J’avoue que quand je suis tombée sur Flat Eye lors du Steam Neo Fest, je suis restée un peu perplexe. Attirée par sa DA, j’ai pourtant eu du mal à me laisser emporter par son univers futuriste si particulier. Il faut dire qu’à force de manger des dizaines et des dizaines de démos par jour, difficile d’être tout à fait ouvert à ce genre de proposition. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que Flat Eye sort du lot. Le pari est audacieux : nous proposer un jeu de gestion dans lequel vient s’ajouter des mécaniques de narration. Si le but est ici de faire grandir votre station-service, cela va de pair avec une histoire pleine de questionnements sur la technologie et l’avenir. Autant dire que le pitch m’intriguait énormément. Ajoutez à cela le fait que Flat Eye a été imaginé par des développeurs français (les Lyonnais de MONKEY MOON) et que Raw Fury (NORCO, Dome Keeper…) est chargé de l’édition et me voilà encore plus curieuse. À la sortie, j’ai donc décidé de persévérer et de passer une petite heure dans l’univers de Flat Eye. Et finalement, son approche si particulière a réussi à me happer. C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui de découvrir ce jeu de gestion narratif atypique. Venez avec moi, je vous emmène dans l’Islande futuriste imaginée par Eye Life afin d’ “améliorer (ou, si vous n'êtes pas vigilant, condamner) l'avenir de l'humanité”.

Comme chez Amazon

C’est mon premier jour en tant que manager chez la grande famille Eye Life. Le nouveau PDG m’accueille de la meilleure des façons : en m'envoyant un message de bienvenue sur 6Birch. Dans cette société où la technologie a pris tant de place, plus besoin de se rendre au bureau. Chaque manager gère sa station depuis chez lui grâce à la petite caméra qui lui permet de surveiller son employé et de lui donner des ordres. Avec les enfants, c’est l’idéal pour nous et nous ne pouvons que remercier Eye Life pour cette incroyable opportunité. Bon, Justin a encore un peu de mal. Il faut dire qu’il s’est retrouvé à gérer une station parisienne. Vu qu’il déteste la langue française, pour lui c’est un calvaire. Moi, on m’a refilé la froideur de l’Islande, et j’avoue bien m’y faire. J’apprécie ses paysages enneigés et il faut dire que ses terres sont riches en geysers, meilleur atout énergétique pour faire grandir ma petite station. Parce que bon, je ne suis pas payé (au salaire minimum) pour ne rien faire. Il va falloir développer ma station, proposer plus de services, accueillir plus de clientèle… Bref, générer un maximum de pognon histoire que le grand patron soit content et puisse s’en mettre plein les poches au passage. Je dis ça parce que cet argent, je n’en vois pas franchement la couleur et encore moins mon petit clerc (c’est comme ça qu’on appelle les petites mains des stations-services chez Eye Life). Mais faites comme si je ne vous avais rien dit, pas sûr qu’on apprécie ce genre de divagations du côté des supérieurs… Alors passons !

Vous voulez savoir à quoi ressemble une journée dans mes baskets ? Alors ça commence tôt le matin bien sûr, alors que le soleil enrobe petit à petit ma station-service. Première étape : trouver un clerc. Non parce que le précédent a lâché le poste. Paraît-il qu’il n’était pas heureux, pas assez payé et n’avait pas le droit à assez de pauses à son goût… C’est pas grave, car des gens pour reprendre le poste, il y en a une pelletée. En même temps, pas besoin de grandes qualifications pour remplir des rayons et encaisser les clients. À la rigueur, réparer les machines dangereuses en évitant de se faire tuer nécessite peut-être une ou deux petites aptitudes, mais bon rien d’insurmontable non ? Alors que pour tout superviser depuis un ordinateur… Oui, dis comme ça, ça paraît facile, mais pas du tout en fait ! Non parce que si les clercs sont les petites mains, nous nous sommes les cerveaux. Sans nous, ils ne peuvent rien faire, ou presque. Il est possible de se concentrer sur notre bureau, répondre aux mails et lire quelques paperasses en les laissant gérer la boutique quelques minutes, mais pas plus, sinon le fiasco est sûr d’arriver. Parce qu’il y a pas mal de choses auxquelles penser. Sans jamais laisser les clients attendre trop longtemps devant la caisse, il faut s’assurer que les stocks sont faits, les toilettes en état de marche, les générateurs en bon état, construire les machines nécessaires au bon fonctionnement de la station (source d’énergie électrique, nucléaire…), les connecter aux nouvelles installations prévues pour les clients (distributeur, toilettes, diseur de bonne aventure…), le tout tout en écoutant les clients, leurs requêtes et leurs habitudes afin que leur satisfaction soit toujours au rendez-vous (et s’assurer que la balance dépenses/revenues soit profitable bien sûr) ! Et si je suis magnanime, je peux même profiter des moments les plus opportuns pour inviter mon clerc à se détendre un peu. Ce serait dommage qu’il démissionne lui aussi…

