Alors que nous approchons déjà des deux ans de la sortie de la PlayStation 5, les véritables exclusivités next-gen manquent un peu à l'appel sur la console de Sony. Pire encore : on parle davantage de remakes et/ou de remasters de titres bien trop récents que de réelles nouveautés… En tant que joueur PlayStation de longue date, cette situation me contrarie de plus en plus, au point de me faire dire que non, je n'ai pas acheté la PS5 pour ça.
La PlayStation 5 va bientôt fêter sa deuxième bougie, et j'ai eu la chance de faire partie de ses acquéreurs "day one". Mais peut-on vraiment parler de chance quand on voit ce que Sony nous a proposé sur ces 24 derniers mois ? Si les perspectives entrevues lors du PlayStation Showcase de l'été 2020 étaient réjouissantes, le temps a apporté une toute autre réalité, moins positive pour les "core gamers" qui attendaient de la PS5 leur nouvelle machine à exclusivités reprenant le modèle de sa devancière. Après avoir vu les précédentes générations de consoles de Sony, a fortiori la PlayStation 3 et encore plus la PlayStation 4, dégainer une exclusivité d'envergure chaque trimestre ou presque, la petite dernière de la lignée peine à convaincre des joueurs qui attendaient tout simplement "autre chose", surtout face à des rumeurs de remakes ou remasters prématurés. Personnellement, deux ans après, mon constat est sans appel : ma PS5 ne me sert souvent à rien.
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV.
Sommaire
- Des promesses, que des promesses ?
- La croisée des générations selon Sony
- Cross gêne
- Quand les exclusivités sont exclues…
- Remake, t'as pas 80 balles ?
- For the new players
Des promesses, que des promesses ?
Après une ultime conférence de haute volée à l'E3 2018, PlayStation s'est fait très discret, préparant clairement dans l'ombre l'arrivée de l'héritière de la PS4 et préférant dédier son nouveau format "State of Play", inauguré en mars 2019, à ses futures sorties. Le "showcase" situé en plein cœur du Summer Game Fest initié par Geoff Keighley se montre heureusement à la hauteur des espoirs de fans de jeux vidéo privés de véritable conférence PlayStation depuis deux ans. Démarrant en trombe avec les trailers dévoilant Marvel's Spider-Man : Miles Morales (qui n'est cependant pas le "Marvel's Spider-Man 2" maintes fois évoqué par les rumeurs) puis de Ratchet & Clank : Rift Apart, l'événement met en valeur un de ses studios phares, Insomniac Games, comme pour rappeler que les exclusivités sont la marque de fabrique de PlayStation. La diffusion est rythmée et enchaîne les trailers très réussis, qu'il s'agisse de jeux tiers ("Project Athia" devenu Forspoken depuis), des titres semi-indépendants séduisants (Stray) ou bien développés par de futurs studios PlayStation (Returnal) voire carrément faisant déjà plus ou moins partie de la famille (Sackboy : A Big Adventure et Destruction AllStars).
Après un milieu de show qui alterne le très bon (le sublime Kena : Bridge of Spirits, la merveilleuse démo technique Astro's Playroom, l'assez "évident" Hitman III ou encore les prometteurs Solar Ash, Little Devil Inside et Bugsnax) et le plus mitigé (Oddworld : Soulstorm, le trop cryptique Ghostwire Tokyo déjà révélé à l'E3 2019, et surtout le déjà lassant Godfall), c'est avec ses meilleures cartouches que Sony compte évidemment refermer sa présentation, avec au moins autant de brio qu'il ne l'a entamée. Juste avant de confirmer une autre exclusivité console au lancement d'un jeu Bethesda attendu avec Deathloop, Sony met enfin un terme aux rumeurs éternelles de Demon's Souls Remake. À l'heure où les titres de From Software jouissent d'une popularité sans précédent et que leur prochaine production, Elden Ring, cristallise les attentions de la planète gaming, le remake du tout premier "Souls" en tant que titre de lancement est un message positif fort à l'attention du public "core gamer". Plus universel, et signe d'un lien toujours fort entre Capcom et Sony, le très attendu Resident Evil Village est également annoncé dans cette diffusion comme le fut son prédécesseur, quatre ans plus tôt, dans la conférence PlayStation de l'E3 2016. Et surtout, enfin, pour conclure cette heure de diffusion en apothéose avant de montrer à quoi ressemble son nouveau bébé, la firme dévoile Horizon : Forbidden West, suite des aventures épiques de Aloy espérée par des millions de fans.
