Alors que l’avion se pose à l’aéroport de Los Angeles, l’inspecteur de police John McClane débarque avec tout son attirail : son sac, un gros nounours en peluche… et son inséparable Beretta 92F. Soucieux de se réconcilier avec son épouse, ce dernier se rend au Nakatomi Plaza et se retrouve, bien malgré lui, au beau milieu d’une prise d’otages. Le film, Piège de Cristal, deviendra culte et donnera naissance à une trilogie ancrée à jamais dans l’histoire du cinéma d’action. Motivée par le succès de sa franchise, la Fox profite de son antenne vidéoludique pour mettre en chantier une adaptation qui fera date : Die Hard Trilogy. Parue en 1996, cette œuvre a profondément marqué les esprits avec son concept « trois jeux en un » et sa réalisation spectaculaire. Pour éclaircir quelques zones d’ombre et découvrir les coulisses de ce titre emblématique de la génération 32-bits (PlayStation, Saturn), votre serviteur s’est entretenu avec son créateur, Simon Pick. Développeur britannique aux multiples facettes, il livre un témoignage passionnant d’une époque où l’insouciance et la passion pouvaient déplacer des montagnes. Yippee-ki-yay !
Natif de Londres, Simon Pick déménage à Whisby, une cité balnéaire du Yorkshire du Nord. Sur place, il devient un fidèle des deux salles d’arcade qui longe la promenade touristique et se captive pour les pixels de Space Invaders, Defender, Asteroids, Pac-Man ou encore Centipede. À l’orée des années 1980, cette découverte est une révélation pour le jeune Anglais. Adolescent, il reçoit un BBC Micro, un micro-ordinateur très populaire en Grande-Bretagne, et se plonge dans les méandres de la programmation en autodidacte. Il imagine un premier jeu au concept étonnant : une personne en fauteuil roulant doit éviter des obstacles pour s’échapper d’un hôpital. Lucas, l’ami de Simon, trouve l’expérience amusante et décide d’en parler à son cousin, propriétaire d’une usine de duplication de cassettes, qui s’apprête à lancer le label de jeux Visions Software Factory. Du haut de ses 16 ans, Simon Pick y voit une opportunité à ne pas rater !
J'avais un ami, Lucas, qui vivait à Londres. Il venait avec moi quand j'allais à Visions Software Factory. Ma mère travaillait à plein temps et ne pouvait pas prendre de jour de congés pour venir avec moi. Le voyage de Whitby à Londres prenait environ 4 heures, c'était donc un voyage assez important à entreprendre seul, mais j'étais motivé à l'idée de montrer mon jeu à un éditeur.
L’expérience sera moyennement concluante (selon l’intéressé, la démo n'était pas très belle et le concept jugé douteux), mais Simon Pick repart avec le manteau rempli de cassettes vierges. Une bénédiction à l’heure où la disquette est encore un support onéreux. Rentré à Whisby, le garçon se remet à ses lignes de code et peaufine son idée. Le fauteuil roulant devient une moto et le personnage se grime en cascadeur. La musique, le quatuor à cordes d’Haydn, est assurée… par la petite amie de Simon Pick. Édité par Visions Software Factory (qui a été séduit par les changements apportés à la première démo), Daredevil Denis sort en 1984 et propulse le jeune Britannique sur la scène vidéoludique.
Dans les années qui suivent, il profite de l’avènement du Commodore 64 pour réaliser une suite à Daredevil Denis et imagine un concept… encore plus barré ! Dans Mad Nurse, le joueur incarne une infirmière dans une maternité qui doit sauver des bébés qui se font la malle. Problème, si l’avatar n’y parvient pas, les bambins enfilent des médocs, s’électrocutent ou tombent dans la cage d’ascenseur. Après avoir reculé, l’éditeur Firebird accepte de le publier, mais des magasins refusent de vendre un tel titre.
J'avais un sens de l'humour légèrement décalé. La plupart des jeux qui m'entouraient semblaient très sérieux et n'abordaient pas vraiment la vie quotidienne - il s'agissait de tirer sur des extraterrestres ou de changer des formes en différentes couleurs. J'ai pensé qu'il serait amusant de créer des jeux vraiment stupides, plus proches de la réalité et contenant de l'humour. J'étais un enfant et je voulais faire quelque chose qui fasse rire mes amis !
Vous voyez la rivalité qui existe entre l’Atari ST et l’Amiga ? Eh bien, cette concurrence était aussi marquée entre le ZX Spectrum et le BBC Micro. Et qui de mieux que Simon Pick pour nous en parler ? Et ce dernier a choisi son camp.
Il y avait un certain sentiment de "nous" et "eux" entre les propriétaires de BBC Micro et de Spectrum. Chacun d'entre nous se concentrait sur les raisons pour lesquelles sa machine était meilleure que la leur. En tant qu'utilisateur de BBC Micro, je pensais, et je pense toujours, que c'était une machine de loin supérieure. Le Spectrum avait des capacités sonores limitées, et la façon dont les couleurs de l'écran fonctionnaient rendait difficile la production de jeux autres que ceux avec de simples objets unicolores. Sinclair s'est tenu à l'écart des lecteurs de disque, choisissant à la place le système de "micro-drive" qui était essentiellement une boucle de bande. Associé au clavier bon marché, le Spectrum ressemblait davantage à un jouet qu'à un ordinateur domestique viable.
Après avoir terminé ses études (il développait les jeux sur son temps libre), Simon Pick parvient à se professionnaliser et travaille sur les adaptations Commodore 64 de Nemesis, le shoot de Konami, et Shinobi, le jeu d’action de SEGA. Cela va le conduire jusqu’au CES de Chicago et surtout au siège de Nintendo of America pour obtenir le droit de travailler sur NES.
