Que ce soit sur nos forums ou dans les commentaires de nos articles, il y a un sujet qui revient souvent : le prix des jeux et des consoles. Une situation tout à fait normale puisque cela fait plus de 40 ans que notre passion coûte cher. Entre les machines à acheter, les PC à améliorer, les accessoires à ajouter et les jeux à se procurer, être un joueur nécessite un budget conséquent. Depuis deux ans, nous assistons à une montée des tarifs qui a tendance à nouer les gorges. L’inflation est-elle vraiment l’ennemie du consommateur ? Est-elle inévitable ?
Sommaire
- Tous unis pour une vie plus chère
- Plus c’est coûteux, plus c’est bon ?
- D’abord le déni, puis l’acceptation
Tous unis pour une vie plus chère
D’après la définition de l'Insee, l'inflation est la perte de pouvoir d'achat de la monnaie se caractérisant par une augmentation durable et générale des prix. En d’autres termes, l’euro que vous avez dans votre porte-monnaie, gagné à la sueur de votre front, vous donne accès à moins de choses. Il y a deux ans, Sony, Gearbox et Take Two lançaient leurs premiers softs à 80 euros au lieu des 70 euros habituels, soit une augmentation de 14 % du tarif. Depuis, ces géants ont été rejoints par Activision, Electronic Arts ou encore Ubisoft, mettant ainsi fin à une quinzaine d’années de stabilité de prix des jeux.
L’argument principal visant à expliquer l’addition salée réside dans l’accroissement des budgets de production. En juin 2020, Shawn Layden (ancien président des studios PlayStation) préparait déjà le public à dépenser plus pour jouer comme avant. “Les jeux sont à 59,99 dollars depuis que j'ai commencé dans cette entreprise, mais le coût de développement a été multiplié par dix” expliquait-il chez VentureBeat. Même son de cloche du côté de Strauss Zelnick, PDG de Take-Two, qui déclarait chez Protocol que les coûts de production avaient augmenté de 200 % à 300 % en un peu plus d’une décennie.
Oui, produire un jeu “AAA” coûte plus cher qu’il y a 15 ans. Confectionner des textures en haute définition et maîtriser les dernières techniques de rendu ou d’animation demandent du matériel dernier cri ainsi que des employés qualifiés. En outre, les acheteurs ont de grandes attentes et aiment se perdre dans de vastes univers forcément coûteux à créer. C’est pour cette raison que nous retrouvons parmi les meilleures ventes de l’histoire des titres tels que The Witcher 3 : Wild Hunt , Elden Ring, Grand Theft Auto V , Red Dead Redemption II , ou encore The Elder Scrolls V : Skyrim . Enfin, depuis quelques mois, l’industrie du jeu vidéo connaît une crise des développeurs : les studios ont de plus en plus de mal à attirer des profils seniors. Pour convaincre les meilleurs et garder les spécialistes en place, certains éditeurs augmentent les salaires, ce qui accroît le coût lié à la masse salariale. Néanmoins, expliquer l’augmentation des prix par de meilleures conditions de travail pour les salariés serait en partie fallacieux d’après Oscar Lemaire. “L'industrie du jeu vidéo (...) se porte globalement extrêmement bien” indique-t-il sur Twitter. Avant d’ajouter : “les problèmes des conditions des travailleurs ne dépendent donc pas des prix des jeux ou des consoles. L'argent est déjà là, en abondance. Ce sont des problèmes de répartition des richesses et d'organisation des studios”.
Plus c’est coûteux, plus c’est bon ?
