Très bien j'improvise.
Et aussi, explique-moi d'où vient cette signature. Je l'ai remarqué hier mais j'ai oublié de te demander son origine.
Ben, c'est toi qui l'a dit.
Plus sérieusement : https://www.jeuxvideo.com/axetibe/forums/message/857163801
Oh.
J'ai enfin terminé mon chapitre. Je le poste dès que j'ai terminé de relire, c'est-à-dire d'ici une heure ou deux.
La dernière fois que quelqu'un a dit ça, je suis resté devant mon PC pendant 3 jours à spammer la touche F5.
En attendant, je relis les débuts de BoatMartyr (que tu appelais au début "La Nef des Martyrs", c'est ignoble). Passionnant, vraiment !
Je te rassure, je poste dans l'heure qui vient.
En attendant, on est en fin de page et j'aimerais que le chapitre tienne sur une seule, donc voilà.
Ce qui suit est un chapitre supposé attendre qu'Ange nous amène enfin à la capitale. Likot, à qui Scar a demandé il y a bien longtemps de se renseigner sur la Roue d'Argent, devait y trouver un manuscrit qu'il montrait à Scar tout content de sa trouvaille. C'était aussi une occasion de donner une visibilité à beaucoup de mes commentaires sur le topic et en MP, et c'est pour cela que j'ai finalement décidé de le poster avant son temps. Cela me dérange un peu, mais vous gagnez l'avantage certain de ne pas avoir à lire ce chapitre plus celui l'annonçant, qui ensemble auraient été assez longs.
Ah, autre chose : c'est bien évidemment hors-sujet.
Et Kait, tu devrais avoir honte de ce que tu t'apprêtes à faire.
Voyage en Roue d'Argent (1520), manuscrit de Dakost Leshadet
Préface : Ce livre est écrit par moi, Dakost Leshadet de Jadécume, pour témoigner de mon voyage en ce continent de l'ouest et les évènements y ayant prématurément mis fin. Mon objectif originel était de partir de mon port natal et de traverser la Mer Martiale jusqu'à arriver en Cérodie. Là, je devais me rendre en Roue d'Argent et y rester une année, que je devais employer à nouer des relations tant diplomatiques que commerciales ainsi qu'à satisfaire ma curiosité personnelle, que quiconque étant familier avec ma vie saura très grande. Pour des raisons que j'expliquerai en partie, il m'a été impossible de mener ce voyage comme je l'entendais, mais je n'en ai pas moins beaucoup appris sur cette contrée lointaine que beaucoup ne connaissent que pour sa richesse.
Sommaire :
I. La Cérodie
Arrivée au port de Portmarbré – Voyage par la terre jusqu'en Roue d'Argent
II. Notes sur la religion
Le mythe de När – Les dieux communs – Le cas des Pères
III. Osorineth et ses mystères
Description – Mythes et rumeurs – la Garde d'Argent
IV. Conflits du continents
Un territoire hostile – Mezilush – Paix et alliance
V. La Ville Multiple
Les trois Sages – Un symbole – Visite
VI. Appendice
Un mot de l'éditeur
I. La Cérodie
Mon voyage commença dans ma ville natale de Jadécume ; je la quittai aux premiers jours du printemps de 1520, qui était la meilleure saison pour espérer un trajet sûr par-dessus cette mer sauvage qu'est la Mer Martiale. J'étais escorté d'une demi-douzaine de compagnons fidèles ; certains étaient marchands, d'autres comme moi des fils cadets en mal d'aventures, d'autres encore des bardes espérant enrichir leur répertoire par notre voyage et les rencontres que nous étions certains de faire. Le navire sur lequel nous montâmes était le Sáthra ; c'était une caraque marchande d'un peu plus d'une vingtaine de mètres de long et de quelques 220 tonneaux sortie tout droit des chantiers de la Rougenation ; il s'agissait là de son premier voyage, et je ne peux dire que cela me rassurait. Néanmoins, c'était le navire que mon oncle, principal mécène de l'expédition, m'avait choisi, et je dus lui accorder ma confiance sur ce point ; je reconnus par la suite qu'elle ne fut jamais trahie, et la nef humaine remplit toute les attentes qui furent les nôtres durant ce voyage.
Mon expédition n'était pas l'unique mission du capitaine du Sáthra ; le navire était un d'une flotte de trois autres assemblée pour le commerce avec la Cérodie, qui s'avérait être ma première destination. Je ne savais pas beaucoup des autres bâtiments ; ils n'appartenaient pas à mon oncle et nos chemins se séparèrent vite, ceux-ci étant en route pour la côte est du royaume humain, vers une ville dont je ne crois pas avoir retenu le nom ; leur compagnie discrète durant la première étape du voyage fut tout de même source d'un certain réconfort pour nos âmes de nains peu habituées à naviguer.
Nous quittâmes donc Jadécume avec les derniers souvenirs de l'hiver ; le temps était clair et le demeura jusqu'à notre arrivée en vue de la Péninsule Runéenne, où nous fûmes quelques peu ballottés par une série de tempêtes qui mirent nos estomacs à rude épreuve. Pour autant, nous passâmes ce cap sans difficultés particulières, aidés en cela par l'excellence des marins écarlois et la fortune qui voulut que pas une de ces créatures titanesques réputées pour hanter la région n'apparut.
Nous prîmes ensuite la direction du sud et de la mer martiale ; ce fut sans doute l'étape la plus pesante pour nous ; le temps demeurait beau et le vent suffisant pour tendre nos voiles sans mettre en danger l'équilibre de nos navires, et pourtant l'équipage était tendu et nerveux ; plus d'une fois nous vîmes des marins autrement jovials et de bonne compagnie se lancer dans des gesticulations mystiques accompagnées de murmures puis refuser de nous en expliquer la raison. Le troisième jour de ce manège, je perdis patience et interrogeai le capitaine à ce sujet ; il me dit que les terres que nous longions étaient maudites, et que de nombreux bateaux avaient été perdus après que leurs capitaines aient décidé d'y faire escale. Je ne croyais pas alors à ces superstitions de marins, et il me faudrait attendre notre voyage de retour pour avoir un aperçu du genre d'horreurs rodant sur les territoires maudits du nord de la Mer Martiale ; pour l'heure, je me contentai d'acquiescer et de retourner à ma cabine, non sans avoir fait confirmer par le capitaine que tout cela cesserait dès que nous aurions passé le Cap Ura, qui marquerait notre entrée en pleine mer.
