Ça ira pour la fournée du jour. Finalement, je vais tout poster le plus rapidement possible histoire que je puisse vous mettre le chapitre 35 ici Haya et Darth
Sinon en fouillant l'ancien topic à la recherche des chapitres, je suis retombée sur cette image collector Ça me fait toujours autant rire
Je meurs ptn J'avais complètement oublié ce photoshop/20 j'en suis encore très fier haha ça me fait encore beaucoup rire
Mais j'avais pas encore créer de compte Je suis pas là
C'était vraiment épique
C'est marrant de voir qu'il y avait Jordan et Taym, disparu depuis peu, mais pas encore toi en effet, Darth
Mais j'étais là à l'époque ( et depuis un certain temps ) c'est juste que j'étais un lecteur fantôme
Oui, mais tu m'as comprise. On avait pas connaissance de ton existence
Tel un ninja
• CHAPITRE 11 •
Gautier pensa : Oui, c’est bien moi.
Toutefois, il n’ouvrit pas la bouche, bien trop estomaqué pour dire quoi que ce soit.
L’homme en face de lui s’avança lentement. Il n’était pas en armure, comme la plupart des soldats du campement, mais arborait une chemise blanche couverte de saleté. Gautier en profita pour le détailler : il avait bien grandi en quelques années, et lever les yeux ne lui était plus nécessaire pour regarder Gautier. Il avait les mêmes cheveux châtain clair que lui, mais coupés courts, ainsi qu’une barbe recouverte d’un peu de poussière qui surmontait sa mâchoire plutôt carrée.
Ses traits changèrent soudain, et son visage devint bientôt crispé de colère, de rage même. Gautier maintint le regard qu’il avait posé sur lui. La tension entre eux devait être palpable à des lieues à la ronde, mais les chevaliers tout autour s’en moquaient, bien trop occupés pour prêter attention au véritable duel de regard qui avait lieu en ce moment même.
Sans comprendre comment ni pourquoi, Gautier se retrouva au sol, quasiment sonné. Le poing de l’homme venait d’atterrir sur sa joue droite, déjà marquée d’une cicatrice. Gautier grimaça, avant de s’apercevoir que l’homme lui tendait la main.
Cet homme, qui n’était autre que son frère.
Gautier refusa son aide, et se releva seul tant bien que mal, avant d’ouvrir la bouche, enfin : « Ça, ce n’était vraiment pas nécessaire, Mathias.
- Estime-toi heureux, siffla son frère. Après presque sept ans sans aucune nouvelle, tu mériterais bien plus qu’un simple coup de poing. »
Gautier sursauta lorsqu’il s’aperçut que Loup était posté à sa gauche. Il ne l’avait absolument pas entendu ni vu arriver.
« On a pas le temps de s’attirer des ennuis. Allez, on s’en va, lança l’Assassin.
- Et vous êtes ? demanda froidement Mathias.
- Je suis bien des choses, à vrai dire, mais…
- Mathias, voici Loup, une… connaissance. Loup, voici Mathias, mon frère cadet, coupa Gautier.
- Ah les histoires de famille, ce n’est jamais bon… Il n’empêche que nous sommes attendus autre part.
- Loup, j’aurais besoin d’un peu de temps pour…
- Oh, tu me demandes du temps ? Aux dernières nouvelles je ne sais pas encore le fabriquer, s’esclaffa t-il. Mais je sais. Je suis là depuis le début de la conversation. »
Au moins, on peut dire qu’il est discret.
« Très bien, mes chers frères mystérieux. Nous resterons une heure, pas plus. J’aimerais arriver à destination avant la tombée de la nuit.
- C’est mieux que rien ; merci Loup. »
L’Assassin fit une révérence exagérée, avant de clamer d’un air solennel : « Pour vous servir, maître. » Il se redressa, avant de rire seul. Mathias le regarda, blasé.
« Je ne comprends plus rien. Où allez-vous pour être aussi pressés ? fit-il.
- C’est une longue histoire. Bien trop longue pour être racontée en une heure ; et puis, ce n’est pas le sujet prioritaire.
- Mais… »
Mathias se stoppa net lorsqu’il vit arriver le reste du groupe ainsi que les chevaux.
« Cela ne vous dérange pas de laisser des civils, inconnus qui plus est, vagabonder dans le campement ? aboya Mathias aux autres chevaliers. Pff, quelle bande d’incapables... Surtout toi Grégoire !
- Ferme-la Mathias, j’aimerais bien dormir moi, répondit le dénommé Grégoire, allongé contre une caisse dans l’herbe. »
Mathias lui lança son gant dans la figure, ce qui le fit rire.
« C’est bon Math’, j’ai compris. (Il s’avança vers le groupe) Alors, que faites-vous là ?
- Ils sont avec moi, répondit Gautier à leur place. Laisse les venir, Mathias. »
Son frère cadet acquiesça ; Grégoire grommela avant de reprendre sa position initiale. Alix s’approcha, menant Tonnerre par la bride. En l’apercevant, Gautier sentit ses lèvres s’étirer dans un petit sourire, qu’il réfuta instantanément. Mathias, lui, ne cacha pas sa joie à la vue de la belle inconnue qui s’avançait vers lui. Il se courba légèrement en lui adressant un sourire charmeur, suivi d’un « Mademoiselle ». Gautier lui lança un regard noir. Il n’appréciait guère ce qu’il était en train de voir ; Mathias n’avait pas intérêt à trop s’approcher d’elle.
Gautier se chargea des présentations. Alix sembla étonnée d’apprendre l’existence du cadet, tandis que Ralph et Thomas parurent ravis de faire sa connaissance. Ils emmenèrent ensuite leurs chevaux avec les autres, avant de se rendre dans la tente de Mathias. A l’intérieur étaient entreposées ses armes ainsi que son armure. En ce moment même, il ne portait qu’une dague à la ceinture.
Ils s’assirent tous à même le sol, qui s’avéra être sec. Gautier tapota doucement la place à côté de lui, et Alix l’y rejoignit. Il lança un petit regard triomphant à son frère, qui secoua la tête de droite à gauche. C’était sûrement un comportement puéril, mais Gautier ne pouvait pas s’en empêcher.
« Alors comme ça, te voilà maintenant chevalier du Roi, Mathias ?
- Eh oui. Il faut croire que les choses ont bien changé depuis ton mystérieux départ. »
Gautier se racla la gorge, mal à l’aise. Heureusement, Ralph lui vint en aide, et détourna la conversation du sujet sensible. « Être au service d’un roi fou, quelle chance tu as ! » Ils rirent tous, y compris le principal intéressé, qui ajouta tout de même : « Notre Roi n’est pas fou, il a juste quelques problèmes qui, j’en suis sûr, seront bientôt réglés.
- Ahhh les chevaliers, tous des ignorants. Surtout les loyaux, comme toi », lança Loup.
***
Ils parlèrent de tout et de rien pendant deux heures, au lieu de l’unique initialement prévue. Même Loup avait pris goût à la discussion. C’était d’ailleurs une situation étrange, dans la mesure où Gautier, Ralph, Alix et Thomas, étaient en quelque sorte les « captifs » de l’Assassin. Mais pendant ces cent vingt minutes, tout le monde semblait avoir oublié ce gros détail.
Ainsi, Gautier apprit que son père allait bien, et qu’il vivait toujours à Roibourg. Mathias lui fit promettre d’aller lui rendre visite dès qu’il le pourrait. Gautier promit donc, sans savoir réellement s’il serait un jour capable de confronter Gerald après tant d’années.
Heureusement, ils ne s’étaient pas attardés sur le sujet, et étaient vite passés à des choses plus futiles et idiotes, donc bien plus drôles. Ce fut aussi l’occasion pour tous de se remémorer de vieux souvenirs, comme Gautier et Mathias, qui racontèrent leurs innombrables échecs avec quelques filles de la cour lorsqu’ils étaient plus jeunes. Quelques anecdotes furent aussi énoncées. Par exemple, plus jeune, Alix ne pouvait pas s’endormir sans son fidèle chien ; chiens dont Thomas avait une peur bleue depuis qu’il s’était fait mordre par l’un deux. De leur côté, Ralph et Loup, bien trop occupés à rire, n’avaient rien raconté d’intéressant.
En parallèle, Gautier avait passé la moitié du temps à surveiller le comportement de Mathias vis-à-vis d’Alix et, dès qu’il sentait que la conversation prenait une tournure trop limite à son goût, il changeait subtilement de sujet. Mathias lui adressait à chaque fois le même regard étrange, auquel répondait Gautier par un sourire moqueur et triomphant.
Vint donc l’heure de partir. Le reste du groupe remercia Mathias, et le salua avant de partir préparer les chevaux, laissant les frères seuls.
« J’espère que la prochaine fois que nous nous reverrons ne sera pas le fruit du hasard, fit Mathias.
- Quant à moi, j’espère que tu seras tout simplement en vie, chevalier.
- J’y veillerai. Et maintenant, que vas-tu faire ?
- Je vais repartir avec Loup et les autres. Les affaires ne peuvent attendre davantage.
- Quelles affaires ? (Gautier secoua la tête.) Allez, tu peux bien me le dire. Nous sommes frères après tout.
- Rien que tu ne doives savoir. Mais je t’expliquerai plus tard si tu y tiens tant que cela.
- Très bien… »
Après quelques secondes de silence, Gautier reprit : « Je n’ai jamais aimé les au revoir, mais bon… » Ils se serrèrent la main droite, et posèrent chacun la gauche sur l’épaule de l’autre. « Oh, une dernière chose… Oublie Alix. Ne pense même pas à elle, ne serait-ce qu’un seul instant. Tente quoi que ce soit, et tu le regretteras amèrement, siffla discrètement Gautier d’une voix menaçante.
- Qui l’eut cru ? rit Mathias. Toi, charmeur le plus invétéré de la cour, sensible au charme d’une seule et même femme ? Impressionnant.
- Je ne suis plus à la cour.
- Hum… Mais tu sais ce qu’on dit, grand-frère. Que le meilleur gagne.
- N’y pense même pas, petit-frère. »
Gautier lâcha la main de son cadet, puis tourna les talons. Quoi qu’on en dise, Alix était à lui, et à personne d’autre. Surtout pas à Mathias. En y repensant, il se rendit compte qu’il avait bien changé depuis l’époque de la cour. Depuis sa rencontre avec Alix, il n’était sensiblement plus le même homme.
Mais que m’a-t-elle fait ?
Il n’en savait rien. Cependant, cela ne le dérangeait pas vraiment, au contraire.
Une fois sorti de la tente, il rejoignit le groupe. Une fois à cheval, ils se mirent en route vers la ville en elle-même. Alors qu’ils se rapprochaient des portes d’Orléans, Gautier se mit un peu en retrait. Ses quatre compères, qui discutaient ensemble, ne remarquèrent rien. Noble s’impatienta, soucieux de ne pas être avec les autres chevaux, mais Gautier tint bon. Il sentait comme une présence non loin du groupe, et cela l’inquiétait. Il regarda aux alentours, mais ne vit personne. Il se sentit rassuré.
Mais pas pour longtemps.
Une flèche vint se ficher dans le sol, juste devant lui. Noble cabra légèrement. Gautier le calma, avant de tourner la tête à droite, d’où venait la flèche. Il vit une silhouette encapuchonnée partir. Silhouette qui le narguait clairement, car elle marchait, au lieu de s’enfuir en courant, sachant très bien que Gautier pouvait la rattraper.
Il reconnut alors l’Archer, et son inquiétude revint au galop. Que devait-il faire ? Foncer dans sa direction, ce qui éveillerait alors l’attention des autres ? Un gros problème se posait, puisqu’il ne leur avait pas encore parlé de cette mystérieuse personne, qui avait l’air de lui en vouloir tout particulièrement. La deuxième option consistait à ne rien faire, de sorte à ne pas inquiéter le groupe.
