Voilà quasiment 12 ans que Age of Wonders 2 est sorti. Dire que son successeur s'est laissé désirer est donc un doux euphémisme tant l'attente aura été longue. A ce stade, on ne peut alors imaginer que 2 scénarios : soit on assiste au retour du syndrome Duke Nukem Forever, soit l'impatience n'aura fait que décupler le plaisir de jeu. Quelle voie va donc emprunter AoW 3 ?
Si on devait définir simplement Age of Wonders 3, on pourrait le présenter comme un mélange entre Heroes of Might & Magic et Civilization. En somme il s'agit d'un 4X dans un univers heroïc fantasy avec ce que cela comprend d'eXploration, d'eXpansion, d'eXploitation et d'eXtermination au pays des orcs, elfes, nains et autres gobelins. Dans ce contexte, vous pouvez incarner 2 héros bien distincts disposant chacun de leur campagne propre. Sundren est une princesse elfe cherchant à restaurer la puissance d’antan de son royaume afin de libérer le monde de l'emprise machiavélique de la communauté. C'est d'ailleurs dans ce camp que se situe Edward, un machiniste cherchant la gloire et la conquête. Chacun a alors droit à plusieurs scénarios riches en rebondissements et susceptibles d'occuper une dizaine d'heures chacun. Bref, si vous aviez peur de faire rapidement le tour du jeu, vous voilà rassuré.
Une gestion de héros typée jeu de rôle
Attardons-nous alors quelques instants sur ces fameux héros. Si 2 composent la campagne, il est possible d'en créer autant que faire se peut en mode Scénario. Outre paramétrer leur race et ainsi obtenir des bonus liés à la nature du terrain (par exemple les orcs bénéficient de bonus de moral dans les landes et des malus dans les territoires volcaniques tandis que les draconiens apprécient la lave mais détestent les terres nocives), on peut aussi définir leur classe parmi 6 propositions influençant leur costume, mais aussi les pouvoirs dont ils vont disposer aussi bien sur le champ de bataille que sur la carte générale de campagne. Cela peut être une unité spécifique à invoquer, mais aussi des enchantements divers et variés offrant des protections à une armée, voire même à une ville. On trouve aussi des améliorations d'empire conférant divers bonus de pillage, ou de production, des sorts de destruction capables de rayer une ville de la carte ou à l'inverse de rendre une région inhospitalière parfaitement habitable. Le héros doit débloquer certaines technologies de base nécessaires à l'expansion, comme par exemple la navigation.
En fonction des choix effectués à ce niveau, mais aussi lors de la prise d'une ville, chaque héros s'oriente vers le bien ou le mal et débloque alors des options diplomatiques qu'il est possible de mettre en avant lors de la négociation d'un traité. Il peut ainsi obtenir des droits de passage, un tribut, forger une alliance, donner une ville, ou un objet qu'il pourra par la suite équiper afin d'améliorer ses statistiques (santé, bouclier, puissance à distance et au corps-à-corps, protection contre le feu, la magie, etc.). Il bénéficiera en outre de capacités et attaques inédites, à l'instar des traits électriques, ou du rayon spirituel. Ceci étant, ces négociations sont souvent entachées par une IA qui n'est pas des plus généreuses. Même en utilisant un outil censé équilibrer automatiquement les offres, on peine souvent à comprendre un refus des joueurs adversaires. Ce système diplomatique n'est donc pas une référence dans le genre, d'autant plus qu'il est par exemple impossible d'échanger des technologies. Dommage.
Civilization vs Heroes of Might & Magic
Après le choix du héros principal effectué, on se retrouve face à un 4X au tour par tour proche d'un Civilization, à ceci près que la map est divisée en plusieurs niveaux reliés par des grottes. Cela offre de réelles possibilités en termes de stratégie, puisqu'il est facile de prendre l'ennemi par surprise ou a contrario de se faire piéger par une armée surpuissante surgissant des profondeurs. Même dans les niveaux de difficulté les plus bas, l'IA prend un malin plaisir à fuir le combat pour mieux s'attaquer aux villes reculées, mais extrêmement riches, de notre empire. Il convient donc d'être vigilant à chaque instant sans quoi il est facile de perdre sa capitale. Alors évidemment, il est possible de rapatrier des troupes pour la reprendre (à condition évidemment que l'ennemi ne l'ait pas détruite), mais pendant ce temps, l'économie souffre. Et même après une conquête, il faut plusieurs tours pour annexer une ville, ce qui peut être suffisant pour ruiner un équilibre fragile.