La croisée des générations selon Sony
Cependant, et si vous vous en rappelez, vous aurez noté que je l'ai (délibérément) laissé de côté, on retiendra que ce "showcase" s'était ouvert de façon un peu incongrue sur l'annonce… d'un nouveau portage de Grand Theft Auto V, cette fois-ci à venir sur PS5 en 2021. S'il n'y avait clairement pas de meilleure manière de retenir l'attention et l'intérêt du grand public (rien que sur PS3 et PS4 cumulées, GTA V dépasse les 50 millions d'unités distribuées), le message était en fait clair dès le début : les plus grands hits de la décennie qui s'achève vont revenir encore une fois sur PS5, qu'on le veuille ou non. Mieux (ou pire ?) encore, les plus gros hits PS4 avaient dès lors de grandes chances de disposer d'éditions améliorées (en 4K et/ou 60fps, avec ray-tracing, exploitation de la manette DualSense…) dites "définitives", évidemment exclusives à la nouvelle génération. Dans ces conditions, on aurait ainsi dû voir venir le Marvel's Spider-Man Remastered exclusif PS5 ou les éditions "Director's Cut" de l'exclusivité console Death Stranding et de Ghost of Tsushima, que l'on pensait naïvement être l'ultime exclusivité d'une PS4 qui n'en a pas manqué. Après tout, ce type de pratique n'était absolument pas nouveau chez PlayStation, et nous aurions dû nous y attendre.
La PS3 n'avait pas été trop critiquée pour les portages HD, sous forme de collections, de nombreuses trilogies voire duologies de licences cultes de la génération passée, mais l'accueil fut un peu différent vis-à-vis du recyclage régulier, et surtout parfois hâtif constaté sur une PS4 absolument pas rétrocompatible (ce qui, soyons honnête, faisait les affaire de la machine à remasters). God of War III Remastered dans une moindre mesure, et surtout The Last of Us Remastered, avaient été aussi bien salués par la critique que conspués par des joueurs attendant de véritables nouvelles exclusivités à se mettre sous la dent sur une PS4 qui a attendu un peu plus d'un an, et l'extraordinaire Bloodborne, pour en disposer d'une digne de ce nom. Enfin, il faudra quand même deux ans et demi de commercialisation pour qu'elle dispose d'un véritable "system-seller" en la personne de Uncharted 4 : A Thief's End. Mais alors, dans ce cas, pourquoi se plaindre que ce soit pratiquement pareil sur PS5 au même stade de vie de la machine ?
Cross gêne
Le fait est que non, ce n'est pas pareil du tout. D'abord, avec la PS5, Sony a fait l'effort, particulièrement appréciable, de revenir à la rétrocompatibilité traditionnelle de ses consoles, sur laquelle seule la PS4 avait fait l'impasse. Un choix franchement positif qui rassura sur les intentions de la firme, qui déclarait en 2015 que la rétrocompatibilité n'était pas si importante que ça. Seulement, avec une telle politique, il devenait alors évident pour les joueurs que Sony irait de l'avant et focaliserait sa nouvelle machine sur les titres du futur, et ses exclusivités. Une console sortant de la 4K native et du 120ps, et même capable à terme de gérer la 8K, mais également apte à lire les disques de jeu de la génération précédente, c'est exactement ça que j'attendais de la nouvelle génération de console après avoir achevé la précédente équipé des survitaminées PS4 Pro et – surtout – Xbox One X. C'est d'ailleurs ce que Microsoft propose du côté de la concurrence, avec la famille Xbox Series, où les jeux physiques sont publiés en parfaite harmonie avec la gamme Xbox One sur des disques pensés pour tourner sur les deux générations de machine, et identifier instantanément laquelle des deux versions doit être lue. Sur PS5, les choses sont malheureusement un peu plus compliquées, et la rétrocompatibilité promise fonctionne de manière bien moins naturelle. C'est un premier problème, que je passerais volontiers sous silence s'il était isolé…