Mes souvenirs de la réunion sont vagues. Je me souviens être arrivé et avoir été immédiatement impressionné par la beauté du complexe. À l'époque, la plupart des entreprises de jeux vidéo étaient basées dans de vieux bâtiments délabrés. Nintendo avait manifestement beaucoup d'argent et voulait que tout le monde le sache ! Il y avait une grande statue de Mario à la réception, ce qui était très cool. La réunion elle-même était de haut standing - ma patronne de l'époque, Jane Cavanagh, a passé la réunion à dire à Nintendo que nous avions une équipe de développement formidable (ce qui était vrai).
En 1992, Simon Pick réalise Rodland sur NES pour le compte de The Sales Curves. Le titre, extrêmement rare, ne sortira qu’au Japon et en Espagne et sera diffusé à… 6 000 exemplaires. Son auteur, lui-même, ne le possède pas ! À l’époque, lors de la découverte de la Super Nintendo, il est conquis par cette nouvelle machine et se retrouver à travailler sur un film oublié : The Lawnmower Man, appelé chez nous Le Cobaye. Novateur pour l’époque, le long-métrage indépendant s’intéresse au monde de la réalité virtuelle, mais la critique ne sera pas tendre et le succès, relatif. Bien évidemment, au moment de travailler sur ce jeu, Simon Pick espère que le film et le jeu seront réussis et il donne tout pour exploiter au mieux les capacités de la nouvelle console de Nintendo. C’est alors qu’il reçoit un drôle de paquet…
UN MYSTÉRIEUX DOSSIER
En l’ouvrant, Simon Pick découvre un manuel technique destiné à un nouveau matériel. L’épais dossier vert est relié par des anneaux et surmonté d’un post-it « Cela pourrait être utile ». En feuilletant les pages, le programmeur comprend qu’il s’agit d’une extension CD-ROM à venir sur Super Nintendo. Il est totalement estomaqué par ce qu’il découvre ! On y parle d’un support de stockage CD affublé d’une technologie si puissante (processeur central 32-bits, processeur séparé pour le son…) qu’elle est capable de gérer l’affichage de polygones. Pour The Lawnmower Man, qui traite de réalité virtuelle, c’est une aubaine ! Pourtant, à mesure qu’il tourne les pages, Simon Pick est perplexe…
Outre le fait que c’était clairement assez puissant pour être une machine autonome – et non une simple extension – ce qui m’a troublé, c’est qu’à côté du cachet « CONFIDENTIEL » de Nintendo, on trouvait sur chaque page de nombreuses références à Sony. En lisant entre les lignes, j’ai compris que Nintendo avait engagé Sony pour concevoir une extension pour eux.
Se pourrait-il que Simon Pick ait découvert à l’époque un document hybride marquant l’évolution du CD-ROM de la Super Nintendo à la mise en place du projet PSX, future PlayStation ? C’est probable. Simon Pick tient néanmoins à souligner :
Mon principal souvenir de la documentation est le manque de professionnalisme dont elle faisait preuve. Il s'agissait de feuilles photocopiées, avec la mention "confidentiel" écrite dessus, qui étaient assemblées dans un classeur à anneaux vert. Je ne sais pas si les documents originaux sont arrivés sous forme numérique et ont été imprimés à mon intention, ou si c'est ainsi qu'ils sont arrivés de chez Nintendo. Le document contenait de nombreux diagrammes du matériel : schémas et tables de synchronisation, diagrammes étiquetés des entrées et sorties des broches de la puce en silicium, etc. Il comprenait également des détails sur les registres matériels de bas niveau. Dans cette première itération, les ingénieurs de Sony n'avaient pas encore créé le système d'exploitation avec lequel la PSX était livrée.
À l’époque, il est donc toujours question d’un add-on à destination de la Super Nintendo (cela ne va pas durer). The Lawnmower Man, quant à lui, ne sera pas un échec cuisant, mais c’est un jeu très difficile basé sur une œuvre qui va disparaître dans les limbes du cinéma avant-gardiste.
D’UN JEU TÉLÉVISÉ À DIE HARD
En 1993, Simon Pick reçoit une proposition difficile à refuser. Quelques temps auparavant, il avait visité le studio Probe Software de Fergus McGovern et on lui offrait maintenant l’opportunité de rejoindre la compagnie pour travailler sur l’adaptation d’un futur jeu télévisé : Scavengers. Le support ? Une nouvelle console top secrète ! Déçu par The Lawnmower Man et la direction prise par son ancienne maison (The Sales Curves se tournait de plus en plus vers les jeux en images de synthèse sur CD-ROM), il répond favorablement et comprend qu’il doit plancher sur un jeu télévisé reprenant un peu le concept de… Fort Boyard. En Angleterre, son équivalent The Crystal Maze est un véritable succès populaire.
À peine a-t-il signé son contrat que son hôte l’emmène dans une petite pièce. L’endroit, exigu, ne comporte qu’un bureau avec deux ordinateurs et deux moniteurs. Fergus McGovern lui lance alors :
C’est la nouvelle machine de Sony, la PSX.
Excité à l’idée de se frotter aux entrailles de la nouvelle console, Simon Pick se voit déjà profiter d’une technologie aux multiples ouvertures. C’est alors que Fergus lui tend un dossier…
Mon cerveau a vrillé ! Il s’agissait du même manuel technique que j’avais découvert pendant le développement de The Lawnmower Man ! Mais cette fois-ci, toute trace de Nintendo avait disparu ! Sony avait apparemment décidé que son extension était trop puissante pour être donné à une tierce partie et avait l’intention de le sortir comme un produit-maison.
Il poursuit :
Au moment où il est devenu le manuel de la PSX, il était correctement relié et avait l'air beaucoup plus professionnel, et il était maintenant accompagné de détails sur le système d'exploitation qui prenait en charge toutes les fonctionnalités du matériel.