Le capitaine m'avait donné sa parole que ce serait le cas, et tout se passa comme il me l'avait annoncé. Le moral de l'équipage s’allégea presque miraculeusement à notre arrivée lorsque la terre disparu. Les chants lugubres que certains des marins avaient entonnés pour nous garder du mal de l'ouest laissèrent alors place à de vigoureux cris empreints d'une joie que mêmes nous nains pouvions entendre. Je partageai l'humeur de l'équipage tout en m'étonnant de sa légèreté alors que nous entrions dans une mer dont la réputation était connue jusque dans les tavernes de Jadécume.
Mes craintes ne furent cependant pas justifiées ; les eaux cérodiennes nous fûmes généreuses et rien ne vint perturber notre route. Après de longues semaines, nous parvînmes en vue de la côte de Cérodie. C'est à ce moment que nous nous séparâmes de la flotte ; nous devions continuer vers l'ouest tandis qu'eux avaient des affaires sur la côte sud-est. Nous fîmes nos adieux aux deux navires à grand renforts de cris et de signes des bras, puis ils disparurent de notre vision et mes compagnons et moi nous préparâmes pour la dernière étape de cette expédition navale.
Le capitaine du Sáthra avait en effet pour première mission de commercer avec les cités côtières cérodiennes, et c'est à cela que les quelques semaines suivantes furent employées. Je ne peux malheureusement pas me souvenir des noms des nombreux ports où nous accostâmes, mais nous descendîmes à chacun pour y nous y livrer au négoce, et je me souviens avoir regretté que mon but n'ait pas été le commerce, car j'aurais alors disposé de plus d'espace et aurait profité de tout mon soûl des formidables opportunités que j'y découvris. Las, l'aventure demeurait un noble destin, et son appel se faisait de plus en plus puissant à mesure que nous approchions de Portmarbré.
Nous y arrivâmes enfin, à ma plus grande joie et celle de mes camarades ; après de longs mois de voyage, notre expédition posait finalement le pied sur sa première marche, et quelle marche! Portmarbré méritait bien son nom ; la ville toute entière était bâtie de marbres de couleurs diverses. Les quais étaient presque blanc, un temple juché sur une falaise apparaissait d'un brun rougeâtre ; j'appris plus tard qu'il était dédié à Enem, patronne cérodienne de l'agriculture. Alors que notre caraque s'avançait lentement dans le port, un Palais s'offrit à nos regards, si noir que je crus d'abord que la ville avait faillit à son nom et l'avait bâti d'obsidienne. Mais il s'agissait bien de marbre, et mon âme de nain fut comme réchauffée par tant d'astuce dans les roches utilisées par cette cité humaine ; j'en fis la remarque à mes compagnons de route, et le capitaine me répondit que c'était attendu de ceux qui s'étaient à ce point rapprochés de la plus grande nation naine du continent.
Nous ne restâmes pas longtemps à Portmarbré ; malgré notre enthousiasme et la beauté de la ville, nous n'étions pas venu pour la visiter. Suivant le conseil de notre capitaine, je trouvai vite un guide capable de nous mener jusqu'en Roue d'Argent. A ma grande surprise, ce dernier nous submergea de mises en garde ; le voyage que j'entreprenais et la route que j'exigeais de prendre, traversant l'étendue sauvage à l'ouest de la Cérodie dans une ligne droite vers Osorineth plutôt que de filer vers le sud pour rejoindre la cité naine la plus proche, était dangereux. Notre guide insista avant même notre départ sur notre obéissance absolue ; lui seul serait serait à même de choisir les détails de notre itinéraire et il nous avertit franchement que refuser était se séparer de ses services ; plus encore, un refus de le suivre une fois arrivés dans les régions sauvages serait pour nous le premier pas vers une mort violente. La sincérité que je lus dans son visage était déconcertante, si bien que je finis par douter de la vision que je m'était faite du continent de l'ouest comme d'un territoire paisible et idyllique tel que les récits des bardes avaient pu me le présenter. Ces avertissements en tête, nous passâmes les quelques jours suivants à nous demander ce qui nous attendait alors que le guide s'occupait des préparatifs nécessaires à l'expédition.
Vint enfin le jour du départ. Nous quittâmes Portmarbré dans l'indifférence la plus totale ; la ville était un des port majeurs de la région, et les étrangers en partance pour l'arrière-pays y étaient légion. Ceux à suivre un itinéraire tel que le nôtre l'étaient moins, mais nous n'étions pas les premiers à nous y essayer et ne serions certainement pas les derniers. Nous ne voyagions pas léger ; à mes six compagnons et moi-même s'ajoutaient quelques autres, et le guide avait requis les services d'une agence mercenaire locale pour nous fournir une dizaine de gardes. Nous étions tous montés sur des chevaux de belles allures, mêmes les nains qui s'étaient vus présentés des bêtes d'élevage elfique. Je n'aime d'ordinaire guère cette race qui s'émeut si aisément à la perte de quelques troncs, mais je dois reconnaître que ces montures nous furent d'une grande utilité à chaque étape de notre route.
L'ouest était notre direction, et vers l'ouest nous chevauchâmes durant plusieurs semaines. Cette partie du voyage se déroula sans évènement notable sinon la rencontre que nous fîmes, lors de la seconde semaine, d'un corps de cavalerie cérodienne. Il s'agissait là, me dit le guide, de la première force de la Cérodie, celle qui assurait sa puissance terrestre comme sa marine lui offrait le contrôle de la Mer Martiale. Nous restâmes à une distance respectable du groupe, mais je pouvais voir de là où j'étais la discipline et la compétence qu'ils exhibaient. Ils paraissaient pressés ; ils avançaient d'un pas rapide en formation et leurs armures resplendissaient sous le soleil de cette fin d'après-midi. Notre guide ne sut me répondre lorsque je lui demandai la raison de leur hâte ; je hasardai l'hypothèse que ce fut pour répondre à une menace dans les environs, et il ne me détrompa pas.