Que les choses soient claires : durant la majorité de la huitième générations de consoles, la PS4 m'a régalé, et c'est entre autres pour ça que mes attentes envers la PS5 étaient si élevées. Après des débuts en demi-teinte où je me sentais soulagé de ne pas être en mesure de me la payer durant ses 15 premiers mois de commercialisation, faute de réelle utilité (boost de performance peu évident par rapport à la PS3, trop peu d'exclusivités, aucune rétrocompatibilité), j'ai appris à beaucoup apprécier la PS4 à partir de mon acquisition de la console en 2015, et à en faire ma machine prioritaire y compris pour les titres multi-support. Très satisfait du rapport quantité/qualité de ses exclusivités, la console de Sony m'a finalement accompagné peut-être encore mieux que sa devancière dans ma vie de joueur. De ses premières exclus "pas incroyables mais solides" comme inFamous : Second Son ou Until Dawn aux portages légitimes des meilleurs titres d'une PSVita déjà enterrée en Occident (Tearaway Unfolded puis Gravity Rush Remastered), mon premier contact me permit également de redécouvrir mes classiques favoris dans des versions remasterisées de grande qualité (The Last of Us Remastered puis Uncharted : The Nathan Drake Collection), faute de rétrocompatibilité avec la PS3. J'aurais quand même préféré pouvoir insérer mes galettes "old-gen" dans ma console flambant neuve, mais tant pis ! Au moins, sur PS5, ce problème était censé disparaître, surtout que la majorité des exclusivités maison allaient bénéficier d'un patch next-gen améliorant leurs performances…
Sur ce point, Sony n'a d'ailleurs pas menti : en-dehors d'un remaster de Spider-Man forçant à repasser à la caisse, tous les plus gros titres de la seconde moitié de vie de la PS4, dont une majorité d'open worlds riches et immenses (Horizon : Zero Dawn, Days Gone, Death Stranding, The Last of Us Part II, Ghost of Tsushima…) se voyaient boostés en 60fps ! Mieux encore, des titres tiers semblaient partis pour subir le même traitement, comme Final Fantasy VII Remake. Le début de génération PS5 était alors clair : nous aurions droit à plein d'exclusivités et au retour de licences PlayStation mythiques (Ratchet & Clank, Gran Turismo) et aux suites des plus gros hits PS4 (Horizon, God of War, Spider-Man) sur une console capable de lire ces derniers en version boostée. Que demande le peuple ? Hélas, rapidement, la machine à promesses s'est enrayée, et non, je ne compte même pas ici évoquer certains patches next-gen devenus payants (vu que les exclusivités ne furent pas trop concernées). Tout a commencé dans la foulée de la présentation de la PS5 avec la révélation du statut "cross-gen" de Miles Morales, avant que tour après tour, Horizon : Forbidden West et Gran Turismo 7 n'opèrent à leur tour cette marche arrière forcée, certes pas aidée par le contexte international, mais qui illustreront par la suite le véritable problème de l'an 2 de la PS5. Dans un mois, la cinquième console de salon de Sony aura deux ans, et elle ne dispose à ce jour que de six jeux totalement exclusifs, dont deux vrais triples A totalement inédits.
Quand les exclusivités sont exclues…
Si la volte-face de Sony concernant l'exclusivité PS5 (finalement très temporaire, voire jamais trop affichée comme telle) de Horizon : Forbidden West et de Gran Turismo 7 est compréhensible, la même situation se reproduira somme toute assez logiquement pour God of War : Ragnarök… et elle n'en reste pas moins irritante. Dans le contexte parfaitement imprévisible de la pandémie de Covid-19, la firme a fatalement dû revoir tous ses plans concernant la PS5. Probablement prévue pour être présentée dans un salon où elle aurait été jouable, et où les journalistes, créateurs de contenu et même fans du monde entier auraient pu tester la révolutionnaire DualSense, sa révélation ne se passa évidemment pas comme espéré par Sony. Pire encore : si certaines exclusivités (a minima sur console) étaient peut-être prévues en tant que cross-générationnelles, il paraissait assez logique que les AAA principaux de la présentation doivent tous lancer la nouvelle génération de manière 100% exclusive. Aurait-on imaginé le constructeur dévoiler Uncharted 4 fin 2013 avec une version PS3 en tête ? Bien sûr que non. S'il était probablement trop tard pour faire machine arrière concernant Returnal Ratchet & Clank : Rift Apart (qui sont à mes deux yeux les seules véritables exclusivités PS5 dignes de ce nom après deux ans), dont le développement bien trop avancé et pensé pour la nouvelle génération empêchait d'envisager une version PS4 en dernière minute, il semble plus qu'évident que les trois grosses autres cartouches du début de génération (Horizon, Gran Turismo, God of War) ont vu leurs ambitions quelque peu rétropédaler. Rien de vraiment surprenant pour s'assurer des ventes, cependant.
