefs à l’encontre du rapprochement. Elle a jusqu’au 11 avril pour émettre son avis.
La politique s’invite à la fête
Ces révélations de Bloomberg interviennent à un moment où Microsoft a cité Sony à comparaître dans le cadre du procès voulu par la FTC et où Jim Ryan aurait récemment rencontré la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, afin de discuter une nouvelle fois de ses inquiétudes envers cette union. En règle générale, les décisions d’interdiction sont rares puisque plus de 95 % des opérations sont autorisées par le régulateur européen. Néanmoins, ce rachat historique pourrait faire partie des exceptions.
Officiellement, les craintes de la FTC sont multiples à propos de la fusion entre Microsoft et Activision. L’instance régulatrice craint que le géant américain empêche de sortir des jeux Activision Blizzard sur d'autres consoles, comme elle l’a fait avec des softs Bethesda. Elle estime également que le Game Pass et le Cloud deviennent trop puissants si le deal se fait, et que la firme de Redmond dégrade volontairement les jeux Activision sur les autres consoles. Officieusement, les analystes estiment que la FTC se sert de l’affaire Activision/Microsoft non pas pour servir la juste concurrence, mais pour alimenter sa propre guerre contre les grosses compagnies technologiques. Dans un billet publié sur le Wall Street Journal, le journaliste Holman W. Jenkins, Jr. écrit : “Microsoft est une grande société technologique. Mme Khan a été nommée pour mettre en œuvre une répression des grandes sociétés technologiques”. “Son travail quotidien consiste à fournir au président (...) un argumentaire anti-big-tech” ajoute-t-il, avant de continuer : “la FTC a pris pour habitude de mentir pour avoir une affaire. Elle ment sur le secteur des jeux, elle ment sur les incitations de Microsoft. (...) Pendant ce temps, Sony, le leader incontesté du marché, garde les jeux importants en exclusivité sur sa PlayStation et n'a pas encore été poursuivi par la FTC”. Un avis défendu par l’analyste spécialisé dans le secteur technologique Ben Thompson qui indique dans un long article que l’effort du régulateur "pour inventer un crime est inquiétant".
À lire aussi :