J'espère vraiment qu'à force d'interprétations très solennelles, je ne vous ai pas mis dans l'esprit qu'Origins était ultra sérieux et totalement premier degré. A cette image d'oeuvre lourde et écrasée par ses propres ambitions, je préfère vous amener vers la vision d'une création totalement libre, enlevée, qui est le résultat sans concession, sans retouches, de ses auteurs. A ce titre, il faut bien avouer que la sortie d'Origins est un petit miracle en soi après les ventes catastrophiques de BK1. Pourtant, Monolith, adjoint par les fidèles de Tri-Crescendo, a manifestement disposé d'une liberté rare. On le mesure dans le jeu autant à la maturité et la cruauté du scénario ou l'audace du système de combat, qu'aux marques d'humour de tout genre. Ça va de l'absurde très anglais à l'auto-dérision en passant par la moquerie (gentille) envers Namco !
C'est toujours difficile de retranscrire la verve d'une oeuvre sans la paraphraser bêtement, hors contexte, et donc lui faire perdre de sa saveur. J'espère vous arracher quelques sourires à froid. En fait, les zygomatiques se détendent surtout grâce à l'inénarrable répondant de Guilo. Dans un sérieux second degré très John Cleese, la poupée prétend n'aimer personne, et surtout pas Milly, qu'il appelle ironiquement la Wench (fausse prude, une petite peste en somme). Notre diable a également une sainte horreur des enfants. Sa réplique favorite consiste à promettre l'apocalypse si on ne lui fiche pas la paix et il se considère aussi comme un anthropophage accompli.
Vous connaissez The Neverhood ? Ce point'n click des années 90 fut la première tentative vidéoludique( avortée) de Dreamworks Interactive, lequel ne commercialisera que très laborieusement le titre. The Neverhood est connu et apprécié par les curieux pour être le seul jeu à utiliser de la pâte à modeler pour le rendu graphique ! Dans Origins, le village de Sedna est un ancien bourg qui a été enfermé dans un Magnus par un vil sorcier des anciens temps. Les développeurs n'ont rien trouvé de plus rigolo que de représenter également cette dimension parallèle par de la pâte à modeler. Référence ? Réutilisation des possibles maquettes qui ont servi à la modélisation des décors ? Simples délires de graphistes illuminés ? Toujours est-il que Sedna est utilisé dans le cadre d'une sous-quête très sympa. Plutôt taquin, le sorcier à l'origine du phénomène a aussi dispersé tous les bâtiments de la commune dans d'autres magnus à travers le monde. Le maire du village vous presse de récupérer ces cartes pour reconstruire peu à peu la prestance de ce lieu. Si vous avez des magnus de Sedna sur vous, il suffit de rejoindre la dimension parallèle par le biais d'une fleur de sauvegarde et de donner la carte au maire. Les bâtiments ramenés surgissent alors dans une pétarade enrubannée de confettis. Non seulement c'est un vrai plaisir de voir cet espace désolé redevenir un bourg en fleurs, mais on est toujours curieux d'observer le travail des modeleurs. D'autant plus que certain bâtiment sont des baraques et qu'il est possible d'entrer à l'intérieur pour voir chaque détail de la maisonnée (armoires, plaques chauffantes, couverts) représenté en pâte à modeler.
Finissons rapidement cet intermède réservé aux traits les plus légers d'Origins avec quelques derniers exemples. Le Field Guide réserve pas mal de surprises si on prend le temps de l'examiner. Outre l'Hololobird dont je vous ai déjà parlé, d'autres ennemis ont des descriptions croustillantes. On apprend ainsi que, selon certaines rumeurs, le Cancerite, sorte de Gollums à la tête vraiment énorme et aux yeux très vitreux, marche en chancelant parce qu'il est toujours bourré, mais ce n'est pas encore bien certain. La tourelle mobile a aussi cette étrange faculté de fonctionner quand elle veut : c'est un caprice de son designer. Des exemples comme ça, le Field Guide en possède une bonne trentaine, si bien qu'on se précipite après chaque nouvelle rencontre pour voir si les mecs en charge de l'écriture de ces fiches ne sont pas encore fait plaisir !
Tri-Crescendo n'est pas en reste et son intervention humoristique dépasse clairement en absurde tout le reste. Ce n'est vraiment rien du tout : juste une «incursion» de la réalité dans le jeu sous la forme d'un mail tellement énorme et crédible à la fois que l'on reste un peu sur ses gardes : c'est peut-être vrai ? Ça a l'air sérieux ? Peut-être que je suis le seul à l'avoir vu ? En conséquence de quoi je ne vous en dis pas plus. Vous serez forcés de tomber dessus. Appréciez à cet instant la savoureuse réaction de Sagi !