À l’époque, le projet est top secret et cette unique pièce est le seul endroit pour faire connaissance avec la technologie imaginée par Sony. Avec Fergus McGovern, Simon Pick est la seule personne à pouvoir y entrer. S’il mesure la confiance qu’on lui témoigne, il sait également qu’il n’a pas le droit à l’erreur.
J'ai commencé dans cette pièce, tout seul. Le PSX était top secret pendant les premiers mois, je devais donc faire attention à ce que personne ne voie ce sur quoi je travaillais.
Un jour, Fergus McGovern débarque et explique à Simon que la chaîne ITV a annulé le jeu télévisé (en réalité, le programme existera mais sera vite abandonné, faute d'audience) et que le projet tombe à l’eau. Après un mois à potasser les entrailles de la future PlayStation (même si ce ne sont que deux ordinateurs à l’époque), c’est un coup dur ! Mais McGovern, qui est un redoutable homme d’affaires (Probe Software fut l’un des tous premiers et rares studios à disposer d’un kit PSX), a une autre proposition :
Écoute, il y a sans doute une autre opportunité. 20th Century Fox lance une nouvelle division d’édition de jeux, Fox Interactive. Ils veulent sortir des jeux basés sur leurs films, en commençant par Die Hard. Est-ce que ça t’intéresse ?
En un instant, Simon Pick est revigoré !
J'ai été un peu ennuyé au début, car j'avais déjà quelques idées de conception que j'avais hâte d'essayer, mais l'ampleur potentielle du projet Die Hard compensait largement. À cette époque, les adaptations de films en jeux vidéo avaient la réputation d'être horribles (en fait, j'étais responsable d'une de ces adaptations, The Lawnmower Man), et je n'avais donc aucune idée du succès que le jeu final allait rencontrer. J'ai supposé que nous ferions quelque chose ensemble et qu'il se vendrait uniquement grâce au nom du film, avant de sombrer dans l'obscurité.
Y voyant une formidable opportunité de travailler sur une licence qu’il a adore, l’intéressé accepte immédiatement. Seule personne sur le projet, il est nommé concepteur et programmeur principal. En parallèle, son acolyte, Greg Michael, celui qui lui a permis de rejoindre Probe Software, prend les commandes d’Alien Trilogy.
J'ai connu Greg Michael du temps où je travaillais à The Sales Curve. Il n'avait aucune expérience des graphismes en 3D et, si je me souviens bien, n'avait pas étudié les mathématiques supérieures à l'école. J'avais découvert une grande partie des mathématiques nécessaires à la conception d'un jeu en travaillant sur The Lawnmower Man, et j'étais donc plus à même de me lancer dans la création d'un moteur de jeu. Au final, Greg a repris mon travail et l'a utilisé comme base pour Alien Trilogy. En revanche, au moment où Greg travaillait sur son projet suivant, Descent, il avait tout compris et avait écrit un moteur vraiment génial qui allait bien plus loin que mon code pour Die Hard. En dehors du moteur commun, nous ne partagions aucun autre code. Les deux jeux étaient très différents.
Lors des premières discussions entre les deux hommes, une question revient sans arrêt ? Comment aborder l’aspect « trilogique » de ces jeux ? Il prend alors une décision qui va bouleverser ses prochaines années.
Avant Die Hard, j'avais toujours poussé mes jeux plus loin que ce qui était demandé. Ma conversion arcade de Rodland a introduit de nouveaux boss de fin de niveau, et The Lawnmower Man était bourré de variété et d'idées folles. Je pense que j'ai toujours voulu repousser les limites - j'avais la réputation d'être un programmeur rapide et cela me semblait raisonnable de créer trois jeux. Après tout, les trois films Die Hard sont tous différents les uns des autres et je ne suis même pas sûr qu'il aurait été possible de concevoir un jeu unifié qui tienne compte des différences entre les sources.
Nous sommes à la toute fin de l’année 1993. La PSX, future PlayStation, ne sera pas là avant une bonne année et Probe Software donne son approbation à la nouvelle entité, Fox Interactive, pour créer une adaptation ambitieuse : Die Hard Trilogy. Le concept est simple : un jeu trois-en-un pour rendre hommage à la trilogie ! Le défi est colossal. Simon Pick est tout seul et la montagne qu’il s’apprête à gravir est quasi insurmontable.
ENTRE TRADITION ET MODERNISME
Sans se douter de la difficulté qui l’attend, Simon Pick élabore alors un document détaillant chaque pan du futur jeu. Dans le premier film, Die Hard (Piège de Cristal chez nous), John McClane se retrouve au cœur d’une prise d’otages au Nakatomi Plazza. Il pense alors à un titre de sa jeunesse : Robotron : 2084 !
J'ai toujours aimé Robotron. La dynamique de Die Hard - un homme coincé dans un bâtiment et combattant de nombreux ennemis - semblait être une bonne occasion de créer une version de ce jeu. Greg Modern, qui était nouveau dans le secteur, était le principal codeur de ce projet sous ma direction. Il utilisait le moteur de jeu que j'avais conçu, le même que celui utilisé par Alien Trilogy.
Die Harder, 58 minutes pour vivre en VF, repose quant à lui sur un jeu de tir qui s’apprête à faire fureur dans les salles d’arcade : Virtua Cop de SEGA !
J'ai joué à Virtua Cop lors d'un salon professionnel et j'ai trouvé ça complètement génial. Quand j'ai réalisé que nous pouvions faire en sorte que cela fonctionne pour Die Harder, j'ai sauté sur l'occasion.
Pour terminer, Die Hard with a Vengeance, que l’on connaît sous le nom Une Journée en Enfer, prend les contours d’un jeu de course.
Le premier prototype du troisième jeu a été réalisé de manière très traditionnelle. Ridge Racer était le premier jeu de conduite sur Playstation et il n'était pas encore sorti. Nous avions vu les premières démos et nous avions été très impressionnés par son aspect. Il était tout naturel pour nous d'élaborer un jeu de conduite de la même manière - nous avons demandé aux modélistes de créer un environnement dans lequel les joueurs pourraient faire la course. Au début, nous pensions encore que cette section consisterait en un seul parcours à travers la ville.
