Notre dossier sur BK1 était déjà assez complet sur la question du visuel. Puisque la technique n'a pas changé, et comme 80 % des environnements d'Origins sont les mêmes que ceux de BK1, mais vingt ans plus tôt, tout ce qui fut écrit à l'époque reste applicable.
Origins sera peut-être l'un des derniers RPG sur consoles de salon à utiliser des décors et des cartes en 2D, une technique qui a connu ses heures de gloire avec les 16 et 32 bits. C'est d'ailleurs pour cette raison que la série est souvent assimilée, dans la forme, à un RPG old-school. Il faut bien avouer que la filiation graphique est évidente entre Chrono Cross, BK1 et Origins. Mais, avec les moyens plus conséquents mis à disposition, la direction artistique a pu s'enrichir et se diversifier. Essayons de relever plusieurs éléments significatifs.
Le cadre géographique est fortement imprégnée par deux influences : les terres insulaires du pacifique, côtés asiatique et océanique, et le continent américain central et méridional.
Concernant le Pacifique, notez que le thème des îles flottantes est même très certainement une réminiscence de l'archipel nippon. Hassaleh ou Anuenue ressemblent à des lagons perdus au milieu de la Mer de Chine orientale. Celbarai est une copie charmante d'un village installé sur un atoll, dans le genre des îles Samoa (c'est aussi un hommage évident aux premiers environnements de Chrono Cross). Les Nekkars Quietlands forment une vision de la Grande barrière de corail desséchée.
L'Amérique centrale, on la retrouve évidemment dans tout Hassaleh avec ces édifices ocres et terriblement anciens, recouverts d'inscriptions, et qui évoquent immédiatement les temples mayas. Même constat à Algorab. Dans le village de Gemma, on peut cette fois-ci observer des compositions plus chamarrées qui rappellent les ornementations mexicaines traditionnelles.
L'Amérique du Sud se perçoit très bien dès qu'il y a un bout de forêt, donc sur Sadaal Sud et surtout Anuenue. Les Matar Highlands dans le second monde avec son immense espace vert exotique soumis à de violentes moussons a aussi des airs de famille avec la jungle d'Amazonie.
Évidemment, les références ne s'arrêtent pas là. Il y a aussi le désert saharien de Nihal, le continent purement fantastique de Diadem, très inspiré par la cité des nuages dans Star Wars, ou les deux cités de Mintaka, aux architectures rondes et futuristes, proches de ce que peut faire Toriyama. Voici un patchwork d'autres environnements :
Si la mise en forme est exceptionelle au point que Romendil ait considéré Baten Kaitos à sa sortie comme le plus beau jeu GameCube, c'est peut-être parce qu'on ne voit jamais rien d'autre que la main humaine dans le rendu des écrans et des cartes. Il n'y aucun copier-coller, aucune ligne droite, aucun remplissage uniforme dans les teintes, tout est absolument dessiné, et ce avec une application étourdissante. A ce titre, l'affiliation avec la peinture n'est pas inopinée. Le "trait" de Baten Kaitos Origins se distingue par sa charge, son aspect un peu inachevé et voilé, et son organisme. Les extérieurs de Diadem ont cette luminescence et ce flouté que l'on rencontre chez William Turner, avec le Grand Canal de Venise par exemple. Le mélange frappant entre des couleurs pâles et vives ou cette lumière diffuse que projettent pas mal de ciels couverts font penser aux premiers peintres romantiques, comme Delacroix ou Courbet. Certains paysages décharnés évoquent les oeuvres de Gustave Moreau sur la mythologie antique. D'autre part, le jeu est bardé de symboles et d'ornementations historiques, le plus souvent sous la forme de sculptures ou de sgraffites. Le plus beau d'entre eux se trouve d'ailleurs sur la carte des îles, entouré de figures divines qui semblent observer votre périple.
Les environnements sont peut-être des peintures, mais ce ne sont pas des natures mortes pour autant. Des animations subtiles agitent un peu le décor pour signaler le passage du vent, le flot d'une rivière, l'irradiation du soleil, entre autres exemples. Certains SFX sortent vraiment du lot et impriment la seule supériorité, sur le plan technique, de Origins par rapport à BK1. A ce titre, Rasalas, dans le second monde, est l'un des plus beaux tableaux de la série, un véritable concert de feux follets de différentes couleurs au milieu de spectres et d'habitations organiques aux teintes violacées.