Bon anniversaire Ratchet et Clank ! L'un des duos les plus iconiques du jeu vidéo fête aujourd'hui ses 20 ans, et il aurait été dommage de ne pas célébrer ces deux héros devenus, sans l'ombre d'un doute, les mascottes de la marque PlayStation dont ils ont traversé toute l'histoire depuis les débuts de la PS2. Aujourd'hui, nous vous proposons un retour sur deux décennies de succès pour une des meilleures licences maison de Sony.
Si certains constructeurs sont historiquement associés à un personnage, comme bien évidemment Nintendo avec Super Mario ou encore SEGA avec Sonic, d'autres ont peiné à se trouver une mascotte, en dépit de nombreuses licences à succès. Sony (et surtout PlayStation) s'en est longtemps cherché une, et pensait d'ailleurs la tenir dès sa toute première console avec Crash Bandicoot, mais c'est bien un duo né sur PlayStation 2 qui remplit le mieux ce rôle depuis 20 ans. Aujourd'hui, la licence Ratchet & Clank fête justement deux décennies de jeux de qualité, et n'a finalement pas de rival en terme d'incarnation de la marque PlayStation depuis plusieurs générations de console. Mieux encore, plus qu'un héros charismatique, c'est un duo indissociable qu'elle met en valeur. Ratchet, Clank ou les deux ? La mascotte, c'est Ratchet & Clank, tout simplement ! Retour sur une série à succès, d'une trilogie culte sur PS2 à un statut de vitrine technologique sur PlayStation 5.
Sommaire
- Du dragon violet à la fille avec un bâton
- Jak et Ratchet, les précurseurs d'un héritage
- Les insomniaques du jeu vidéo
- Y a pas que la taille qui compte
- L'araignée est-elle plus forte que le lombax ?
- Un duo mythique de retour dans le futur
- Plus forts que Kratos, Aloy et Nathan Drake ?
Du dragon violet à la fille avec un bâton
Dans la grande histoire de PlayStation se trouve un parallèle fascinant à suivre dans la trajectoire de deux studios majeurs, jusque dans les différences qui les rapprochent tant. Fondé en 1994, Insomniac Games a souvent été comparé à Naughty Dog et ce pour d'aussi nombreuses que bonnes raisons. Dès la première PlayStation, les deux studios "rivalisent" en offrant chacun à la première console de Sony une trilogie de platformers colorés, dont les héros incarneront en quelque sorte l'image de marque : Crash Bandicoot du côté des "Dogs", et Spyro the Dragon pour ce qui est du plus jeune studio basé à Burbank (et qui nous intéresse particulièrement ici). Les deux licences ne sont cependant pas des propriétés de Sony, et seront vendues à Universal, une erreur que le constructeur ne reproduira plus. En effet, bien qu'éternellement associés à la "PS1", Crash et Spyro n'ont jamais appartenu à PlayStation, qui devra donc se trouver de nouvelles égéries sur PS2. Heureusement, les deux studios ont plus d'un tour dans leur sac, et corrigeront le tir très rapidement, surtout Insomniac.
C'est pendant le développement du troisième volet de sa trilogie, Spyro : Year of the Dragon, que Insomniac Games décide de partir vers quelque chose de différent, et de laisser les rênes de la franchise à Universal. Nous sommes début 2000 et le studio a en tête son premier jeu PS2, la nouvelle console arrivant au Japon à ce moment-là. Il souhaite mûrir avec un titre moins enfantin et délaisser le platformer, lorgnant alors vers l'action-RPG à travers un projet intitulé "Girl with a Stick" (appelé "I5" en interne, vu que 5è titre développé par le studio). Malheureusement, ce dernier tourne court après à peine six mois de conception : Insomniac préfère finalement revenir à ses premières amours, et c'est assez unanimement que les équipes de Ted Price (fondateur et toujours président à ce jour !) se remettent au travail sur un jeu de plates-formes. À l'époque, le concept qui revient le plus en interne est celui d'un extra-terrestre voyageant entre les planètes et collectant des armes déjantées, et si vous avez déjà joué à un épisode de Ratchet & Clank, vous comprendrez qu'on n'est plus très loin du produit final.