C’est avec ces trois idées en tête que le projet débute. Seul maître à bord, Simon Pick prend en charge les divers recrutements et fait appel à d’anciens collaborateurs. Parmi ceux-ci se trouve Dennis Gustafsson, un artiste ayant travaillé sur la conversion Mega Drive de The Lawnmower Man et à l’origine de Troddlers, un jeu d'action/stratégie super mignon. Ce dernier est accompagné de John Croudy et Ronald Pieket Weeserik (ce dernier prend en charge la conversion Saturn du jeu), deux spécialistes de l’Atari ST et de l’Amiga, ainsi que Greg Modern, un nouvel entrant dans l’industrie du jeu vidéo.
DIE HARD ? UN PIÈGE DE CRISTAL
Sous la supervision de Simon Pick, qui a une vue globale de l’ensemble du jeu, Greg Modern est associé à Dennis Gustafsson pour réaliser la première section de Die Hard Trilogy. La seule directive de Simon consiste à dire : « Je pense qu’on devrait faire une sorte de Robotron. » L’idée est alors de moderniser la formule du titre de 1982 en plaçant le joueur au cœur d’un shoot en vue à la troisième personne. Pas si simple. Bien que puissante sur le papier, la PlayStation se met à ramer violemment dès que l’écran affiche une vingtaine de personnages. Après une discussion avec Greg Michael, qui a choisi d’utiliser des modèles 2D pour Alien Trilogy, Simon Pick décide d’en faire de même. Ce qui va conduire à l’une des « private jokes » du staff : les hommes « boulettes de viande » ! Ces « saucisses » ambulantes et aux poses parfois improbables seront affublées du visage de chaque membre de l’équipe pour apporter de la crédibilité.
Les personnages dans Die Hard sont juste affreux ! J'ai encore du mal à regarder les vidéos du jeu. À l'époque, j'avais trouvé un moyen archaïque de créer des personnages avec peu de polygones, mais nous n'avions pas assez de recul pour repenser le concept. Pour obtenir des visages plus réalistes, nous avons décidé d'utiliser des photos de l'équipe, chaque personne ayant fait 8 photos différentes, prises sous différents angles. La seule raison pour laquelle nous avons utilisé l'équipe était purement pratique - en conséquence, le nombre de femmes dans le jeu était très limité, puisque nous n'avions que deux femmes dans une équipe de développement qui a fini par compter plus de 20 personnes. Nous avons utilisé les photos de l'équipe pour le générique de fin. C'était bien de pouvoir montrer tout le monde, plutôt que de faire défiler une liste de noms.
Bien que Probe Software ait obtenu la licence Die Hard, le staff se retrouve face à un sacré obstacle. Simon Pick se souvient d’une drôle de situation…
Fergus a rencontré Bruce Willis, il était fier de nous le dire, mais nous n'avions pas le droit d'utiliser son image pour le jeu. À la place, nous avons utilisé Dennis, le directeur artistique du projet, pour être Bruce Willis. Il était assez semblable (enfin, il avait le crâne rasé) et personne n'a semblé s'inquiéter outre mesure du fait que ce n'était pas Bruce Willis dans le jeu.
Vous l’aurez compris, ils ont pris le collègue qui ressemblait le plus à l’acteur hollywoodien et ils l’ont collé dans le jeu ! Le Système D, ça fonctionne toujours !
Alors que l’équipe s’agrandit pour tenir les délais, Simon Pick s'aperçoit que la première partie du jeu, Die Hard, est celle qui réclame le plus d’animations. Bruce Willis, ou son pendant numérique, doit être capable de marcher, courir, se planquer, lancer des grenades, tomber… et le jeune créateur se dit que l’animation manuelle risque de poser des problèmes. Il va alors voir le directeur du studio, Fergus McGovern, afin de louer un studio de capture de mouvements. Et là, le choc…
Fergus a dit « Non », il ne voulait pas louer un studio quelques jours – il voulait carrément créer son propre studio ! Notre jeu ne serait pas le seul à bénéficier de la capture de mouvements, il était donc logique d’investir. Cela me semblait un peu excessif à l’époque, mais je n’allais pas me plaindre si cela signifiait que puissions obtenir l’animation nécessaire pour notre jeu.
À l’époque, Fergus McGovern cherche à vendre Probe Software à l’éditeur Acclaim et dépense sans compter pour donner de la valeur à son entreprise. Quelques semaines après la demande de Simon Pick, une partie du staff de Die Hard Trilogy se retrouve dans un grand espace en compagnie de Neil Naguire, un comédien professionnel – qui se retrouve couvert de balles de ping-pong.
À partir de cette installation, nous avons obtenu une grande quantité de données de capture de mouvements, mais ce n’était pas si génial. L’industrie a mûri et nous réalisons maintenant que les données brutes sont difficilement utilisables directement – elles ont besoin d’un animateur pour gommer les imperfections et les artefacts bizarres. À l’époque, n’ayant aucun recul par rapport à cette nouvelle technologie, je me suis contenté d’utiliser les données brutes, ce qui a donné un caractère encore plus étrange à nos personnages, qui se sont mis à tressaillir ou à trembler.
Quelques mois après le début du développement de Die Hard Trilogy, Simon Pick assiste à la présentation de la PlayStation à Londres. L’évènement dédié aux journalistes a lieu dans un prestigieux hôtel du centre de la capitale anglaise. Phil Harrison, directeur de Sony Europe, dévoile la tête du T-Rex en 3D (qui sera optimisée pour devenir la célèbre vitrine technologique du premier CD de démo de la console) et révèle le look définitif de la machine. Peu convaincu par ce design, Simon Pick lance : « Pourquoi est-ce si moche ? Est-ce vraiment le design final ? » sous le regard horrifié de Fergus McGovern, à ses côtés, qui préfère se planquer dans son siège. Harrison s’en amuse puis passe rapidement à autre chose. L’incident ne fera pas de vagues, mais avouez que c’est cocasse !