Il choisit cette dernière. De toute manière, il finirait bien par revoir l’Archer un jour ou l’autre.
Et cette fois-là, il ferait en sorte que ce jour soit son dernier sur Terre. Mais pour l’heure, mieux valait garder le reste du groupe dans l’ignorance.
***
Finalement, comme ils avaient tous pu se reposer au campement, ils décidèrent de ne pas s’arrêter dans Orléans même. Ainsi, ils arrivèrent quelques heures plus tard à Yèvre-le-Châtel, environ une heure avant la tombée de la nuit. Le château était situé sur une grande butte ; de ce fait, tout le village était visible depuis ce dernier, ce qui constituait un point fort indéniable.
Loup fit lever la grand herse métallique, qui était gardée par deux autres des ses « frères ». Ils pénétrèrent donc dans la place forte, et Loup les mena aux écuries. Une fois les chevaux installés, dessellés et nourris, Gautier prit le temps d’observer les lieux. Plusieurs bannières ornées de ce qui devait être le symbole de la Confrérie flottaient au vent, et le château disposait de quatre grandes tours, situées de part et d’autre des murailles. Mais ce qu’il remarqua en premier, ce fut le cercle d’entraînement, où plusieurs jeunes hommes s’affrontaient. Leur instructeur leur lançait quelques répliques tranchantes de temps à autre afin de les remotiver. Ses élèves se battaient avec férocité et méthode. On leur apprenait bien l’art du combat. Cela plut immédiatement à Gautier.
Mais cela rendait les Assassins encore plus dangereux à ses yeux, ce qui n’était franchement pas bon signe.
« Hâtons-nous, nous sommes attendus depuis un bon moment déjà », les informa Loup.
Ils traversèrent le centre du château – qui était d’ailleurs agrémenté d’un puits – et gravirent une petite pente, qui les mena à la porte d’un grand bâtiment. Si l’on se retournait, l’on remarquait une grande rambarde en pierre, qui avait pour but d’empêcher quiconque de tomber. En effet, de cette position, ils étaient un peu surélevés, et avaient une bonne vue sur les écuries ou le cercle d’entraînement, selon l’endroit. Quoi qu’il en soit, l’on avait surtout une vue sur le nombre important d’Assassins présents dans l’enceinte.
Postés devant la porte, trois hommes attendaient. Un Assassin en tenue sombre, qui contrastait tout à fait avec la tenue blanche sertie d’une ceinture rouge des deux autres, flanqués de part et d’autre de l’homme. Homme de qui il émanait d’ailleurs une forte prestance, rien qu’au premier coup d’œil. Loup s’approcha de lui, enleva sa capuche, et dit solennellement : « Mentor. »
C’était donc lui ? Vus sa tenue et son aura étrange, Gautier aurait dû s’en douter. Le « Mentor » s’approcha et, une fois devant eux, enleva sa capuche à son tour. Il sermonna Loup pour le retard puis le salua dans les règles de l’art tout en posant une main sur son épaule.
« Je suis heureux de te revoir mon garçon. Mais où sont donc les autres ?
- Ah, cela… Malheureusement, nous avons été victimes d’une embuscade, orchestrée par un mystérieux archer dont nous ne savons rien, pas même son visage. Tous nos frères ont péri, et je m’en suis sorti avec une flèche dans le mollet, mais vivant. En partie grâce à nos « invités ». Je vous expliquerai tout cela en détail plus tard.
- Hum, je vois… C’est fort regrettable. Nous perdons beaucoup trop de frères en ce moment. Mais nous n’avons pas le temps pour les pleurs ce soir, je le crains. »
Gautier, Alix, Ralph et Thomas, ne sachant pas vraiment quoi faire, se regardèrent tour à tour sans piper mot.
« Je suis Alexandre d’Aiglemont, Mentor des Assassins Français, et je m’apprête à rendre mon jugement pour les crimes que vous avez commis. »
Alexandre leur lança un regard glacial et menaçant, qui fit même frissonner Gautier. Ses yeux d’un gris perçant n’avaient absolument rien de rassurant.
Ce regard fut tellement menaçant, que Ralph et Thomas mirent immédiatement un genou au sol. Gautier, qui essayait tant bien que mal de tenir tête à Alexandre, serra la mâchoire, et maintint le regard du Mentor. Il ne voulait pas ployer le genou face à lui – surtout pas devant Alix, qui était elle-même restée debout.
« Je ne me prosterne devant personne, lâcha durement Gautier, les dents serrées.
- Quant à moi, je suis bien trop fatiguée et gelée pour esquisser un mouvement aussi difficile que cela », fit Alix.
Contre toute attente, le Mentor rit à cette remarque, puis demanda à Ralph et Thomas de se relever.
« D’habitude, ce premier test fonctionne toujours… Mais vous deux, vous m’avez tenu tête. Même si cela a tendance à blesser mon égo, j’apprécie. »
Quel brusque changement d’attitude. Il ne serait pas un peu lunatique, leur Mentor ?
« Bon, toujours est-il que la demoiselle semble avoir froid. Entrons-donc à l’intérieur », lança Alexandre.
La salle paraissait encore plus grande que de l’extérieur. Une longue table en bois massif trônait en son centre. Sur la droite, se trouvait un grand feu qui brûlait dans l’âtre. Sur la gauche, quelques Assassins, installés confortablement sur quelques coussins, discutaient. Tout au fond de la pièce était exposé, seul sur un pan du mur, un grand portrait. Le tableau représentait sans aucun doute un Assassin, qui ressemblait sensiblement à Loup. En passant à côté, Alexandre clama : « C’est toujours une joie de te voir, Altaïr ! »
Ils passèrent une autre porte, et arrivèrent dans l’une des tours. S’y trouvaient une grande bibliothèque remplie d’ouvrages, ainsi qu’un bureau en bois – sans doute celui d’Alexandre. Ce dernier s’assit alors derrière le bureau, avant d’y poser son coude droit. Il caressa son menton et sa mâchoire, recouverts d’une barbe sombre, comme ses cheveux mi-longs ramenés en arrière.
« Je trouve votre manière de faire assez étrange, je dois bien l’admettre, dit Alix, devançant ainsi Gautier, qui pensait exactement la même chose. Pourquoi ne pas nous attacher, enlever nos armes, nous jeter dans une cellule froide et sombre, par exemple ?
- C’est une bonne question, répondit Alexandre. Premièrement, même si vous le vouliez, vous enfuir par la force en utilisant vos armes serait tout à fait inutile. Regardez autour de vous ; vous êtes entourés d’Assassins entraînés, qui connaissent les lieux par cœur. Vous n’avez pas la moindre chance. Deuxièmement, je ne vois pas en quoi vous mettre dans un environnement hostile m’aiderait à régler nos différends.
- Mais nous sommes tout de même censés être vos ennemis ! s’étonna Gautier, qui ne comprenait plus trop ce qu’il se passait.
- Si vous étiez mes véritables ennemis, vous seriez déjà morts, croyez-moi. Je vous laisse la vie sauve, pour le moment. Vous devriez en être heureux.
- Et nous le sommes, mais comprenez que nous puissions trouver votre manière de voir les choses plutôt étranges. »
Le Mentor sourit.
« Je comprends parfaitement. Comme je le disais, vous n’êtes pas vraiment mes ennemis, à proprement parler. En tuant nos frères, vous ne saviez pas ce que vous faisiez. Car oui, je serais très étonné d’apprendre que vous aviez connaissance de la Confrérie ?
- Nous n’en connaissions rien, en effet, fit Ralph.
- Bien. De plus, même si des Assassins ont péri par vos lames, je suis certain que bien plus de Templiers ont trépassé à cause de vous. Je me trompe ?
- Encore une fois, non, dit Alix.
- Voilà. En outre, vos morts ne me seraient de toute façon d’aucune utilité. Je vous veux vivants, pour une raison bien précise. »
Dans quoi nous sommes-nous encore fourrés ?
« Et puis, reprit-il, si Loup ne vous a pas encore tués, c’est qu’il a sûrement vu quelque chose en vous. Et je lui fais confiance.
- Venez-en au fait, lâcha Gautier, qui commençait à s’impatienter.
- Oui, oui, je commence à avoir faim. Donc, reprenons. Aussi étrange que cela puisse paraître, je vous demande de rester ici. Vous serez formez et, deviendrez, je l’espère, d’excellents Assassins. J’ai longtemps réfléchi à tout cela avant votre arrivée, et maintenant, je suis sûr de ma décision. »
Gautier se demanda s’il avait bien entendu. Il en eut la confirmation en voyant Alix et les autres aussi surpris que lui. Il en vint à la conclusion que le Mentor des Assassins était sûrement devenu fou.
« Surpris ? C’est compréhensible.
- Et si nous refusons ? hasarda Gautier.
- Alors vous serez libres de partir, à une seule condition.
- Laquelle ? dit Alix.
- Vos têtes devront rester ici. »
Thomas étouffa un cri. Tout le monde blêmit, sauf les deux Assassins.
« Je plaisantais… Enfin, je crois. Donc, la vraie condition est la suivante : si vous voulez partir, ce sera dans deux semaines.
- Pourquoi cela ? demanda Alix.
- Je me donne ces quelques jours pour vous convaincre de rester parmi nous. Si je ne réussis pas, vous serez libres de partir où bon vous semble.
- Hum… Ce n’est pas une très bonne idée, répliqua Gautier.
- Attendez. Laissez-moi juste me targuer de mon meilleur argument. Notre Confrérie est votre meilleure chance – si ce n’est la seule – de pouvoir échapper aux Templiers, pour ensuite les combattre à armes égales. Si vous partez, ils continueront tout de même leur traque. N’oubliez pas ce détail, qui a toute son importance. »
Alix, Ralph et Thomas se regardèrent avant de hocher la tête. Ils semblaient convaincus que c’était la meilleure chose à faire.
Gautier hésitait encore, mais après tout, Alexandre avait peut-être raison. Gautier ne leur faisait pas confiance, mais souhaitait tout de même protéger au mieux Alix et le reste du groupe. Et le meilleur moyen pour cela, c’était bien de rester avec les Assassins, qu’il le veuille ou non.
« Très bien. Deux semaines à tenir avant d’être libres comme l’air ? Marché conclu », répondit Gautier.
• CHAPITRE 12 •
C’était fait. Gautier avait bel et bien passé un accord avec les Assassins et leur Mentor, qui avait tout l’air d’un dangereux et intimidant meurtrier lunatique.
Après ce petit entretien, Loup les emmena à la découverte du château en lançant un « Suivez le guide ! ». Ils sortirent de la tour réservée au Mentor – qui servait de bibliothèque, de bureau, mais aussi de chambre – et revinrent donc au sein de la grande pièce chaleureuse. Loup les arrêta et se tourna vers eux, en désignant nonchalamment les alentours de la main. « Voici ce que nous appelons la « salle de détente ». Son nom est assez évocateur. Ici, vous pouvez donc… vous détendre. Facile non ? Quoi d’autre… Ah oui, nous avons aussi pour habitude de nous retrouver ici pour manger. D’où la table. »
Ils sortirent. La nuit commençait à tomber, et un vent plutôt doux pour la saison caressait le visage balafré de Gautier. Ils se retrouvèrent entre un petit bâtiment – à leur gauche – et un puits – de l’autre côté. Loup y alla encore de son petit commentaire : « Devant, ce sont les écuries, où se reposent actuellement vos montures et les nôtres. Derrière les écuries, vous pouvez apercevoir une des quatre tours du château ; c’est l’Armurerie. A gauche, ce bâtiment est appelé « salle des Maîtres », car seuls notre Mentor ainsi que les Maîtres-Assassins tels que moi y ont accès.