Jak et Ratchet, les précurseurs d'un héritage
C'est en cours de développement du projet que l'alien se transformera en une sorte de créature féline plus mignonne, davantage pensée comme une mascotte. Afin de rester dans le thème futuriste, un side-kick lui sera greffé, sous forme de petit robot. L'arme de base du héros sera une clé à molette, bien qu'aucun clin d'œil à un certain plombier célèbre chez la concurrence n'ait été envisagé. Mais surtout, le développement du duo de personnages, baptisés Ratchet et Clank, bénéficiera d'un coup de pouce fort appréciable de la part des voisins de Naughty Dog. Un terme pas vraiment volé vu que le studio fondé par Jason Rubin partageait tout simplement le même immeuble que celui des créateurs de Spyro ! Ayant tout juste publié Jak & Daxter : The Precursor Legacy, les "Dogs" proposent alors un accord pour le moins singulier : Naughty Dog et Insomniac Games partageront leurs technologies et s'entraideront afin de bénéficier de leurs avancées respectives. Un gentlemen's agreement vraiment peu commun dans l'industrie, et qui symbolisera finalement assez bien l'entente entre les développeurs de franchises "sœurs" mettant en scène des duos mythiques à l'époque de la PlayStation 2.
C'est près d'un an après le premier Jak & Daxter que sort donc Ratchet & Clank, sobrement intitulé ainsi, sans aucun sous-titre, contrairement à la série faussement rivale de Naughty Dog. Le 4 novembre 2002, un an après le début du développement "réel" du jeu, la deuxième licence d'Insomniac Games est née, et personne ne soupçonne alors qu'elle deviendra leur icône, celle qui définira littéralement leur image pour les deux décennies à venir. On imagine encore moins à quel point Ratchet et Clank seront associés à PlayStation, ce qui paraît même toujours surprenant rétrospectivement parlant considérant les ventes relativement faibles de la licence, en comparaison de celles de Gran Turismo ou de God of War, autres IP nées durant les deux premières générations de console Sony et encore présentes en force de nos jours dans l'écosystème PlayStation. Le succès du premier Ratchet & Clank est en effet très correct, tout comme celui de la première trilogie dans son ensemble, bien plus équilibré que celui de Jak & Daxter dont seul le premier volet aura vraiment cartonné. Les trois jeux de Naughty Dog représenteront 7,13 millions de ventes sur PS2, mais on aurait pu en espérer mieux après les 4,2 millions écoulés par The Precursor Legacy. Du côté d'Insomniac, la trilogie Ratchet & Clank sera distribuée à pratiquement 10 millions de copies dans le monde.
On ne s'en rend clairement pas compte à l'époque, mais la série Ratchet & Clank est déjà synonyme de fiabilité, de sérieux et de rentabilité. Le tout premier opus cumule 3,71 millions d'exemplaires, Ratchet & Clank 2 en réunira 2,97 (qu'on pourrait presque arrondir à 3 millions), et surtout, Ratchet & Clank 3 redressera même un peu la barre avec 3,22 millions. De leur côté, Jak II et Jak 3 avaient constitué des chutes assez notables, au point de voir la série à moitié abandonnée par Naughty Dog qui en détient pourtant toujours la propriété. À cette époque où les studios sont capables de sortir un nouveau jeu par an, Insomniac livre ainsi chaque mois de novembre un nouvel opus d'une trilogie synonyme de succès aussi bien critique que commercial, bien aidé en cela par une évolution toujours très satisfaisante de ses mécaniques de jeu. Il cédera également à la mode du spin-off un peu oubliable (en dépit de 2 millions de ventes et d'un très satisfaisant 81 sur Metacritic quand même) avec un certain Ratchet : Gladiator paru en octobre 2005. Cependant, le studio est déjà tourné vers l'avenir à ce moment-là, et pense à la PlayStation 3 pour qui il développe une nouvelle licence (là encore exclusive) qui accompagnera littéralement la machine à sa sortie. S'il n'appartient toujours pas à Sony, Insomniac y est associé plus que jamais, et le succès de la trilogie Ratchet & Clank lui a offert un beau coup de projecteur…
Les insomniaques du jeu vidéo