Petit à petit, la première section du jeu, Die Hard, prend forme et le résultat est plutôt satisfaisant. Il y a toutefois un détail visuel qui chagrine Simon et ses partenaires. Dans l’environnement étroit arpenté par McClane, la caméra a tendance à être gênée continuellement par les éléments du décor. Dans un premier temps, Simon Pick cherche un moyen pour faire disparaître les murs lorsque le joueur s'en approche, mais le rendu n’est pas optimal. Il décide alors de se pencher sur la notion de transparence pour que l’impression visuelle soit plus agréable pour le joueur.
Si l'on était trop près du joueur, on ne pouvait voir que les ennemis qui se trouvaient directement en face de nous, et si l'on était trop loin du joueur, les murs faisaient obstacle. La Playstation ne supportait que la transparence additive et soustractive, et vous ne pouviez pas spécifier "l'alpha". L'alpha est très courant sur les machines modernes et spécifie le degré de transparence d'un élément. Si j'avais pu faire apparaître et disparaître les murs en utilisant l'alpha, mon travail aurait été beaucoup plus facile ! Je pense que le fait que ce soit difficile à faire sur la Playstation a fait de cet effet un élément marquant de la machine, car les autres jeux ne le faisaient pas. J'ai réussi à le faire fonctionner en combinant l'utilisation de la transparence "soustractive" pour créer un trou dans le mur que j'enlevais, puis en remplissant à moitié le trou avec de la transparence "additive". C'était compliqué et cela signifiait que la scène devait être rendue deux fois, mais l'effet a rendu le jeu viable.
Grâce à cette notion de transparence additive et soustractive, Die Hard offre un rendu impressionnant pour l’époque et il a l’avantage d’être très fluide, là où l’utilisation d’une technique de transparence « standard » aurait sérieusement ralenti le jeu. L’effet était remarquable et les critiques n’ont pas manqué de le souligner. C’est ainsi que le premier pan du jeu, Die Hard, a vu le jour. Sur plus d’une vingtaine de niveaux, John McClane visite le Nakatomi Plaza tout en éliminant les ennemis et délivrant les otages. Chaque stage se termine par le désamorçage d’une bombe qu’il faut retrouver avant que celle-ci n’explose. Une sorte de Robotron revu et corrigé en mille fois plus nerveux !
DIE HARDER : 58 SEMAINES POUR SURVIVRE ?
Alors que Greg Modern s’affaire sur Die Hard, Simon Pick se concentre sur les deux autres sections du jeu. Dans Die Harder, 58 minutes pour vivre, McClane doit défier une bande de terroristes qui ont pris le contrôle de l’aéroport international de Washington-Dulles. Pour retranscrire la tension du film, Simon Pick a jugé bon de s’inspirer de Virtua Cop. Il adorait tellement ce jeu qu’il en a parlé en long, large et travers, si bien qu’à la moitié du développement, l’intéressé a vu débarquer un sacré cadeau !
20th Century Fox, les éditeurs de la trilogie Die Hard, savaient que j'aimais Virtua Cop - le jeu d'arcade dont Die Harder est inspiré. Un jour, en arrivant au bureau, j'ai trouvé une borne d'arcade Virtua Cop dans le couloir... La Fox nous avait acheté une machine à des fins de "recherche". Nous y avons tous beaucoup joué et nous étions très heureux.
En reprenant tous les codes du jeu de SEGA, Simon Pick travaille néanmoins avec son équipe pour que cette section de Die Hard Trilogy affiche une identité qui lui est propre.
J'ai joué à Virtua Cop lors d'un salon professionnel et j'ai trouvé ça complètement génial. Quand j'ai réalisé que cela pouvait fonctionner pour Die Harder, j'ai sauté sur l'occasion. La majorité des arrière-plans interactifs ont été réalisés à l'aide d'un simple système de remplacement de texture. Pour chaque texture du jeu, l'artiste 2D (Paul Helman) a produit une version propre de la texture et une version cassée. Chaque fois que le code détectait que le joueur avait tiré sur une texture propre, je générais 4 triangles qui tombaient et remplaçaient la texture par la version cassée. Cela donnait l'impression que le joueur révélait ce qui se trouvait sous la surface, alors qu'en fait ce n'était pas plus compliqué qu'un échange de texture. J'avais déjà écrit le code du bris de glace pour Die Hard - c'est un élément important du film, que nous devions intégrer - j'ai donc simplement réutilisé le code pour briser les vitres de l'aéroport. Une grande partie du mérite revient à Matt Nagy, qui était le concepteur de niveaux et le mappeur. Il a utilisé un logiciel vraiment ignoble (que j'ai créé !) pour tracer les chemins des ennemis, les boîtes de déclenchement et les autres éléments nécessaires à la création d'un niveau. Le jeu a été livré avec l'éditeur de niveaux toujours dans le code, il y a des modes de triche pour le révéler - donc n'importe qui qui s'imagine être un développeur de jeux peut remodeler tous les niveaux de Die Harder !
Dans Die Harder, le joueur se retrouve aux commandes d’un shoot en vue interactive. Le déplacement est automatique (sur rails) et il suffit simplement de se concentrer sur les ennemis et les éléments du décor pour performer. La conception de cette partie de Die Hard Trilogy n’a toutefois pas été simple car la manette ne comportait aucun stick analogique et il n’y avait aucun pistolet électronique destiné à la PlayStation. Il fallait donc que l’ensemble soit jouable à la croix directionnelle. Et pour couronner le tout, l’équipe n’avait, à cette époque, que 2 kits de développement.
