On dit de lui qu’il est un développeur accompli, qu’il est un innovateur investi dans la tech. Suite au départ de Peter Moore, Don Mattrick devient le nouvel homme fort de Microsoft en 2007. “Il voulait que la Xbox soit un produit encore plus populaire sur le marché” déclare Aaron Greenberg de Microsoft. Mais cette envie de grandeur a failli tuer la marque. Don Mattrick s’explique pour la première fois dans le reportage Power On : The Story of Xbox.
Cette news fait partie d’une série d’articles déjà publiés ou à paraître prochainement traitant du reportage “Power On : The Story of Xbox” réalisé par Andrew Stephan. Au cours de la lecture, vous trouverez des liens qui mèneront vers des timecodes de la vidéo.
L'ouverture
“Quand je suis arrivé chez Microsoft, Steve Ballmer m’a dit que Xbox devait fabriquer d’autres produits. Pour ce faire, il fallait miser sur de nouvelles catégories, innover et créer les nouveaux succès du jeu vidéo et du divertissement” déclare Don Mattrick dans Power On, dont les paroles sont extrêmement rares depuis son départ de Microsoft. “Quand Don Mattrick est arrivé, l’idée était de fidéliser un public plus large” explique Drew Angeloff, Software Development (de 2008 à 2010). Il ajoute : “Lors d’une réunion, il a dit : “on ne va pas fabriquer 30 millions de consoles mais 300 millions”. La stratégie était de créer des expériences pour le public casual”. Afin d’y parvenir, Microsoft mise sur le divertissement. Sur le cinéma déjà, avec des applications permettant de louer/voir des films en streaming. L’application Netflix apparaît sur la console à la demande de Mattrick et le succès est immédiat. Puis HBO arrive, ainsi que Facebook ou encore Twitter. “Notre communauté Xbox Live, les services de streaming vidéo, les gamertags, les succès, les expériences, les clients adoraient tout ça et les concurrents nous enviaient” se souvient Don Mattrick.
L'œil du cyclone
En 2006, Nintendo sort la Wii et c’est un véritable carton. Le motion gaming devient un phénomène de société. Les parents et les grands-parents se remettent à jouer, ce qui fait de la machine de Nintendo la console familiale par excellence. En bougeant devant sa TV, les professionnels de santé disent que le jeu vidéo est bon pour le corps, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. “Ils ont élargi le public” analyse Jack Tretton de Sony. Ce succès foudroyant énerve Bill Gates qui s’en prend aux équipes Xbox. “Pourquoi on a raté cette vague du motion gaming” demande-t-il. Pour Microsoft, le défi est de rattraper le retard pris sur la Wii en se lançant également dans le motion gaming. L’idée de Kinect germe sous l’impulsion de Mattrick. À sa sortie, l’accessoire rencontre un énorme succès. La firme de Redmond propose enfin des jeux variés et amusants pour la famille, un terrain normalement dominé par Nintendo. Sur ses 60 premiers jours d’existence, Kinect se vend à huit millions d’exemplaires dans le monde. Certes, l’accessoire marche fort auprès du public dit “casual”, mais les hardcore gamers le boude. “Avec la Xbox 360, on avait un super produit qui était enfin devenu un succès. L’écosystème allait bien, les consommateurs étaient engagés en Amérique du Nord et en Europe. C’était la console la plus vendue” insiste Don Mattrick. “C’était une excellente seconde génération pour Microsoft” conclut-il.
Vendredi 2013
Mais les gros soucis arrivent avec l’annonce de la Xbox One en 2013. “Si on m’avait dit que plus tard, nos concurrents ne seraient pas Sony et Nintendo mais la télé et les médias. Bon sang” explique, songeur, Albert Penello, ancien responsable marketing. Don Mattrick, lui, trouvait cela palpitant d’imaginer une console uniquement dédiée au divertissement. “Nous voulions un système qui rassemble jeu et divertissement” reconnaît-il. “Don a réfléchi à ce qu’on vendrait après Kinect, et il a pensé à la télévision” concède Aaron Greenberg, actuel responsable marketing de Xbox. Afin de répondre à ses envies de grandeur initiées avec la Xbox 360, Microsoft lance Xbox Entertainment Studios. Xbox, la marque de jeux vidéo, devient Xbox, la marque de divertissement.
TV, TV, TV,
Le 21 mai 2013, le géant américain tient une conférence pour présenter sa future console de jeux. Don Mattrick parle de série TV, de Kinect, de nouveaux types de contenus… mais il parle très peu de jeux. Finalement, la conférence ne convainc pas les fans. “Ça n’allait pas du tout” confie Larry Hryb connu sous le pseudo de Major Nelson chez Xbox. “On aurait pu davantage rassurer les gens par rapport aux jeux” reconnaît Don Mattrick. Les retours sont mauvais et le manque de précision de Microsoft finit par porter préjudice à la marque. “La nouvelle génération de jeux est une putain de télécommande vocale pour votre télé !” hurlent les fans. La firme de Redmond veut redresser la barre trois semaines plus tard à l’E3 2013. Beaucoup de jeux sont présentés, la conférence est bonne, mais tout est gâché par l’annonce du prix de la console : 499 dollars. La console est chère, et les joueurs ont du mal à accepter que le tarif soit gonflé à cause de la présence de Kinect v2, un accessoire qu’ils n’apprécient pas. Quelques heures plus tard, lors de sa conférence presse E3, Sony enfonce le clou en annonçant sa PlayStation 4 au prix de 399 dollars. La société japonaise tourne également en dérision les décisions politiques de la firme de Redmond sur le prêt de jeux. La situation est parfaitement bien résumée par Bonnie Ross de 343 Industries : “La Xbox 360 a été la meilleure console des développeurs et des hardcore gamers. Et changement de situation, la nouvelle Xbox n’est plus pour les développeurs ni pour les joueurs. C’est une console de divertissement”. “Des utilisateurs et journalistes nous ont critiqués, ils nous ont demandé si c’était le bon choix. Les critiques étaient fondées, mais le choix était limité. Nous avons voulu parier sur Internet” déclare Don Mattrick. “C’est une période extrêmement sombre pour nous, et vraiment douloureuse” conclut Aaron Greenberg.
Le reportage Power On : The Story of the Xbox est disponible dans son intégralité par ici.