Sur la génération "PS360", le travail abattu par Insomniac sera absolument titanesque. De 2006 à 2013, le studio livrera tout simplement 11 jeux en 8 ans (!), dont un jeu mobile sur iOS et Android, un titre multi-support également disponible sur Xbox 360, et surtout, 9 exclusivités PlayStation. Mûrissant de la même manière que les "copains" de Naughty Dog qui partiront sur une licence plus adulte sur PS3 avec Uncharted, les parents de Spyro s'illustrent avec Resistance : Fall of Man en tant que titre de lancement de la console. Cette nouvelle IP se déclinera également sous forme de trilogie, mais à la différence des "Dogs", les créateurs de Ratchet et Clank n'abandonneront pas pour autant la franchise qui fit leur succès sur PS2. Ce ne seront pas moins de 6 jeux qui mettront en scène le célèbre "lombax" et son acolyte sur le monolithe noir de Sony, l'un d'entre eux étant même cross-platform avec une version PSVita qui ne fera pas que des heureux. Et dire que pendant ce temps, Insomniac planchait sur une étonnante "infidélité" à Sony en développant Sunset Overdrive, titre à venir en exclusivité sur Xbox One dès 2014 ! À une époque où la "sphère gaming" commence à davantage s'intéresser aux conditions de développement des jeux vidéo, un tel rythme de production laisse songeur.
Face à la quantité ahurissante de titres produits sur la septième génération de consoles, dont plus de la moitié dédiés aux aventures du célèbre lombax, la question de leur qualité se pose légitimement. Pourtant, en dépit d'une sortie moins d'un an après le premier Resistance, Ratchet & Clank : Opération Destruction est excellent, et il constitue même plus que probablement la meilleure exclusivité PS3 disponible fin 2007 (soit un an à peine après la sortie de la console) avec le premier Uncharted. D'une manière générale, la tendance amorcée sur PS2, avec une trilogie de très haute volée et un spin-off moins bien reçu, se poursuivra sur une console où la relative overdose de titres Ratchet & Clank ne se fera heureusement jamais au détriment de la saga principale. L'arc "Future" inauguré par Opération Destruction a pour but de constituer une série de jeux poursuivie par le très honnête Ratchet & Clank : Quest for Booty, décrit comme "une mini-aventure Ratchet & Clank (sic) et le franchement excellent Ratchet & Clank : A Crack in Time. Ce dernier était d'ailleurs littéralement "teasé" à la fin de Quest for Booty, titre disponible initialement uniquement en dématérialisé et à qui Sony offrira une version boîte à tarif moindre ultérieurement.
Y a pas que la taille qui compte
En effet, les ambitions d'Insomniac (et de Sony ?) concernant Ratchet et Clank sur PS3 étaient très élevées. L'arc "Future" devait se décliner sous forme de trilogie, cette dernière étant conclue par un Ratchet & Clank : Nexus (*) convenable mais en-deçà de ses deux prédécesseurs. Tout comme Quest for Booty, l'ultime épisode de "Ratchet & Clank Future" récoltera une moyenne de 76 sur Metacritic, ce qui est bien mais pas top, surtout en comparaison de la moyenne très élevée de la trilogie PS2 et des deux premiers épisodes PS3 majeurs. Les cinq premiers titres de la saga principale sont en effet crédités de moyennes allant de 87 à 91, témoignant d'une réelle excellence et d'un soin tout particulier apporté par Insomniac à sa licence fétiche. La trilogie Resistance, de son côté, disposera d'une moyenne un peu inférieure (de 83 à 87) et se vendra surtout beaucoup moins bien : seul "Fall of Man" connaîtra des chiffres de ventes honorables, avec 2,5 millions d'unités écoulées, ce qui reste modeste pour un titre de lancement (Ratchet & Clank : Opération Destruction fera aussi bien sans accompagner la sortie de la machine). Qu'on ne s'y trompe pas toutefois : sur PS3, les Ratchet & Clank se vendront moins bien que sur PS2, A Crack in Time peinant notamment à atteindre les 2 millions d'unités distribuées. Certes, le parc de consoles installé sera presque de moitié moindre (87 millions contre 155 !), mais la trop grosse quantité de titres de la franchise distribuées sur cette génération ne lui a pas fait que du bien.