- Quelle est son utilité au final ? demanda Ralph.
- Nous nous réunissons ici lorsque les sujets qui doivent être abordés ne concernent pas d’autres que nous.
- Une sorte de Conseil ? fit Alix.
- En somme. Sinon, il est inutile d’essayer d’y entrer, la porte est systématiquement verrouillée. Enfin, à droite, il y a un puits. Il est situé pile au milieu des lieux. »
Gautier le fixa comme s’il attendait autre chose.
« Quoi ? C’est un simple puits, je n’ai rien de plus intéressant à dire là-dessus. Continuons ! »
Ils prirent à droite en contournant le fameux puits et s’arrêtèrent à nouveau. Allez Loup, c’est à toi, pensa Gautier. « A votre gauche, nous avons les cachots. D’ailleurs, il se murmure que certains d’entre nous aimeraient vous y voir. (Ralph pencha la tête) Ne me regarde pas comme cela Ralph, je n’ai jamais dit que c’était mon cas. Bon. Tout cela pour dire que ces cachots doivent se sentir bien seuls et malheureux, vu qu’ils n’ont pas souvent la chance d’avoir des invités. »
Loup désigna la troisième tour.
« Voici la tour abritant les lits des apprentis et novices. A l’étage, il y a un espace pour les rares « invités » que nous avons, constitué de six lits. En l’occurrence, vos lits pour les deux semaines à venir. En ce qui concerne les Assassins plus gradés, ils sont souvent sur le terrain et dorment donc là où ils le peuvent, ou possèdent parfois leur propre maison. »
Ils se dirigèrent ensuite à l’opposé de la tour, pour se retrouver face… à une autre tour. La dernière.
« Ici, nous avons la tour de guet, de laquelle il est possible d’accéder aux murailles et au chemin de ronde. En fait, il est possible d’y accéder à partir de toutes les tours, mais j’ai oublié de vous le dire avant. Près de la tour, vous pouvez admirer l’endroit préféré du Maître d’Armes ; j’ai cité, le cercle d’entraînement ! A côté, près de la salle de détente, nous avons un bâtiment équipé de baquets, qu’il vous suffira de remplir d’eau si vous souhaitez vous laver. Enfin, au centre de cette muraille (il la désigna du doigt), vous avez l’entrée, fermée par une herse, et bordée par les douves. Simple et pratique. »
Loup les observa un instant avant de reprendre en tapant dans ses mains gantées : « Bien, il est temps que je vous emmène à la tour des novices, que je vous ai montrée il y a peu. »
Ils parcoururent les quelques mètres qui les séparaient de la tour, et pénétrèrent à l’intérieur. Décidément, cela fait beaucoup de tours…
Les murs de pierres auraient dû rendre l’atmosphère glaciale, mais c’était sans compter sur l’apparente bonne humeur des novices, qui discutaient entre eux. Ils adressèrent leurs respects à Loup avant de s’apercevoir de la présence du groupe. Manifestement, à voir leurs visages menaçants et leurs regards perçants, certains des novices faisaient partie des « partisans de la mise aux cachots ». Gautier leur répondit silencieusement, lançant ainsi un regard bien plus menaçant que les leurs. Il tourna ensuite la tête avant de monter les escaliers étroits.
Ils arrivèrent dans leur « chambre ». Simple agencement de lits et d’une table. Une bannière des Assassins était accrochée sur l’un des murs.
« Bien, fit Loup. Je vais vous laisser vous installer ; déposez vos armes, discutez entre vous, ou parlez même avec les pierres si cela vous chante. Occupez-vous en somme. Je viendrai vous chercher pour le dîner. »
Il fit mine de partir, puis se retourna : « Evidemment, il est inutile de préciser qu’il est impossible de vous échapper, au vu de tous les Assassins présents en bas. Mais j’imagine que vous n’y aviez même pas pensé. » Il s’en alla. Gautier se délesta de son épée, tout comme les autres, et s’appuya sur l’un des murs.
Ralph ouvrit la porte pour « vérifier que Loup était bel et bien parti » avant d’engager la conversation : « Alors, que pensez-vous d’eux ?
- Des Assassins ? Je suis sceptique. Je ne leur fais pas confiance, et j’avoue m’attendre à un coup bas de leur part ; leur réaction face à la situation est bien trop étrange. D’accord, certains nous regardent de travers mais, tout de même… Je pensais être séparé de ma tête en arrivant ici, et au lieu de cela, nous sommes considérés comme « des invités », destinés à s’entraîner comme eux. Mais bien sûr », lâcha Gautier, l’air grave.
Alexandre d’Aiglemont ainsi que Loup l’intimidaient beaucoup également. Mais cela, il n’osa pas le dire aux autres. Personne ne devait le savoir, il était hors de question qu’il passe pour un faible.
Alix intervint à son tour : « Je suis du même avis que toi en ce qui concerne leur réaction, mais cela ne sert à rien d’être à ce point sur la défensive. Il nous faudra être prudents certes, mais sans oublier que si nous sommes encore en vie pour en parler, c’est en partie « grâce » à eux.
- C’est vrai, fit Ralph. Mais moi, j’aurais tendance à leur faire confiance, aussi étrange que cela puisse paraître.
- Et pourquoi donc ? répondit Gautier, avec une pointe d’agressivité dans la voix. Je me demande ce qu’à bien pu te dire Loup pour te convaincre aussi facilement du bien-fondé de leur cause. Et quelle cause d’ailleurs ? On ne connaît rien d’eux, bon sang !
- J’en sais encore peu sur leurs idéaux. Il serait sans doute plus sage de questionner leur Mentor plus tard à ce sujet.
- Je n’y manquerai pas. (Gautier se tourna vers Thomas) Et toi, que penses-tu de cela ?
- Je n’ai pas d’avis particulier, siffla le jeune homme avant de reprendre. Cela dit, je dois bien avouer qu’Alexandre est plutôt intimidant. »
Pourquoi Thomas avait énoncé sa première phrase de manière agressive ? Gautier se le demandait bien. La deuxième cependant le rassura quelque peu : au moins, il n’était pas le seul à penser cela du Mentor. Ralph joignit ses mains dans un « clap » bruyant, puis s’adressa à Thomas : « Allez viens, allons demander des nouvelles du dîner. Je commence à avoir une faim de loup ! (Il rit). Vous avez compris ? Faim de loup, comme le prénom de l’Assassin. » Gautier secoua doucement la tête en esquissant un sourire face aux paroles - quelque peu idiotes - de son ami. Avant de franchir la porte, Ralph fit un clin d’œil des moins discrets à Gautier. Il ne comprit la signification de celui-ci qu’au moment où il se rendit compte qu’il se retrouvait maintenant seul avec Alix.
« Il ne changera jamais, toujours à me mettre dans des situations compliquées… souffla Gautier, ce qui lui valut une tape sur l’épaule de la part de la jeune femme. Je plaisante… ajouta t-il. Quoi que… »
Nouvelle tape. Il rit avant de s’asseoir nonchalamment sur l’un des lits. Alix le rejoignit, venant se placer à sa droite. « C’est quand même bien plus confortable que nos selles, fit-elle.
- Je ne saurais dire le contraire. »
Gautier n’aurait su dire pourquoi, mais lorsqu’il était près d’Alix, il faisait abstraction de tout ce qu’il y avait autour de lui. Il n’y avait plus qu’une seule chose qui comptait : elle. C’était un sentiment étrange, dont il n’avait pas vraiment l’habitude. Cela l’énervait d’être comme cela, mais il n’y pouvait rien.
Il décida d’engager la conversation, histoire de penser à autre chose.
« Alors, que comptes-tu faire une fois les deux semaines passées ?
- C’est difficile à dire… En fait, je n’en sais rien. Beaucoup de choses peuvent se passer en deux semaines. Je préfère attendre de mieux connaître les Assassins avant de faire un choix.
- Cela me semble être une bonne idée. »
Gautier s’apprêta à poursuivre, mais ne le fit pas. Devait-il le dire ? Les mots qu’il voulait énoncer lui paraissaient idiots, et pourtant, Dieu sait qu’il les pensait. Il réfléchit, pendant dix secondes qui lui en parurent mille, avant d’oser.
« Tant que… », commença t-il avant de baisser la tête et de s’arrêter.
Cela ne devrait pas être si compliqué de dire ce que je pense… Voyant bien que Gautier cherchait ses mots, Alix ne pipa mot. Il releva la tête, poussa un petit soupir et reprit : « Tant que nous sommes ensemble, cela me va. » Il vit Alix sourire, avant de détourner le regard, gêné par ce qu’il venait de dire. Elle lui caressa doucement la cuisse. Cela voulait-il dire qu’elle pensait la même chose que lui ? Certainement. Après tout, Alix restait Alix, et même dans ces conditions, elle n’hésiterait pas une seule seconde à manifester son désaccord.
Un silence confortable s’installa ensuite. Tout était paisible. Cela ne durerait probablement pas, ce qui encouragea Gautier à en profiter au maximum.
Quelques minutes passèrent, puis Alix se tourna vers Gautier. Elle passa délicatement ses doigts sur la cicatrice que lui avait infligée l’un des Assassins à la joue droite, lors de l’attaque près du camp de Cruel. Il ferma les yeux un instant, avant de les rouvrir doucement. « C’est fou ; cette balafre n’a même pas entaché la beauté de ton visage. » Gautier fut surpris. Certes, il n’avait pas l’habitude de faire des compliments, mais il était encore plus rare qu’il en reçoive – du moins de la part d’Alix. Cela le fit sourire.
« Alix, tout va bien ? plaisanta-t-il.
- Tâche de ne pas t’habituer à ce genre de paroles, lui répondit-elle en souriant malicieusement. Malgré tout, tu restes un imbécile. Un bel imbécile certes, mais un imbécile quand même. »
Gautier secoua la tête.
« Tu me désespères Alix. Que vais-je bien pouvoir faire de toi ?
- La vraie question est : que ferais-tu sans moi ? », rétorqua-t-elle.
Si elle savait.
Si elle savait à quel point Gautier se sentirait malheureux sans elle. Tellement malheureux, qu’il n’osait même pas envisager un monde sans la jeune femme. Mais cela, il le garda pour lui. Il avait dit bien assez de choses gênantes pour aujourd’hui.
« Dis-moi Gautier, je ne savais pas que tu avais un frère. Tu ne m’en avais jamais parlé.
- C’est exact. Je n’avais pas vu Mathias depuis, disons… un certains temps.
- Dis-m’en plus. Il ne t’a pas manqué durant tout ce temps ?
- Si. Je suis heureux de voir qu’il s’en sort. Cela ne me surprend pas qu’il se soit mis au service de notre souverain. Je me souviens qu’enfant déjà, il disait qu’à défaut de devenir roi, il en servirait un.
- Des paroles dignes d’un bon chevalier.
- C’est vrai. Et c’est sûrement ce qu’il est à présent. Il a toujours aimé combattre, surtout pour ce qu’il pensait être juste. Il voulait faire le bien, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Nous sommes tellement différents sur ce point… se lamenta Gautier.
- Nous faisons tous des erreurs, tu n’as pas à te blâmer pour toutes celles que tu as faites. D’accord, tu es plutôt loin du parfait chevalier servant, mais au moins, tu ne peux que t’améliorer. »
Elle avait un don. Un don pour le rassurer, lui faire croire que tout irait bien, qu’il pouvait devenir meilleur. Il aimait à le croire lui aussi, parfois. Peut-être qu’un jour…
« Tu as raison.
- Comme bien souvent, n’est-ce pas ? le railla-t-elle.
- Ça, cela reste à voir. »
Alix rit, avant de reprendre : « Je me rends compte que je ne connais presque rien de ton passé. Par exemple, comment t’es-tu retrouvé dans la bande de Cruel ?
