J'aimerais te voir poster plus souvent Ryu, ton parallèle entre économisme et apparition des valeurs comme la créativité et autres est extrêmement riche.J'avais dans un coin de la tête aussi que le recentrage autour de l'individu était le fruit d'une tendance à considérer les hommes comme interchangeables et identiques. Toute action appelant réaction, le retour de l'unicité de l'individu en est une. Je pense également que tu as raison lorsque tu dis que l'efficacité d'un système dépend du contexte socio-historique. La socio-genèse du capitalisme (chez Ellen Wood par exemple) est une thèse riche même si je pense que le système économique est indissociable du système politique lui même indissociable des structures sociales elles-mêmes indissociables de la première. Il y a une société parce qu'une communauté décide de gérer l'allocation des ressources grâce à un système politique : c'est un serpent qui se mort la queue.. C'est je pense tout le problème des sciences humaines, l'incapacité des sciences sociales à considérer leur objet comme un tout insécable, bien que certaines initiatives comme celles de Mauss sur le don aient montré qu'une analyse totale des phénomènes sociaux était parfaitement possible et scientifiquement riche. C'est à mon avis la raison pour laquelle les idéologies totales comme le libéralisme et le communisme, des systèmes totaux et englobants sont si puissantes : elles rendent l'indivisibilité du fait social manifeste. Bourdieu avait repris cette idée en démontrant dans les "structures sociales de l'économie" l'impossibilité de séparer l'économie du champ social dans lequel elle opère. Plus récemment, David Graeber et la dette ont également effleuré cette idée. Dès lors, je ne peux que te rejoindre sur ta position de considérer le contexte social dans l'émergence des systèmes économiques mais j'y ajouterais également le rôle du système politique dans celle-ci. En effet, comme l'anthropologie nous l'enseigne, le marché et l'échange ont pendant très longtemps été des techniques d'allocation des ressources marginales, jusqu'à l'apparition des protos-États et États succédants, un fait qui je pense n'est pas anodin et pourrait offrir l'opportunité d'explorer l'anthropo-genèse des organisations sociales, c'est-à-dire le processus selon lequel certaines formes d'organisations sociales apparaissent dans un environnement et un contexte donnés mais également comment ces systèmes avantagent certaines mentalités et actions du potentiel humain assurant ainsi leur propre reproduction. Nous sommes tous des êtres humains et nous avons tous donc le même potentiel humain, c'est-à-dire la capacité d'effectuer, en principe les mêmes actions, cependant l'histoire et l'anthropologie montrent une diversité infinie d'organisations sociales (économiques, politiques et sociales) capables de se reproduire.
Mais bon je vais m'arrêter là, c'est ton interview
Fai ta thèse Ryu
"je pense le scrutin majoritaire uninominal à deux tours en France empêchera ce parti de pouvoir un jour arriver au pouvoir."
Sauf que le scrutin majoritaire en France n'est pas éternel, ce que tu ne sembles pas avoir pris en compte. Et pour moi, ces jours sont très clairement comptés. Avec les appels du pied d'une partie de la gauche et du centre pour la mise en place de la proportionnelle et la tentation pour Hollande de la mettre en place pour atténuer l'échec de la gauche aux législatives de 2017, le scrutin majoritaire est voué à disparaître pour laisser place à la proportionnelle sur le moyen terme, avec l'instauration tout d'abord d'une dose de proportionnelle, qui laissera place au bout de quelques années à la proportionnelle totale.
Cela ne veut pas dire pour autant que le Front national se débrouillerait mieux avec la proportionnelle, il devrait encore trouver des alliés pour former une coalition gouvernementale qui bénéficierait d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, majorité qui sera en plus fragile ce qui rendra plus difficile la mise en place des projets de lois les plus polémiques.
D'accord par contre avec le constat sur Hillary Clinton (ce qui n'a rien à voir vous en conviendrez mais je commente ce qui m'a le plus marqué). Elle est sans doute pire que Bush.
C'est à mon avis la raison pour laquelle les idéologies totales comme le libéralisme
Non
En tout cas pas mal cette interview le cheminement intellectuel est assez intéressant.
Par contre je ne comprend pas l'abandon du libéralisme sur des bases conservatrices sachant que celle ci sont tout à fait compatibles , et que l'on pourrait d'ailleurs soumettre parfaitement l'idée d'être libéral conséquemment au fait d'être premièrement conservateur (voir Oakeshott).