Notre route continua sans évènement majeur pour une semaine environ, puis nous arrivâmes en vue de notre première étendue d'eau depuis que nous avions quitté la côte. C'était un fleuve, mais si large que je crus d'abord que nous nous avions fait demi-tour sans nous en rendre compte et que nous étions revenu vers la Mer Martiale. Le guide m'enseigna que le Tarmadum, car c'était son nom, était le moyen le plus rapide de se rendre vers le sud ; les marchands en partance pour la Roue d'Argent ou l'intérieur des terres l'empruntaient, et sa puissance en faisait un moyen de transport que même l'armée cérodienne utilisait ; une agriculture florissante s'était aussi développée le long de ses rives. Pour autant, le fleuve était dangereux ; lorsque la saison était mauvaise, ses crues devenaient nombreuses et dévastatrices. J'ai perdu le compte du nombre de récits témoignant de la destruction causée par la fureur du fleuve, mais je me souviens que tous rapportaient que la violence de l'eau était telle que les bâtiments en pierre eux-mêmes n'étaient pas à l'abri et que certains hameaux avaient disparus en entier, avalés par la terre et les flots libérés par ce monstre que la Cérodie utilisait comme bête de somme. Plus tard, j'appris qu'il y avait en fait trois affluents aux sources différentes, et que tous se rejoignaient dans ce même fleuve démesuré que je contemplais alors ; les trois se nommaient Tarmadum, et les trois étaient aussi mortels et utiles les uns que les autres.
Malgré le danger, tant de bateaux naviguaient sur ce fleuve que les compter semblait tâche impossible ; j'essayai pourtant, mais la nuit tombante mit fin à ma tentative. Nous prîmes refuge dans une auberge sur la rive avec l'intention de traverser le lendemain, ce que nous fîmes sans complications. Là, nous continuâmes vers l'ouest des semaines durant sans rien rencontrer de notable, bien qu'à certaines occasions notre guide nous fit changer d'itinéraire sans raison apparente ; comme promis, nous écoutions ses conseils et suivions sa direction.
Environ un mois après notre traversée du Tarmadum, une seconde étendue d'eau s'offrit à nos regards fatigués ; il s'agissait cette fois d'un lac, mais là encore j’eus un instant de doute devant sa taille. On me le présenta comme l’Œil de Kozitar ; je demandais alors qui était Kozitar, et l'homme se contenta de secouer les épaules sans me répondre.
A notre grand dépit, il ne fut pas question d'écourter notre voyage au moyen d'une traversée du lac. Je m'étonnai de cela et en demandai la raison au guide, car il me semblait justement qu'un tel raccourci nous ferait gagner un temps considérable ; il me rétorqua que personne ne naviguait jamais sur l’Œil, et en effet je ne vis nulle part de navires ni quoi que ce soit qui ressemblât à un port ; cela me fit regarder le lac d'un nouvel œil, et tout à coup sa tranquillité paisible me parut suspecte ; pas même les animaux ne s'en approchaient.
C'est dans une atmosphère empreinte de nervosité que nous entreprîmes de contourner le lac. Cela nous prit plusieurs semaines durant lesquelles nous parlions peu et par phrases courtes, comme si un poids terrible menaçait de se libérer sur nos épaules à l'instant où nous briserions la paix parfaite de l'étendue paisible. Durant tout ce temps, nous n'aperçûmes pas un seul animal plus grand qu'un cochon sauvage, et aucun de ceux que nous vîmes ne parut s'approcher de l'eau clapotante, qui semblait pourtant une source précieuse au milieu de ces terres sèches.
Enfin, nous laissâmes le lac derrière nous, et avec lui la végétation dense qui avait été notre quotidien jusqu'alors ; au-devant de nous s'étendait une plaine qui m’apparaissait infinie ; elle ne l'était bien sûr pas, et en direction du sud-ouest nous attendait notre but, le lointain royaume nain de la Roue d'Argent, dont nous ne pouvions même pas encore apercevoir les montagnes tant la distance à parcourir restait grande.
Je ne me rappelle pas grand-chose de cette dernière chevauchée. Les jours se ressemblaient tous, et le paysage morne et invariant n'aidait en rien cette impression d'absence de progression qui nous prenait tous. Le guide seul donnait le sentiment de connaître sa route, ce qui n'était pas sans nous rassurer ; nous étions tous tels des enfants égarés sur une place de marché, et il était l'adulte venu nous récupérer. Là encore, il insista pour modifier à de multiples reprises notre itinéraire et le fit tant de fois que je finis par perdre le peu de repères qu'il me restait, si bien que je n'étais même plus capable de nous situer sur la carte que nous possédions ; le guide lui connaissait son métier, et si je ne compris jamais pourquoi tel détour était nécessaire ni comment nous parvenions à garder notre cap, cela perdit de son importance lorsque nous arrivâmes en vue de la première montagne que je voyais en plusieurs mois. Épuisé, je demandais ce que c'était au guide, qui me répondit Thakom Ápbac avec un air que ne parvins à déchiffrer.
Quelques jours après ce premier aperçu, nous fûmes finalement en vue du hameau d'Oggezzimgel, qui n'avait rien de particulier sinon qu'il était notre premier contact avec la civilisation depuis des mois, et qu'à nous autres nains de l'expédition il était notre premier aperçu de ce pays cousin que nous nous étions mis en tête de visiter. Rendus fébriles par la proximité de notre but, nous n'y restâmes que quelques jours avant de repartir en direction de l'ouest, où la Cité-Montagne d'Osorineth nous attendait.
II. Notes sur la religion
Avant de raconter mon arrivée à la capitale de la Roue d'Argent et les nombreuses choses que j'y ai apprises, il est important que je fasse un point sur la structure de l'édifice religieux existant dans la région ; le lecteur en sera peut-être décontenancé et pourra vouloir passer cette section pour lire la suivante, mais c'est une étape nécessaire pour comprendre la mentalité rotargentaise et les règles et traditions qu'elles ont générées, et j'aurais moi-même apprécié que quelqu'un prenne le temps de me les présenter avant mes premières rencontres diplomatiques ; peut-être alors n'auraient-elles pas été d'aussi cinglants échecs.
S'il est un mythe qu'il est important de connaître avant de visiter la Roue d'Argent, c'est bien du Mythe de När qu'il s'agit. Par son influence sur la société et ses mœurs, cette croyance est de loin la première du pays, et sans doute par là du continent, car les derniers siècles ont vu ce mythe croître et se répandre parmi les populations elfes et humaines de la région. Je ne prétends pas être un expert sur le sujet ; je gage qu'un fidèle trouverait nombre de reproches à faire à la présentation que je vais en faire.