Comme d’autres secteurs avant lui, le gaming est aussi victime de l’augmentation des charges d’exploitations causées par la crise. De “rudes conditions économiques” qui ont poussé Sony à augmenter le prix de vente de sa PlayStation 5 de 10 % sur plusieurs territoires, dont la France. En prenant en compte l’inflation, un soft qui coûtait 59 euros en 2002 équivaut en fait à 80 euros en 2022. L’industrie du jeu vidéo serait donc en train de procéder à un rattrapage, bien qu’il soit compliqué d’appliquer des comparaisons strictement tarifaires avec des jeux âgés d’une vingtaine d'années. Dans l’industrie de l'automobile, les prix ont connu une progression, mais les véhicules d’aujourd’hui intègrent des équipements qui n'étaient qu'en option auparavant. Le prix d'un produit peut donc augmenter car sa qualité s'améliore. Cela peut s’appliquer au jeu vidéo, mais la multiplicité des modèles économiques ainsi que l’agrandissement du marché empêchent là aussi des comparaisons trop directes avec ce que nous avions il y a 20 ans. Plus de gens ont accès aux jeux et il n’est pas rare de voir des softs vendus au prix fort disposer de microtransactions permettant d’engranger toujours plus de revenus.
Il ne faut pas non plus oublier que l’essor de la consommation de jeux en dématérialisé a pour conséquence l’amélioration de la marge des éditeurs et des constructeurs. Sony, Nintendo et Microsoft récupèrent 30 % de chaque transaction effectuée sur le PlayStation Store, le Nintendo eShop et le Xbox Store. Cela signifie que lorsqu’un éditeur comme Ubisoft vend un Assassin’s Creed sur le PlayStation Store, 30% de la somme revient à Sony et 70 % du montant revient à Ubisoft. Il n’y a plus l’intermédiaire du distributeur ici, le gâteau se partage en deux parts en non en trois. Mieux, pour les jeux first party, les constructeurs récupèrent 100 % de la mise. Un état des lieux qui était bien différent il y a encore 15 ans, quand les boutiques étaient indéboulonnables dans l’équation.
D’abord le déni, puis l’acceptation
C’est un fait, il va falloir s’habituer à payer les jeux vidéo plus chers. À la vue des chiffres impressionnants de Horizon Forbidden West, Fifa 23 ou encore de Modern Warfare 2, le public semble prêt à payer des jeux 80 euros. Après tout, de nombreuses œuvres vidéoludiques se jouent pendant des dizaines, voire des centaines d’heures. En ce qui concerne les consoles de salon, il n’est pas exclu d’assister à une augmentation des tarifs en 2023 du côté de Microsoft. Le géant américain envisage cette possibilité, d’autant plus que les Xbox Series sont actuellement vendues en dessous de leur coût de fabrication. Phil Spencer a en effet déclaré chez CNBC que sa société perdait entre 100 et 200 dollars à chaque Xbox vendue, ce qui est assez courant dans le secteur : nous nous rappelons que diverses études ont démontré que la Xbox 360, la PlayStation 3 et la Wii U étaient proposées en deçà de leur coût total de conception. En Inde, le prix de la Xbox Series X ainsi que celui de ses accessoires ont connu un mouvement haussier tout au long de l’année.
Nous verrons bien si la progression des tarifs du software comme du hardware précipitera l’adoption des services de jeux par abonnement accessibles sur une multitude de plateformes. Avec un Game Pass Ultimate proposant une large bibliothèque de softs jouables sur divers supports au prix d’un abonnement Netflix standard, il y a de quoi se poser la question. Microsoft soulignait dans ses derniers résultats trimestriels, publiés le 25 octobre 2022, que les abonnements au PC Game Pass avaient augmenté de 159 % par rapport à l’année précédente. En janvier 2022, le Xbox Game Pass comptait 25 millions de clients. Mais là encore, rien n’indique que le prix mensuel du service restera fixe en 2023.
Attachez votre ceinture, nous entrons dans une zone de turbulences. Alors que la menace d’une récession plane sur le secteur du gaming, la pénurie de composants et les coûts d’exploitation qui s’envolent se répercutent progressivement dans les prix de vente de nos jeux et de nos consoles. Il reste désormais à voir jusqu’où les constructeurs et les éditeurs, en très bonne santé financière pour la plupart, réussiront à faire des efforts afin que cela impacte le moins possible ceux qui les font vivre : les joueurs.