(*) Pour l'anecdote, "NEXUS" était le nom de code de Ratchet : Gladiator près de 10 ans plus tôt, lorsque Insomniac voulait apporter un ton plus sombre et sérieux pour l'épisode complétant sa trilogie, désireux notamment de s'inspirer à l'époque de Halo (l'autre saga "spatiale" de référence de l'époque sur la concurrente Xbox).
On a tendance à dire qu'on apprend de ses échecs, et force est de constater que Insomniac devra tirer les leçons du trop-plein de titres Ratchet & Clank développés sur PS3, mais également sur d'autres supports moins performants à la fin de la décennie. En plus des épisodes de l'arc "Future", Quest for Booty compris, les "insomniaques" du jeu vidéo ont également conçu deux spin-off orientés multijoueur, dont la réception fut clairement moins bonne. Ainsi, Ratchet & Clank : All 4 One (pensé pour du jeu à quatre, comme son titre l'indique) et surtout Ratchet & Clank : QForce, dont la version Vita sera carrément médiocre, sont des jeux tout juste bons voire moyens, et l'épisode Nexus arrivé en fin de génération relèvera presque trop peu le niveau pour conclure l'arc "Future" pas autant en beauté qu'on l'espérait. Finalement, et c'est un comble, le meilleur spin-off de la série à ce jour demeure l'excellent Ratchet & Clank : la taille, ça compte, opus nomade développé en 2007 sur PlayStation Portable (il sera la 6è meilleure vente de la console !) par le studio satellite High Impact Games, constitué… d'anciens d'Insomniac et de Naughty Dog (et qui développera par la suite Jak and Daxter : The Lost Frontier). Sa version PS2 sera très moyenne et anecdotique, tout comme celle de Secret Agent Clank, autre titre conçu par la même équipe initialement pour PSP, en 2008 mais bien moins convaincant, même sur la petite portable.
L'araignée est-elle plus forte que le lombax ?
En 2013, alors que la sortie de la PlayStation 4 approche à grands pas, et que Insomniac œuvre sur une exclusivité concurrente en marge de "Nexus", l'avenir de Ratchet & Clank s'inscrit étrangement en pointillés. Pendant deux bonnes années, la seule nouvelle à l'horizon est… le portage Vita à venir pour 2014 de The Ratchet & Clank Trilogy, remasterisation sur PS3 en haute définition de la trilogie PS2 originale, sortie en 2012. Au lieu de dévoiler un nouvel épisode de la franchise pour entamer la huitième génération de consoles, qui par ailleurs manque cruellement d'exclusivités "vendeuses" à ses débuts, Sony annonce une adaptation cinématographique prévue pour 2015. Alors certes, un jeu vidéo lui sera associé, et révélé à l'E3 2014, mais la manière de le promouvoir, bien que teintée d'un humour totalement dans l'esprit de la série, ne rassure pas vraiment les fans. Prévu comme "le jeu inspiré du film inspiré du jeu" (sic), il s'intitulera tout simplement Ratchet & Clank et consistera en… un remake du premier épisode de 2002, dont le scénario est adapté sur grand écran. Alors qu'il est assez rapidement terminé (le jeu passe "gold" dès juillet 2015 !), la sortie du jeu sera décalée à avril 2016 pour coller avec l'arrivée en salle du film. Celui-ci connaît un échec aussi bien critique que commercial, mais heureusement, le jeu vidéo aux allures de reboot est un succès total, et constituera même à l'époque la meilleure vente de l'histoire d'Insomniac, à en croire son community lead James Stevenson.