Selon l'entendement traditionnel et partagé par la majorité des rotargentais, När est une entité primordiale dont l'existence est dite précéder celle de toute autre. Le Dieu Rêveur, comme il est parfois appelé, serait à l'origine de toute créature existante et, de façon plus générale, du monde tel que nous le connaissons ; il aurait créé les premières pour peupler le second. A une époque si reculée qu'elle est impossible à situer par rapport à l'histoire que les peuples civilisés retranscrivent, När fut assassiné ; de son âme mourante sortirent les autres dieux, les Nés de När tels qu'ils sont connus dans ce mythe. Après ce crime, le premier de l'histoire du monde, les dieux en nouveaux gardiens de la création restaurèrent l'ordre ; il est dit que l'un d'eux, Armok, le Sang du Dieu et son Dernier Né, porta sur terre le premier nain et l'encouragea à perdurer. Depuis ce jour, les rotargentais considèrent que l'état du monde est fixe, car När n'est plus là pour créer.
C'est là l'essentiel de ce que mon séjour dans ce pays m'a appris sur ce Mythe. Il est important de noter qu'il est extrêmement répandu à travers le pays ; virtuellement chacun des habitants nains le considère comme réel, et, bien que cette proportion soit plus faible chez les autres races, j'ai manqué plusieurs fois d'avoir de véritables ennuis avec les populations pour avoir seulement émis l'idée que ce pouvait n'être qu'une histoire. Inexplicablement et malgré cette popularité, När ne possède aucun temple ni lieu sacré ; peut-être cette dénomination de Dieu Mort qui lui est parfois donnée suffit à expliquer cela. Quoi qu'il en soit, il est certain que la vision du monde présentée par ce mythe est profondément ancrée dans l'esprit rotargentais.
J'ai mentionné plus tôt d'autres dieux, et en effet la Roue d'Argent reconnaît les dieux que nous vénérons nous-mêmes. Je n'en parlerai pas beaucoup, car il n'y a que peu de différences avec nos propres cultes sinon dans les origines qui leurs sont attribués ; il suffira de dire que des temples leurs sont érigés dans les cités naines et que nombreux sont leurs fidèles.
Il me reste à présenter un dernier aspect de la religion de ce pays, qui est par ailleurs l'un des plus perturbant pour l'étranger qui en découvrirait l'existence sans information préalable. Je parle du culte des Pères, ces entités auxquelles les rotargentais accordent une importance que je ne puis m'empêcher de juger démesurée. Ils ne sont pas des dieux ; on me l'a affirmé suffisamment de fois avec un air toujours plus exaspéré pour que j'ai au moins compris cela. Pourtant, si le prêtre auquel j'ai parlé refusait avec un fanatisme rare cette qualification, elle est pour moi la plus simple des manières de décrire cette relation qu'ils entretiennent avec les rotargentais. Ils ont des temples dans toutes les cités du pays ; j'ai un temps douté de cette information, mais je puis affirmer qu'elle est vraie pour chacune de celles que j'ai eu l'occasion de visiter. La croyance est profondément enracinée dans le peuple ; là où il n'est pas rare d'entendre dans une taverne de Jadécume que tel dieu est factice ou impuissant, je ne suis pas parvenu à trouver ne serait-ce qu'un nain qui ne soit pas prêt à jurer de l'existence des Pères et de leur influence ; ils sont d'ailleurs désignés comme à l'origine de beaucoup des merveilles du royaume, telles que les Portes Grises d'Usad-Thunen ou la hache Midorang, symbole de la lignée Nikuznil depuis aussi longtemps que les archives s'en souviennent.
Comme pour beaucoup de domaines concernant la Roue d'Argent, le pouvoir religieux semble être centré à Osorineth ; le Sanctuaire est de loin le temple le plus imposant du continent, dominant le quartier noble de toute sa hauteur considérable. Les dimensions de l'édifice ne sauraient être expliquées par une simple description, aussi me contenterai-je de dire que l'on pourrait y faire pénétrer les titanesques créatures que les tribus du sud-est vénèrent comme des dieux et avoir encore de la place pour y rassembler la population de la ville toute entière. Si une telle prouesse architecturale étonne le lecteur, qu'il soit assuré que j'ai partagé le sentiment durant la totalité de mon séjour dans cette capitale de toutes les grandeurs qu'est Osorineth.
SAITAMA !
Je tenais à dire que j'appréciais les fruits au sirop.
Et je n'ai absolument pas honte. Et non ce n'est pas moi qui ai cassé le pot de mamy. Arrête de lire dans mes pensées.
III. Osorineth et ses mystères
Nous arrivâmes donc à la Ville-Montagne après un voyage de plusieurs mois. J'aimerais pouvoir dire que la vision titanesque de la capitale naine s'est soudainement projetée devant moi au détour d'un chemin ; la vérité est que je voyais déjà ses feux depuis plusieurs jours lorsque nous parvînmes finalement au-devant de ses portes. Je compris très vite le surnom de cette cité ; des bâtiments taillés à même la roche couvraient les flancs de la montagne où murailles, rues, maisons, statues et jardins étaient comme sortis de la terre suivant la volonté des architectes nains. La taille de la ville était considérable ; je ne voyais qu'un pan de la montagne, mais son contour entier paraissait couvert par la cité, bien que par endroit l'intégration fut si parfaite qu'il en devenait difficile de délimiter relief naturel et façonné par les tailleurs de pierre. Rendu curieux par cette première vision, j'interrogeai le guide sur ce que je voyais ; il m'apprit qu'il s'agissait là des quartiers extérieurs de la ville, où vivaient la majeure partie des populations elfes et humaines de la capitale ; leur nombre avait beaucoup augmenté les deux derniers siècles et ces quartiers étaient à présent en expansion constante. Je jetai un regard curieux aux hauteurs visibles par-delà les épais remparts et constatai que la marque de ces races étaient en effet visible ; de nombreux jardins avaient été bâtis et transformaient certaines des rues en véritables forêts, et je reconnu par endroits une architecture certainement inspirée du style cérodien. Néanmoins, la cité demeurait indéniablement naine ; la roche y était le matériau de construction le plus commun et des fresques couvertes de runes couraient le long des murs ; je me souviens avoir regretté de ne pas avoir le temps de les parcourir alors que nous pénétrions dans la ville et remontions l'avenue principale à la suite du guide, mais celui-ci avait éveillé ma curiosité en me disant que je n'avais encore rien vu de la cité, aussi ne protestai-je pas trop devant son pas rapide.
