En 1994, après avoir comblé les joueurs d'Amiga avec le merveilleux Black Crypt, puis les joueurs PC avec les plus mitigés Shadow Caster et Cyclones, le jeune studio Raven Sofware rempile pour un nouveau projet : Heretic. Basé sur le moteur de Doom, avec quelques améliorations, le soft offre une déclinaison médiévale du jeu culte de id Software. Un titre particulièrement généreux et atypique, de par sa grande durée de vie et son contexte alors peu représenté dans le genre, qui lancera une trilogie de FPS médiévaux avec Hexen et Hexen 2.
Le monde est menacé : trois frères démons, plus précisément des chevaucheurs de serpents, sèment ruine et désolation dans le doux monde de Parthoris. Vous incarnez Corvus, un Elfe Sidhe qui est parvenu à réchapper de l'extermination de son peuple, dans sa quête de vengeance contre le premier de ces cavaliers, D'Sparil. Un petit bout de scénario assez sommaire qui à l'évidence ne fait pas l’intérêt du jeu, mais a le mérite de planter un décor d'heroïc fantasy plus sombre qu'à l'accoutumée et qui sera bien exploité par le jeu.
Un jeu reposant sur des bases classiques …
Heretic se présente comme un FPS, ou plutôt comme un Doom-like, typique de son époque. Le jeu, décomposé en 3 mondes comprenant chacun 9 niveaux, utilise la même structure que Doom. Le joueur doit récupérer des clés de différentes couleurs afin d'ouvrir des portes associées jusqu'à atteindre la sortie du niveau. Un concept simple, et il faut bien le dire répétitif, qui risque de rebuter les joueurs de FPS post Half-Life, mais qui ravira les amateurs de shooter old-school bas du front qui trouveront ici un excellent défouloir. Au cours de son avancée dans le jeu, le joueur débloquera de nouvelles armes et équipements variés pour l'assister dans sa progression. Ce ne sera pas de trop pour affronter les vagues de monstres peuplant les niveaux : le rythme est constant et effréné, la difficulté présente, surtout contre les boss, et c'est bien ! Le bestiaire, quoique peu original, est légèrement plus étendu que dans Doom et exploite bien l'univers heroïc fantasy.
On regrettera cependant que l'arsenal (7 armes) ne soit qu'une skin de celui de Doom : le bâton rappelle fortement les poings du jeu de id, l'arbalète le fusil, le gantelet du dragon la gatling, et ainsi de suite. Enfin, le bâton manque sans doute un peu de peps, notamment comparé à d'autres armes de corps-à-corps du genre, comme le sabre de Shadow Warrior. Dommage pour un jeu se déroulant dans un contexte médiéval ! On appréciera par contre beaucoup l'utilisation du « Tome of Power », sorte de livre qui améliorera toutes vos armes et en changera à la fois la skin et l'effet, pour toujours plus de force de destruction. On notera la présence de 5 niveaux de difficulté, comme dans Doom. allant du très facile au très difficile. Le titre propose également un mode multi similaire à celui de Doom, permettant la coop mais aussi le deathmatch, de 2 à 4 joueurs. Le jeu se repose donc beaucoup sur les bases de son illustre prédécesseur, mais il serait peu judicieux de le résumer à une simple skin de Doom tant les développeurs se sont escrimés à apporter un certain nombre d'améliorations à leur modèle.
… Mais proposant des ajouts et des améliorations appréciables par rapport à Doom
Le premier ajout appréciable d'Heretic est un inventaire permettant de stocker les objets au lieu de les utiliser immédiatement. Cet inventaire permettra de conserver divers power-up, comme des potions, des armes secondaires ou des objets plus étranges comme cet œuf dont on vous laissera expérimenter vous-même l'effet. Cet inventaire donne un petit coté jeu de rôle au titre, bien que cela soit moins poussé que dans les jeux précédents du studio : Raven Software a en effet abandonné le leveling du héros de Shadow Caster, qui ne fera son retour qu'avec Hexen 2.