Cependant, et c'est là que les fans du lombax et de son petit robot auront de quoi s'inquiéter. Non, bien sûr, dès 2014/2015 plus personne n'était sérieusement en mesure d'espérer encore un potentiel opus original exclusif sur une PSVita déjà mourante sur le marché occidental. Cependant, le Ratchet & Clank pas complètement inédit de 2016 sera tout simplement le seul et unique titre de la licence à sortir sur PS4 ; s'il était légitime de ralentir le rythme de publication d'une série s'étant montrée trop gourmande sur PS3, il y avait probablement un juste milieu à espérer. De ce fait, on ne verra même pas de remaster de la saga "Future" ou le moindre spin-off sur une console aux temps de développement certes bien plus importants, mais où l'on était en droit d'espérer un nouveau volet 100% inédit. Mine de rien, il aurait été de bon ton de faire en quelque sorte oublier la réception un poil mitigée de Nexus, clairement de très loin le moins bon de tous les épisodes de la saga principale. Seulement, le projet principal d'Insomniac à destination de la PS4 ne concernait plus du tout Ratchet et Clank, mais une adaptation exclusive à la console de Sony d'une des franchises les plus rentables et appréciées de la culture populaire : le Spider-Man de Marvel.
Ainsi, quelques semaines après la sortie de "Ratchet & Clank 2016", c'est durant sa conférence mémorable de l'E3 2016 que Sony dévoile le nouveau titre d'Insomniac : Marvel's Spider-Man, qui sortira en exclusivité sur PS4 en septembre 2018. On ne le sait pas encore, mais entre le remake du premier Ratchet & Clank dont le développement s'acheva en juillet 2015, et la sortie de la PS5 en novembre 2020 (soit plus de cinq ans), ce Spider-Man sera la préoccupation principale du studio. Sur cette période, Insomniac s'essaiera certes à la VR mais en ne publiant que des titres majoritairement anecdotiques à la destination de l'Oculus Rift. L'autre symbole d'un changement de cap évident fut le nouveau logo dévoilé en septembre 2017, laissant supposer une volonté manifeste du studio de s'affranchir d'une image historique trop associée à Spyro et à Ratchet & Clank. Cependant, en étant (enfin !) racheté par Sony en août 2019, Insomniac se voyait définitivement pénétrer dans la galaxie SIE Worldwide Studios, devenue depuis PlayStation Studios, avec tout ce que cela impliquait de technologies accessibles et de moyens supplémentaires alloués au développement. De quoi espérer, peut-être, un nouveau Ratchet & Clank 100% inédit avant un potentiel Spider-Man 2, bien que les rumeurs de l'époque s'attardent largement plus sur une suite aux aventures du célèbre homme-araignée.
Un duo mythique de retour dans le futur
Le succès des aventures du célèbre Tisseur fut sans précédent pour Insomniac : sans même prendre en compte ses DLC ou sa version "Game of the Year", Marvel's Spider-Man pulvérisera le record de ventes du studio, dépassant les 20 millions de ventes et devenant l'exclusivité PS4 la mieux vendue. Des chiffres à donner le tournis, et qui inquiètent autant qu'ils rassurent les fans de Ratchet & Clank : certes, il semble improbable que le lombax retrouve une notoriété suffisante pour atteindre de tels sommets de popularité et d'estime, mais on pouvait légitimement espérer que ses créateurs capitalisent sur le carton des aventures de l'homme araignée au profit d'un nouvel épisode original. Fort heureusement, la très attendue conférence de Sony révélant le line-up de la PS5 en juin 2020 viendra mettre tout le monde d'accord. Insomniac livrera sur la nouvelle PlayStation à la fois un spin-off de "Spidey" intitulé Marvel's Spider-Man : Miles Morales (dont on découvrira après coup qu'il sera "cross-gen") mais surtout, Ratchet et Clank seront de retour et ce en exclusivité totale sur PS5 avec enfin un nouveau jeu 100% inédit. Ratchet & Clank : Rift Apart est alors prévu pour "la fenêtre de sortie de la console" selon les déclarations de Sony fin août lors de la gamescom 2020, soit en fin d'année, ou peut-être tout début 2021 au pire.