- Je pourrais t’en dire autant. Et puis, honneur aux dames.
- Très bien, je vais commencer. Alors… »
Elle fut interrompue par l’entrée de Loup. « Je vois que je dérange… Peu importe, le repas vous attend ! »
Gautier souffla. Alix lui promit qu’ils reprendraient cette conversation plus tard.
Ils suivirent Loup qui les emmena dans la salle de détente. Plusieurs Assassins de tous rangs étaient déjà attablés. Alexandre était assis au bout de l’immense table en bois, sur laquelle étaient disposés plusieurs plats, composés essentiellement de viande et de pain. Le Mentor les invita à se joindre à lui. Alix et Gautier prirent place en face de Ralph et Thomas. Loup, quant à lui, se plaça à droite d’Alexandre.
Une fois tout le monde assis, le repas commença. Les Assassins mangeaient, riaient, discutaient entre eux. Certains, comme tout à l’heure, lançaient des regards noirs à Gautier dès qu’ils croisaient le sien, mais cela s’arrêtait là. Gautier se concentra sur sa nourriture, et savoura sa viande, qui s’avéra être meilleure que ce qu’il aurait cru. Finalement, peut-être resterait-il plus volontiers que prévu pendant ces deux semaines, au moins pour la nourriture.
« J’ai remarqué les regards que vous lancent certains, fit Alexandre à l’attention du groupe. Ils respectent ma décision, mais ne la comprennent pas pour autant. Je ne peux pas les blâmer pour cela. Essayez juste de ne pas en tenir compte. N’oubliez pas que d’autres sont de mon avis, et ne vous en veulent pas plus que cela.
- C’est compréhensible. Je réagirais de la même façon que les premiers, si j’étais à leur place.
- Mais tu ne l’es pas Ralph, grommela Gautier.
- Bien, passons à un sujet plus réjouissant. Que pensez-vous de notre château ?
- C’est une belle bâtisse, convenablement défendable, dit Alix. Vous êtes bien, ici.
- Contre des ennemis faibles peut-être, mais contre les Templiers, c’est une autre histoire… » murmura Thomas.
Gautier semblait être le seul à avoir entendu le jeune homme. Il lui paraissait étrange depuis quelques temps… Oh, et puis mince, ce n’était peut-être qu’une simple passade après tout. Gautier décida de ne pas en tenir compte, et fit comme s’il n’avait rien entendu.
« Pardonnez-moi pour ce brusque changement de sujet, mais avez-vous appris le décès du Roi d’Angleterre, Henri IV ? Il est mort il y a quelques jours, d’une maladie il me semble, lança Loup.
- Ah oui ? Et donc ? lâcha Gautier, que la politique n’intéressait franchement pas.
- Et donc, son fils, Henri V, lui a logiquement succédé. Voilà tout.
- Parfois, il est bon de se tenir au courant des changements Gautier, surtout dans ces temps troublés, ajouta Alexandre.
- Je m’en souviendrai. »
Gautier avala le dernier morceau de sa viande, qu’il fit passer avec une gorgée de vin. Il remarqua alors qu’Alexandra était en train de fixer Thomas de ses yeux gris.
« Dis-moi mon garçon, serait-il possible que nous nous soyons déjà vus auparavant ? », s’enquit le Mentor.
Thomas eut l’air mal à l’aise quelques instants avant de répondre : « Non.
- Si tu le dis… », conclut Alexandre d’un air suspicieux, avant que son visage ne reprennent des traits souriants.
Gautier voulait lui demander quelque chose, mais il ne se souvenait plus quoi… Ah, si ! Il désirait en savoir plus sur les Assassins.
« Nous en parlions tout à l’heure, et nous nous sommes rendus compte que nous n’en savions que très peu sur votre Confrérie et tout ce qui va avec, fit Gautier à l’attention du Mentor et de Loup.
- Vous en apprendrez assez pendant les deux semaines à venir jeunes gens, faites-moi confiance », répondit Alexandre.
Gautier se contenta de cette réponse, sentant bien qu’insister ne servirait à rien.
Une fois le repas terminé, Loup les ramena à leurs quartiers. « Reposez-vous bien, dit-il. Je viendrai vous chercher tôt demain. Et n’oubliez-pas, vous enfuir n’est pas possible, même de nuit. Nous sommes sur le qui-vive en permanence. » Il se retourna, passa la porte, et la referma.
Tous s’endormirent en un rien de temps.
Le lendemain, comme prévu, Loup vint les réveiller à l’aube. Il les informa qu’il était inutile de prendre leurs armes, et les conduisit jusqu’au Mentor, qui se trouvait devant la tour de guet. Une charrette de foin trônait au pied de cette dernière, ce qui étonna Gautier.
« Bien, voyons ce dont vous êtes capables ! » lança Alexandre, l’air joyeux. Il fit un signe de tête à Loup, qui se rua vers la tour, puis se mit à l’escalader avec une telle aisance que c’en était fascinant. Gautier n’avait jamais rien vu de tel, et ses compagnons non plus, si l’on se fiait à leur mine abasourdie.
« A qui le tour ? fit le Mentor.
- J’ai compris, répondit Gautier, vous voulez nous tuer « accidentellement » avant la fin des deux semaines, c’est cela ?
- Pas le moins du monde. Loup a réussi à le faire, pourquoi pas vous ? clama Alexandre à l’attention du groupe.
- Il est entraîné, contrairement à nous ! gronda Ralph.
- Et que faisons-nous en ce moment-même ? Nous débutons votre entraînement. Vous pouvez y arriver, j’en suis convaincu. De plus, une chute ne serait pas forcément mortelle – pour peu que vous atterrissiez dans le tas de foin.
- Il est fou, nous sommes d’accord ? poursuivit Ralph.
- Nous le sommes, confirma Thomas.
- Cessez-donc de pleurnicher. Je vais y aller. », trancha Alix.
Gautier voulut répliquer, mais il savait bien que, quoi qu’il dirait, elle n’en ferait qu’à sa tête. Mais après tout, n’était-ce pas cela qu’il aimait aussi chez elle ? Probablement. Il la regarda donc s’élancer, avec une légère appréhension tout de même. Alix se mouvait étonnement bien, et l’aisance avec laquelle elle arrivait à trouver des prises d’accroche était remarquable. Elle rejoignit Loup au sommet de la tour. Il lui sourit, et la félicita. Alexandre décida de remuer les 3 hommes restés au sol : « Vous ne comptez quand même pas vous faire humilier par une femme ?
- J’ai entendu ! cria Alix du haut de la tour.
- C’était le but, répondit le Mentor. Alors ? »
Ralph fit un pas, mais Gautier le devança, et s’élança à son tour sur les prises de la tour. Il se hissa petit à petit vers le sommet de la bâtisse en pierre, avec une certaine agilité. Il s’étonnait lui-même. Arrivé presque au sommet, une de ses mains glissa et il dut se rattraper tant bien que mal avec l’autre. Il crut entendre Alix prononcer son prénom, ce qui l’encouragea à reprendre son ascension. Il arriva au sommet, essoufflé, mais toujours en un seul morceau. Loup le félicita à son tour, suivi d’Alix.
Ralph les rejoignit aussi, avec un peu plus de mal cependant, et aussi essoufflé que Gautier, mais en un seul morceau lui aussi. Loup se répéta.
Il ne restait plus que Thomas et Alexandre en bas. Ils discutaient, Gautier tendit l’oreille, et entendit des bribes de conversation, malgré le vent qui ne lui facilitait pas la tâche.
« …vais y aller… une… condition, fit Thomas
- Ici… moi qui pose… conditions. »
L’air déçu, Thomas finit cependant par grimper à son tour. Il y arriva sans trop de mal. Enfin, Alexandre les rejoignit, grimpant encore plus agilement et rapidement que Loup, ce qui était tout à fait remarquable. Mais après tout, il ne devait pas être le Mentor pour rien.
« Venez-voir », fit Loup en se dirigeant vers le bord de la tour, du côté de l’extérieur du château.
Gautier le suivit, comme les autres. Le village d’Yèvre-le-Châtel se profilait à l’horizon. L’église, des habitations, et quelques personnes vaquant à leurs occupations étaient visibles.
« Les habitants sont de braves gens, reprit Loup. Nous sommes ici pour les protéger, eux aussi. Souvenez-vous-en. »
Au moins faisaient-ils quelque chose de bien. Protéger les autres, voilà une cause que Gautier comprenait bien, même s’il ne l’appliquait que trop rarement.
Sans dire un mot, Alexandre se dirigea de l’autre côté de la tour, se plaça sur le rebord en pierre, et s’élança dans les airs. Gautier retint son souffle, et se précipita pour voir la chute du Mentor. Heureusement, il atterrit parfaitement dans la charrette de foin.
« Nous appelons ce que vous venez de voir, un saut de la foi. Très spectaculaire, et sacrément utile, pour peu que l’environnement vous le permette. Quant à nous, nous allons plutôt prendre l’escalier pour redescendre. Vous n’êtes pas vraiment prêts pour un tel saut », leur dit Loup.
Et comment qu’ils n’étaient pas prêts. Gautier en était encore bouche-bée.
Ils passèrent le reste de la journée à « développer leur agilité » aux côtés de Loup et d’Alexandre. A la fin de la journée, tous étaient exténués, sauf les deux Assassins.
Gautier et ses compagnons se retrouvèrent ensuite dans le bureau du Mentor, avant d’aller se rassasier. Loup n’était pas là. Alexandre s’assit derrière son bureau, et invita le groupe à en faire de même de l’autre côté de celui-ci.
« Alors, commença t-il, que représentons-nous pour vous ?
- Les Assassins ? Vous n’êtes que des meurtriers encapuchonnés », siffla Gautier.
Bien que son idée à ce sujet commençait subtilement à changer, Gautier n’était pas vraiment convaincu.
« C’est tout ? Mon égo en prendrait bien un coup, mais les paroles d’un ignorant ne m’atteignent pas. »
Gautier se leva brutalement, l’air menaçant. Comment osait-il l’insulter d’ignorant, devant ses amis de surcroît ?
« En revanche, les miennes ont l’air de t’atteindre », fit Alexandre, un léger rictus sur les lèvres.
Gautier se rapprocha dangereusement du Mentor, qui ne cilla pas, et qui eut même le culot de partir dans un rire.
« Ahhh, l’impulsion de la jeunesse… Du calme, voyons. Je ne voulais pas t’offenser à ce point. De toute manière, l’ignorance s’avère être un défaut seulement lorsqu’il est impossible d’y remédier. Or, je le peux. »
Gautier lui lança un dernier regard noir, malgré ces sages paroles, et retourna s’asseoir.
« Il est normal de ne pas savoir qui nous sommes. C’est là tout le principe de la discrétion. Nous agissons dans l’ombre, mais cela, j’y reviendrai plus tard. Peu de gens, hors Assassins et sûrement Templiers, comprennent réellement qui nous sommes, et ce que nous faisons.
- Eclairez-nous alors, répondit Ralph.
- J’y compte bien. »
Il y eut un silence, mais le Mentor reprit : « Seulement des meurtriers hum ? Nous tuons, c’est vrai. Mais nul besoin d’être l’un des nôtres pour cela ! Pourquoi êtes-vous ici ? Parce que vous avez tué. C’est la guerre. C’est ce que les gens font : ils tuent. Certains pour des causes nobles et justes, d’autres pour le plaisir et le mal, et ainsi de suite. J’aime à croire que nous, Assassins, faisons partie de la première catégorie.
- Alors, quelle est cette fameuse noble cause ? demanda Alix.
