Après Chainsaw Man et Jujutsu Kaisen, la nouvelle bombe "shonen", c’est lui. Kaiju No. 8 cartonne en ce moment au Japon, mais aussi en France. Chez nous, le manga a battu le record du meilleur démarrage en se vendant à 22.041 exemplaires en une semaine. Il faut le dire, Kaze a mis les petits plats dans les grands. Après avoir acquis les droits à prix d'or, l'éditeur a préparé une campagne monstre avec un tirage à 250.000 exemplaires et plusieurs spots publicitaires dans la capitale dont l’affiche gigantesque sur la Bibliothèque Nationale Française. Si la hype est au plus haut, concrètement, que vaut ce premier tome de l'œuvre de Naoya matsumoto ?
Un hit en puissance
En premier lieu, commençons d’abord par présenter l’auteure Naoya Matsumoto qui reste encore assez méconnue en France. Avant Kaiju No. 8, la mangaka s’est déjà faite la main sur deux oeuvres : Pochi & Kuro et Nekko Wappa !. Forte de cette expérience, elle propose depuis le 3 juillet 2020 Kaiju No. 8 sur la plateforme en ligne de Shûeisha Shônen Jump+. Comptabilisant 47 chapitres pour le moment, 4 tomes sont déjà disponibles au Japon tandis que le premier vient tout juste de sortir en France.
Pour ce nouveau manga, le succès est immédiat. Kaiju No. 8 dépasse rapidement la barre des 30 millions de lecteurs, et devient ainsi le premier manga à atteindre aussi vite ce nombre sur la plateforme nippone Jump+. En février 2021, la série comptait 70 millions de lecteurs. En termes de vente, Kaiju No. 8 reste encore très solide avec près de 4 millions de tomes en circulation au Japon. Si la popularité de l'œuvre n’est plus à prouver, comment l’expliquer ?
Kaiju No. 8 ça raconte quoi ?
La toile de fond se présente comme telle. Dans une réalité alternative, le monde est régulièrement envahi par des Kaijus, c'est-à-dire des monstres géants nés dans les cinémas japonais et dont Godzilla en est le représentant le plus célèbre. L’humanité lutte sans relâche contre ces monstres à l’origine inconnue. L’intrigue se déroule au Japon, où la fréquence d’apparition de ces créatures est la plus importante.
Kafka Hibino , le héros de l’histoire, n’a qu’un objectif en tête... intégrer les forces de défense et rejoindre son amie d’enfance Mina Ashiro, alors que les deux s’étaient promis de combattre les kaijus côte à côte. Mina, désormais commandante de la 3e unité d’intervention, est le symbole d'une nouvelle vague d'espoir pour l'humanité. De son côté, Kafka n’a jamais réussi le concours d’entrée à l’académie. Malheureusement pour lui, le voilà désormais âgé de 32 ans, soit l’âge limite pour s’inscrire au concours.
En attendant, il travaille en tant qu’agent de nettoyage, et s’occupe de déblayer les cadavres des monstres abattus après les affrontements. À la suite d’une mission banale, Kafka se fait attaquer par un kaiju présumé mort et finit à l’hôpital. Croyant être sorti d’affaire, une mystérieuse créature pénètre dans son corps et le transforme en kaiju surpuissant... le Kaiju No. 8. Commence alors l’aventure palpitante de Kafka, qui sera prêt à tout pour défendre l’humanité contre les monstres géants.
Baston, humour et monstres géants : la formule d’un shonen solide
Autant le dire tout de suite. Avec Kaiju No. 8, Naoya Matsumoto nous emmène en terrain connu. Le protagoniste incarne parfaitement l’esprit shônen. Plutôt naïf et assez simple d’esprit, il est néanmoins animé d’une opiniâtreté sans faille, et ne recule jamais face à l’adversité, même si c’est ce qu’il laisse transparaître de prime abord. Seule véritable particularité, c'est son son âge. Alors que les shônen ont tendance à mettre en scène des adolescents ou des jeunes adultes, Kafka lui est un trentenaire assumé, légèrement perdu, dont le caractère oscille entre l’immaturité d’un enfant et le sérieux d’un adulte expérimenté.