En effet, là où le cross-gen PS3/PS4 a vite trouvé ses limites (LittleBigPlanet 3, opus par ailleurs le plus dispensable de la série, fut la seule exclusivité PlayStation à cheval sur ces deux générations), c'est en partie parce que le parc de consoles d'ancienne génération installées ne justifiait pas assez de la maintenir en vie si longtemps. Côté PS4 en revanche, Sony allait-il vraiment se priver de vendre ses exclusivités maison encore un ou deux ans de plus sur une console écoulée à 110 millions d'unités dans le monde, pendant que son héritière peine à trouver des acquéreurs faute de distribution traditionnelle ? Bien sûr, tout ne peut pas être imputable à 100% aux conditions sanitaires exceptionnelles que le constructeur ne pouvait voir venir, mais il faut hélas admettre que la manière dont il s'y est adapté est logique et compréhensible, et que cette politique du cross-gen à rallonge se comprend. Personnellement, j'aurais quand même apprécié que Sony fasse preuve de plus de transparence à ce sujet avant de nous vendre du "uniquement sur PS5" en juin 2020, alors qu'il savait sans doute déjà que la production de la console et son acheminement seraient plus difficiles que prévu, et que son "plan B" était probablement alors en marche. Sur ce premier point, je me suis un peu senti trahi, et ce n'est pas le rapport quantité/qualité des exclusivités deux ans après qui a arrangé quoi que ce soit.
À sa sortie, la PS5 disposait malgré tout de deux véritables exclusivités maison, d'excellente facture qui plus est, ce qui n'était pas le cas de sa concurrente apparue dans les rayons (des marketplaces en l'occurrence) la même semaine. Problème : l'une d'entre elles est une démo technique intégrée d'office dans la console, l'autre un remake d'un titre PS3 de 2009 malgré tout de niche, dont le projet était né sur PS4 initialement et aurait sans doute pu tourner dessus avec juste davantage de temps de chargement. Pour voir une vraie nouveauté PS5 100% inédite, aux allures de jeu complet et disponible en boîte, il faudra attendre trois mois et l'arrivée de Destruction AllStars, initialement prévu pour le lancement… puis repoussé et mis à disposition directement sur le PlayStation Plus. Un destin à la Driveclub, pour un résultat similaire : un Metacritic carrément moyen (62%) et un "jeu-service" totalement oubliable, et déjà oublié. Heureusement, les excellents (voire exceptionnels) Returnal et Ratchet & Clank : Rift Apart viendront enfin relever le niveau au printemps, et après 7 mois de vie, la PS5 dispose donc de 5 exclusivités, et parmi elles, 4 excellentes dont 3 sorties en boîte. Bientôt un an et demi après, une seule est venue s'ajouter à cette liste : The Last of Us Part I, remake ô combien décrié du légendaire titre testament de la PS3 signé Naughty Dog. Pire encore : seuls Marvel's Spider-Man 2 (pour 2023) et Marvel's Wolverine ont été annoncés comme futures exclusivités PS5, et on parle donc ici de licences déjà connues. Pour enfoncer le clou, à la même période de vie de la PS4 (octobre 2015 donc), cette dernière comportait 12 (!) exclusivités maison (dont 4 remasters) et surtout, 10 futures exclusivités (dont un remake et deux remasters) étaient déjà annoncées…
Remake, t'as pas 80 balles ?
