Le 15 février 2022, la PS Vita a célébré ses 10 ans. Seconde console portable de Sony après la PSP, la Vita n'a jamais rencontré un succès à la hauteur de son ambition, ni de la qualité de son hardware. Petit retour sur les différents points qui peuvent expliquer l'échec de la PS Vita, avec en toile de fond les leçons retenues par Nintendo pour lancer sa Switch dont on connaît le succès aujourd'hui.
Sommaire
- Une console et des accessoires aux prix élevés
- Une rude concurrence face à l'explosion du jeu mobile
- Le remote-play, une idée révolutionnaire mais sous-exploitée
- Un manque de soutien des studios third-party
- Une volonté de se focaliser sur la PS4 de la part de Sony
Une console et des accessoires aux prix élevés
Lancée le 17 décembre 2011 au Japon puis le 15 février 2011 en Amérique du Nord et enfin le 22 février en Europe, la PS Vita était initialement vendue en deux exemplaires. D'un côté, il y avait le modèle de base utilisant le Wi-Fi pour se connecter à Internet vendu à 249€, mais aussi le modèle Wi-Fi + 3G vendu 299€ qui permettait de se connecter au réseau 3G contre un abonnement supplémentaire. D'une part, on pourrait se dire qu'il s'agit là d'un prix assez raisonnable pour une telle console portable avec un écran OLED tactile qui promet de faire tourner des jeux avec un rendu proche de celui de la PS3. Mais d'un côte, il faut se rappeler qu'à cette époque, pour le même prix, il était possible de mettre la main sur des consoles de salon qui n'allait passer le flambeau que deux à trois ans plus tard. Par exemple, la Xbox 360 Slim sortie en août 2010 était disponible en Amérique du Nord pour 200$, tandis qu'en août 2011, la PS3 Slim passait en Europe à 299€ pour un modèle 320GB et à... 249€ pour un modèle 160GB.
Mais alors que le prix de lancement de la Vita a de quoi être dissuasif face à des consoles de salon, un autre facteur vient peser dans la balance contre l'achat de cette dernière : ses cartes mémoires propriétaires. En effet, Sony avait fait en sorte que seules ses cartes mémoires étaient compatibles avec la PS Vita et ces dernières étaient vendues à un prix bien plus élevé que la concurrence. Alors qu'à l'époque une carte SD Haute Capacité (SDHC) de 32GB valait aux alentours de 20$, une carte mémoire de 32GB pour PS Vita coûtait elle... 100$, 20$ pour une carte de 4GB. Et à une époque où la plupart des gros jeux de la Vita pèsent plus de 4GB sans compter les mises à jour, il était facile de tomber rapidement en manque de place, surtout sur une console qui propose très peu de mémoire interne.
Une rude concurrence face à l'explosion du jeu mobile
Lors de l'EGX 2015, un salon professionnel des jeux vidéo qui se déroule chaque année au Royaume-Uni et en Allemagne, Shuhei Yoshida, alors président de Sony Computer Entertainment Worldwide Studios, avait déclaré lorsqu'on lui demande si une PS Vita 2 était prévue :
C'est une question difficile. Les gens ont des téléphones portables et c'est tellement facile de jouer à des jeux sur smartphones aujourd'hui, surtout que la plupart d'entre eux sont gratuits, au moins au départ. Je suis moi-même un grand fan de la PlayStation Vita et j'ai beaucoup travaillé sur le design de chacun de ses aspects. Les jeux qui reposent sur le tactile sont amusants, il y a beaucoup de jeux qui sont bien conçus. Mais avoir des sticks et des boutons rendent les choses complètement différentes. Alors j'espère, comme beaucoup d'entre vous, que cette culture de jouer sur consoles portables continuera mais le climat n'est pour l'instant pas propice à cause de l'énorme domination du jeu mobile.
Depuis le lancement de l'iPhone en 2007, les consoles portables comme la 3DS et la PS Vita ont dû faire face à une concurrence féroce de la part des jeux mobiles aux graphismes de plus en plus impressionnants, à l'image de Infinity Blade par exemple, un jeu sorti en 2010 sur iPhone qui tournait sur Unreal Engine. Avec la démocratisation du smartphone, le grand public s'est aussi dirigé vers des titres qui proposent de courtes sessions de jeu comme Angry Birds, Doodle Jump, Jetpack Joyride ou encore Candy Crush Saga qui sont parfaits pour des voyages en transport en commun par exemple, plutôt que des expériences qui demandent de s'investir comme les jeux plus traditionnels qu'on retrouve sur Vita.
