C’est sans précédent. Sans crier gare et suite aux indiscrétions du Wall Street Journal, Microsoft vient d’annoncer l’acquisition d’Activision Blizzard (World of Warcraft, Call of Duty) pour un montant record de 69 milliards de dollars. Sous réserve que l'opération soit finalisée par les autorités compétentes, Xbox est sur le point de devenir le maître incontesté du jeu vidéo américain. Un événement majeur.
Noël est passé depuis deux semaines, et pourtant, Microsoft vient de s’offrir un énorme cadeau. Sa valeur : 69 milliards de dollars, le présent en question : Activision Blizzard, l’une des sociétés les plus lucratives du jeu vidéo au monde, forte d’un portefeuille de propriétés intellectuelles surpuissant (Candy Crush, Call of Duty, World of Warcraft, etc). En termes de montant, c’est le plus gros rachat de l’histoire de l’industrie. Loin devant celui de Bethesda (The Elder Scrolls, Fallout, Starfield) par Microsoft l’année dernière, près de 8 milliards de dollars. Et l’acquisition de Zynga (FarmVille) par l’éditeur Take-Two (GTA) début janvier, estimée à 12 milliards de dollars.
Officialisé, pas finalisé
Des sommes folles, prêtes à faire tourner la tête de n’importe qui. Mais sans doute pas de la Federal Trade Commission, dont le rôle est d’évaluer les pratiques commerciales anticoncurrentielles aux Etats-Unis (la Commission européenne aura également son mot à dire). À ce jour, l’acquisition d’Activision Blizzard par Microsoft n’a pas encore été finalisée, et a encore théoriquement une chance de ne pas aboutir. Dans un communiqué, Bobby Kotick, actuel PDG de la société, affirme que cette étape cruciale aura lieu en juin 2023. Les délais du genre sont monnaie courante : dix-sept mois pour le rachat de la Fox par Disney.
“Ce marché soulève indéniablement des questions antitrust” note sur Twitter le journaliste Jason Schreier, incontournable dans le milieu, évoquant un “accord sismique”. S’il arrive à son terme, ce rachat pourrait faire de Microsoft le plus gros acteur du jeu vidéo américain, plus fort encore que des entreprises comme Electronic Arts (FIFA), Epic Games (Fortnite) et Take-Two. Par le passé, Microsoft a déjà eu affaire aux lois anticoncurrentielles, mais en informatique, pour son logiciel d'exploitation Windows. Aux Etats-Unis, un cas de ce genre dans le domaine du jeu vidéo serait de toute évidence une première.
Microsoft affirme qu’il sera la "troisième plus grande société de jeux en termes de chiffre d'affaires, derrière Tencent et Sony" une fois l'accord conclu - The Verge, le 18 janvier 2022
Avant la fin officielle de l’opération, “Activision Blizzard et Microsoft Gaming continueront d’opérer de façon indépendante” précise Phil Spencer, à la tête de Xbox, sur le blog de la marque. Par ailleurs, l'homme a confirmé, dans un message relayé par VGC, que l’actuel PDG de la firme rachetée à prix d’or, Bobby Kotick, restera pour l’heure à son poste. “Dès que l’accord sera finalisé, Activision me rendra compte” précise Phil Spencer. Pas sûr que Bobby Kotick soit toujours du voyage en juin 2023 donc, au cœur des scandales de harcèlement sexuel de son entreprise, d’ailleurs décriés par Spencer.
Un Game Pass surboosté
Ce qui est sûr en revanche, ce sont les retombées que l'accord pourrait avoir sur Microsoft, pour ce qui est de sa force de frappe en termes de développement tout d’abord. Après le rachat de Bethesda, Xbox et ses 23 studios sont sur le point d’accueillir une douzaine d’équipes supplémentaires, dont celles qui livrent un volet de Call of Duty chaque année, mais également d’autres, plus grand public, comme Toys For Bob et Vicarious Visions par exemple, deux studios qui ont récemment ressuscité le célèbre Crash Bandicoot. Plus que de la main d'œuvre, c’est surtout un impressionnant catalogue de propriétés intellectuelles que s’offre Xbox : Tony Hawk, Warcraft, Candy Crush, Diablo, Overwatch, Spyro, Hearthstone, Guitar Hero, StarCraft.
Des grands noms parfaits pour le Xbox Game Pass, qui vient de franchir 25 millions d’abonnés, annonce Microsoft dans son communiqué. Phil Spencer affirme vouloir proposer “autant de jeux Activision Blizzard que possible” dans l’offre, que ce soit des “nouveaux titres” ou des jeux déjà connus. Call of Duty, Overwatch 2, en exclusivité sur les réseaux Xbox ? Oui et non : "Microsoft a pour but de continuer à faire (sortir - ndlr) certains jeux d’Activision sur les consoles PlayStation, mais va aussi garder quelques contenus exclusifs pour Xbox" détaille une source proche du dossier à Bloomberg. “Réseaux”, car il ne faudrait pas oublier xCloud, solution streaming de Microsoft. La société va profiter de ce rachat pour “accélérer ses plans” en la matière, explique Spencer. Déjà presque imbattable, le Xbox Game Pass s’apprête à devenir plus fort, voire intouchable.