Assis dans votre fauteuil, l’obscurité de la ville polluée et le bruit assourdissant et continu des voitures ternissent votre quotidien. La pollution croissante vous assomme dans votre solitude. Cependant, quelque chose attire soudainement votre regard. Il s’agit d’une petite plante aux pétales jaunes, placée sur la table en face de vous. Etrangement, sa simple présence et sa naïve beauté vous réconfortent. En regardant par la fenêtre située au-dessus de la table, vous commencez à rêver. A rêver de liberté, de calme. Doucement, vos paupières se ferment pour laisser place à l’imagination et à la poésie. Dans votre rêve, les plaines s’étendent à perte de vue, les brins d’herbe ondulent lentement à l’unisson. Parmi eux, on aperçoit une fleur sur le point d’éclore. C’est à ce moment précis que le joueur prend les choses en main. En appuyant sur n’importe quelle touche de la manette, celui-ci fait souffler le vent, ce qui entraîne l’éclosion de la fleur et lui permet de récupérer un pétale – le premier à l’accompagner dans son voyage. Un peu plus loin derrière cette première fleur, plusieurs autres se dévoilent, formant une sorte de chemin. De là, le principe de Flower est simple, faire éclore les fleurs qui composent l’environnement, afin de faire renaître la nature. A chaque fleur réveillée, le joueur reçoit un nouveau pétale. Rapidement, cette collection de pétales se transforme en un véritable ruban aux couleurs diverses et variées, volant au gré de la brise que le joueur incarne.
De nouvelles émotions
Flower a une place très importante dans le cœur de thatgamecompany. Effectivement, il s’agit du premier jeu entièrement conçu hors de l'université d’origine. C’est pourquoi l'équipe porte à ce projet un intérêt tout particulier. Il est censé concrétiser les ambitions initiales du studio, chose que n’a pas pu réaliser flOw, dont le but premier était d’illustrer la thèse de Chen sur l’ajustement dynamique de la difficulté. Avec son nouveau jeu, thatgamecompany veut élargir le spectre émotionnel du jeu vidéo, avoir un impact positif sur le joueur en communiquant de nouvelles émotions, uniques et inédites dans le domaine vidéoludique. Pour Jenova Chen, la PlayStation 3 s’apparente à une sorte de portail vous transportant dans un autre monde, dans un refuge émotionnel, loin du stress et de la solitude.
C’est dans cette perspective que l’équipe de développement, composée de 9 personnes, se met à la recherche d’un concept en 2007. Deux idées ressortent alors : l’une se focalisant sur la vie d’une fleur, l’autre sur la conscience de l’être humain. En regardant de plus près la première idée, l’équipe se rend compte que le bonheur simple provoqué par le flottement d’un pétale de fleur dans l’air correspond parfaitement aux émotions que le jeu doit véhiculer. En conséquence, il est décidé de centrer le jeu autour des fleurs et de leurs pétales. Pour créer la trame de Flower, Jenova Chen s’inspire de son enfance qu’il a passée à Shanghai, une ville très polluée. Pour lui, Flower s’apparente à un poème au message écologique, dépeignant les tensions qui persistent entre l’expansion urbaine et la nature, même s'il souhaite avant tout que le jeu transmette des émotions plutôt qu’une morale.
[VIDEO 0 INTROUVABLE]
Relaxer, mais ne pas frustrer
Comme pour Cloud et flOw, thatgamecompany veille constamment à rendre Flower le plus accessible possible. Ainsi, un système de déblocage de niveau grâce aux pétales récoltés est abandonné, car jugé trop frustrant pour le joueur, qui serait amené à recommencer plusieurs fois le même niveau pour ramasser plus de pétales. Il est aussi impossible de perdre : si, par malheur, le joueur percute un élément dangereux, il est seulement repoussé en arrière en ne subissant aucun dégât, et peut retenter sa chance instantanément. Le gameplay ne doit en aucun cas perturber les émotions que ressent le joueur, mais plutôt les stimuler. A contrario, thatgamecompany voulait au départ créer un monde ouvert, dans lequel on pouvait se déplacer librement. Mais ce concept fut délaissé, puisque pour que le jeu n’ait jamais de baisse de rythme, il est jugé important que le joueur soit un minimum guidé, qu’il suive un fil directeur. En définitive, Chen se rend compte que pour créer un jeu vidéo novateur, chambouler toutes les règles de game design n’est pas forcément une bonne idée. Effectivement, il est toujours bon de conserver des concepts plus « traditionnels », comme une certaine linéarité, mais qui assurent une expérience vidéoludique harmonieuse et sans temps morts.