- J’y viens. La liberté, le libre-arbitre ; ces notions vous disent-elles quelque chose ? J’imagine. Cependant, le savoir vient avec le temps, et je n’ai pas la prétention de l’accélérer et de changer cela. Je pourrais vous fournir de nombreuses explications, mais vous n’en comprendriez même pas la moitié. Attention, non pas que vous soyons idiots, mais notre histoire et ce qui va avec sont des choses complexes ; que beaucoup, même parmi mes frères, n’ont pas encore comprises. Enfin… il se fait tard, et une longue journée vous attend demain. Pour aujourd’hui, retenez juste que nous combattons les Templiers car leurs idées vont à l’encontre de la liberté et du libre-arbitre, valeurs que nous chérissons. C’est tout, vous pouvez disposer. »
Gautier se sentait encore plus ignorant qu’au début. Pourquoi les réponses amenaient-elles toujours des questions ?
• CHAPITRE 13 •
La journée suivante fut encore consacrée à l’entraînement. Au programme, combat à mains nues, puis avec des épées émoussées. Alexandre et Loup, désireux de voir de quoi Gautier et les autres étaient capables, n’avaient, selon leurs dires, pas été déçus. Les deux Assassins avaient tenu à faire le bilan en fin de journée.
D’après eux, Gautier, comme ses compagnons, s’était bien débrouillé. Bon combattant, jouant beaucoup sur sa force et sa dextérité arme en main, il allait davantage devoir s’attarder sur son agilité, à l’instar de Ralph.
Celui-ci misait encore plus sur la force que Gautier. Très violent dans ses gestes, Ralph était assez loin du modèle « typique » de l’Assassin. C’était néanmoins un guerrier compétent ; qui allait devoir travailler sa vitesse, afin de pouvoir réagir plus rapidement, et aussi avec plus d’agilité, à l’avenir.
Thomas, quant à lui, se battait bien malgré sa jeunesse et son manque d’expérience. Vif et agile, avec la formation correcte, il deviendrait sûrement un redoutable combattant.
Pour finir, Alix, guerrière bien plus agile et rapide que nombre de combattants, fut sûrement la plus « complimentée » par les deux Assassins. Surtout Alexandre. Cela n’avait pas échappé à Gautier, qui s’était maintes fois retenu de sauter à la gorge du Mentor.
Certes, il avait réussi à se retenir pendant un moment, mais au final, sa colère – sûrement exagérée – l’avait encore une fois aveuglé. Il se retrouvait donc maintenant devant la porte de la pièce consacrée au Mentor. Déterminé, il entra avec fracas. Sa « cible » du jour était dos à lui, plus préoccupée par la contemplation de sa bibliothèque que par l’entrée de Gautier. Alexandre ne prit même pas la peine de se retourner avant de parler d’un ton plutôt amusé : « Gautier. J’aurais dû m’y attendre.
- Comment vous…, fit l’intéressé en fronçant les sourcils. Oh, et puis je m’en fiche. »
L’Assassin se tourna lentement vers lui, avant de répondre, ironique : « Qu’ai-je fait pour mériter l’honneur de ta visite ?
- Alix, siffla Gautier, l’air menaçant. Si vous avez l’intention de…-
- Mes intentions ne regardent que moi, le coupa Alexandre, un sourire énigmatique fiché sur le visage.
- Espèce de… ! »
Gautier s’apprêtait à fondre sur l’Assassin, lorsque celui-ci l’arrêta avec une facilité pour le moins déconcertante.
« Pourquoi tant de colère ? De ce que j’ai vu, il n’y a rien entre vous. »
Il cherche vraiment les ennuis, pensa Gautier, bouillonnant de plus en plus de rage. Alexandre n’avait pas complètement tort, mais tout de même. Comment pouvait-il se permettre de le narguer ainsi ?
« Et de ce que je viens d’entendre, vous êtes aveugle, répliqua Gautier.
- J’imagine que tout dépend du point de vue. »
Visiblement, cela ne servait à rien de continuer. Le Mentor aurait toujours quelque chose à répondre.
« Suis-moi. » Sur ces mots, l’homme sortit. Gautier le suivit en prenant soin de refermer violemment la porte. Ils traversèrent la grande salle et se retrouvèrent dans la cour. Silencieux, ils se dirigèrent ensuite vers les remparts, sur lesquels ils montèrent. Ils étaient sur le mur principal, donnant vue sur le village en contrebas. Un Assassin faisait son tour de garde, pendant que d’autres guettaient près de chaque tour.
Gautier porta son regard à l’horizon. La vue était imprenable ; et l’on pouvait voir l’ennemi arriver de loin. C’était une bonne chose, assurément.
Après quelques minutes de contemplation silencieuse, Alexandre se tourna vers lui. Quand Gautier se mit face à l’homme, celui-ci le sondait de ses yeux d’un gris glacial. Il en avait presque des frissons.
« Rongé par la haine si jeune. Je me demande bien pourquoi.
- Qu’est-ce-que vous racontez encore ? répondit Gautier, agacé.
- Je ne raconte pas, j’énonce des faits. Un homme en paix avec lui-même et les autres ne s’emporterait pas si vite à la moindre occasion. » Il soupira, puis reprit : « Mais j’imagine que tu n’es encore qu’un enfant, pas un homme.
- C’est faux ! Taisez-vous, si c’est pour déblatérer un tel ramassis de bêtises !
- Tu vois, c’est ce que je disais. Tu t’emportes trop vite, petit. »
Gautier lui lança un regard assassin, mais ne répliqua pas. C’était inutile.
« Ton vrai problème n’est pas exactement la haine ; c’est de ne pas savoir ce que tu hais. »
Le Mentor s’en alla, laissant Gautier seul.
Il tenta de méditer sur ces mots, mais abandonna vite l’idée. Tout ce que Gautier savait, c’est qu’il haïssait beaucoup de choses, en effet. Mais quoi ? Il n’aurait pas su le dire, là, maintenant. Il se contenta donc d’observer le village du haut des remparts.
Il resta ainsi un bon moment, puis se retourna lorsqu’il sentit une présence près de lui. Ralph lui faisait face.
« Tout va bien ? Tu as l’air énervé. » Comme souvent.
« Leur fichu chef m’agace, grommela t-il.
- Je vois. Je suppose que cela ne va pas contribuer à te faire rester.
- Hm…, je ne sais pas encore quoi faire à ce sujet.
- Je pense que nous devrions rester, affirma Ralph. C’est sûrement notre meilleure opportunité.
- Possible. Mais si je partais, que ferais-tu ?
- Je te suivrais peut-être. Ou peut-être pas, je n’en sais rien. »
Alors comme cela, Ralph n’était même pas sûr de rester avec lui ? Très bien, il pourrait se débrouiller seul.
Un moment du moins… Mais il y avait sûrement une faible chance qu’Alix le suive, non ? Ou même Thomas ?
Oh, et puis nous verrons bien dans une poignée de jours.
Ralph désigna un Assassin du menton, puis déclara en riant légèrement : « Je suis sûr que leur tenue t’irait à merveille. Tu devrais sérieusement envisager de rester. »
Ralph mit sa main sur l’épaule de Gautier, puis l’enleva quelques instants plus tard.
« On devrait rentrer, je commence à avoir faim. » Ils se mirent en route vers la grande salle. En chemin, Gautier aperçut Alix ; elle était adossée à un mur, près des chevaux. Il fit comprendre à Ralph qu’il allait la rejoindre. Son ami lui fit un clin d’œil des moins discrets avant de s’éclipser.
Gautier rejoignit la brune, qui caressait à présent son hongre, Tonnerre. Gautier lui sourit doucement, puis se mit à frotter délicatement le chanfrein de Noble.
« Tu te comportes mieux avec les bêtes qu’avec les Hommes, lui fit remarquer Alix.
- Elles en valent plus la peine. »
Alix haussa les sourcils et prit un air faussement vexé : « Oh, vraiment ? Heureuse de savoir que je n’en vaux pas la peine.
- Tu es l’une des rares exceptions. »
Ils discutèrent ensuite de tout et de rien pendant une bonne heure.
***
Le soir venu, Thomas vint à la rencontre de Gautier, qui regardait quelques novices s’entraîner sous la pluie. Le jeune homme semblait préoccupé. « Un problème ? demanda Gautier.
- Non… En fait, j’aurais besoin de ton aide, répondit Thomas à voix basse.
- Mon aide ? répondit Gautier sur le même ton en fronçant les sourcils. Et pourquoi on chuchote, d’abord ?
- On ne doit pas être entendus. Je dois sortir d’ici, déclara Thomas.
- Sortir ? Regarde autour de toi voyons, c’est une forteresse !
- Je sais, c’est justement pour cela que j’ai besoin de ton aide. »
Gautier hésitait. C’était un gros risque à prendre. Et puis, pourquoi Thomas voulait-il sortir d’un coup ? Il trouvait cela étrange, mais pensait comprendre. Lui aussi se sentait à l’étroit et prisonnier ici. Mais, contrairement au jeune homme, il n’avait pas tant envie que cela de sortir. Quelques jours de plus à attendre avant d’être libre, ce n’était pas si terrible que cela au final.
« Et j’y gagne quoi, moi ? fit Gautier.
- Rien. Si ce n’est ma reconnaissance. »
L’on pouvait dire que Gautier appréciait Thomas. Mais sa reconnaissance, il s’en moquait éperdument.
Toutefois, il accepta.
« Très bien. Nous allons essayer de te faire sortir d’ici. Mais seulement pour une journée. Demain par exemple ; Alexandre nous a laissé la journée de libre.
- D’accord.
- Nous avons donc peu de temps pour trouver un plan. Tu as une idée ?
- Je pourrais me vêtir d’une de leurs tenues ?
- Trop compliqué. Tu pourrais être reconnu. Laisse-moi y réfléchir, je reviendrai te voir bientôt.
- Bien. » Thomas tourna les talons.
Alors qu’il vagabondait aux quatre coins de la forteresse à la recherche d’une idée, Gautier surprit une conversation entre deux Assassins. Il se fit le plus discret possible, et écouta, attentif.
« Quand le convoi doit-il partir ? fit le premier.
- Demain, à l’aube, répondit le second. Quatre de nos frères sont chargés de cette mission.
- Quatre ?
- Oui, les routes sont dangereuses en ce moment.
- Et où va-t-il, ce convoi ? J’avoue avoir oublié.
- Plutôt loin. D’ailleurs, il devrait revenir dans quelques jours, pas moins. Et avec ce temps, il va falloir couvrir la charrette. »
Le voilà, notre plan. Gautier tourna les talons et se hâta de rattraper Thomas.
« Je sais quoi faire. Mais je ne pourrai pas te faire rentrer ensuite, juste sortir.
- Je me débrouillerai », affirma Thomas tout en souriant en coin.
Ainsi Gautier dévoila son idée à Thomas. Ce dernier se cacherait discrètement dans la charrette, ni plus ni moins. Une fois à l’extérieur, il devrait trouver un moyen de sortir, puis se débrouillerait pour revenir.
Et s’il se fait prendre, eh bien… Tant pis. C’est son problème après tout, pas le mien.
Thomas accepta l’idée avec joie, peu soucieux de ne pas savoir comment revenir avant le jour suivant. Cela alerta Gautier, qui laissa finalement couler. Son problème, pas le mien.
***
Le lendemain, à l’aube, Gautier guetta le départ de la charrette – et donc de Thomas. Celui-ci avait réussi à s’y faufiler sans encombre, et venait de sortir, sous le regard étonné de Gautier. Je ne pensais pas qu’il y arriverait vraiment, et si facilement de surcroît. Il a intérêt à trouver un moyen de revenir avant demain.
La journée passa. Gautier avait joué aux cartes avec Ralph, admiré la vue du haut des remparts avec Alix, et même discuté avec Loup des Assassins – il avait maintenant un avis légèrement plus favorable à leur sujet, chose exceptionnelle.