Matt Nagy, qui était le concepteur des niveaux, a ainsi dû utiliser un procédé complètement fou pour créer chacun des niveaux ! Pour travailler, il utilisait une PlayStation débuguée (de couleur bleue, elle était destinée aux développeurs et lisait les CD gravés) et chacune des mises à jour de niveau était sauvegardée… sur une carte mémoire PlayStation. Le processus était lent, compliqué et Matt s’est retrouvé avec une montagne de cartes mémoire. C’est pourtant ce travail qui a permis à Die Harder de devenir l’une des sections les plus folles du jeu. Tout est interactif, l’ambiance est dingue et les niveaux sont aussi agréables que spectaculaires ! D’ailleurs, beaucoup n’ont jamais oublié la musique du jeu signée Steve Root et Neil Palmer, à commencer par celle du premier niveau de l’aéroport. Mais elle est loin d’être la seule !
Steve Root a produit la musique du jeu. C'est un musicien incroyablement talentueux, nous parlions du type d'atmosphère que nous voulions créer et Steve disparaissait pendant un jour ou deux pour revenir avec exactement ce qu'il fallait. La PlayStation était la première machine que j'utilisais qui pouvait diffuser un son de haute qualité à partir du disque du jeu. Tous mes jeux précédents comportaient la musique standard des jeux vidéo générée par la puce sonore du matériel. C'était génial de pouvoir intégrer de la vraie musique dans un jeu - Steve avait beaucoup d'amis musiciens, alors nous avions de vraies batteries et de vraies guitares sur certains morceaux, ce qui les rendait très différents de la musique habituelle des jeux vidéo.
En se focalisant sur le rythme, Matt Nagy a donné beaucoup d’envergure à l’adaptation vidéoludique de Die Harder. Les civils se déplacent devant les ennemis, les méchants surgissent d’endroits inattendus, les mouvements de caméra sont impressionnants… on en redemande ! Simon Pick va finalement apporter la touche ultime en rendant compatible cette section avec le Scorpion, l’un des premiers pistolets électroniques de la PlayStation. Encore à ce jour, il est considéré comme l’un des meilleurs jeux du genre.
DIE HARD WITH A VENGEANCE : EN VIRÉE À NEW YORK
Pour la troisième et dernière section, Probe Software mise sur un jeu de course contre-la-montre. Pour débuter, le staff dispose du script du film… et c’est à peu près tout. Sans trop savoir où ils vont, les développeurs imaginent un monde assez ouvert avec un système d’échange de véhicules. Quai, égouts, collecteurs d’eaux pluviales façon Terminator 2… rien n’est laissé au hasard ! Peu à peu, l’univers en 3D se dessine à l’aide d’experts en stations Silicon Graphics. Mais le prototype n’est pas viable, le sentiment d’urgence ne fonctionne pas et ça ne ressemble pas à New York (les collecteurs d’eaux pluviales sont surtout présents à Los Angeles). Alors que les sections de Die Hard et Die Harder reçoivent des éloges du producteur de la Fox, Die Hard with a Vengeance laisse indifférent. L’équipe décide de reprendre le concept…
Il est apparu très tôt que la réalisation de pistes numériques de la taille et du niveau de détail dont nous avions besoin était impossible. Cela prendrait beaucoup trop de temps aux modélisateurs 3D, et ils ne tiendraient pas dans la mémoire de la Playstation sans investir dans un système de streaming complexe. Mon expérience antérieure dans l'écriture de jeux de plates-formes à défilement sur des consoles 2D m'avait habitué à considérer les arrière-plans de jeux comme étant construits à partir de tuiles - c'est ainsi que fonctionnent les jeux de plates-formes. Nous avons réalisé que nous pouvions appliquer la même technique au monde en 3D. Nous nous sommes retrouvés avec 20 ou 30 petites sections de rues qui pouvaient être assemblées, comme un puzzle géant, pour créer de grands environnements urbains.
Il poursuit :
Ainsi, les modélisateurs 3D pouvaient se concentrer sur l'aspect des arrière-plans, tandis que le concepteur de niveaux pouvait se consacrer à la construction de rues de ville qui se prêtent bien au jeu. Avec le système que j'ai mis au point, il était possible de créer une ville de n'importe quelle taille sans avoir à se soucier des problèmes de mémoire. Notre directeur artistique, Dennis Gustafsson, s'est rendu à New York et en est revenu avec des centaines de photographies de référence. Nous avons sélectionné des portes, des fenêtres, des briques, etc. à partir de ces photos et réduit la palette de couleurs à 16 couleurs par texture pour améliorer la vitesse de rendu et l'utilisation de la mémoire. Ces textures ont constitué la base de toutes celles que nous avons utilisées dans le jeu. Elles ne sont pas photoréalistes, mais nous espérons qu'elles donnent au jeu une bonne idée des rues réelles de New York.
Tout en s’appuyant sur le premier prototype, le staff parvient à donner vie à un New York crédible dans lequel le temps joue contre nous et il faut se dépêcher pour désamorcer les bombes situées à différents points névralgiques. Il serait trop long pour expliquer l’intégralité des prouesses accomplies sur cette section, mais l’ingéniosité des développeurs est proprement hallucinante. Pour Simon, cette réalisation fut, de loin, la plus difficile de tout le jeu.
Die Harder a présenté le plus de défis techniques. Il n'était pas facile de créer une grande ville avec une grande distance de dessin. J'ai également eu du mal, au début, à faire en sorte qu'une voiture se positionne correctement sur une surface non plane. J'ai développé les trois jeux en même temps, passant d'un jeu à l'autre au jour le jour. Ainsi, toutes les autres difficultés se sont estompées entre les jeux. Le principal problème que nous avons rencontré était d'essayer de livrer beaucoup trop de choses en trop peu de temps. Toute l'équipe a travaillé très dur et nous nous sommes tous terriblement épuisés.