Sur ladite "pokémonisation" j'abonde dans le sens de ce qu'a évoqué ANTICON , tu devrais allez voir du côté de Bertrand de Jouvenel (Du Pouvoir) de Mancur Olson et du public choice.
Merci HashTrois mais je pensais surtout à de la doctrine récente (à partir des années 2000) s'attachant aux derniers virages qu'a pris la révolution numérique et ses conséquences sur la communication politique et pourquoi pas ses conséquences juridiques.
"Non"
Tu dois confondre total et totalitaire.
Tu dois confondre total et totalitaire.
Ah non désolé.
Donc pour toi le libéralisme n'est pas un idéologie englobante visant à être applicable en politique en économie et dans les rapports sociaux?
(H.S) Je me suis toujours tâté à attaqué la bibliographie de Annah Arendt, des conseils pour commencer ?
J'aime beaucoup ton point de vue sur le libéralisme et le communisme.
Que penses-tu de l'analyse de Fukuyama sur la fin de l'histoire et la fin de l'homme ?
Interview très intéressante sinon, je la disséquerai une fois que j'aurai fini celle de Magean.
@kotaro123
À vrai dire j'ai des doutes sur la théorie du recentrage sur l'individu. Je pense plutôt qu'on essaie de faire oublier les individualités qui poussent les hommes à se référer aux autres pour agir afin que les seuls référents soient essentiellement matériels (On pourrait même parler d'une très très mauvaise récupération des théories marxistes). L'individu est donc amené, par le trust d'information (J'en reviens à Castells), à utiliser un référent matériel (plutôt qu'affectif, rationnel, culturel, etc.) afin d'agir en fonction des autres (différenciation ou recherche de la similarité). En clair on construit des agissements individuels qui ne font pas l'objet d'un recentrage sur l'individu mais d'un enfermement de l'individu dans des choix de consommation de masse comme seule et unique chance de vivre son individualité car je pense que Bourdieu à raison lorsqu'il dit qu'on recherche tous à se distinguer les uns des autres. L'idée du trust d'information menant à la consommation je la tire en partie de Paul-Henry Chombart de Lauwe (que tu dois connaître si tu fais de l'urbanisme) qui a créé la notion de besoin-aspirations qui est la parfaite illustration des phénomènes de mode suscité par le producteur et non pas par le consomamteur. L'enfermement de l'individu dans ses manières de consommation est une tendance qui se vérifie avec certaines questions qui sont très idiotes à penser selon moi: le fait de porter le voile, de porter des signes religieux, de porter le nikab, etc. Comme si les idées se limitaient à des bouts de tissus.
Mais si ça se trouve on pense la même chose. C'est juste que je n'ai absolument pas un avis négatif sur l'individualisme. Au contraire je pense que l'individualisme est une manière de s'auto-référer pour réagir aux stimulis des autres et de l'environnement. Le collectivisme détruit selon moi le lien de référence qui se fait avec autrui dès le moment où la masse est la seule construction à pourvoir s'auto-référer.
Ce que tu dis sur le système économique en lien avec le système politique et social, j'y vois complètement le structuro-fonctionnalisme de Parsons et son génial système AGIL. Le système AGIL de Parsons est sans doute la seule conception holistique qui permet d'expliquer correctement les dynamiques des sociétés. On peut également se référer à Nicklas Luhmann qui a actualisé Parsons (il était d'ailleurs son élève je pense) dans son néo-structuralisme qui est selon moi la forme la plus aboutie de macro-sociologique. Je regrette cependant que le monde universitaire actuelle rejette de plus en plus ces théories en raison du succès des approches qui se rapprochent plus de la théorie du "rationnal choice" et de l'ethnométhodologie. Les formes totales comme tu dis sont rejetées absolument sans raison et j'ai vraiment ressenti un immobilisme académique qui m'a freiné dans mon envie de faire une thèse.
J'ai un seul mot à dire sur la partie sur l'anthropologie de l'échange: Pierre Clastres. Livre que j'ai trouvé par hasard en évitant quelqu'un à la bibliothèque universitaire pour l'anecdote. http://www.amazon.fr/Soci%C3%A9t%C3%A9-contre-lEtat-Recherches-danthropologie/dp/2707321591/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1412545228&sr=8-1&keywords=la+soci%C3%A9t%C3%A9+contre+l%27%C3%A9tat
@LeRemarcheur
Rien est éternel en effet mais je ne pense pas que Hollande puisse porter une question aussi délicate d'ici la fin de son mandat. Changer de mode de scrutin c'est presque une question susceptible d'être posée lors d'un référendum.