Nous nous dirigions vers l'intérieur de la montagne en remontant une artère densément peuplée ; toutes sortes de gens y étaient visibles, et de chaque côté de la rue de nombreux marchands tentaient d'attirer les passants dans leurs échoppes ; j'avoue avoir eu des difficultés considérables à ne pas m'attarder dans chacune d'elles, mais je me soumis finalement à la pression du guide au prix d'un effort que je n'hésite pas à qualifier d'héroïque. Nous nous dirigions vers les quartiers intérieurs, m'expliqua l'homme tandis que nous marchions ; je demandai ce qu'ils avaient de si formidable que nous ne pouvions attendre de visiter les flancs de la montagne, et il m'indiqua d'un geste la paroi rocheuse vers laquelle nous nous avancions.
Tranchant avec le relief alentours, il s'agissait d'une falaise d'une hauteur vertigineuse. Je me rendis vite compte que c'était aussi l'entrée vers l'intérieur, mais quelle entrée! La formation rocheuse était comme ouverte par une porte trop haute pour être observée dans sa globalité lorsqu'un nain se trouvait à ses pieds ; je la crus tout d'abord le résultat chanceux de quelque mouvement de terrain, mais je dus me rendre à l'évidence à mesure que nous approchions : aussi inconcevable que cela semblait, c'était bien une porte taillée dans une falaise qui n'avait elle-même rien de naturel. Le sol à sa proximité était couvert de runes, et une fresque interminable courait sur ses deux battants ; sur l'un deux figurait la représentation d'un dragon, et je jure avoir pensé qu'elle était fidèle en taille à la bête originale. L'ensemble de l'ouvrage paraissait si lourd que je doutais de l'existence d'une force capable de le mouvoir ; qu'il ait seulement été bâti s'approchait déjà du miracle.
Mais si cette vision nous avait surpris, celle qui nous attendait à l'intérieur nous laissa privés de sens. J'avais cru en apercevant les flancs de la cité comprendre son surnom de Ville-Montagne ; je me trompais lourdement. Derrière la porte dans la falaise, une caverne immense s'offrait aux regards, et on aurait dit que la montagne elle-même avait été vidée et que la cité avait empli l'espace ainsi libéré ; un pilier massif trônait au centre de la caverne et s'élevait du sol à un plafond perdu dans les ténèbres ; ça et là d'autres colonnes naturelles soutenaient le poids considérable du dôme. Des bâtiments ornaient ces piliers et les parois, éclairant des lumières de leurs torches la cité en contrebas ; loin dans les hauteurs, j'en devinais d'autres avalés par les ténèbres, témoins muets de quartiers entiers abandonnés pour des raisons obscures. De l'entrée qui se trouvait un peu en hauteur, je disposais d'un point d'observation idéal sur la ville ; celle-ci semblait organisée en une structure circulaire, ce qui me fut plus tard confirmé par le guide : autour du pilier principal se trouvaient le cœur du royaume, dont les bâtiments principaux étaient le Sanctuaire et le Palais de Granite, dans lequel résidaient le vénérable Roi Thir et sa cour, protégés des dangers derrière des murs tenus par la mythique Garde d'Argent. Autour de ce quartier et séparé de ses splendeurs par une épaisse muraille était le quartier de la noblesse dite commune. Ses résidents étaient les riches détenteurs de titres qui n'avaient cependant pas l'influence pour être admis à la cour du palais de granite ; on y retrouvait la petite noblesse mais aussi certains barons et comtes tombés en déchéance pour des raisons quelconques ; c'était dans ce quartier aussi que les marchands les plus riches terminaient leur existence, ayant acheté par leur argent le rang qui faisait défaut à leurs confrères. Enfin, toujours plus loin du centre, les quartiers populaires emplissaient le reste de l'espace. Répétant avec plus ou moins de conscience la structure de la cité, ces quartiers évoluaient eux aussi selon le modèle circulaire ; où que je porte mon regard, le rang et la richesse s'accumulaient vers le centre de la cité comme des insectes nocturnes attirés par une flamme. Malgré le sentiment d'injustice sociale que pourrait avoir le lecteur devant ma description, il est à noter que cette séparation n'est pas aussi définitive qu'elle le paraît ; le quartier noble, bien que fastueusement décoré en comparaison à la simplicité des habitations populaires, contient nombre d'espaces publics ouverts à tous les habitants sans discrimination de race ou de classe ; il est d'ailleurs juste de dire qu'un citoyen respectueux des lois peut se rendre partout dans les quartiers nobles sans courir plus de risques que s'il visitait son voisinage. L'accès au Sanctuaire est aussi permis ; s'il est vrai que la présence peu discrète des gardes aux armures argentées incite tout fauteur de troubles potentiel à porter ses problèmes ailleurs, c'est compréhensible devant le caractère central de cet édifice dans tous les pays et sa proximité au Palais de Granite. Ce dernier bâtiment fait par ailleurs exception à cette règle d'ouverture, car tout accès est lourdement contrôlé et limité par des conditions complexes ; le roi a cependant coutume de donner des audiences à certaines périodes de la journée, mais toute tentative pour pénétrer dans d'autres salles que celles autorisées ou de prolonger sa visite au-delà des heures prévues sont réprimées avec une fermeté cachant à peine la menace sous-jacente ; je cessais par ailleurs mes tentatives d'y pénétrer après la seconde tentative, et tout ce que j'aurais aperçu de ce palais mystérieux peut se résumer à un grand vieillard aux yeux verts occupé à nettoyer des fenêtres.
On l'aura vu, cette ville est une véritable inspiration pour un étranger à l'âme errante et au tempérament d'explorateur tel que moi ; au fil des siècles de son existence, un nombre considérable de mythes se sont approprié ses mystères, alimentant inlassablement la légende de cette ville hors de tout. L'alcool et l'imagination fertile des bardes aidant, elles sont répétées à travers les tavernes de la Roue d'Argent à quiconque est assez curieux pour les écouter ; on raconte par exemple que la création de la cité est un miracle des dieux, qu'ils auraient ainsi fait un royaume à l'épreuve du temps pour leurs fidèles et que c'est là l'origine du nom de la ville ; d'autres assurent qu'elle fut bâtie en cent jours par un dieu-scribe qui aurait ajouté détail après détail jusqu'à obtenir ce creuset formidable qui allait donner naissance à une civilisation entière ; d'autres encore estiment que tout cela n'est que sottises et une invention des générations d'architectes qui ont consacré leurs vies à la création du joyaux du royaume. Quelle que soit la vérité, si tant est qu'il en existe une parmi la centaine de versions que j'ai pu entendre, il est certain que la ville occupe une place centrale dans l'imaginaire rotargentais. Aujourd'hui encore, je trouve inconcevable qu'une telle grandeur ait pu naître d'une race mortelle.
