Après avoir créé Karateka et Prince of Persia, deux jeux novateurs dans les années 80, Jordan Mechner, avec sa compagnie Smoking Car Productions, est revenu à la charge en 1997 en créant The Last Express, un jeu d’aventures point'n click en vue à la première personne. Et force de constater que même 15 ans plus tard, ce petit bijou n’a pas perdu son charme …
Prenant place à bord de l’Orient Express à l’aube de la Première Guerre mondiale, The Last Express vous permet d’incarner Robert Cath, un Américain recherché par la police et qui embarque dans le célèbre train pour y retrouver son ami Tyler Whitney. A peine à bord, vous vous apercevez que ce dernier a été assassiné. Vous décidez donc de prendre sa place afin de découvrir pourquoi…
Un scénario digne des meilleurs polars
Le scénario, fortement inspiré par « Le Faucon Maltais » ou « Le Crime de l’Orient Express », peut paraître banal et convenu à première vue. Mais grâce à son écriture intelligente, à ses personnages complexes et à ses retournements de situations, The Last Express reste passionnant jusqu’au dénouement. On retrouve toute une galerie de personnages différents, chacun avec sa propre histoire et ses propres motivations : des combattants serbes, un industriel allemand, une violoniste autrichienne, des aristocrates russes, un eunuque perse et son harem, un mystérieux collectionneur et son garde du corps… Et aucun ne semble vraiment être ce qu’il prétend…
Un gameplay simple et efficace, et une originalité
Côté gameplay, le jeu est un point'n click en vue à la première personne à base de tableaux tout ce qu’il y a de plus classique (comme dans Myst), avec la gestion d’un inventaire. L’action se déroule uniquement à bord du train pendant les 3 jours du voyage de Paris à Constantinople (aujourd’hui Istanbul). Il y a aussi quelques phases de combat en vue à la 3ème personne qui peuvent être déroutantes au début, mais on s’y fait rapidement. La prise en main est immédiate, tout se jouant à la souris uniquement. Ce qui fait cependant l’originalité de The Last Express et qui le démarque des autres jeux du même genre, c’est qu’il se déroule en temps réel, accéléré 6 fois. Comprenez par là que les personnages vaquent à leurs occupations selon leur propre emploi du temps, indépendamment de l’endroit où vous êtes. Il faut donc se trouver au bon endroit, au bon moment pour espérer récupérer des informations pertinentes. De plus, rien ne vous indique ce que vous devez faire : pas de journal de quêtes, pas d’objectifs. C’est en discutant avec les personnages, en espionnant les conversations, en cherchant des indices dans les cabines et en recoupant les informations obtenues que vous déduirez dans quelle partie du train continuer votre enquête. Le tout en évitant de vous faire tuer ou de vous faire arrêter par la police.
Mais ce système de temps réel a aussi un inconvénient : vu que vous évoluez dans un monde qui change tout le temps avec ou sans vous, vous pouvez vous retrouver dans des situations où la trame principale vous rattrape et où vous mourez à cause d’une action malheureuse ou d’une conversation manquée. Si cela vous arrive (ou plutôt devrais-je dire quand cela vous arrive, les game over étant fréquents), pas de panique : le jeu vous permet de remonter le temps jusqu’au dernier point de sauvegarde, grâce à une horloge située dans le menu principal –menu qui vous montre aussi l’avancement du train dans son voyage à travers l’Europe. A vous ensuite de refaire les choses différemment afin de ne pas vous faire avoir une seconde fois.
Une ambiance prenante
Malgré ce petit défaut, ce système de temps réel renforce l’immersion dans le jeu. On surprendra ainsi à n’importe quel moment des passagers ayant une conversation anodine dans la voiture-restaurant, d’autres discuteront politique ou parleront de leur vie privée à voix basse, pendant que certains se baladeront dans les couloirs des wagons. Les doublages et l’ambiance sonore sont excellents, chaque personnage parlant sa propre langue. Le tout peut cependant devenir cacophonique, par exemple lorsque vous épiez une conversation dans le wagon-restaurant et que le cuisinier se trouvant juste derrière vous réprimande son apprenti ou que le chef de wagon décide de passer pour annoncer la prochaine gare. Mais cela n’arrive pas souvent. Les graphismes ont certes vieilli mais gardent toujours un charme indéniable. Grâce à des décors façon Art Nouveau de toute beauté et des personnages rotoscopés, on se sent vraiment dans le célèbre train au début du XXème siècle. Le niveau de détail des décors est impressionnant pour un jeu de cette époque, et évite de transformer le coté point'n click en chasse aux pixels.
Niveau durée de vie, il faudra environ 20-25 heures pour finir le jeu une première fois. Ceci n’est malheureusement pas dû au trop grand nombre d’énigmes ou à leur difficulté, mais paradoxalement en raison de la trop grande liberté qui nous est donnée et qui ne manquera pas de nous faire tourner en rond, et qui plus est toujours dans les mêmes décors. Mais la rejouabilité est bonne, surtout si vous souhaitez épier toutes les conversations, effectuer toutes les actions possibles et assister à toutes les fins… sachant qu’une seule vous emmènera jusqu'à Constantinople. Chaque partie est une expérience différente.
Points forts
- Le scénario, que n’aurait pas renié Agatha Christie
- L’utilisation du temps réel
- Les décors soignés
- La rejouabilité
Points faibles
- Redondance des décors
En dépit d'un gameplay original (l’utilisation du temps réel), d'une vraie patte artistique, d'un scénario bien ficelé avec plusieurs fins et de bonnes critiques à sa sortie, The Last Express fut un échec commercial. Il ne tient qu’à vous de rendre justice à ce formidable jeu d’aventure devenu culte auprès d’un grand nombre de joueurs et qui n’a pas perdu de son intérêt 15 ans après sa sortie.