Après l'énorme succès de Daggerfall, acclamé par la communauté rôliste, Bethesda Softworks entend bien enchaîner sans tarder en développant un troisième Elder Scrolls avant la fin de l'année suivante. Cependant, de nombreux contretemps et concours de circonstances, sans parler du changement de moteur graphique, conduisent l'équipe à reprendre plusieurs fois à zéro le développement de cette suite. C'est finalement en 2002, soit six ans après la sortie de Daggerfall, que sort The Elder Scrolls III : Morrowind. Cet épisode marque un tournant dans l'histoire de la franchise puisque c'est le premier à sortir aussi sur une console de jeu (la Xbox en l'occurence).
En jouant à Morrowind, le joueur d'Arena et de Daggerfall a de quoi perdre ses repères. La première chose qui frappe est bien entendu l'aspect visuel, car ce troisième épisode est une vraie claque visuelle pour l'époque. On passe des sprites, des bâtiments polygonaux et des graphismes en VGA de Daggerfall à une 3D riche, aux modèles et aux textures soignés, à une architecture et à une végétation bien plus exotiques, mais pourtant très agréables à l'œil. La plus grande réussite à ce niveau est sans doute le rendu de l'eau, magnifique et réaliste ; ce n'est pas tout à fait par hasard que l'action débute dans une ville portuaire. Mais la différence la plus flagrante entre Morrowind et ses prédécesseurs tient à la différence d'échelle : la surface de jeu de Morrowind, qui se chiffre à quelques kilomètres carrés, semble ridicule en comparaison de ce à quoi nous avait habitué la série. L'explication est simple : alors que les cellules de Daggerfall avaient été générées automatiquement, ce qui permettait d'en créer plusieurs milliers sans problème, et séparées par des espaces vides d'assez grande taille afin d'obtenir une map aux dimensions réalistes, Morrowind préfère miser sur une surface de jeu plus restreinte mais plus remplie, fouillée et immersive.
Adieu donc aux milliers de villes et donjons répartis un peu partout : l'île de Vvardenfell, où se déroule Morrowind, est composée de seulement une dizaine de villes et autant de villages, fermes et campements nomades, le reste étant constitué de terres sauvages aux nombreux sanctuaires, tombeaux, grottes, et autres tours plus ou moins abandonnées, qu'il est possible d'explorer. Ce qui pourrait passer pour un manque d'ambition tient au contraire à la volonté de ne pas ennuyer les voyageurs en quête de diversité. L'île de Vvardenfell est entièrement réalisée à la main. Chaque endroit a son importance, chaque personnage, son histoire et sa personnalité. Un seigneur local n'est plus un simple donneur de quête, mais un personnage important qui sera au centre des affaires de son domaine. La grande majorité des quêtes sont écrites à l'avance. Cela limite bien sûr la durée de vie (théoriquement infinie dans Arena et Daggerfall), mais cela permet en revanche d'avoir un scénario soigné, des thématiques liées entre elles, et au final un univers riche, profond et cohérent. Ce choix de passer d'un immense « bac à sable » à une aventure nettement plus encadrée a déplu à certains et plu à beaucoup d'autres.