Donc oui, la journée passa ; mais à la nuit tombée, point de Thomas.
Gautier commençait à réfléchir à un moyen de le couvrir, au cas où il ne reviendrait pas ce soir. Mais il abandonna rapidement. Son problème, pas le mien. Néanmoins, il se demandait tout de même ce que fabriquait le jeune homme. Quand Ralph et Alix l’avaient questionné à ce sujet, il avait évité la question, affirmant qu’il n’en savait pas plus qu’eux, que Thomas se terrait sûrement dans un coin. Et ils y avaient cru ; ou du moins avaient-ils fait semblant de le croire.
Gautier fut interrompu dans ses pensées par un cri lointain. Il leva la tête vers les murailles, et vit un Assassin en descendre à toute vitesse. Gautier, figé sur place, le vit foncer en direction de la grande salle, d’où sortit Alexandre. L’Assassin s’arrêta devant lui et commença : « Mentor, suivez-moi. Nous avons un problème. » Les deux hommes partirent en direction des remparts, Gautier les suivit.
Une fois en hauteur, il constata la raison de toute cette agitation.
Thomas, entouré d’une bonne trentaine de Templiers – voire plus -, se tenait aux portes de la forteresse. Un grand homme, capé, et à la chevelure - ainsi que la barbe - auburn, trônait fièrement à côté du jeune homme, une main posée sur son épaule. Quatre Assassins – sûrement ceux du convoi – se tenaient à genoux devant le groupe de Templiers. Ils étaient pour ainsi dire, salement amochés.
Alexandre serra les poings en regardant l’homme qui semblait être leur meneur. « Le chien… ».
Loup débarqua en furie, accompagné d’Alix et Ralph, qui vinrent aux côtés de Gautier. Le Mentor se tourna vers Loup : « Donne l’alerte. Alaric est là.
- Entendu, Maître. »
Loup disparut.
Gautier s’adressa à Alexandre : « Ils sont nombreux. Combien sommes-nous au total ?
- Plusieurs Assassins sont sur le terrain, et quatre autres sont en mauvaise posture. »
L’homme réfléchit un instant, avant de reprendre d’un air grave : « En comptant les novices ainsi que ton groupe, nous sommes vingt-cinq. C’est peu. Ils ont déjà un avantage numérique. »
Gautier se mit à rire : « Ils ont le nombre, nous avons le talent. »
Alexandre sourit en coin. « J’aime ta façon de penser, petit. »
Gautier, trop enthousiasmé par la perspective d’une bataille, ne releva pas le dernier mot du Mentor.
Les yeux animés d’une lueur meurtrière, il se tourna vers Alix, puis posa une main sur son épaule.
« L’heure est venue de faire couler le sang, ma belle. »
Dans un rictus, Alaric s’apprêta à enlever toute vie à Gautier.
Mais il ne le fit pas.
Une flèche venue de nulle part effleura sa joue, qui se recouvrait à présent de sang à vue d’œil. Une autre l’atteignit à l’épaule. Le Templier maugréa, avant de regarder les alentours à la recherche de son ennemi mystérieux.
Profitant de la confusion, Gautier se releva et, curieux de savoir l’identité de son bienfaiteur, fit volte-face. Il découvrit, au loin, une silhouette encapuchonnée qu’il ne connaissait maintenant que trop bien.
L’Archer.
C’est quoi ce bordel ? Pourquoi m’avoir sauvé ?
Gautier aurait aimé se poser encore tout un tas de questions, mais il n’en avait pas le temps.
Les Templiers commencèrent à tomber un par un, sous le regard ébahi de leur chef.
« En retraite, tous ! », beugla t-il à l’intention de ses hommes.
Les Templiers – Thomas y compris – le suivirent sans attendre, se rendant bien compte que la situation tournait à leur désavantage. Alexandre intima l’ordre de ne pas les suivre.
Gautier hurla : « La prochaine fois Thomas, tu ne m’échapperas pas ! »
Quelques minutes plus tard, tous leurs ennemis étaient partis, et l’Archer avait disparu, comme toujours.
Un lourd silence s’installa. Ce qui avait fait office de champ de bataille un instant plus tôt n’était plus que mort et désolation. Cadavres, sang, viscères, membres sans leur corps éparpillés… Les corbeaux étaient sur le point de s’en donner à cœur joie.
Le mélange de toutes ces odeurs donna presque la nausée à Gautier, qui souffrait toujours de son épaule.
Tous les survivants se regroupèrent autour d’Alexandre. Gautier les rejoignit, et fut soulagé de voir Alix parmi eux.
« Mes frères, commença le Mentor, je suis fier de votre bravoure aujourd’hui. Nous avons repoussé l’ennemi ensemble. Mais, tout ceci est, je le crains, loin d’être terminé. Nous allons devoir être sur nos gardes, plus que jamais. »
Il fit une pause, puis reprit : « Pour l’heure, retournons guérir nos blessures à la forteresse. Nous donnerons une cérémonie digne de ce nom aux Assassins tombés aujourd’hui, mais plus tard. Reposez en paix », lâcha t-il en posant son regard sur les cadavres.
Les Assassins reprirent sa dernière phrase en cœur, puis se dirigèrent vers la forteresse. Gautier s’empressa de rejoindre Alix. « Tu n’es pas blessée ? demanda t-il doucement une fois arrivé à sa hauteur.
- Rien de grave, juste quelques égratignures. »
Elle tourna la tête vers lui, et grimaça en voyant l’état de son épaule : « Toi, en revanche… On doit vite te soigner.
- Je m’en occuperai une fois à la forteresse. Pour l’instant, je suis juste content de te voir en vie.
- Moi de même, répondit-elle en souriant. Mais tu pourrais esquiver de temps en temps, au lieu de tout encaisser. Un jour, tu vas finir par me revenir avec un bras ou je ne sais quoi en moins. »
Gautier rit à la réflexion de la brune. Ils aperçurent Loup et Ralph en entrant dans la forteresse. Les deux guerriers n’avaient pas subi d’autres blessures et s’apprêtaient, comme beaucoup, à aller se soigner.
***
Toutes les plaies – physique du moins – étaient à présent pansées.
Cependant, l’ambiance n’était pas au beau fixe. Malgré cette petite victoire, beaucoup d’Assassins avaient péri, et cela avait affecté le moral de tout le monde.
Même celui de Gautier.
De fait, même s’il ne considérait pas les Assassins comme ses frères ou quelque chose du même genre, il ne les haïssait pas non plus, contrairement aux Templiers. Il aurait voulu en tuer davantage, et, du coup, sauver la vie de quelques Assassins.
Mais le mal était fait, et il ne pouvait rien y faire, ni lui, ni personne. Et puis, il y avait aussi l’Archer… Gautier ne comprenait décidément pas ce qu’il voulait.
Cependant, ce qui le minait encore plus, c’était Thomas. Gautier avait eu une occasion en or de s’en débarrasser, mais il avait échoué. Et plutôt lamentablement de surcroît. Ce fichu gamin… J’aurais sa peau, un jour ou l’autre, je le jure. Il se sentait bigrement idiot de l’avoir laissé sortir de la forteresse, de l’avoir aidé, même. S’il ne l’avait pas fait… Rien de tout cela ne serait arrivé.
Certes, il était plutôt heureux d’avoir pu vraiment combattre à nouveau mais… Il y avait ce quelque chose, qu’il n’arrivait pas à identifier. Quelque chose qui venait ternir le tableau. D’habitude, il était content avant, pendant, et après un combat. S’il était blessé, ce n’était rien, de même s’il laissait des cadavres derrière lui. Mais pas aujourd’hui. Là, les morts – Assassins, en tout cas – comptaient ; Gautier ne les connaissait pas réellement tous, mais il les avait tout de même côtoyés. Il avait leur mort sur la conscience.
Jamais, non, jamais, je n’aurais dû laisser partir Thomas, songea t-il.
Par contre, les Templiers, il s’en fichait bien. Il les considérait comme des ennemis maintenant, et c’était réciproque.
Il était en train de penser comme un Assassin. Bon sang, après tout, pourquoi n’en deviendrait-il pas un ? Ralph suivrait sûrement le même chemin, lui qui n’arrêtait pas de rabâcher que c’était la meilleure solution.
Et puis, c’est vrai que leur tenue n’était pas si mal.
Gautier cogita une bonne dizaine de minutes, assis seul, dans son coin, près de Noble.
D’un coup, il se releva. Trop brusquement d’ailleurs, car son épaule bandée commença à méchamment le lanciner. Il adressa une dernière caresse à sa monture avant de se diriger vers la grande salle. Il s’arrêta quelques instants près du foyer, se réchauffant les mains grâce aux flammes, avant de repartir sur sa lancée. Sans demander une quelconque autorisation, il entra dans le bureau du Mentor. Il parlait des récents évènements avec Loup.
Je suis vraiment sur le point de le faire ?
Gautier se planta devant eux, et déclara : « Je veux faire partie des vôtres. Je reste. »
C’était fait.
Loup le fixa, abasourdi. Visiblement, il ne s’attendait pas à cela, contrairement à Alexandre.
« Je savais bien que tu prendrais cette décision, fit ce dernier.
- Est-ce au moins la bonne ? demanda Gautier.
- Seul l’avenir nous le dira. »
Enfin, Loup sortit de son mutisme : « Moi, je suis persuadé que c’est une bonne décision. »
• CHAPITRE 15 •
Tous les morts étaient maintenant sous terre, non loin de la forteresse.
Tout le monde – ou presque – s’était attelé à la tâche pendant la nuit, à la lueur des torches. Chaque Assassin tombé au combat avait eu droit à sa sépulture personnelle, tandis qu’une vulgaire fosse commune avait été creusée pour les Templiers. Il ne restait plus qu’une chose à faire : rendre un dernier hommage.
Trempé de sueur et d’eau de pluie, Gautier prit appui sur sa pelle. Il commençait à somnoler, attendant que quelqu’un se décide à ouvrir la bouche.
Après un silence de mort d’une dizaine de minutes, le Mentor vint se placer face au groupe. Il joignit ses mains en jetant un regard d’ensemble à son auditoire, puis commença d’une voix forte : « Cette nuit, neuf de nos frères ont succombé. Honorez-les, remerciez-les pour tout ce qu’ils ont fait, pleurez-les, même… Mais n’oubliez pas, qu’en retour nous avons pris la vie de dix-sept Templiers ! »
Il fit une pause, passant une nouvelle fois son regard sur la foule entière, puis reprit : « Et croyez-moi, ce n’est que le début ! Ils ont fait une erreur en nous attaquant de cette façon et ils le paieront, tôt ou tard ! »
Alexandre continua sur sa lancée encore un bon moment, galvanisant la foule au fur et à mesure de ses paroles. Si bien que, lorsqu’il eut fini, des vivats la parcouraient. Ce qui avait commencé par un silence pesant, se terminait par un capharnaüm d’acclamations. Tous semblaient d’accord avec Alexandre.
Même Gautier.
***
Le lendemain, Gautier, Ralph et Alix furent demandés par Alexandre. Ils entrèrent dans son bureau et se plantèrent devant lui. Le Mentor se leva en roulant des yeux. « Enfin, vous voilà ! J’ai failli attendre, vous savez. »
Oh, désolé d’avoir fait attendre sa Majesté...
Alexandre fit le tour du bureau, puis s’appuya sur celui-ci en croisant les bras. « J’ai donc trois futurs Assassins devant moi ? Je vous avais bien dit que vous resteriez, au final », dit-il dans un sourire en coin.
Trois ? Cela voulait donc dire que… « Alors, c’est officiel, vous restez aussi ? fit Gautier en regardant Ralph et Alix.