Enfin, difficile pour des consoles portables dédiées uniquement aux jeux vidéo de rivaliser face à des appareils que tout le monde possède et qui peuvent quasiment tout faire, aussi bien téléphoner, qu'envoyer des messages, se connecter à internet, consulter ses mails, prendre des photos, regarder des vidéos, écouter de la musique... et mille une autres fonctions parmi lesquelles jouer à des jeux. De plus, qui va préférer sortir avec sa PS Vita plutôt qu'avec son téléphone ? Mis à part pour des trajets de longues durées, difficile de trouver de bonnes raisons de sortir avec une console portable en poche. Pourtant, on pourrait dire que la 3DS a fait face à la même concurrence mais a eu droit à un destin bien plus heureux, mais nous reviendrons en temps et en heure sur ce point-là.
Infinity Blade présente ses premières images
Le remote-play, une idée révolutionnaire mais sous-exploitée
Lors de sa présentation, la PS Vita promettait une fonction intrigante par son ambition : le Remote-Play. Avant la sortie de la PS Vita, une rumeur insistante voulait que tous les jeux PS3 seraient compatibles avec le Remote Play de la PS Vita, c'est-à-dire qu'il serait possible de jouer directement à des jeux PS3 sur sa PS Vita grâce au streaming en Wi-Fi. Malheureusement, Sony a vite démenti cette information car dans les faits, très peu de jeux PS3 étaient éligibles à cette fonctionnalité car la console n'avait pas été designé de base pour supporter le Remote Play. Pour entrer un peu dans l'aspect technique, les développeurs devaient eux-mêmes implanter cette fonctionnalité dans leur jeu car le hardware ne le faisait pas de lui-même, ce qui explique pourquoi le Remote Play était peu courant parmi les jeux PS3.
Dans un élan pour relancer la PS Vita qui était déjà en perte de vitesse, Sony annonce en juin 2013 que tous les jeux PS4 seront compatibles avec le Remote Play de la console portable, à l'exception de certains titres qui utilisent des accessoires par exemple. Par la démocratisation de cette fonctionnalité, Sony voulait donner une seconde vie à la Vita en faisant d'elle un compagnon idéal de la PS4 pour ceux qui veulent jouer aux jeux de la console au format portable par exemple dans une pièce différente de celle où se trouve l'écran principal ou parce que ce dernier n'est pas accessible. Dans les faits, il faut reconnaître qu'il s'agit là d'une fonctionnalité très gadget qui demande en plus d'avoir très bonne connexion Wi-Fi pour fonctionner correctement ce qui reste très contraignant. Nintendo aura une idée similaire avec la Wii U et sa fonction Off-TV Play qui permet de jouer à un jeu directement sur l'écran du GamePad plutôt que sur son téléviseur, même si la portée de ce dernier reste limitée. Finalement, Nintendo tira les leçons de la PS Vita et de la Wii U pour lancer la Switch qui assume pleinement sa nature de console hybride, permettant de jouer aussi bien en portable que branché devant un écran, sans considération de Wi-Fi et de qualité de streaming.
Un manque de soutien des studios third-party
Après un lancement marqué de gros titres tels que Uncharted : Golden Abyss et WipEout 2048, la PS Vita a manqué de grosses cartouches par rapport à sa grande soeur qui avait été gâté ce qui lui a assuré son succès. En effet, la PSP avait d'abord pu compter sur le soutien des studios third-party qui lui ont livré nombre de ses jeux cultes. Rendez-vous compte, la première console portable de Sony avait eu droit à deux GTA (Grand Theft Auto : Liberty City Stories et Grand Theft Auto : Vice City Stories), deux God of War (God of War : Chains of Olympus et God of War : Ghost of Sparta), deux MGS (Metal Gear Solid : Peace Walker et Metal Gear Solid : Portable Ops) etc... De plus, certains éditeurs étaient particulièrement présents à l'image de Square Enix qui a développé de nombreux jeux exclusifs à la PSP issus de ses licences phares : Crisis Core : Final Fantasy VII, Kingdom Hearts : Birth by Sleep, Dissidia : Final Fantasy... Au-delà des God of War, les studios maisons de PlayStation avaient aussi développé beaucoup de titres pour la console portable comme Patapon, LocoRoco, Gran Turismo... Et puis, la PSP avait aussi accueilli de nombreux titres tirés d'anime qui lui valu une grande popularité auprès du public adolescent avec des jeux Dragon Ball, Naruto, Bleach, Yu-Gi-Oh!... Enfin, comment parler de la PSP sans évoquer la licence à l'origine d'une majeure partie de son succès, du moins au Japon : Monster Hunter.