Hasard du calendrier ou coïncidence volontaire : c'est finalement un an jour pour jour après son annonce, le 11 juin 2021, que Ratchet & Clank : Rift Apart débarque en exclusivité sur PS5. Insomniac avait d'ailleurs dû confirmer ce statut d'exclusivité face aux rumeurs d'un titre "cross-gen" justifiées face aux nombreux volte-face de Sony depuis juin 2020, mais il s'est ensuite avéré que la première aventure du célèbre duo depuis 8 ans (!) n'avait jamais été envisagée autrement. Son objectif était en effet, dès le début du développement, de tirer parti des capacités de la console de nouvelle génération de Sony. Résolument tourné vers l'avenir, Rift Apart est conçu par une équipe mélangeant vétérans de la première heure et nouveaux arrivants, ce qui est plutôt bien synthétisé par son duo de réalisateurs : Marcus Smith était déjà là sur Ratchet : Gladiator puis sur la trilogie Resistance, là où Mike Daly a rejoint Insomniac avec QForce puis Nexus. Considérable comme l'une des deux "vraies seules exclusivités PS5" avec Returnal, Rift Apart est une réussite aussi bien critique (88 sur Metacritic) que commerciale (1,1 million de copies écoulées au bout d'un mois), a fortiori sur une console très difficile à se procurer. Très ambitieux, le dernier volet de la série en date introduit en outre le personnage de Rivet, très apprécié des fans, et qui vient enrichir un lore mine de rien très complet en deux décennies.
Avec Ratchet & Clank : Rift Apart, Insomniac témoigne d'entrée de jeu d'une maîtrise presque insolente du nouveau hardware mis à sa disposition, surtout en sachant qu'il s'agissait à l'époque du seul et unique "PlayStation Studio" œuvrant sur une exclusivité PS5 totale. Horizon : Forbidden West, Gran Turismo 7 et même God of War : Ragnarok, initialement prévus uniquement pour la nouvelle génération, firent machine arrière là où le studio fraîchement acquis par Sony se vit accorder une confiance totale, et en quelque sorte, l'exclusivité de la "next-gen". Ainsi, Rift Apart symbolise non seulement l'immense valeur que le constructeur accorde à son studio, mais tout particulièrement à sa licence fétiche. Il constitue de fait un cas particulièrement intéressant dans la déjà longue histoire de Ratchet & Clank, en marquant le retour en force d'un duo quasi complètement laissé pour compte sur une génération entière de machines (avec, pour rappel, un seul jeu sur PS4, qui consistait en un remake du tout premier opus PS2). Pour les débuts de la PS5, Sony n'a pas fait que miser sur le talent évident d'Insomniac afin de disposer d'une "killer app" vantant avec brio les mérites de son nouveau bébé. Ce fut aussi (et surtout) une manière efficace de faire revenir sur le devant de la scène un duo de personnages associé de longue date à la marque PlayStation, et peut-être de leur redonner un rôle clé dans la stratégie de la firme, en perpétuelle recherche d'une vraie mascotte depuis un quart de siècle et sept consoles de jeux.
Plus forts que Kratos, Aloy et Nathan Drake ?
