Suite au succès (mérité) d'Heretic, Raven Software décide en 1995 de lui donner une suite rapide basée elle aussi sur le Doom Engine d'id Software. Au programme : un level design plus ouvert, un aspect RPG plus prononcé, des mouvements et objets supplémentaires, et un aspect technique et sonore un poil amélioré. Je ne sais pas pour vous, mais moi, c'est le genre de suite qui me plaît.
L'action d'Hexen prend place près de 1.000 ans après la fin épique du précédent opus, qui voyait la mise à mort de D'sparil et l'enfermement de Corvus dans les "mondes extérieurs". Durant ce laps de temps, Korax et Eidolon, les deux chevaucheurs de serpents restants, poursuivirent leur entreprise de destruction interdimensionelle. Korax, le second par ordre de puissance, s'intéresse alors au monde de Cronos. Ce monde humain est dirigé par trois organisations : la Légion (garante de l'ordre militaire), l'Arcanum (dépositaire des connaissances magiques) et l'Eglise (qui est chargée de maintenir l'équilibre politique entre les deux autres factions). Korax, usant de ses pouvoirs, parvient à corrompre les maîtres de ces organisations qui tombent ainsi sous son emprise, et le monde entier avec elles. Seuls trois humains, comme par hasard chacun membre de l'une des trois guildes, réchappèrent à la prise de pouvoir brutale de Korax. C'est l'un de ces personnages que vous pourrez incarner dans votre quête de vengeance et de libération.
Vous prendrez bien un peu de RPG avec votre FPS ?
A la différence de Heretic qui imposait le personnage de Corvus et un gameplay classique de FPS, Hexen vous offre donc le choix entre trois personnages au gameplay, armes et capacités bien distincts. Les spécificités et particularités des personnages tiennent notamment à leurs statistiques, réparties en quatre critères : vitesse, armure, magie et force. Si le guerrier (Baratus) jouit bien évidemment d'une force et d'une armure sans égal, il est dénué du moindre talent dans la magie, là où a contrario le mage (Daedolon) y excelle tout en étant bien moins solidement constitué physiquement. Le Clerc (Parias) apparaît quant à lui comme une solution intermédiaire entre ces deux extrêmes. Vous pourrez également monter votre score d'armure en trouvant différentes parties de cuirasse. Malheureusement, vous ne pourrez pas faire évoluer votre personnage à la manière d'un RPG, par gain de points d'expérience, cette fonctionnalité ne faisant son apparition qu'avec Hexen 2. Toutefois, la distinction à opérer entre ces personnages ne se limite pas à un écran de statistiques.
En effet, chaque personnage possède également quatre armes qui lui sont propres. La première est une arme de courte portée (sauf pour le mage) qui ne consomme pas de mana. La seconde consomme votre jauge de mana bleu, la troisième, le mana vert, et la quatrième (reconstituée au cours du jeu en en rassemblant les parties), les deux. Ces armes sont typiques de la classe de votre personnage : le guerrier, par exemple, est l'heureux détenteur de gants à pics, d'une hache, d'un marteau et d'une lame à deux mains. Des armes au corps-à-corps qu'on est heureux de retrouver, cela manquait un peu à Heretic. Le Mage n'est pas en reste, et use de sorts d'énergie, de glace, de feu et de foudre pour maintenir à distance ses ennemis. Le Clerc pour sa part utilise à la fois des armes de mêlée (masse à pointes) et des sorts (drain de vie, boules de feu, invocations). Chaque personnage démarre ainsi avec des armes et capacités différentes qui changent la façon de jouer. Un aspect RPG plaisant qui permet une grande rejouabilité, soutenue par ailleurs par un level design ouvert.
Le meilleur level design du Doom engine et des améliorations enthousiasmantes au moteur
Les niveaux (au nombre de 31) ne s'explorent en effet plus de façon linéaire mais sont interconnectés dans le hub formé par chacun des 5 mondes. Il est désormais possible dans Hexen de revenir dans les niveaux déjà arpentés quand on le souhaite. Terminé les seules portes de fin de niveaux de Heretic (et d'une bonne partie de FPS de l'époque) que l'on pouvait atteindre rapidement sans prendre la peine d'explorer les niveaux ! Ici, il vous faudra prendre le temps d'arpenter les niveaux, ce afin de trouver les différents éléments (variables selon les mondes) qui vous permettront de résoudre un "puzzle" vous donnant accès au hub suivant. En somme on pourrait dire que les éléments de puzzle remplacent les clés de Heretic, mais à une échelle supérieure, permettant une liberté d'évolution géographique plus importante. Alors, certes, on trouve encore des clés pour ouvrir certaines portions de niveaux, ou d'autres facilités de level design typiques de l'époque, mais il s'agit clairement là d'un des premiers FPS à proposer un level design aussi ouvert et complexe. Et la performance n'est jamais aussi impressionnante qu'en relançant une partie de ce bon vieux Doom. Essayez, vous verrez.