Et changer de scrutin électoral ne change pas en effet les tendances politiques et même les partis au pouvoir. L'Italie a fait le chemin inverse que celui que tu prédis et c'est toujours autant le bordel.
@HashTrois
Il n'y a pas que mon conservatisme qui a placé des distances avec le libéralisme. C'est surtout ceux qui le défendent qui m'incitent à prendre des distances. Dans l'idée le libéralisme, à l'image d'autres idéologies par ailleurs, c'est sublime. Mais lorsqu'on observe certains développements, comportements ou certaines positions latentes il y a beaucoup de choses qui sont gênantes à soutenir et qui font souvent appel (sans être trop démagogique) au racisme, à l'égoïsme, la discrimination et au blâme injustifié.
@Nautrem
Commence par "Essais sur la révolution". Ce n'est pas son ouvrage le plus connu mais c'est celui le plus aboutit selon moi. Plus que "Les origines du totalitarisme" qui sont nettement contestables de mon point de vue.
@Puebla
On peut pas reprocher à Fukuyama de penser que tout allait réussir aux idées du monde occidental après la fin de la guerre froide et la chute de l'Union Soviétique. D'ailleurs on peut constater que la forme de l'Etat de droit démocratique est de plus en plus prisée partout dans le monde, ce qui est réellement une première, et que le capitalisme (de toute sorte) s'est développé dans un monde au marché globalisé. Mais faut-il y voir une victoire des idées alors que le plus souvent la démocratie libérale et la globalisation sont surtout des exigences structurelles qui orientent les acteurs. Il commet une erreur grotesque provenant de son ethnocentrisme occidental qui considère que l'idée démocratique, l'économie de marché et la globalisation sont différentes idées d'origine occidentale. Il oublie complètement le rôle de la politique dans la fixation et l'interprétation des structures. C'est d'ailleurs très comique de voir que c'est la thèse d'Huntington (son concurrent sur l'estimation de l'issue de la guerre froide) qui a triomphé, non pas par sa justesse théorique, mais par sa récupération politique.
Je répondrai à ton post en détail demain, je suis fatigué Pour une mise en bouche, Clastres c'est déjà lu, Mauss étant un précurseur de Clastres j'ai préféré le citer lui (d'autant plus qu'il est le motif de la fondation du mouvement MAUSS que je trouve particulièrement intéressant, surtout sur les motifs de l'action humaine et leur réfutation partielle de l'utilitarisme - ou plus précisément de l'absolu utilitariste), si tu pouvais me conseiller les magnum opi de Parsons et Castells, je suis preneur, quant à Chombart de Lauwe, j'en ai pour le moment pas entendu parler, des conseils par où le commencer? En tout cas vraiment, tu caches bien des choses modo, je trouve cela dommage que tu ne contribues pas plus Les éminences grises comme toi, Magean, Trisom et ffanatic devraient venir éclairer plus souvent les discussions
Puisuqu'on parle de Mauss et du MAUSS, j'aime bien Alain Testart du côté de l'anthropologie économique.
Comme je l'ai dit plus haut j'ai découvert Clastres par hasard et je dois avouer que je suis pas vraiment initié à l'anthropologie. Un objectif de plus dans le futur, on verra ça avec Mauss car j'aime beaucoup ces théories englobantes.
Manuel Castells est à lire absolument et son opus magnum est "L'ère de l'information" qui se décompose en trois volumes.
Par contre pour Parsons et Chombart de Lauwe je conseille quand même la littérature secondaire. J'ai tenté de lire et analyser "The Social System" de Parsons et c'est un pavé aussi complexe à déchiffrer que le Capital de Marx.
Pour Parsons il y a le livre de Guy Rocher qui est LE spécialiste français de Talcott Parsons. Livre disponible gratuitement ici: http://classiques.uqac.ca/contemporains/rocher_guy/Talcott_parsons_socio_amer/parsons_socio_amer.pdf
Pour Chombart de Lauwe je crois que c'est ce livre mais moi j'ai appris ses théories via les cours et la littérature secondaire: http://www.amazon.com/sociologie-aspirations-Chombart-Lauwe-Paul-henry/dp/B007W0RCHU
J'aurais une question plus simple moi, pourquoi les phillipines en lieu de vie?