Parmi les nombreux mystères de la capitale, le Palais de Granite fut celui qui me captiva le plus ; refoulé dans mes tentatives d'y entrer, je réunis avidement chacun des récits des bardes et des archives et tentait vainement d'en tirer un sens ; j'appris ainsi toutes sortes de légendes : le palais serait le repaire d'anciens pouvoirs enchaînés quelque part dans ses profondeurs, prêts à servir la lignée Nikuznil si celle-ci était un jour menacée ; un Spectre y aurait son repaire, traquant les intrus et éliminant tous ceux qui conspiraient contre le roi avec une efficacité telle que la Garde serait superflue ; un grand dragon doré dormirait dans une salle isolée, lové autour d'un trésor millénaire duquel les Nikuznil piochaient de temps en temps : un jour la bête se réveillerait et détruirait le continent par les flammes, mettant fin à l'ère de paix voulue par les Sages ; des créatures infernales aurait été libérées par la folie des Tisseurs et ne seraient contenues que par le courage de la Garde d'Argent, menaçant de leur existence même toute vie sur Roth Akmesh ; profond sous le Palais, dans les abysses les plus noires, le squelette du Dieu Mort aurait été exhumé par les mineurs nains, et un groupe d'érudits s'acharnerait à le ramener à la vie.
Toutes ces théories ne sont qu'une infime partie de celles que j'ai étudiées durant mon séjour là-bas. A ma grande déception, il est difficile d'accorder du crédit à la majorité d'entre elles. Bien que le secret recouvrant l'édifice rende toute vérification impossible, je puis au moins affirmer ne jamais avoir rencontré de spectre durant mes deux tentatives initiale, ni lors de celles qui suivirent.
Comme l'étude des mythes et l'observation de la vie de la cité me l'apprirent, une autre source de légendes était la Garde d'Argent. Ce groupe avait pour tâche de veiller à la protection du Roi et du Sanctuaire depuis au moins aussi longtemps que la lignée Nikuznil était au pouvoir ; leur rôle ne se limitait néanmoins pas à protéger le roi et sa famille, car ils étaient aussi présent partout dans le royaume, où ils servaient à la fois d'experts militaire et d'envoyés de haut rang. Malgré leur nature de soldats, ils étaient très bien considérés partout dans le pays, au point qu'un membre de la Garde soit parfois mieux accueilli qu'un noble de bas rang ; en effet, ils sont l'extension de la volonté royale où qu'ils soient, et toute parole inconsidérée en leur présence est comme prononcée à l'oreille du roi ; certains particulièrement à l'aise en politique prennent d'ailleurs un rôle de diplomate, un diplomate envoyé dans les cours les plus hostiles et dont la présence fait craindre le pire aux assassins les plus endurcis. Ils sont dirigés par un Capitaine ; en dépit du grade, c'est un poste éminemment honorifique envié par tous les officiers de l'armée. Il s'agit traditionnellement d'un nain ayant prouvé sa valeur durant de nombreuses années de service au sein de la Garde, et il a souvent l'oreille du roi dans les affaires militaires. En plus de ces fonctions, la Garde est aussi l'ultime rempart de la Roue d'Argent contre les menaces extérieures ; ils sont appelés lorsqu'une bête ancienne est réveillée dans des tunnels oubliés ainsi que quand les titans arpentant les régions sauvages du nord et de l'est s'approchent trop près des cités naines. A chaque fois, ils apportent une solution au problème sous la forme de lances plantées dans le corps de la créature qui voudrait se mesurer à la puissance naine.
Le nombre de gardes est incertain ; des estimations impossible à vérifier parlent d'un millier, mais j'ai vu ces chiffres varier de quelques dizaines à plusieurs milliers. Ils sont majoritairement des nains, bien que quelques elfes et humains soient parvenus à être acceptés au cours du dernier siècle. La vie d'un garde est entièrement consacrée à son devoir ; leur serment ne leur interdit pas de fonder une famille, mais il est attendu qu'ils soient prêts à l'abandonner à tout moment si l'ordre en était donné. Ils sont recrutés dès la fin de leur enfance parmi les jeunes les plus prometteurs du pays ; la méthode par laquelle la garde apprend l'existence de ces talents varie d'un individu à l'autre ; certains sont présentés au Palais par un noble influent, d'autres remarqués par un garde de passage, d'autres encore viennent d'eux-mêmes avec l'espoir d'être accepté dans le groupe le plus honoré du royaume. Les jeunes recrues sont ensuite formées durant huit années ; rien n'est vraiment connu de ce temps de formation sinon que nombreux sont ceux qui abandonnent dès les premiers mois ; au terme de cet Okil, les recrues doivent passer un ultime test décidant de leur réussite et de leur intégration à la Garde. Les conditions du test varient immensément en fonction de facteurs aussi variés que la personnalité du capitaine actuel et la situation politique du royaume, mais il s'agit généralement d'une mission réelle aux enjeux souvent importants. Quand cette mission s'achève, la recrue est conviée à une cérémonie au Sanctuaire durant laquelle elle rejoint officiellement la Garde ; souvent présidée par le roi lui-même, c'est un des rares évènements fermé au public, et le détail de son protocole ou des personnalités présentes n'est pas connu. A l'issue de cette cérémonie que l'on imagine aisément solennelle, le nouveau garde reçoit sa première assignation ainsi qu'une armure et des armes forgées par les meilleurs artisans du royaume. L'armure elle-même est d'une importance capitale dans la représentation que s'en fait le peuple ; l'alliage argenté est un véritable symbole de ce groupe et n'est trouvé sur aucune autre armée. J'ai moi-même eu l'occasion d'observer ces uniformes durant mon voyage ; lorsqu'il est complètement vêtu, un garde évoque plus une statue d'argent qu'un être de chair et de sang, et la simple vision du manteau gris qu'ils portent dans leurs voyages suffit à ramener le calme dans la rue la plus animée ; j'ai à ce sujet été témoin d'une démonstration admirable de l'effet de leur réputation sur une foule lorsque je visitais la ville de Tölúnbërûl, où une altercation en plein cœur du marché avait dégénéré en un mouvement de foule qui croissait rapidement ; un garde paru au détour d'une ruelle entreprit de remonter la foule jusqu'à l'origine de l'agitation, et tous se taisaient alors qu'il parvenait à leur niveau, pleins d'une révérence craintive devant ce symbole royal marchant au milieu du peuple du pas le plus calme qui soit.
