Stratosphérique à l’échelle du jeu vidéo, la série GTA s’est véritablement démocratisée avec un troisième épisode resté dans les mémoires. Pourtant, avant d’atteindre ce chef d’œuvre de l’ère PlayStation 2, il a fallu que les développeurs de Rockstar s’appuient sur les expériences du passé. Et sans l’un des titres sortis sur Nintendo 64, il est probable que le GTA que l’on connaît n’aurait pas eu cette forme, voire n’aurait jamais existé.
C’est le site Eurogamer.net qui revient sur cette histoire très intéressante. Dans les années 1990, le studio qui prendra le nom de Rockstar North s’appelait DMA Design. À l’époque, il faut imaginer une toute petite compagnie avec des murs si fins que la chasse d’eau des toilettes les faisait trembler. Installé à Dundee en Écosse, DMA fut à l’origine des Lemmings ou du très bon Unirally sur Super Nintendo. Au moment de la transition entre cette console et la future Nintendo 64, l’entreprise a signé un accord pour la création de trois jeux. L’un d’entre eux est resté dans certaines mémoires, mais pas forcément pour de bonnes raisons...
Body Harvest, le prédécesseur de GTA ?
Au moment de la signature avec Nintendo, les développeurs de DMA Design sont ravis et se mettent à plancher sur un concept qui mêle l’univers ouvert de Grand Theft Auto (alors en préparation dans les locaux de l’entreprise) avec une ambiance de série B. Au milieu des années 1990, le GTA est certes en 3 dimensions, mais la vue est aérienne et le jeu n’a pas l’immersion qui sera celle des GTA en pleine 3D avec une focale à la troisième personne. Avec la Nintendo 64, console plus puissante qu’une PlayStation, DMA Design veut aller plus loin. Empreint des codes de films comme Danger Planétaire (1958), Des Monstres attaquent la Ville (1954) ou encore Plan 9 from Outer Space (1959), Body Harvest est un jeu ambitieux. Offrant une grande liberté, le gameplay permet de s’emparer de véhicules pour se déplacer pour aller accomplir différents objectifs placés sur la carte. En somme, le schéma classique des futurs open worlds.
Un jeu malmené entre l'Écosse et le Japon
Malheureusement, si le ton et les références (notamment Godzilla) ont probablement plu à Nintendo, le développement ne s’est pas déroulé comme prévu, la faute à des outils peu optimisés. L’éditeur nippon voulait également une composante RPG, ce qui a posé des soucis supplémentaires. Choisi pour être l’un des 13 titres de lancement de la Nintendo 64, Body Harvest s’est retrouvé dans une impasse et Nintendo a invité les développeurs du jeu (enfin, une partie) à Kyoto pour qu’elle travaille de concert avec ses employés. Après la déception du cadre (les Écossais pensaient découvrir un studio plein de couleurs alors que, dans les faits, Nintendo Japon ressemble plutôt… à un hôpital), les intéressés se sont mis au travail. Body Harvest a finalement évolué vers quelque chose de plus sobre, moins série B, et beaucoup moins mature que le concept initialement envisagé par le staff de DMA Design. Et surtout, il a souffert des différents sons de cloche provenant de Nintendo Japon et sa branche américaine. L’une voulait un scénario atténué et une aventure simplifiée, l’autre voulait un script plus complexe et détaillé !
Au final, après moult reports, Body Harvest est paru sur Nintendo 64 en octobre 1998, soit bien après le lancement de la console. Il n’a pas marqué positivement les esprits, mais toutes les expérimentations ont permis, ensuite, aux artistes de DMA Design, de s’imprégner de ce jeu et des difficultés rencontrées pour créer GTA III. Sans Body Harvest, il est probable que la série GTA n’aurait pas suivi cette direction car il a véritablement servi de « brouillon » à un futur grand hit. C’est juste qu’il était trop ambitieux par rapport à son époque.