Au coeur du développement
Sans trop entrer dans les détails techniques, il est bon d'expliquer quelques petites choses concernant les efforts fournis sur la qualité graphique du jeu Crash Bandicoot. En premier lieu, il faut savoir que les petits gars de Naughty Dog ne comptaient pas leurs heures et qu'ils ont minutieusement étudié les capacités de la Playstation afin d'en tirer le meilleur parti. Celle-ci proposait un mode vidéo 512x240 pixels, ignoré par la majorité des autres développeurs, mais s'accaparait également de la mémoire vidéo que d'autres consoles utilisaient généralement pour afficher les textures d'un titre. Autre particularité, la Playstation était apte à gérer les ombres de façon plus que correcte. De fait, Jason Rubin a remarqué que les personnages ombragés étaient visuellement plus convaincants que les éléments simplement texturés. En conséquence, il décida d'accorder davantage de polygones aux personnages, et moins d'importance à leurs textures. Andy développera plus tard un pack d'algorithmes afin de remédier à ce manque de mémoire.
L'équipe a également travaillé sur un système d'animation squelettique à os multiples. Pour faire simple, il s'agissait de faire bouger un maximum de membres afin de rendre l'animation la plus convaincante possible, en fonction des capacités techniques de la Playstation bien sûr.
L'art de l'économie
En ce qui concerne les environnements du jeu, Dave, Jason et Andrew avaient le même objectif : créer des mondes variés et détaillés. Bien sûr, plus on veut de détails, plus le nombre de polygones nécessaires à leur affichage augmente. La meilleure solution fut de placer la caméra sur une sorte de "rail" afin qu'elle puisse suivre le personnage et le filmer de dos, de face ou de profil pendant que ce dernier avance dans les niveaux. Le joueur n'ayant aucun contrôle sur la prise de vue, il lui était impossible de voir davantage d'éléments que ce que pouvait afficher le jeu. Par conséquent, il n'était pas nécessaire d'utiliser des polygones à certains endroits : tout ce qui était caché par des murs ou des arbres n'était tout simplement pas généré. Les ressources ainsi économisées ont donc pu être redistribuées sur les zones à détailler. En somme, le travail de level-design fut simplement monstrueux, faisant ainsi tourner de cinq à dix ordinateurs dernière génération simultanément et parfois sans aucune interruption !
Solutions et créativité
Les niveaux étaient grands, trop grands même pour le logiciel de modélisation 3D utilisé à l'époque, à savoir PowerAnimator. Il a par exemple fallu découper le premier niveau test en 16 chunks, mais le hic venait de leur temps de chargement qui avoisinait les dix minutes chacun ! Dave Baggett a donc créé un outil spécial permettant entre autres d'entrer certains composants du level-design dans un fichier texte afin de pouvoir générer les chunks et les sauvegarder. Tout cela paraît rudement compliqué, mais ce n'est pas tout ! Lancés à pleine vitesse, les développeurs de chez Naughty Dog n'ont pas hésité à créer leur propre langage de programmation, reprenant la syntaxe du célèbre Lisp, afin de coder toute la partie "gameplay" du jeu. Nous ne nous attarderons pas plus sur cet aspect du développement, mais ces quelques faits nous permettent déjà de nous mettre d'accord sur un point : chez Naughty Dog, on fait dans la puissance et la complexité !
Image tirée de la version prototype de Crash Bandicoot.
Un personnage charismatique
Toujours dans l'optique de surpasser Sonic et Mario, l'équipe de développement a travaillé sur les différents moyens de donner à Crash une véritable personnalité cartoonesque. Les aficionados de la série se rappelleront très certainement de la scène d'ouverture du premier titre de la série : on y voit un Crash déboussolé venant de s'échouer sur une plage de l'île d'N-Sanity, premier "monde" du jeu. Cette courte cinématique montre à elle seule toute l'efficacité du système Vertex utilisé dans le cadre de l'animation des personnages (squelettes à multiples sommets). Bien que muet, Crash pouvait faire comprendre ses sentiments au joueur via diverses expressions faciales, tantôt souriant, tantôt apeuré, étonné, fatigué... bref, autant de situations que l'on ne retrouvait pas chez un Sonic en 2D ou chez le plombier moustachu à l'époque.
Références pour les quatre premières pages :
- Site officiel d'Andy Gavin
- Pix'n'love n°13 : l'histoire de Naughty Dog