Si la nature éminemment symbolique de l'armure est bien connue et facilement observable, les propriétés physiques du matériau ayant servi à la concevoir font aussi l'objet de nombreuses rumeurs. Il m'a été impossible de tester par moi-même la résistance de cet alliage, qu'on dit supérieure à tout autre travail des Tisseurs. Les armes de la garde sont de même renommées pour surpasser toutes les autres sur le continent, à l'exception de la hache Midorang, la Hache Écarlate ornant la ceinture du Roi de la Roue d'Argent et que l'on dit un cadeau des dieux à ce royaume qui se prétend leur élu.
IV. Les conflits du continents
Le lecteur l'aura remarqué dans les précédentes parties de ce récit, les pays du continent de l'ouest sont des puissances considérables. Tant la Roue d'Argent que la Cérodie possèdent des armées puissantes et des forteresses prêtes à soutenir les sièges les plus longs. Si cette situation peut paraître étrange chez des peuples en paix depuis si longtemps, elle prend plus de sens quand on considère l'histoire du continent et ses dangers.
En effet, le territoire que partagent ces nations est loin d'être paisible, contrairement à ce que chantent les bardes romantiques de Jadécume. Mon voyage en est un excellent exemple ; la Mer Martiale est connue de tous pour abriter des créatures anciennes et plus dangereuses qu'un navire de guerre, et son rivage nord est craint des marins cérodiens ; il est dit que des créatures étranges et difformes y sont parfois aperçues, et que leurs cris glacent les sangs des hommes les entendant ; un nombre anormal de navires s'y perd chaque année, et cette côte est désormais évitée de tous, certains capitaines préférant forcer leur équipage à continuer des mois sans ravitaillement plutôt que de faire escale dans ces terres maudites. L'intérieur n'est pas en reste : l'est de la Cérodie est connu pour être un territoire désertique et sauvage arpenté par des animaux immenses et dangereux ; les réactions de notre guide durant notre traversée de cette région sont en accord avec cette réputation et j'ai moi-même plusieurs fois eu l'impression furtive qu'un danger implacable nous guettait, si bien que j'étais plus que rassuré d'atteindre enfin la civilisation. Enfin, un danger bien connu des Piliers Pointu menace aussi nos confrères de l'ouest : les bêtes des profondeurs sont nombreuses à s'éveiller et ravager les cavernes obscures, faisant à chaque fois des victimes parmi les populations civiles et militaires.
Chacun de ces dangers est trop grand pour être arrêté par une simple milice comme c'est parfois le cas dans les avant-postes les plus récents, et ainsi protéger la civilisation de la nature impitoyable est une des missions des armées du continent.
Un second point à considérer est que la paix du continent n'est en fin de compte pas si ancienne. Un peu moins de deux siècles plus tôt, l'alliance des hommes, des royaumes elfes et d'un empire gobelin plus au nord affrontait la Roue d'Argent dans une guerre sans pitié. Les forces naines perdaient du terrain malgré leur vaillance ; c'est alors que le roi de l'époque décida d'un mouvement risqué mais qui changerait le cours de la guerre. Lors d'une bataille entrée dans la légende sous le nom de Mezilush, il défia l'alliance en montant lui-même au combat ; accompagné par la Garde d'Argent, il triompha des armées humaines et elfes en éliminant leurs rois. Suite à ce coup d'éclat, le seigneur de l'empire gobelin quitta le champ de bataille dans la honte ; il s'en retourna avec son armée dans les terres du nord, et jamais plus on ne vit de gobelins arpenter les terres libres du continent. Cette bataille achevée et la cohésion de ses ennemis brisée, le roi nain conclut une paix aux termes singuliers avec les autres dirigeants ; afin qu'il n'y ait plus jamais de carnage semblable, ils décidèrent d'une alliance dont harmonie et tolérance seraient les maîtres-mots. Une cité fut bâtie pour symboliser cet espoir qu'un jour les peuples vivraient ensemble ; il s'agit d'Usad-Thunen, la Ville-Multiple, aujourd'hui célèbre à travers tout le continent pour son message.
V. La Ville Multiple
Usad-Thunen, Eniwa, Opubetca. La Ville-Multiple. Tous ces noms désignent la ville bâtie selon la volonté des dirigeants de la nouvelle alliance après la bataille de Mezilush ; située dans la vallée d'Idigër au nord de la Roue d'Argent, elle est par bien des côtés la plus formidable des créations de ceux que l'histoire a nommé les trois Sages.
Le premier était Tekkud ; jeune roi de la lignée Nikuznil alors que celle-ci perdait de son pouvoir, sa victoire et les décisions ayant suivies en ont fait une véritablement figure divine pour le peuple rotargentais ; nombreux sont les temples dédiés aux Pères qui contiennent aussi un simple autel sur lequel le dessin d'une pioche ouvrant une caverne est gravé. Encore aujourd'hui, il n'est pas rare que les actions des rois de la Roue d'Argent soient comparées à celles de leur illustre ancêtre, souvent défavorablement ; je ne peux que ressentir une certain compassion pour ces nains forcés de se hisser à la hauteur d'une légende, car en effet, comment le pourraient-ils? C'est là une tragédie qui semble destinée à perdurer jusqu'à ce que le nom du premier des sages soit oublié ou que la dynastie Nikuznil soit chassée du trône.
La seconde est Nefòla, la reine elfe ayant la première plaidé pour la paix. Princesse au moment de Mezilush, son premier geste de reine fut d'inviter Tekkud et le roi humain à cesser tout combat. Elle est considérée comme à l'origine des termes de l'alliance ; vivant tout d'abord à Usad-Thunen comme les deux autres Sages dans le but de prouver à leurs peuples qu'une entente était possible, elle fut la seule à décider d'y rester bien après que l'expérience fut jugée un succès ; aujourd'hui encore elle partage son temps entre sa capitale Elifaÿonali et la Ville-Multiple. Ardente défenseuse de l'harmonie entre les peuples, elle est véritablement adorée par la population de la ville et dans une moindre mesure par celles des trois royaumes entiers. Son influence sur la politique du continent au cours des siècles est considérable ; bien après la mort des autres Sages, elle est resté un symbole d'unité et de sagesse dans les cours naines comme humaines.