- Il semblerait, oui ! », répondit-elle.
Gautier acquiesça en esquissant un sourire, puis reporta son attention sur le Mentor lorsqu’il le rappela à l’ordre en se raclant la gorge.
« Bon, malgré tout, vous démarrez quand même au même point que tout le monde : en tant que novices. En temps normal, vous devriez rejoindre les quartiers de ces derniers, mais je suppose qu’il est préférable de vous laisser ensemble encore quelques semaines, à faire je ne sais quoi chaque nuit. »
Alix fit une grimace de dégoût en répliquant qu’ils ne faisaient rien de spécial, tandis que Gautier et Ralph pouffèrent de rire.
« Evidemment, “rien de spécial”. (Il se racla la gorge une nouvelle fois.) Bien, passons aux choses sérieuses. Premièrement, votre entraînement est loin, très loin, d’être terminé. Cependant, d’après ce que j’ai pu voir, je pense que vous avez tous les trois le potentiel pour devenir de vrais Assassins, chacun à votre façon. (Il fit une pause, observa longuement les trois amis, puis reprit.) Deuxièmement, je voulais vous remercier pour votre contribution lors de notre récente victoire. J’apprécie les gens qui n’ont pas peur de se battre, et je les apprécie davantage lorsqu’ils le font pour une cause juste, ou du moins qui leur tient à cœur.
» En parlant de tout cela… Je connais bien Alaric, dit le Mentor dans un soupir. C’était une erreur de sa part de nous attaquer si tôt, mais il le sait, et cet homme ne commet jamais la même erreur deux fois. Croyez-moi, la prochaine fois, qu’elle soit dans un mois, une année ou une décennie, ils seront préparés. Nous ferons tout pour ne pas les décevoir. »
Un petit rictus se dessina sur les lèvres de l’Assassin, puis il changea subitement d’air et se mit à fixer Gautier de ses yeux gris. « Comment parler d’Alaric, sans parler de Thomas, son fils dont je n’avais aucune connaissance ?
- Vous n’en saviez rien ? s’étonna Ralph. D’ailleurs, vous auriez pu deviner, la ressemblance avec son père est plutôt frappante.
- Tu as raison, admit Alexandre. J’avoue avoir eu quelques doutes, mais je n’étais sûr de rien. Je reconnais mon erreur, contrairement à certains… »
Le regard du Mentor devint encore plus glacial, ce qui fit déglutir Gautier, sans même qu’il ne s’en rende compte.
« Une erreur qui a coûté plusieurs vies… N’est-ce-pas, Gautier ? »
Le principal intéressé se raidit, Alix et Ralph le regardèrent avec étonnement.
Alexandre leur fit comprendre qu’ils pouvaient partir, ce qu’ils firent, sans Gautier.
« Donc c’était bien toi, n’est-ce-pas ? Tu as aidé Thomas à sortir ?
- Non, nia Gautier, je n’ai rien fait de tel !
- Ne me mens pas ! répliqua le Mentor le foudroyant du regard. Ta réaction est digne de celle d’un enfant ; comporte-toi en homme. »
Un silence pesant envahit alors la pièce pendant un instant, puis Gautier soupira : « D’accord, d’accord, je l’ai un peu aidé. Mais je ne savais rien de ses véritables intentions !
- Je n’en doute pas une seconde, mais les faits sont là. »
L’Assassin gratta sa barbe, l’air pensif.
« Toutefois, tu as su à moitié réparer ton erreur en te battant. Ceci étant, je vais être clément, et te punir moins sévèrement que prévu. »
Gautier ne répondit pas, se contentant de baisser la tête. Il ne pouvait rien faire d’autre ; après tout, il avait effectivement commis une faute.
« Bien, retrouve-moi au cercle d’entraînement après le repas. Je te réserve un sort plutôt original. »
Alexandre dévoila ses dents dans un sourire moqueur ; Gautier sortit, enfin.
***
Gautier longeait les barrières du cercle depuis maintenant une bonne heure, une petite sorte de poutre en bois sur les épaules. Il était torse-nu – volonté étrange d’Alexandre – et commençait sévèrement à fatiguer, si bien qu’il flancha et faillit trébucher. Le Mentor, entendant cela, se désintéressa soudainement du livre dans lequel il était plongé et leva les yeux vers Gautier : « Je ne t’ai pas dit d’arrêter, allez, du nerf ! »
Alexandre retourna à sa lecture, Gautier s’efforça de continuer.
Lorsque l’Assassin l’autorisa à arrêter une trentaine de minutes plus tard, Gautier se débarrassa de la poutre dans un soupir de soulagement. Il essuya la sueur sur son front d’un revers de la main et s’appuya contre la barrière. Il était bien content que cette maudite punition se termine enfin.
Le Mentor s’approcha de lui, une épée en bois dans chaque main. Il en lança une à Gautier, qui la rattrapa in extremis en fronçant les sourcils. « Ce que je viens de faire ne vous suffit pas ?! s’indigna t-il.
- En effet, cela ne me suffit pas. Et puis, après être resté assis pendant tout ce temps, j’ai envie de me dégourdir un peu les jambes. »
Gautier souffla d’exaspération. Alexandre pénétra dans le cercle en faisant quelques moulinets avec son épée, puis frappa directement Gautier de taille. Ce dernier n’avait même pas eu le temps de se mettre en garde.
Il essaya à plusieurs reprises de rendre les coups qu’Alexandre lui assénait, mais n’y arriva jamais. Pas même une seule fois. Le Mentor était beaucoup trop fort pour lui. Gautier ne faisait plus du tout le fier, mais luttait pour ne pas perdre la face devant l’Assassin.
Au bout d’un moment, le Mentor lâcha son arme, probablement lassé du « combat », qui s’apparentait plus à un massacre pur et simple. Gautier avait les épaules, le torse et le dos en feu, rougis par les coups.
« Mais où est donc passé l’homme trop arrogant et fier ? Serais-tu en train d’apprendre l’humilité ? (Le Mentor fit la moue.) En tout cas, je l’espère. »
Gautier resta silencieux, puis vit Loup s’approcher de lui, visiblement amusé par la situation. « Il est peu prudent de contrarier notre Maître, ricana l’Assassin. J’aurais pu t’en avertir plus tôt, mais l’idée de le voir te corriger était bien trop tentante, désolé ! » Loup plaça sa main sur l’épaule de Gautier dans un geste compatissant. « Je suis aussi passé par là, chacun son tour. »
Gautier grommela dans sa barbe. Loup appuya un peu plus sur son épaule, geste beaucoup moins sympathique qui fit grimacer Gautier de douleur. « Une dernière chose, et là, je préfère te prévenir… Si tu causes encore du tort à la Confrérie volontairement, je t’arracherais des membres dont tu n’as même pas connaissance. » Gautier frissonna contre sa volonté ; il savait que Loup n’était pas du genre à faire des menaces en l’air. L’Assassin s’en alla, le Mentor secoua doucement la tête.
« Il lui arrive d’être parfois un peu trop zélé, mais il a tout de même raison… Tu ne dois en aucun cas mettre la Confrérie en danger, et tu le sais, à présent. »
Gautier acquiesça.
***
« Et je gagne encore ! s’exclama fièrement Alix, ce qui fit râler Ralph.
- Je suis sûr que tu triches !
- Mais quel mauvais joueur tu fais, Ralph, c’est fou !
- Tu mens, je suis sûr que Gautier t’a appris comment tricher ! »
Ralph lança ses cartes à travers la pièce ; ce qui fit ricaner Gautier, qui se décida enfin à sortir de l’ombre. « On parle de moi ? »
Alix et Ralph eurent un mouvement de recul, surpris, puis soupirèrent en même temps.
« Tapi dans l’obscurité comme un Assassin ! remarqua Ralph. Tu progresses. »
Gautier vint s’assoir avec eux, son ami rassembla les cartes qu’il venait d’éparpiller.
« Une partie ? proposa Alix.
- Pourquoi pas, marmonna Ralph. Mais sans tricher ! »
Gautier roula des yeux, Alix pouffa de rire.
Pendant la partie, Gautier eut droit à quelques commentaires moqueurs sur sa récente punition, puis la conversation prit un tournant plus sérieux. Ils parlèrent de Thomas, des Templiers, ainsi que de leur avenir au sein de la Confrérie…
▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬ Deux ans plus tard, Juin 1415. ▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬
On ouvrit la herse. Gautier et Loup pénétrèrent dans la forteresse à cheval avant de mettre pied à terre. Lorsqu’elle les aperçut, Alix s’excusa auprès du groupe d’Assassins avec lequel elle était en train de discuter, et se dirigea alors vers eux d’un pas rapide ; de sa démarche élégante et vive dont Gautier ne se lassait jamais.
Dès lors qu'elle fut près de lui, il glissa sa main libre dans le dos de la jeune femme et déposa doucement ses lèvres sur les siennes. Ils se séparèrent à contre cœur quelques instants plus tard. Elle caressa la joue de Gautier en affirmant que la barbe – plutôt longue, vu qu’il ne l’avait pas rasée depuis son départ de la forteresse, trois semaines auparavant – lui allait bien.
Alix s’approcha ensuite de Loup, qu’elle salua chaleureusement avant de prendre un air plus sérieux.
« Ramenez vos chevaux à l’écurie, puis venez avec moi. Alexandre vous attend. »
Après avoir dessellé, nourri et abreuvé leurs montures, ils se rendirent dans le bureau du Mentor, à la suite d’Alix. Alexandre se leva, accueillit les trois Assassins en leur tapotant l’épaule, puis croisa les bras comme à son habitude. « Alors, avez-vous trouvé quoique ce soit d’intéressant durant ces trois semaines de mission ? »
Gautier et Loup soupirèrent en même temps.
« Visiblement, la réponse est non. » Le Mentor soupira à son tour, rapidement suivi d’Alix, qui se lamenta : « Je n’ai rien trouvé non plus de mon côté, je comptais sur vous !
- Malheureusement, les deux seuls Templiers que nous avons dénichés ne voulaient rien dire. Absolument rien, répondit Loup.
- La seule chose que nous savons, c’est qu’Alaric ne reste jamais plus d’une semaine au même endroit, continua Gautier.
- Ce qui le rend encore plus difficile à trouver », compléta Alexandre sur un ton grave.
Loup acquiesça. Un silence s’installa.
Alaric et la plupart des Templiers étaient introuvables depuis maintenant deux longues années ; les Assassins commençaient à désespérer de les retrouver eux-mêmes.
Brusquement, le silence fut interrompu.
La porte s’ouvrit, découvrant ainsi Ralph. Il les salua rapidement et vint se planter devant eux.
Son visage était recouvert de nombreuses entailles, sa barbe parsemée de sang séché et de poussière, à l’instar de sa tenue blanche – qui ne l’était plus vraiment à présent.
« Ce ne fut pas facile, mais vu votre expression, je pense avoir mieux que vous tous, déclara t-il.
- Parle-donc.
- Tout de suite, Mentor. (Ralph se tourna vers Gautier et Alix.) Mais cela risque de ne pas vous plaire. »
Il fit une très courte pause, puis reprit : « J’ai réussi à apprendre où se terrait l’un des hommes de confiance d’Alaric… On l’appelle Cruel. »
Gautier et Alix écarquillèrent les yeux et s’exclamèrent à l’unisson : « Cruel ?! »
Ralph acquiesça lentement, puis confirma gravement : « Le seul et l’unique. »
• CHAPITRE 16 •
Alexandre observa Alix et Gautier en arquant un sourcil, puis secoua la tête.
« Apparemment ce nom ne vous est pas inconnu, mais peu importe, Ralph m’éclairera sur le sujet plus tard. »
Ralph inclina la tête d’un air entendu ; Alexandre reprit : « Quoi que fût ce dénommé Cruel, il est à présent dans le camp ennemi, et plutôt proche d’Alaric, d’après Ralph.