Alors certes, je tire un peu sur l'ambulance aves ces comparatifs chiffrés, car le lancement de la PS4 fut beaucoup moins tumultueux et la nécessité d'enterrer la PS3 était bien plus forte du côté de Sony, du fait notamment d'un succès moindre et d'une architecture horrible à exploiter. Cependant, si l'on peut accepter de se montrer compréhensif sur la quantité, c'est au niveau de la qualité que le bât blesse. En tant que consommateur de consoles Sony depuis 1998, y compris la PlayStation Portable et même la PSVita dont je fus un des acquéreurs day one en Europe, j'achète les consoles PlayStation en grande partie pour la qualité très élevée de la majorité de leurs exclusivités, et suis très fidèle depuis des générations aux studios d'exception qui les développent, de Naughty Dog à Insomniac en passant par Sucker Punch, Polyphony Digital ou Media Molecule. Or, deux ans après la sortie de la PS5, je me demande régulièrement pourquoi je l'ai achetée, si ce n'est pour jouer aux titres sortis depuis 2020 dans de bien meilleures conditions… car oui, la PS5 est une vraie belle console next-gen aux performances dignes de ce nom, c'est indéniable, mais j'en ai fait l'acquisition pour jouer aux suites de mes licences de cœur et/ou aux nouvelles franchise de mes studios favoris. Sinon, autant me focaliser sur mon PC dont la configuration tient franchement la comparaison avec le monolithe blanc (et qui accueille le Game Pass, lui).
Ainsi, lorsque fut officialisé le remake de The Last of Us neuf ans après sa sortie, mettant fin à des rumeurs auxquelles je refusais de croire, je tombai quelque peu des nues. Oui, la perspective de rejouer un jour à un de mes jeux vidéo favoris de tous les temps avec les graphismes de sa suite parue 7 ans après, en tous points supérieure techniquement, était réjouissante. Mais ni aussi tôt, encore en début de génération, et encore moins en faisant perdre leur temps à Naughty Dog dessus, alors qu'ils ont sans doute bien plus urgent à faire ! Au hasard, le standalone multijoueur de The Last of Us ou surtout, une suite, une nouvelle licence, bref quelque chose d'inédit. Ce remake, qui plus est ne retouche clairement pas tout, ne s'imposait nullement alors que le remaster PS4, daté de juillet 2014 (et clairement pas "daté tout court"), est disponible dans la collection PlayStation Plus intégrée d'office pour les abonné(e)s sur PS5. Bien sûr, Sony cherche à conquérir un nouveau public avec les futurs spectateurs de la série à venir sur HBO, mais ce dernier ne pourrait-il pas parfaitement apprécier The Last of Us Remastered, puis enchaîner sur "Part II" et savourer encore un peu mieux l'évolution impressionnante entre les deux épisodes ? En optant pour une telle simplicité, et en sachant que le travail derrière ce remake prématuré sera de toute façon excellent, Sony s'assure des ventes faciles qui risquent en plus de lui donner raison.
Enfin, puisque l'on parle de limiter la prise de risques et de brider toute forme de créativité, la dernière rumeur en date, qui m'a motivé à exprimer ce petit coup de gueule, m'a personnellement encore plus consterné. Selon des sources plutôt crédibles, un remaster de Horizon Zero Dawn pour PS5 serait en vue, et une telle annonce ferait passer le remake de The Last of Us pour beaucoup plus acceptable en fin de compte. Où se trouve l'utilité de remasteriser un jeu paru en 2017, optimisé pour la PS4 Pro au moment de sa sortie, et ayant bénéficié d'un patch PS5 lui permettant de tourner à 60 images par seconde ? S'il est vraiment considéré comme nécessaire de rajouter des options d'accessibilité supplémentaires (sans doute le meilleur argument possible au vu de l'évolution salvatrice de ces features depuis quelques années), et à la rigueur de revoir l'animation faciale il est vrai très moyenne du jeu d'origine, tout ceci doit bien pouvoir s'intégrer dans le cadre d'un gros patch supplémentaire payant, qui viendrait enrichir un jeu culte de l'écosystème Sony disponible dans le PlayStation Plus. Zero Dawn est bien plus proche techniquement de Forbidden West que ne l'étaient les deux "parties" de The Last of Us, et rien ne justifie de ressortir ce titre aussi vite sous forme d'un remaster payant, mis à part la volonté très discutable de nous faire croire qu'il est déjà daté, un leurre dans lequel la majorité des joueurs ne tombera pas. À moins que Sony n'en ait que faire des "core gamers" et se focalise désormais en priorité absolue sur le nouveau public à atteindre avec les créations du studio PlayStation Productions, destiné à adapter ses nombreuses franchises au cinéma et à la télévision ?