Le troisième des Sages est Céro, le roi humain dont le nom est certainement à l'origine de celui de son royaume ; peu de choses sont connues de lui sinon qu'il fut le premier, avant Tekkud, à répondre à l'appel de la reine elfe d'apporter une fin aux massacres. Il est le sage qui vécut le moins longtemps, mais durant son règne il fit de la Cérodie la puissance qu'elle est maintenant et se rapprocha considérablement des elfes ; à sa mort, tant Nefòla que Tekkud vinrent pleurer sur sa tombe, et une statue merveilleuse en son honneur fut élevée par l'art de la reine à partir d'un des arbres de son jardin.
Selon les récits officiels, les Sages s'entendirent pour faire de la cité l'exemple que leur vision était possible. A la fin de la guerre, des volontaires furent rassemblés et menés par les trois dirigeants pour construire une ville dans une vallée située entre les royaumes elfes et nains. Il est probable que les premiers temps de cette cohabitation aient été difficiles ; le résultat demeure que un siècle après, Usad-Thunen était une cité en pleine croissance qui recevait régulièrement la visite de membres des trois races curieux de voir comment son miracle était possible. Encouragée par les efforts incessants de la reine Nefòla, la paix finit par s'établir dans cette ville et les autres ; finalement, les tensions s'apaisèrent et les premiers signes d'une collaboration profonde se montrèrent un peu partout sur le continent. Finalement, la Ville-Multiple devint le symbole qu'elle est aujourd'hui et qui représentait la dernière étape de mon voyage.
Mon premier aperçu de la ville fut la vision imposante des célèbres Portes Grises, ces portes que l'on dit offertes par les Pères en guise de bénédiction pour le projet des Sages ; immenses comme j'avais appris à l'attendre d'un ouvrage rotargentais, elles étaient ornées de nombreux symboles ; trois anneaux entrelacés englobés dans un cercle plus grand formaient le plus visible.
La ville étant récente selon les échelles elfes ou même naines, elle contient peu d'équivalents aux merveilles d'Osorineth. En dehors des Portes Grises, les Jardins de la Reine sont notables pour leurs dimensions et leur beauté ; j'avoue ne pas m'être plus ému que cela en les visitant, car je fais comme tout nain qui se respecte peu de cas des plantes que la race de Nefòla aime tant. Néanmoins, l'honnêteté m'oblige à reconnaître l'agencement remarquable des diverses espèces ainsi que l'harmonie qui se dégage de l'ensemble. Au centre des Jardins, dominant la ville de sa hauteur, un arbre à l'écorce bleu pâle s'épanouit au soleil ; il s'agit là d'une de ces espèces trouvées généralement dans l'obscurité des cavernes que le roi Tekkud aurait offert en présent à la reine elfe ; j'ignore comment, mais cette dernière a réussit à le faire vivre à la surface où il croît jusqu'à des dimensions qu'atteignent rarement ses confrères souterrains.
Ayant vu tout cela, j'avais presque satisfait ma curiosité ; je désirais encore percer le mystère du Palais de Granite, qui me fascinait plus que de raison. J'eus à ce sujet le premier désaccord avec mes compagnons de route ; eux estimaient le voyage terminé par notre visite d'Usad-Thunen et envisageaient de rentrer directement à Portmarbré dans l'attente du bateau de mon oncle qui devait passer nous chercher d'ici quelques mois. Je comprenais bien leur sentiment et leur volonté de se rapprocher de notre pays que nous n'avions pas vu depuis maintenant presque une année ; néanmoins, il était pour moi hors de question de ne pas au moins essayer à nouveau de pénétrer dans le Palais ; comprenant que nous ne parviendrions pas à un accord, nous décidâmes de nous séparer, et je retournais à Osorineth seul tandis qu'ils faisaient route vers l'est, ayant décidé de ne plus couper à travers les étendues sauvages de la Cérodie mais plutôt de passer par les villes naines de l'est avant de remonter vers le nord une fois la civilisation atteinte.
Le cœur quelque peu serré en voyant ces compagnons de toujours me laisser en arrière, j'arrivai à la capitale décidé à ne pas la quitter avant d'avoir tiré du sens de l'écheveau que tissaient les innombrables mythes sur la Ville-Montagne.
VI. Appendice
Dakost Leshadet ne parvint jamais à percer les mystères de ce lointain royaume. Quelques mois après son retour à Osorineth, un scandale le forçait à quitter la ville en urgence. Vite rapatrié sur le navire de son oncle, il reprit sa vie et se consacra à la finalisation de son manuscrit. Trois mois plus tard, une délégation rotargentaise arriva à la capitale alors que j'y étais en compagnie de Dakost pour présenter son voyage à de riches investisseurs. Je me souviens que mon ami était agité ce jour-là, regardant souvent derrière lui comme s'il craignait que quelque malheur lui tombe dessus. Durant une soirée à la cour où les diplomates de la Roue d'Argent étaient reçus par le roi Dushig, il fixa longuement le groupe, paraissant reconnaître l'un d'eux. Quelques jours après, il mourrait d'une mauvaise toux l'ayant pris à son arrivée à Jadécume et empirée par une maladie contractée durant sa traversée de la Cérodie. Dans la même semaine, le roi publiait une liste d'ouvrages interdits pour leur caractère hérétique ou traître à la couronne, et Voyages en Roue d'Argent en faisait partie. Avant que je puisse argumenter qu'il s'agissait d'une erreur administrative, les copies existantes étaient brûlées et toute publication future du manuscrit interdite. J'aperçus le roi lors d'une cérémonie quelques semaines plus tard, et il portait un manteau richement décoré qui semblait fait de métal liquide.
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Voilà Alex, tu as ton hors-sujet.
Je pointerai ce chapitre et la fiche de mon perso au prochain se trompant sur un élément de mes personnages, parce que je ne pense pas pouvoir produire plus d'informations utiles. Pour ceux qui auraient explosés de rage devant le mépris total de la situation à Cornedebouc, dites-vous qu'il s'agit d'un des derniers chapitres concernant le continent de l'ouest que j'écrirai. Et bon, il n'était pas si long. J'aurais pu faire bien pire.
La partie III qui fait 16 055 caractères et que je suis obligé de poster en deux fois.
Je... je sais que ce n'est pas sympa ce que je vais dire, mais je n'ai honnêtement pas très envie de lire tout ça à première vue. Je vais quand même le faire par devoir moral, alors j'espère que c'est bien.