En effet, la gestion n'est pas chose aisée. Il faut ainsi équilibrer les comptes en gérant d'un côté les coûts d'entretien des troupes et la production des villes de l'autre. Pour cela, il convient de soigner le bonheur des citoyens dépendant de la nature du terrain et de la race choisie, mais aussi de certains bâtiments. Tout découle ensuite de là, puisque la production d'or, de mana, de points de savoir (nécessaires pour les recherches) et la croissance de la population dépendent non seulement des bâtiments prévus à cet effet, mais aussi dans une mesure importante du bonheur. Il faut donc le soigner, sous peine de limiter considérablement le développement d'une ville matérialisé par son aire d'effets. Indiquée par un simple trait sur la carte, celle-ci indique les frontières de l'empire, mais permet aussi de s'octroyer les diverses mines ou autres bonus présents sur la map. A partir de là, on peut choisir de spécialiser une ville dans la production de ressources, ou bien de se lancer dans le recrutement d'unités. Il faut toutefois avouer qu'à ce niveau, la variété n'est pas vraiment de mise puisqu'on compte simplement une dizaine d'unités différentes par race. En sachant que seuls quelques petits bonus trahissent l'origine de chaque troupe (capacité à creuser des souterrains par exemple), une certaine redondance se fait sentir après quelques parties.
Les combats se déroulent eux aussi au tour par tour sur des champs de bataille dont la taille peut être assez impressionnante. Divisés en hexagones, ils offrent la plupart du temps des possibilités stratégiques une nouvelle fois très intéressantes avec de nombreux éléments défensifs allant de la simple barrière de bois aux puissantes murailles. Comme dans un Heroes of Might & Magic, il convient alors de jongler entre les capacités et pouvoirs des différentes unités, tout en économisant les points d'action jusqu'à l'élimination de toutes les troupes ennemies. On peut regretter qu'il soit impossible de fuir un combat sans perdre toutes ses troupes, mais c'est bien là un des seuls reproches qu'on puisse adresser à ce Age of Wonders 3 décidément fort sympathique. Pour vous convaincre de ses qualités, on pourrait aussi évoquer des graphismes plutôt agréables à l’œil, que ce soit la 2D de la carte générale et la 3D des champs de bataille. On pourrait aussi évoquer un multi opposant jusqu'à 8 joueurs en ligne ou un éditeur de niveaux (ou carrément de campagnes) ultra-complet, mais à ce stade, il est probable que vous soyez déjà convaincu des qualités évidentes de ce titre.
Points forts
- Esthétiquement très réussi
- Durée de vie potentiellement colossale
- Le 4X heroïc fantasy : un genre aussi rare qu'intéressant
- Champs de bataille plutôt vastes
- Des dizaines voire des centaines d'heures de jeu en perspective
- Gestion des héros très typée jeu de rôle
- Interface plutôt bien pensée
Points faibles
- Troupes finalement pas très variées
- Diplomatie perfectible
- Réactions de l'IA parfois surprenantes
Fun, profond, riche, original, Age of Wonders 3 semble disposer de tous les atouts pour séduire les amateurs de 4X et / ou d'heroïc fantasy. Si ce concept en fait à lui seul un titre intéressant, son contenu colossal enrichi par un éditeur de niveaux extrêmement complet l'élève au rang de véritable immanquable. Alors certes il n'est pas exempt de défauts, à commencer par des unités qui manquent un poil de variété, et une diplomatie sommaire, mais si on ajoute dans l'équation une gestion de héros plutôt réussie, une carte stratégique à plusieurs niveaux décuplant l'aspect stratégique et des champs de bataille plus vastes que jamais, on obtient la définition d'une très bonne pioche.