Avec un retour en grandes pompes sur une PS5 dont ils sont devenus presque par défaut les premiers incarnants, Ratchet et Clank ont pu témoigner de la grande confiance que Sony leur accorde. Bien sûr, il est évident que c'est la "franchise" Marvel's Spider-Man qui sera la plus rentable du côté d'Insomniac (un certain Marvel's Spider-Man 2 a été annoncé en exclusivité PS5 pour 2023) et on peut même raisonnablement penser que l'immense succès de cette dernière contribue indirectement au développement de la série beaucoup moins rentable qu'est Ratchet & Clank. Toutefois, la régularité des productions de cette dernière sur les consoles PlayStation depuis maintenant vingt ans ne peut que soulever des interrogations sur son importance. Clairement beaucoup moins "vendeuse" que des God of War, Uncharted ou Horizon, la licence Ratchet & Clank fait pourtant figure d'indispensable sur chaque génération de consoles Sony depuis sa création, n'ayant fait l'impasse sur aucune d'entre elles (Vita comprise). Un point commun qu'elle ne partage, depuis la PS2, qu'avec un certain Kratos puisque même Gran Turismo, seule licence "maison" présente depuis la PS1, a zappé la PSVita. Or, bien que la marque PlayStation soit davantage connotée "jeux pour adolescents et adultes" que ne peut l'être Nintendo et son image très familiale, il faut cependant reconnaître qu'il est important pour elle de conserver une licence tous publics forte, capable de parler à toutes les générations.
Ainsi, derrière des exclusivités ultra rentables mais toutes classées PEGI 16 voire 18, disposer d'une franchise comme Ratchet & Clank revêt une importance plus élevée que l'on peut imaginer du côté de Sony. Or, ce n'est plus un secret pour personne : après avoir échoué (plus ou moins volontairement) à conserver Crash et Spyro, la firme a clairement tout tenté pour exister à ce niveau sur l'ère PS2, que ce soit avec le duo d'Insomniac, celui de Naughty Dog avec Jak & Daxter, ou même avec Sly Cooper, le raton-laveur de Sucker Punch n'ayant hélas jamais rencontré le succès espéré (et qu'il méritait, pourtant). Bien aidé par les génies de Media Molecule, PlayStation pensait pourtant peut-être avoir trouvé le chaînon manquant sur PS3 avec LittleBigPlanet et son adorable Sackboy, certes encore présent avec un dernier titre sorti (hélas trop oubliable) en même temps que la PS5, mais son succès fut finalement éphémère, la faute à un "produit" d'ensemble trop orienté création et partage, et qui préfigurait sans doute avec déjà trop de complexité l'aussi fascinant que décourageant Dreams. Au fil des générations, la simplicité d'accès redoutable des Ratchet & Clank, couplée à son humour et au renouvellement réussi d'un gameplay aussi ingénieux que loufoque, en a fait LA franchise tous publics de référence de la marque. Dans ces conditions, mais aussi parce que le travail d'Insomniac rime avec (très) grande qualité sur tous les plans, l'un des duos les plus mythiques du jeu vidéo s'est naturellement imposé comme la mascotte de la marque la plus célèbre du milieu, et c'est amplement mérité.
Qui aurait pensé, en 2002, qu'une marque en pleine expansion comme PlayStation serait toujours incarnée, 20 ans après, par un sympathique duo constitué d'un félin humanoïde armé d'une simple clé à molette et d'un petit robot conçu par erreur et initialement voué à la destruction ? Le destin de Ratchet et Clank n'est certainement pas commun, et tient en grande partie à la volonté de Sony de se trouver une sorte d'égérie après avoir manqué ses rendez-vous avec Crash et Spyro, les icônes de sa première génération. Sans avoir jamais écoulé des copies par dizaines de millions, la franchise créée par Insomniac Games a surtout accompagné avec beaucoup de sérieux le studio l'ayant mise au monde, de ses débuts sur PS2 jusqu'à la toute-puissance moderne de la PS5. Seule véritable représentante d'un style "tous publics" sur la durée dans la grande histoire des consoles de Sony, la licence Ratchet & Clank doit son succès et son rôle d'ambassadrice de marque à une fidélité sans pareil, couplée à une maîtrise toujours impressionnante du hardware PlayStation de la part d'un de ses studios les plus talentueux, que le constructeur a drôlement bien fait de racheter. Bon anniversaire, Ratchet et Clank !
Sommaire de notre soluce de Ratchet & Clank : Rift Apart