Ça en fait des choses à surveiller. De plus, la pression est bien présente puisqu’à la fin de la journée j’ai le droit à une note. Mieux je suis noté, plus rapidement je monte en grade et ai accès à de nouvelles informations et structures à débloquer. Et comme si cela ne suffisait pas, l’IA d’Eye Life suit le moindre de mes faits et gestes. Pour avancer, il va également falloir que la confiance qu’elle m’accorde augmente. J’avoue ne pas saisir ce qu’elle me veut pour l’instant, mais ça a l’air important. Surtout qu’elle m’est très utile quand il s’agit d’interagir avec les clients VIP. C’est vrai, j’ai oublié de vous parler d’eux. Et pourtant, ce sont eux qui rendent mes journées un peu moins monotones. Dès que l’un d’eux débarque dans la station, toutes les alarmes sont au rouge : il faut impérativement l’accueillir et découvrir ce qu’il veut. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont des profils assez atypiques, et je me souviendrais sans doute toute ma vie de ma rencontre (à distance) avec l’un d’entre eux : Janet. Prétendant venir du futur, elle est apparue dans ma station et a simplement tué mon clerc. Certes, il ne mettait pas franchement du cœur à l’ouvrage, mais tout de même, pas de quoi se prendre une balle en plein torse. C’est là que j’ai commencé à me dire que cette gestion de station-service s’annonçait plus mystérieuse et importante que prévue.

Non Elon, la technologie ça n’a pas que du bon

Cette étrange IA m’a en effet fait part d’une bien étrange prédiction : l'espèce humaine est vouée à disparaître. La raison, je ne la connais pas encore, mais a priori j’opterais peut-être pour la surexploitation des énergies produites par notre planète à force d’opter pour le tout technologique. À voir si ma petite théorie se confirmera à l’avenir. En tout cas, je devrais rapidement le savoir puisque l’IA m’a confié avoir grandement besoin de moi. Je fais partie d’une grande expérience sur laquelle je vais devoir rendre des comptes à l’IA. Elle souhaite contourner le système d’Eye Life (système qu’elle a créé) afin de sauver l’espèce humaine. J’avoue que tout ceci me laisse un peu perplexe. Pourquoi créer un tel empire pour aller à son encontre ensuite ? Pourquoi vouloir sauver l’humanité quand on a tant participé à sa robotisation ? Tant de questions sans réponses, mais l’avantage de ce genre d’interrogations c’est qu’elles donnent envie d’avancer pour trouver des réponses. Et les clients VIP vont m’aider à en apprendre plus. Du hacker désinvolte à l’artiste contemporaine un peu perchée, en passant par la jeune enthousiaste travaillant pour l’entreprise concurrente, ils ont tous des profils hauts en couleur. Avec eux, pas besoin d’encaisser mais d’écouter. Je peux même indiquer à mon clerc les réponses que je veux qu’il donne ou l’attitude que je souhaite qu’il adopte. Ou bien, je le laisse choisir, mais ça c’est à mes risques et périls. Certains de ces clients VIP ne viendront chez moi que si je possède tel ou tel module. Pour avancer dans cette sordide histoire, il va donc falloir que je développe forcément ma station. Tout est lié ! Mais plus j’avance et plus le bien fondé d’Eye Life ne me paraît plus si sûr. Et les discussions que j’ai avec mes clients sur les technologies émergentes me font aller dans ce sens.

La technologie c’est fantastique, n’est-ce pas ? Aller dans l’espace pour coloniser je ne sais quelle planète, développer des IA surpuissantes, mettre au point des robots ressemblant en tout point à des êtres humains… Sauf que dans la plupart des œuvres de science-fiction qui ont mal tourné, ça commençait par là. Mais il semblerait que certains grands milliardaires n’en aient que faire. Et c’est ainsi que je me retrouve à construire dans ma station des utérus artificiels, des cabines de clonage ou encore des modificateurs de mémoire. Il est beau l’avenir proposé par Eye Life, n’est-ce pas ? Mon petit doigt me dit que tout ça va mal finir. En tout cas, il va falloir faire des choix et travailler une bonne dizaine d’heures avant d’espérer arriver jusqu'au dénouement de cette histoire.

Flat Eye est un jeu de gestion narratif qui apporte une nouvelle approche du genre. Dystopique et sarcastique à souhait, il plaira aussi bien aux amateurs de gestion que de jeux engagés. Si c'est votre cas, ouvrez votre ordinateur et préparez pour une expérience aussi intéressante qu’atypique. Flat Eye est disponible sur PC.

Dans le même genre

• J'ai volé la mafia russe et rencontré Baba Yaga dans ce road trip français
• À la place d'un chat dans Stray, j'ai incarné une renarde dans une aventure émouvante et écolo
• En pleine canicule, je suis partie en Antarctique dans un jeu vidéo narratif qui joue avec les émotions
• En attendant Hollow Knight Silksong, j’ai découvert un nouveau metroidvania fait-main
• J’ai ré-écrit l’histoire dans un jeu vidéo entre Disney et Stranger Things sur le Game Pass, Beacon Pines
• J’ai appris à accepter la mort dans un jeu vidéo d’énigmes poétique signé Arte, How to Say Goodbye
• J'ai découvert le nouveau jeu du créateur de Limbo, Somerville