Seconde évolution, l'amélioration sensible du moteur de jeu. On mentionnera ainsi les projections de « gibs », et d'autres effets sanglants du plus bel effet. Le jeu offre également, à l'image d'un System Shock sorti exactement le même jour, la possibilité de lever ou baisser la tête. Cette possibilité peut sembler inutile dans un jeu de type Doom-like où l'auto-aim permet de ne pas avoir à viser précisément l'ennemi, mais que nenni. En effet, les niveaux proposent souvent des variations de hauteur appréciables, permettant de viser les ennemis en contrebas. C'est aussi également très utile lorsque le joueur vole, capacité permise par l'un des power-up. On regrettera cependant le retrait du saut qui était apparu dans CyClones.
On en vient à la troisième particularité vraiment intéressante de Heretic : son level design plus ouvert que la moyenne du genre. En effet, le jeu offre des zones plus ouvertes, souvent en extérieur, que celles de Doom. Les secrets et passages secrets sont nombreux, parfois plusieurs par niveaux, ce qui ne réduit cependant pas le nombre et le rythme des rencontres, les monstres restant extrêmement nombreux. Seuls regrets : l'abandon des niveaux sous-marins de Shadow Caster et la qualité des cartes qui va decrescendo car les 9 premiers niveaux ont clairement été plus travaillés, shareware oblige. Certains déploreront également une expérience moins oppressante, puisque moins confinée, que celle proposée par Doom : on laissera cette affirmation à la subjectivité de chacun. On voit ainsi qu'Heretic, tout en s'appuyant sur des bases solides qui ont fait leurs preuves, a su se démarquer des productions de l'époque, que ce soit par son contexte ou par son gameplay.
Un aspect visuel et sonore plus que réussi sublimant une direction artistique qui ne l'est pas moins
Bien que basé sur le même moteur que Doom, Heretic apporte un certain nombre de petits effets graphiques très sympas qui renforcent encore l'immersion et l'ambiance. On pense notamment à certains effets de lumière, parfois vacillante, et aux nombreuses animations dans les niveaux (pièges, portes…). On apprécie également la variété des décors et leur relative influence sur le gameplay : le vent vous repousse, la glace vous fait glisser, la lave vous brûle. A ce sujet, la direction artistique du jeu est plus que satisfaisante. Loin des niveaux carrés et simplistes de Doom, les environnements de Heretic sont non seulement plus ouverts mais ont aussi plus de personnalité. Les mosaïques de la Cathédrale, la combinaison d'eau et de lave du Labyrinthe, la majesté de la forteresse d'Azure… Tant de grands moments d'exploration, magnifiés par un certain nombre de bruits d'ambiance assez stressants, notamment les incantations des mages. Les musiques de Kevin Shilder quant à elles, à la fois épiques et entraînantes, mais aussi mélancoliques et mystérieuses, ont un charme indéniable. On pense notamment aux musiques de la Cathédrale ou des Cryptes.
Un contenu plus que conséquent
Sorti à la grande époque du shareware, Heretic n'avait pas connu de sortie boîte dans sa première version. Ce manque sera comblé à l'occasion de la sortie de son extension, Shadow of the Serpent Riders, qui ajoute au contenu du jeu de base, déjà très conséquent, deux nouveaux mondes de taille équivalente à ceux du jeu de base (9 niveaux). Précisons que cette extension fut mise à disposition gratuitement pour les joueurs ayant acheté le jeu de base en shareware. Une pratique dont certains éditeurs actuels feraient bien de s'inspirer…
Points forts
- Des musiques et des bruitages sublimes
- Une direction artistique et un level design cohérents, variés et réussis.
- Des ajouts substantiels au genre
- De vraies sensations dans le shoot
- Le contexte médiéval fantastique
Points faibles
- Quelques retraits par rapport aux jeux précédents du studio (leveling, saut, niveaux aquatiques...)
- Une arme de corps-à-corps qui manque de peps (on pense au sabre de Shadow Warrior)
Disponible pour une bouchée de pain sur Steam (avec ses suites d'égale qualité), Heretic est un must-have pour tous les amateurs de FPS old-school. Le jeu, riche d'un contenu conséquent, servi par une direction artistique et un gameplay plus qu'à la hauteur, offre des sensations de shoot très agréables. Sublimée par un level design excellent et varié, au vu de l'époque et du genre, l'expérience incroyable et atypique qu'offre ce titre (et plus globalement, cette série de FPS médiévaux) est clairement à vivre pour un fan du genre.