Alors que le développement de Die Hard with a Vengeance se poursuit, Simon Pick et ses collègues intègrent des piétons pour apporter de la densité et un sentiment de vie à la ville. Beaucoup s’amusent à rouler sur ces individus (qui rappelons-le, ne sont que des « saucisses » sur pattes pour les développeurs), si bien que Simon ajoute une détection de collision. Un jour, le producteur de la Fox se pointe pour vérifier l’avancée du projet. Alors qu’il essaye la section automobile du jeu, il s’écrit : « Heyy, c’est dommage qu’il n’y ait pas d’autres effets visuels pour pimenter ça… comme du sang sur le pare-brise ou autre chose. » Quelques heures plus tard, l’hémoglobine virtuelle était apparue sur les pares-brises du jeu. Un détail qui fera beaucoup parler à l'époque...
Les mois s’enchaînent, les nuits sont courtes, mais l’équipe ne lâche rien. En parallèle de la version PlayStation, des développeurs s’attèlent aux adaptations PC et Saturn. La machine de SEGA est réputée pour sa rudesse de programmation, mais Ronald Pieket Weeserik fait fort en ajoutant un élément visuel inédit ! Dans la section Die Hard with a Vengeance, des effets de lumière illuminent les façades des bâtiments (explosions, gyrophares…) ! Cet effet, par manque de temps, ne sera pas ajouté à la version PlayStation.
UN DÉVELOPPEMENT HARASSANT
Die Hard Trilogy est sorti à la fin de l’année 1996. Fruit de 18 mois de développement, le titre fut synonyme de beaucoup de tension et de stress pour Simon Pick. En choisissant de créer un gameplay par film, il ne s’attendait pas à un tel parcours du combattant. Le crunch, même s’il ne portait pas ce nom à l’époque, était bien réel… Les heures interminables et les semaines de 6 jours des derniers mois de travail ont eu un impact sur la santé et le bien-être de l’équipe.
Rétrospectivement, cela s'est avéré être une lutte acharnée. Un jeu en 3D, sur un nouveau système, demandait exponentiellement plus de travail et de ressources que tous mes jeux en 2D précédents. Tous mes jeux précédents avaient été développés par deux personnes, moi et un artiste, et avaient pris 6 à 9 mois chacun. Die hard a nécessité près de 20 personnes et a pris près de 2 ans. La différence d'échelle était totalement inattendue.
Il détaille :
Mes principaux souvenirs de Probe sont de longues heures et beaucoup de stress. Le fait que le jeu ait été un succès compense largement la douleur que nous avons tous éprouvée, mais ce n'est pas quelque chose que j'aimerais revivre. Probe Software a mis le pied à l'étrier à de nombreuses personnes dans l'industrie, en donnant une chance à des jeunes enthousiastes qui sortaient de l'école et en permettant à des développeurs plus expérimentés, comme moi, de créer ce qu'ils voulaient. À l'époque des premiers jeux en 3D, aucun d'entre nous ne savait vraiment ce qu'il faisait, mais nous parvenions tant bien que mal à nous en sortir et à produire quelque chose avec ce que nous avions à disposition. Je suis heureux d'avoir Die Hard Trilogy sur mon CV, mais j'aurais aimé que l'expérience soit plus facile !
Pour mener à bien ce projet incroyable, Simon Pick a dû retourner voir à plusieurs reprises Fergus McGovern, le fondateur de Probe, pour lui demander des enveloppes supplémentaires pour embaucher. Quand il ne s’agissait pas de demandes pour obtenir du temps ! Ils ont tous fini sur les rotules, mais ils ont pu apprécier les critiques dithyrambiques qui tombaient un peu partout dans le monde. Die Hard Trilogy, en plus d’être l’un des meilleurs jeux de l’année 1996, avait pour lui un concept « trois-en-un » totalement novateur et surtout fidèle à la franchise cinématographique ! C’était souvent de l’artisanat, mais les développeurs ont toujours trouvé une solution !
Le jeu partageait beaucoup de code commun - comme le code pour lire les manettes de jeu, sauvegarder l'état du jeu, les effets sonores, l'interface, etc. Les moteurs divergeaient un peu - Die Hard un et deux avaient le plus en commun, Die Hard reprenant le moteur de Die Hard et ajoutant le rendu des murs transparents. Le moteur de Die Hard With A Vengeance était presque entièrement différent - nécessitant une longue distance d'affichage dans un monde ouvert. Les (affreux) personnages étaient communs aux trois jeux. La seule raison pour laquelle il y a des gens sur les trottoirs dans la troisième partie est que nous avions le code et l'animation des autres jeux - si j'avais dû écrire tout cela à partir de zéro, je ne me serais pas soucié des piétons.
Une fois sorti de ce tourbillon, Simon Pick a pris des vacances bien méritées avec sa petite amie Amanda. Chicago, Seattle, le Canada, la côte ouest des États-Unis… un road trip inoubliable ! Die Hard Trilogy, quant à lui, s’est très bien vendu, au point de surpasser Alien Trilogy… pourtant développé par des cadors. Entre temps, Simon Pick a découvert que son projet Die Hard était surnommé « Try Hard » en interne.
Nous avions l'impression qu'Alien Trilogy était davantage soutenu par Probe, la société de développement pour laquelle nous travaillions tous. Ils avaient l'air d'avoir une plus grande équipe, et les gens qui en faisaient partie semblaient avoir plus d'expérience. Nous avions quelques vétérans de l'industrie, moi et Dennis, par exemple, dans l'équipe de Die Hard, mais la majeure partie de l'équipe était nouvelle dans l'industrie. Nous nous sommes retrouvés avec une équipe avec des personnes vraiment formidables, mais c'était plus de la chance que de la planification. Nous avons eu brièvement dans l'équipe un artiste qui n'avait jamais utilisé de logiciel de création sur un ordinateur et qui ne savait même pas se servir d'une souris - cela aurait été drôle si nous n'avions pas eu un délai très court ! Nous avons découvert par la suite que le propriétaire de Probe, Fergus McGovern, avait l'intention de vendre la société à Acclaim, les éditeurs d'Alien Trilogy - ce qui explique probablement l'asymétrie perçue dans la façon dont nous avons été traités.