For the new players
La réalité, malheureusement, nous l'avons bien intégrée : l'époque du PlayStation innovant, capable d'exploiter le talent de ses studios pour inventer de nouvelles licences y compris un peu plus de niche (Gravity Rush, Tearaway) voire pas forcément convaincantes (Knack), ou même produire du jeu d'auteur (The Last Guardian) semble révolue. Sony n'a plus envie de prendre de risques et avec la PS5, il donne à son public historique l'impression de le contenter d'un service minimum qui pourrait le lasser à terme. Oui, les exclusivités PlayStation existent heureusement toujours, 2022 aura été quand même très satisfaisante à ce niveau (nouveaux Horizon, Gran Turismo et God of War, remake graphique sublime de The Last of Us), et l'année devrait sans doute s'achever en apothéose avec le très attendu God of War : Ragnarök, espéré comme challenger principal de Elden Ring pour le titre de GOTY. Mais plus que jamais, Sony donne l'impression de tourner en rond, de manquer d'audace, et surtout de se recentrer sur ses franchises les plus rentables, quitte à les essorer jusqu'à la moelle et de décevoir son public historique et fidèle, avide de nouveautés, de surprises et de véritables prises de risque dignes de ce nom. Vous noterez enfin que dans tout ça, à aucun moment je n'ai pointé du doigt la nouvelle politique visant à porter (presque) toutes les exclusivités PlayStation sur PC à terme : c'est en effet probablement la seule bonne décision stratégique de cette envergure prise par la marque durant l'ère PS5, et s'y opposer relèverait d'une attitude de fanboy peu soucieux des intérêts de la société qu'il défend aveuglément… mais aussi de ceux du jeu vidéo dans son ensemble.
Maintenant, il est possible que je sois exagérément pessimiste, et que l'avenir nous réservera peut-être de belles surprises. Rien ne dit que la Team Asobi (ex Sony Japan Studio) ne prépare pas, enfin, un premier vrai AAA mettant en scène Astro et son univers, et qui ne soit ni une exclusivité PSVR ni une simple démo fournie dans sa console. On ignore encore sur quoi peuvent plancher les orfèvres de Bluepoint Games, enfin racheté par Sony, même si la perspective d'un énième remake (certes de qualité) de leur part n'est pas à exclure, considérant leur incroyable talent pour remettre des titres cultes d'antan au goût du jour. On peut aussi se prendre à rêver que l'actuel projet en gestation de GenDesign (ex Team Ico), sous la direction du génial Fumito Ueda, soit pour la quatrième fois (en autant de générations de consoles de salon PlayStation) une exclusivité Sony, tout du moins sur consoles vu que le titre est financé par Epic Games et paraîtra sur PC. Enfin, pendant qu'on y est, pourquoi ne pas fantasmer sur un hypothétique retour de Sly Cooper un jour, sous la direction de Sucker Punch ou pas, peu importe ? Moi, ce que je veux, c'est que la marque PlayStation continue de me faire rêver avec des exclusivités et des licences de haute volée, comme elle le fait depuis un gros quart de siècle désormais, voire qu'elle ressuscite d'anciennes gloires qui, elles, méritent de revenir sur le devant de la scène après une longue traversée du désert. C'est pour ça que j'ai acheté la PS5, pas pour des remakes ou remasters prématurés, ni pour que chaque studio ne soit associé qu'à une licence unique et bloque sa créativité.
Avec la PS5, Sony a pris un virage que nous n'avions pas vu venir, illustré par une frilosité certaine, entre capitalisation interminable sur le succès d'une PS4 écoulée à 115 millions d'unités dans le monde, et créativité plus limitée que jamais lorsqu'il s'agit de produire les exclusivités supposées lui servir de system-seller. En freinant énormément ce qui fit sa force durant de nombreuses générations, et en cherchant davantage à séduire un nouveau public résolument "non gamer" dont l'adhésion n'a absolument rien de garanti, la firme prend un risque surprenant qui est tout sauf celui que sa clientèle historique pouvait attendre d'elle. Même si l'on peut légitimement considérer que la PS5 a eu, contexte international oblige, des débuts assez poussifs et que son vrai décollage est encore attendu, il devient grand temps que le constructeur (supposé) leader du marché fasse de sa nouvelle console ce qu'on voulait finalement qu'elle soit, à savoir la digne héritière de la PS4, et pas une "PlayStation 4 Definitive Edition" abreuvée de patches next-gen parfois payants, portages, remasters et remakes facturés 80€ de jeux encore parfaitement qualitatifs fin 2022 dans leur version d'origine. Je n'ai pas acheté la PS5 pour ça, et je pense que vous non plus.