Malheureusement, la plupart des éditeurs et licences présents sur PSP ne l'ont pas été sur PS Vita ce qui s'est ressenti dans son catalogue de jeux. D'un côté, certains grands atouts étaient partis chez la concurrence, comme Capcom qui a préféré publier les épisodes de Monster Hunter en exclusivité sur Nintendo 3DS, tandis que des soutiens historiques n'ont pas cherché à développer des titres spécifiquement pour la PS Vita face à l'explosion et la rentabilité du jeu mobile comme Square Enix par exemple. Et si la deuxième console portable de Sony a accueilli quelques bonnes exclusivités issues des studios PlayStation comme Gravity Rush ou Killzone Mercenary, cela ne s'est pas toujours bien passé à l'image de Resistance : Burning Skies à l'accueil plus que mitigé. Pire, parmi les quelques jeux exclusifs à la console, on retrouve parfois des catastrophes comme Call of Duty : Black Ops Declassified dont l'indice Metacritic est aujourd'hui de... 33. Malgré ce manque de gros titres qui auraient pu servir de vitrines à la console auprès du grand public, au fil des ans, la Vita est une console qui a accueilli beaucoup de jeux de niches, aux petites communautés de joueurs mais très actives comme celles des J-RPG, des jeux indépendants ou encore des visual novel. C'est de cette façon que nombreuses pépites se sont fait connaître comme OlliOlli, Persona 4 : Golden ou encore la série Danganronpa en Occident.
Persona 4 : Golden se dévoile !
Une volonté de se focaliser sur la PS4 de la part de Sony
Face aux différentes difficultés rencontrées par la console citées plus haut, il faut reconnaître que Sony a vite préféré abandonner la PS Vita pour se focaliser sur la PS4 qui était bien plus prometteuse, et ce, relativement tôt dans la vie de la console portable. En effet, lors de l'E3 2015, alors que la PS Vita n'avait fait qu'une brève apparition au cours de la conférence du constructeur, Shuhei Yoshida avait déclaré dans une interview IGN :
Pour être tout à fait honnête, je ne dirais pas que nos studios internes continueront à développer des titres AAA à destination de la PS Vita.
Une décision surprenante surtout à peine trois ans après le lancement de la console. Quelques années auparavant, alors que Nintendo avait lui aussi vécu un lancement compliqué pour la 3DS qui ne se vendait pas aussi bien que sa grande soeur, le constructeur japonais avait réussi à redresser la barre en prenant des décisions radicales. Vendue elle aussi au départ à 249$, Nintendo prit la décision de brader le prix de sa console portable passant à 169$ seulement six mois après son lancement. Sony pris une décision similaire pour sa PS Vita, passant de 249€ à 199€ et en baissant le prix des cartes mémoires, mais en août 2013, soit un an et demi après le lancement de la console ce qui semble déjà malheureusement trop tard. C'est aussi à cette occasion qu'a été commercialisé la PS Vita 2000, version plus fine et légère du modèle original avec 1GB de stockage interne et une heure d'autonomie supplémentaire, mais malheureusement un écran OLED remplacé par un écran LCD plus économique mais de moins bonne qualité.
Pour poursuivre sur l'exemple de la 3DS, à la suite de sa baisse de prix, Nintendo prit la décision de bâtir lui-même un solide catalogue de jeux qui ne seraient disponibles que sur sa console portable pour attirer un nouveau public. Une stratégie qui n'a rien de surprenant puisque Nintendo a toujours compté sur ses propres jeux pour vendre ses consoles, ce qui explique pourquoi on retrouve uniquement des jeux de la marque dans les titres les plus vendus de la Switch par exemple. Après la baisse de prix de la PS Vita, Sony n'a pas cherché à négocier de nouveaux accords avec des éditeurs tiers, ni à pousser ses studios internes à développer des jeux pour sa console portable, étant trop focalisés sur la PS4, laissant ce travail aux développeurs indépendants comme le reconnaissait une fois de plus Shuhei Yoshida :
En revanche, plutôt que de continuer à investir massivement de l'argent avec de gros jeux comme Killzone Mercenary sur PS Vita, nos studios se focalisent sur la PS4. Mais nous savons que les jeux plus petits marchent très bien sur Vita, car la technologie de la PS4 n'est pas indispensable pour proposer quelque chose d'amusant.