- Tuons-le. », fit sèchement Gautier.
Loup lui asséna une petite claque derrière la tête, Gautier lui lança un regard noir.
« Tuer, tuer... Tu n’as que ce mot-là à la bouche ! », Loup soupira théâtralement, puis poursuivit : « Et comment veux-tu lui faire la peau, si tu ne sais même pas où il se trouve ? Je te le demande, moi.
- Très bien, j’ai compris, grommela Gautier avant de se tourner vers Ralph. Dis-nous où il se terre et, après, on le tue. »
Loup roula des yeux, ce qui fit discrètement pouffer Alix.
« Troyes, répondit Ralph. Le pire endroit possible.
- Pas forcément..., intervint Gautier, songeur.
- La ville appartient aux Templiers, leur sert de repaire général ! Je ne vois rien de positif là-dedans, y aller serait du suicide, rétorqua Alix.
- J’ai toujours aimé les missions suicides. »
Alix et Loup soupirèrent de concert face à la remarque de Gautier, qui haussa les épaules : « Quoi, vous avez la frousse d’une poignée de Templiers ?
- Il est vrai que Troyes est peuplée de Templiers, donc je pense que la prudence n’est pas de trop, lança calmement Alexandre, avant d’arrêter Gautier, qui ouvrait la bouche, d’un signe de la main. Cependant... Nous n’avons pas vraiment le choix. Ce Cruel est l’une de nos rares pistes en deux ans, nous ne pouvons pas la laisser passer.
- Enfin quelqu’un qui possède une once de bon sens ! clama Gautier.
- Calme-toi, mon garçon. Il s’agit plutôt là de désespoir, non de bon sens. »
Gautier souffla légèrement à l’entente de ce sobriquet, qu’Alexandre n’avait d’ailleurs jamais cessé de lui attribuer en deux ans.
Il y eut un silence. Ralph le brisa : « Bon, on fait quoi, au final ? »
Le Mentor réfléchit un instant, avant de répondre : « Félicitations, Alix, Loup et Gautier. Vous irez à Troyes, dénicherez Cruel, et apprendrez tout ce que vous pourrez sur Alaric et l’Ordre en général. Loup, en tant que Maître-Assassin, je compte sur toi pour veiller au bon déroulement de la mission.
- Je ne vous décevrai pas, répondit l’intéressé dans un sourire en coin.
- Je le sais. (Alexandre posa son regard sur Gautier.) Toi... Tu as intérêt à garder tes pulsions meurtrières pour toi. Loup décidera du sort de Cruel, selon les circonstances.
- Mais..., commença Gautier.
- Assez, le coupa Alexandre. Je veux le voir mort, comme toi, mais je ne sacrifierai pas trois de mes meilleurs éléments pour cela. Cruel mourra, tôt ou tard, mais le plus important, ce sont les informations sur Alaric. »
Gautier acquiesça à contre-cœur.
« Quant à toi, Ralph, tu es voué à d’autres desseins, aussi importants que leur petite expédition à Troyes. »
Le Mentor congédia tout le monde, sauf Ralph.
***
Au bout d’une heure, les trois Assassins - qui avaient troqué leurs tuniques contre des vêtements communs - étaient en selle, hors de la forteresse. Leurs chevaux, croupes cernées de sacoches, avaient adopté un pas énergique.
Ils progressèrent ainsi jusqu’à totalement sortir du village. Loup se mit à décortiquer la forêt alentour du regard.
« Prudence, surtout. Vous n’êtes pas sans savoir que des bandits pullulent en ces bois ces temps-ci. »
Il ricana, puis ajouta : « Heureusement, vous vous y connaissez en matière de bandits ! »
Gautier aurait bien répliqué, mais il n’en eut pas le temps ; six cavaliers surgirent de part et d’autre du chemin. Gautier dégaina sa lame, comme ses compagnons, et para de justesse le coup d’un des hors-la-loi. L’homme ne broncha pas et réitéra son assaut une fois, puis deux, puis trois, puis une dernière fois. Gautier, passablement agacé par la longueur de l’affrontement, avait fini par y couper court en enfonçant sa lame dans la poitrine du malfrat.
Cependant, la monture de ce dernier s’emballa sous le poids du cadavre. Gautier n’arriva pas à retirer sa lame à temps, ce qui le fit jurer.
Déjà, un autre voyou fonçait sur lui à bride abattue, lame dégainée. Gautier écarquilla les yeux et se plia en deux sur l’encolure de Noble, ce qui lui permit tout juste de garder sa tête sur ses épaules. Il se redressa, sortit sa dague, puis fit demi-tour pour se retrouver face au cavalier, visiblement étonné d’avoir raté sa cible. Le bandit éperonna son cheval, mais l’animal ne fit que s’écrouler, trois flèches fichées dans le poitrail. Il emporta son cavalier dans la chute, l’écrasant.
Gautier fit volte-face, alla récupérer son arme, puis jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Loup et Alix achevèrent leurs adversaires.
Alix souffla, Loup regarda les corps sans vie autour d’eux d’un air moqueur, tandis que Gautier rengaina à moitié sa lame.
A moitié, oui, car deux nouveaux hors-la-loi revinrent au galop vers eux.
« Ils sont encore nombreux comme ça ? », soupira Loup.
Gautier haussa les épaules, tira son épée, mais n’eut même pas besoin de s’en servir.
Les deux bandits prirent chacun une flèche dans le crâne, s’écroulant ainsi sur leurs montures.
Loup, dans l’incompréhension, arqua un sourcil en se tournant vers Gautier.
Gautier haussa de nouveau les épaules, avant de prier intérieurement pour que leur bienfaiteur ne fût pas celui qu’il redoutait.
Ses prières furent vaines ; l’Archer était déjà dans le sillage des chevaux, marchant d’un pas nonchalant vers les Assassins. Il avait une démarche souple, légère. Gautier plissa les yeux pour mieux le détailler et, lorsque la silhouette leva la tête vers lui, il comprit.
Ce n’était pas l’Archer, mais l’Archère.
La femme - dont la moitié du visage était dissimulé par un capuchon rabattu sur ses yeux - eut un rictus énigmatique en replaçant l’arc sur son dos.
Loup et Alix se regardèrent sans trop comprendre ce qui se passait, tandis que Gautier alla à la rencontre de la guerrière au petit trot. Il arrêta Noble tout près d’elle, à tel point qu’elle reçût l’air émanant de ses naseaux.
L’Archère ne cilla pas, se contentant juste d’effleurer les vibrisses du cheval du bout des doigts. Dans le même temps, elle leva le menton ; Gautier y remarqua une cicatrice.
Il jaugea la combattante un bon moment, hésita à dégainer sa lame afin de lui trancher la gorge de nombreuses fois, avant de se raviser à chacune d’elles. L’Archère avait rangé son arme, il se devait au moins de lui rendre la pareille.
Gautier jeta un coup d’œil derrière lui pour s’assurer qu’Alix et Loup n’approchaient pas, puis s’abaissa pour chuchoter : « Tu ne m’avais pas manqué, inconnue.
- Je t’ai laissé tranquille deux années durant, il fallait bien que je revienne un jour, répliqua t-elle sur le même ton en jouant avec le collier qu’elle portait.
- Que me veux-tu, bon sang ? Pourquoi me menacer, pour ensuite me prêter main forte ? »
L’Archère partit dans un rire sonore, comme si Gautier venait de dire la pire idiotie de sa vie. Il serra les dents, la blonde répondit : « Je ne le fais pas pour toi. »
Elle tourna les talons ; Gautier la laissa partir. Il empêcha même ses compagnons de la rattraper.
Pour une raison qui lui était inconnue, il n’avait pas envie de mettre fin à ses jours. Pas maintenant, du moins.
« Qu’est-ce-que ça veut dire encore, cette histoire ? D’où elle sortait, cette archère, et pourquoi tu l’as laissée partir ? », maugréa Loup.
Gautier, qui s’était pensé débarrassé de l’Archère pendant ces deux dernières années, n’avait pas jugé nécessaire d’en parler à qui que ce soit. A présent, l’envie et le doute l’assaillaient. On allait certainement lui poser des questions, auxquelles il serait incapable de répondre vu qu’il ne comprenait toujours pas le but de la mystérieuse jeune femme, et cela l’agacerait, car Gautier n’aimait pas les questions sans réponses.
Oh ça non, il n’aimait vraiment pas, et il n’avait pas besoin d’une source de frustration supplémentaire. La traque désespérée des Templiers lui pesait déjà suffisamment.
Cependant, contre toute attente, et surtout contre le raisonnement qu’il venait d’imaginer, Gautier décida de tout expliquer aux deux Assassins.
***
« Et tu ne pouvais pas le dire plutôt ? grommela Alix. Bon sang, Gautier, trois ans pour nous avouer qu’une guerrière nous traque en permanence !
- Techniquement, ce n’est pas permanent..., tenta de se justifier Gautier.
- N’essaie pas de m’embrouiller, permanent ou pas, on s’en fiche bien ! Le fait est que cela ne date pas d’hier quand même.
- La demoiselle a raison, ajouta Loup d’un air nonchalant.
- Vous m’agacez, les deux donneurs de leçon ! »
Noble trépigna d’impatience, Gautier l’autorisa à partir au petit trot. Il se plaça quelques mètres devant Loup et Alix, et bougonna dans son coin pendant la moitié du voyage.
***
Ils arrivèrent aux alentours de Troyes lorsque la nuit commença à pointer le bout de son nez. Ils cachèrent leurs armes du mieux qu’ils le purent, et entrèrent dans la ville sans encombres particulières. Ils prirent tout de même garde à éviter la moindre personne susceptible d’être un Templier.
Toutefois, bien que Troyes fût une ville de l’Ordre, beaucoup de gens sans rapport avec lui y vivaient, ce qui facilitait l’infiltration.
Les trois Assassins marchèrent d’un pas assuré à travers la ville, jusqu’à s’enfoncer dans un quartier rempli de maisons à colombages.
« Nous y sommes presque », les informa discrètement Loup.
Peu de temps après, ils arrivèrent devant l’une des fameuses maisons.
Charmantes habitations, d’ailleurs.
Ils attachèrent leurs chevaux aux anneaux fichés dans le mur, puis Loup frappa cinq coups distincts à la porte, en rythme. Cela ressemblait à un code.
La porte s’ouvrir immédiatement sur un jeune garçon, qui ne devait pas avoir plus de dix ans. Loup ne prit pas la peine de le regarder, et se tourna directement vers Alix et Gautier.
« Je vous présente Hugues, un ami. »
Les deux amants se regardèrent en haussant les sourcils, étonnés par le jeune âge de « l’ami », puis comprirent en voyant un homme se glisser derrière lui.
« Enfin, Hugues, c’est le grand gaillard derrière ce petit bonhomme, bien sûr. »
Loup ébouriffa les cheveux de l’enfant, puis entra en saluant son allié.
Haya et Darth (Taym aussi, s'il est vivant) : je suis toujours en pleine rédaction du chapitre 35, mais ça devrait pas tarder. Je pense même que, si je n'avais pas eu de soirée, j'aurais pu le finir aujourd'hui, mais tant pis
Youpi !!!!
Coolax, mais bon par souci de continuité, faut vraiment que tu postes les quelques 15 chapitres restants
Bah alors, je pars deux semaines et on essaye de me semer en changeant de forum?
Ouais, bienvenu dans le renouveau, les nouveaux locaux sont vraiment sympas
Info osef : Je viens de finir Dragon Age Origins et, bien qu'étant un très bon jeu, la présence de 30 Seconds to Mars dans le générique de fin m'a beaucoup surpris