Il dresse un parallèle avec l’époque actuelle :
Lorsque j'ai commencé à travailler dans le secteur, chaque jeu était unique. Si l'on repense aux jeux d'arcade classiques - Defender, Pac Man, Space Invaders, etc. - ils étaient tous très différents. De nos jours, tout semble très orienté vers un genre particulier. C'est comme si le département marketing regardait le jeu le plus vendu du moment et disait "faisons-en un autre". Il est souvent impossible de dire quel jeu est quel autre en regardant simplement une capture d'écran. Les jeux de conduite et les FPS se ressemblent tellement les uns les autres. Les jeux les plus intéressants semblent apparaître sur les téléphones - de petites équipes de développement, voire des individus, proposent de nouvelles idées et les publient sans se soucier des franchises et des liens de propriété intellectuelle. L'industrie des jeux vidéo a beaucoup de points communs avec Hollywood et l'industrie de la musique : quelques grands acteurs investissent des sommes colossales dans des idées familières, laissant derrière eux un groupe de créatifs frustrés, incapables de concrétiser leurs visions originales.
Après le long épisode Die Hard Trilogy, Simon Pick a décliné l’offre de contrat à temps plein de Probe Software, désormais sous la direction d’Acclaim. Il a fondé son propre studio : PicturesHouse Software (jeu de mots avec son nom de famille) et a créé avec des collègues le jeu Terracon sur PlayStation – que certains considèrent comme une pépite méconnue de la ludothèque de Sony. Die Hard Trilogy était un incroyable pari ! Il faut quand même se rendre compte que son développement a démarré au début de l’année 1994, soit bien avant la sortie de la PlayStation sur le sol japonais. Et que le matériel était loin d’être optimal…
Au fil du temps, l'équipe s'est agrandie et nous avons déménagé dans une grande pièce où nous étions une vingtaine. À un moment donné, pendant l'expansion de l'équipe, Probe Software a loué un deuxième étage dans leur bâtiment. J'ai été expédié à cet étage, et je suis resté seul dans un vaste espace vide pendant quelques semaines. Je me souviens clairement de la faiblesse de la connexion de leur réseau - il était en fait plus rapide pour moi de graver un CD et de l'amener à la personne concernée que de déposer des fichiers sur le réseau partagé.
C’était une autre époque, d’autres habitudes, mais Die Hard Trilogy a marqué son temps. Il a été l’un des premiers jeux de la console à accueillir des tests de plus de six pages dans les publications mondiales. Die Hard Trilogy, c’est 97 % dans Consoles +, 95 % dans Joypad, 94 % dans Player One… Ce titre nous a éclaté et il a laissé, pour la plupart, une trace bien plus indélébile qu’Alien Trilogy. Mais il est parfois bon de se pencher sur les coulisses pour prendre conscience que son existence est le fruit d’importants sacrifices. C’était un pari fou, un pari insensé, mais cette équipe de débutants supervisés par quelques développeurs chevronnés a réussi son challenge.
Yippee-ki-yay !!!
Une œuvre indissociable à jamais de la vie de Simon Pick. Un immense merci à lui pour sa gentillesse et son temps. Et un immense merci pour cette adaptation magistrale de la trilogie Die Hard.
À voir absolument : Making of Die Hard Trilogy - Chaine YouTube Dennis Gustafsson
Quelques chiffres
- 14 heures de travail par jour
- 6 jours de travail par semaine
- 18 mois de développement
- Plus de 20 personnes ont travaillé sur le jeu
- Seulement 2 kits de développement étaient disponibles au début du développement
- Die Hard (Piège de Cristal) comporte 19 stages à visiter
- Die Harder (58 minutes pour vivre) est constitué de 8 niveaux
- Die Hard with a Vengeance (Une journée en enfer) s'étend sur 12 niveaux.
Trivias
- À l'origine, Die Hard Trilogy était une exclusivité pour la PlayStation de Sony.
- Simon Pick, par le biais de Probe Software, a embauché le jeune Alec pour rejoindre l’équipe de programmeurs de la version PC de Die Hard Trilogy. À l’époque, il a rejoint Probe juste après la sortie de ses études, à 17 ans. Comme le souligne Simon Pick, le jeu est sorti avant qu’Alec n’atteigne ses 18 ans. Cela signifie qu’il ne pouvait pas jouer au jeu qu’il venait de concevoir !
- Pour mesurer l’ampleur du projet, il faut comprendre que Simon Pick n’arrêtait pas d’aller voir Fergus, le boss de Probe Software, en lui demandant plus de monde. Mais en tant qu’homme d’affaires, celui-ci ne pouvait embaucher des personnes sur un simple claquement de doigts. Par conséquent, Simon Pick a dû se tourner vers des gens inexpérimentés, sortant de l’école, pas forcément bien payés, mais désireux de trouver un job et, surtout, très motivés ! Il y a eu plusieurs moments de panique, mais ce qu’ils sont parvenus à faire, c’est tout simplement extraordinaire !
- Die Hard Trilogy comporte des pistes audio au format Redbook. Cela signifie qu'elles sont lues comme un CD classique, et non pas par la puce sonore de la PlayStation. C'est ce qui confère à la bande son ce rendu excellent. MAJ : Nos lecteurs (Mathieu-R, Siniorjosepp...) précisent que ce format permettait aux joueurs de lire le CD sur une chaine audio standard et d'enlever le CD pour y mettre celui de son choix. Très pratique !
Sources
- Entretien avec Simon Pick, concepteur principal
- Document fleuve revenant sur la carrière de Simon Pick (fourni par lui-même)