Dans les années 1980, le monde de l’arcade étaient représenté par des géants tels que SEGA, Namco, Taito ou encore Midway. Durant cette période, la créativité était à son paroxysme et d’innombrables genres ont émergés du cerveau des développeurs. Plate-formes, shoot, action, réflexion, sport… ce fut une décennie de découvertes ! Pendant longtemps, les jeux de combat se sont limités à des expériences solo inspirées par les films de Bruce Lee ou des simulations de boxe. Et puis, Capcom est arrivé…
En 1987, l’entreprise d’Osaka est en pleine ascension et tente de dépoussiérer le jeu de combat avec Street Fighter. Réputée pour ses titres d’action et ses shoots, elle imagine – par le biais de Takashi Nishiyama, un transfuge d’IREM – un tournoi mettant en scène deux personnages du nom de Ryu et Ken. Pour séduire les joueurs dans le monde entier, Nishiyama et son équipe passent beaucoup de temps à définir la personnalité de chaque combattant et le titre parvient à se faire une place dans le monde du jeu vidéo grâce à un univers accrocheur inspiré du film Opération Dragon, l’œuvre posthume de Bruce Lee.
FINAL FIGHT AVANT STREET FIGHTER II
À l’époque, Capcom est divisée en plusieurs équipes et le genre beat’em up n’en finit plus de séduire les joueurs dans les salles d’arcade. Tout le monde ne parle que de Double Dragon et cette réalité pousse les hautes instances de l’entreprise japonaise à réagir. Elle s’aperçoit que l’intérêt des shoots s’estompe et mise sur des combats en multijoueur pour avoir de meilleures retombées financières (plus de joueurs sur une même partie = plus de sous). À la fin des années 1980, le monde fait face à une pénurie de puces mémoire (rappelant un peu la situation actuelle) et Capcom n’a pas les ressources pour sortir une suite à Street Fighter. Bien que les travaux préparatoires d’un hypothétique Street Fighter II aient débuté, l’entité nippone les récupère pour en faire un beat’em up plus « classique » qui deviendra Final Fight. La raison ? L’équipe en charge du jeu doit travailler avec un nombre de puces mémoire limitée (plus faible que pour Forgotten Worlds, le dernier shoot à succès de l’éditeur).
De tous les combattants de la franchise, Ryu est celui qui symbolise au mieux l’univers de Street Fighter II. On peut lire ici et là que le protagoniste a été créé pour le premier Street Fighter, mais l’histoire est plus complexe. Dans l'épisode 134 des Oubliés de la Playhistoire, Florent Gorges tord le cou à cette légende urbaine. En vérité, Ryu est né dans un jeu appelé Trojan – ou Tatakai no Banka au Japon. Son créateur, Takashi Nishiyama, est également celui qui a imaginé Street Fighter et dans une interview, il a expliqué qu’il avait conçu Ryu pour qu’il devienne un personnage récurent chez Capcom. Après Trojan, il l’a fait apparaître dans le titre Avengers (Hissatsu Buraiken au Pays du Soleil Levant) puis, ensuite, dans Street Fighter. Et pour la petite histoire, la preuve est trouvable dans le premier Street Fighter. Dans la séquence d'intro, on peut voir un mur taggué avec les inscriptions… Avengers et Trojan. Par ce simple écran, Nishiyama a tout simplement taggué son CV ! Astucieux !
À la fin de l’année 1989, l’industrie du jeu vidéo peut souffler ! Le coût des puces mémoire baisse et les éditeurs, confrontés pendant des mois à cette pénurie de composants, peuvent de nouveau se montrer ambitieux. Capcom autorise ses équipes à réfléchir à une suite de Street Fighter en leur donnant une consigne : il doit être conforme à l’original dans l’esprit. Dès le départ, le staff se concentre sur la personnalité de chaque combattant, le jeu devant accueillir 8 protagonistes jouables et 4 boss. Les intéressés ne partent pas de zéro. En plus de récupérer Ryu et Ken du premier Street Fighter, ils reprennent les croquis imaginés quelques mois auparavant par l’équipe de Final Fight. Ils imaginent alors des combattants de différentes nationalités prônant différents arts martiaux.
Pour éviter de s’éparpiller, Capcom demande à ses artistes de travailler sur un nombre limité de combattants en y mettant toute leur passion. Chaque artiste s’occupe d’un ou deux personnages maximum et une véritable osmose se met en place parmi les créateurs pour obtenir un casting percutant et inoubliable. En parallèle de l’apparence physique, il est demandé à chaque artiste de définir un style de combat par personnage, mais aussi de réfléchir à des attaques et coups spéciaux. Les idées farfelues affluent (charge électrique pour Blanka, vol à la Superman pour Honda…) et l’équipe adore ! Alors qu’elle prônait la recherche du réalisme, l’équipe de Street Fighter II change d’optique et donne encore plus de liberté à ses concepteurs.
LE PROJET PHARE
La direction de Capcom n’est pas dupe et comprend que l’ambitieux projet est sur la bonne voie. En accord avec les responsables de l’équipe, elle décide d’allouer une mémoire très importante au jeu. Les développeurs se lâchent alors comme jamais ! Personnages énormes, animations soignées, décors détaillés, musiques dynamiques… Street Fighter II est infiniment plus gourmand que les autres titres de l’entreprise ! Bien évidemment, les concepteurs doivent trouver d’innombrables astuces techniques pour faire entrer l’intégralité de leurs idées et la plupart, dont le redoutable Akira Yasuda (dit Akiman - une légende), se retrouve à dormir sous leurs bureaux. Les heures, les jours, les mois défilent… jusqu’au 6 février 1991.
Street Fighter II devient un phénomène de société au Japon et embarque le monde entier dans l’univers du Versus Fighting. Porté par un gameplay extraordinaire et des musiques inoubliables (Yoko Shimomura s’est imprégnée de chaque pays pour diversifier ses mélodies et a fait en sorte d’augmenter le volume de la batterie et des effets pour que le jeu se démarque dans les salles d’arcade, bruyantes par nature), le jeu de Capcom est une révolution ! Cela fait maintenant trois décennies que cette merveille a vu le jour (31 ans hier précisément), et personne n'a oublié ses premiers combats, que ce soit en arcade ou sur Super Nintendo. D'ailleurs, pour beaucoup, l'achat de cette cartouche fut le premier véritable investissement en tant que joueur (hors matériel). En 1992, beaucoup ont lâché la modique somme de 700 francs... ce qui représente environ 107 euros en prenant en compte l'inflation.
Et vous, quelle est votre histoire avec Street Fighter II ? Plutôt arcade ou console pour votre première découverte ?