L'enrichissement du level design va de pair avec celui des possibilités du moteur de jeu. En effet, les modifications apportées par Raven Software au Doom Engine permettent d'ajouter quelques possibilités ardemment demandées par la communauté. On retrouve ainsi avec plaisir le saut de Cyclones qui avait disparu de Heretic. Un vrai bonheur, quand les niveaux ne reposent pas entièrement là-dessus, ce qui arrive malheureusement un peu trop souvent... On veut bien qu'un développeur fier d'une nouvelle fonctionnalité mette un peu l'accent dessus, mais là il y a clairement excès. L'autre possibilité permise par l'amélioration du moteur est la présence d'un multijoueur à huit personnages, contre quatre auparavant dans Heretic. Un sommet pour le Doom Engine, que ce soit en coop ou en deathmatch. Ainsi, Hexen apparaît-il, avec Strife, comme le pinacle, tant en termes de possibilités techniques que de level design, de la grande époque du Doom Engine.
Le changement dans la continuité
D'autant qu'en marge de tous ces ajouts et perfectionnements, Hexen perpétue les qualités de Heretic. L'inventaire, qui était l'un des meilleurs apports de son prédécesseur, fait ainsi son grand retour. Il est toujours aussi plaisant de pouvoir stocker ses power-up et de ne les utiliser qu'en cas de besoin. Les objets sont également bien plus nombreux que dans Heretic, compensant ainsi le nombre plus restreint d'armes par personnage dans Hexen. D'autant que certains, comme les "Fléchettes" ou "Mystic Ambit Incant", en plus d'être inédits, auront un effet différent selon le personnage que vous incarnez. De même, le bestiaire, un poil plus varié, parvient à se renouveler efficacement (on ne retrouve que deux monstres de Heretic).
La direction artistique se place également dans la continuité du travail abattu pour Heretic. L'ambiance se veut même encore plus crépusculaire et glauque qu'auparavant. Toutefois, il faut bien avouer que techniquement le jeu ne propose que très peu d'améliorations. On mentionnera tout de même l'intégration fort réussie d'un effet de tremblement de terre. De plus, certains décors sont moins inspirés que dans Heretic, bien que plus variés, et l'exploration se veut un poil plus émouvante qu'auparavant. Sur le plan sonore, toutefois, la réussite est encore une fois totale. Les compositions de Kevin Shilder sont de qualité et tout à fait dans le ton, de même que les bruitages, parfois assez angoissants. De plus, le support CD leur permet enfin de donner leur pleine mesure et l'ambiance n'en est que plus réussie.
Un titre de qualité et au contenu conséquent
De manière générale, on trouve dans ce titre, et plus largement dans cette série tout ce que le joueur de FPS old-school aime à trouver. Une ambiance réussie, un level design ouvert qui pousse à l'exploration, des sensations de shoot excellentes, et surtout un gros contenu. En effet, il est fort probable que, si vous adhérez, Hexen squatte longtemps votre disque dur. Si les 30 et quelques missions de base vous offriront de nombreuses heures de jeu, la rejouabilité induite par le système de classes, le multijoueur et les extensions (officielles ou non) auront vite raison de votre temps libre. Et tout cela, pour une poignée d'euros sur Steam. En un mot comme en cent, un indispensable du FPS à l'ancienne.
Points forts
- Une ambiance sonore excellente.
- Une direction artistique plus sombre…
- Un level design encore plus ouvert.
- Le choix entre trois personnages.
- De vraies sensations dans le shoot.
- Un énorme contenu.
Points faibles
- Seulement quatre armes par personnage ?
- … Mais peut-être moins inspirée que dans Heretic.
Que voilà un beau doublé ! Après l'indéniable réussite que fut Heretic, Raven Software enrichit et améliore encore son concept avec Hexen. En ressort une des figures phares du FPS des années 90, tout à fait en mesure de tenir la dragée haute aux Dark Forces, Doom 2 et consorts. On ne peut que vous conseiller de vous y adonner si vous appréciez le genre !