Son tempérament offre de nombreux prétextes aux rires. Naoya Matsumoto a la blague facile, et maîtrise parfaitement l’humour qui fait le succès de nombreux mangas. Si le caractère béotien de Kafka lui assure l’empathie du lecteur, la mangaka réussit en plus à introduire en peu de temps plusieurs personnages tout aussi attachants. Le duo que forment notamment Kafka et Reno, son jeune collègue, est très bon, et n’a de cesse d’amuser le lecteur. Ces personnages ont du cœur, et attisent chez nous le désir irrépressible de connaître la suite de leurs aventures.
Vous l’aurez donc compris, Kaiju No. 8 fait rire, beaucoup même, et s’offre un panel de personnages parfaitement introduits qui donnent véritablement envie de les suivre dans leur périple. Mais ce n’est pas la seule force de Kaiju No. 8. Si le dessin de Naoya Matsumoto n’a rien de révolutionnaire dans la plupart des scènes, force est d’admettre que les monstres, ainsi que les combats, sont plus que réussis. Dans les mangas, l’action peut parfois paraître abstraite, mais ici la dynamique des combats est sublimée par un trait épais qui offre plus de clarté et de “poids” à ces séquences.
Et que dire du design impeccable du Kaiju No. 8 ? Notre héros est une créature monstrueuse et féroce (souvent tourné en dérision néanmoins), dont il nous tarde de découvrir toute l’étendue de sa puissance. De ce côté-là, Naoya Matsumoto fait un sans-faute. Finalement, c’est sans doute ce qui fait la force de ce premier tome qui annonce la couleur, et dévoile l’essence du manga : des combats haletants qui alternent avec de nombreux passages hilarants. C’est grâce à cette formule que le manga ne s'essouffle jamais. Le rythme est soutenu, mais Kaiju No. 8 possède-t-il les atouts nécessaires pour s’affirmer d’ores et déjà comme un incontournable du genre ?
Kaiju No. 8 : véritable bête enragée ou gentille créature docile ?
Après ce premier tome, il est facile de conclure que Kaiju No. 8 est un shônen de très bonne facture. L’intrigue est savamment abordée, et l’auteure se réserve d’en dévoiler trop. Pourquoi cette créature étrange a-t-elle parasité Kafka ? Pourquoi les kaijus attaquent-ils l’humanité ? D’où viennent-ils ? Kafka se tiendra-t-il un jour aux côtés de Mina ? Plusieurs questions restent en suspens, à juste titre, et alimentent l’envie d’en apprendre plus sur l’univers dépeint. L'œuvre est solide sur la plupart de ces entreprises, il faut le reconnaître.
Néanmoins, Kaiju No. 8 n’a pas réellement d’atouts supplémentaires à faire valoir'. Là où Jujutsu Kaisen, Chainsaw Man ou encore Demon Slayer séduisaient tant, c’est qu’ils apportaient un vent de renouveau sur le shônen avec des partis pris graphiques et scénaristiques forts et clivants, marquant une réelle rupture avec les œuvres classiques du genre. Ce sont d’ailleurs ces mêmes mangas qui sont à l’origine du nouvel âge d’or du média en France, qui vient de débuter. De son côté, Kaiju No. 8 pose des bases solides qui font de lui une oeuvre de qualité, mais il lui reste encore beaucoup à prouver. Reste à découvrir la suite des aventures de Kafka, que l'on suivra volontiers.
Kaiju No. 8 a-t-il les armes pour rivaliser avec les monstres actuels du shonen ? Assurément. Rentrera-t-il au panthéon du genre ? Pour le moment, rien n'est moins sûr. Kaiju No. 8 fait très bien ce qu’il tente de faire, à savoir être un bon shonen, mais s’arrête ici, et ne semble pas vouloir sortir des sentiers battus. Bien entendu, le manga a tout le temps de nous faire mentir alors qu’il entame à peine sa publication. La véritable question serait plutôt de savoir si ce manque d’originalité est un réel problème ou non. Ne vous méprenez pas : Kaiju No. 8 mérite largement votre attention à ce stade. Une histoire épique, haletante avec des personnages hauts en couleur et des monstres démentiels. Kaiju No. 8 assure le spectacle, et c’est sans doute ce qu’il faut retenir du travail de Naoya Matsumoto.