Bien souvent dans les jeux vidéo, le joueur incarne un personnage empli de bonnes intentions et combattant le Mal pour sauver le monde de son triste sort. Grand Theft Auto balaye d'un revers de main ce cliché et vous propose d'incarner un gangster sans foi ni loi qui mettra tout en œuvre pour se faire un nom dans le «milieu», au cœur de trois mégapoles américaines. Provoquer des accidents de voitures, tuer des innocents ou des rivaux de gangs adverses, se lancer dans des courses-poursuites avec la police locale, tel sera votre quotidien à Liberty City, Vice City et San Andreas.
Après avoir révolutionné le genre des puzzle-games avec Lemmings, le studio DMA Design (connu aujourd'hui sous l'enseigne Rockstar North) se lance dans un nouveau défi : proposer aux joueurs un jeu d'action-aventure offrant une liberté totale et s'affranchissant sans complexe de l'image type du gentil héros qui sauve des pauvres innocents et tue de vilains ennemis. Car en effet, Grand Theft Auto ne se gêne pas pour dépeindre avec un certain cynisme les travers d'une société américaine puritaine qui fait du « politiquement correct » son étendard.
L'aventure de GTA débute à Liberty City (réplique de New York) où le joueur prend le contrôle d'un des quatre à huit gangsters disponibles selon la localisation du soft. Notez toutefois que ce choix n'est qu'esthétique et n'aura aucune incidence sur votre expérience de jeu. Vous voilà donc lâché dans les rues de la mégapole où grouillent des dizaines de véhicules et de passants circulant en complète autonomie. Le but principal est de vous faire un nom dans le milieu du grand banditisme en effectuant diverses tâches pour le compte de malfrats qui prennent contact avec vous à travers les cabines téléphoniques de la ville ou directement via votre bipper représenté en haut de l'écran. Chaque ville comporte vingt à trente missions, réparties sur deux chapitres, de différents types allant du règlement de compte, à l'escorte de véhicule, au kidnapping, au maquillage de voitures, etc. Même si ces dernières se résument souvent d'aller d'un point A à un point B, elles demeurent assez divertissantes et énergiques pour ne pas nous faire tomber dans l'ennui. D'autant plus que la police locale veille au grain et à la moindre infraction détectée par une patrouille, vous serez immédiatement pris en chasse pour être conduit en prison, si ces derniers parviennent toutefois à vous arrêter. GTA pousse même le niveau de détails à son paroxysme en vous assignant un casier judiciaire retraçant vos principaux méfaits.
Pour réaliser ces tâches, votre gangster peut tout à fait se déplacer à pied mais vous vous apercevrez rapidement qu'au vu de la taille des villes, l'obtention d'un véhicule est plus que nécessaire. Pas de chance, votre brigand est complètement fauché ! Heureusement, le vol de voiture fait partie de vos attributions et vous pourrez vous en donner à cœur joie. Pour ce faire, rien de plus simple, il vous suffit de vous approcher d'un engin et d'appuyer sur la touche «Enter» de votre clavier pour enclencher une tentative de vol. Ce bouton regroupe trois actions en une : votre personnage fond automatiquement sur le véhicule ciblé, déloge violemment le conducteur et s'approprie son nouveau bien, ce qui facilite grandement cette exaction s'avérant être au centre du gameplay. Car ce n'est pas moins d'une trentaine de véhicules différents (voitures, motos, ambulances, bateaux, hélicoptères, etc.) par ville que vous pourrez conduire en sachant que chacun offre une sensation de conduite qui lui est propre. Néanmoins, on regrette que le pilotage et la prise en main de notre personnage s'avèrent peu intuitifs puisque pour avancer, seule la flèche du haut est utilisée et ce quelle que soit la direction choisie, les flèches gauche / droite n'officiant que pour l'orientation de notre véhicule ou gangster. En découle alors une maniabilité plutôt atypique et rigide qui demande un certain temps d'adaptation.
A cela s'ajoute un environnement qui mélange éléments 2D et 3D que l'on appréhende en vue aérienne ce qui ne facilite pas le pilotage car il est difficile d'anticiper les obstacles qui parsèmeront notre route sans voir au loin. Toutefois, ce parti pris des développeurs donne une certaine intensité à la conduite obligeant le joueur à être sans cesse sur le qui-vive pour éviter les collisions trop fréquentes qui aboutiraient à l'explosion du véhicule. D'un autre côté, n'oublions pas que les carambolages à répétition et autres piétons écrasés font partie intégrante du gameplay et rapportent de nombreux points. Il vous sera alors nécessaire de vous défaire de vos habitudes de bon conducteur et vous laisser entraîner dans ce chaos urbain.
En marge des véhicules, on note également la présence de nombreuses armes et objets divers qui vous seront très utiles pour venir à bout des gangs armés ou de la police devenant un peu trop insistante. Le soft faisant abstraction de tout sens de la moralité, vous avez également la possibilité de tirer sur n'importe quel véhicule qui croise votre route ou de simples passants pour vous adonner à une folie meurtrière.
Mais ce qui caractérise Grand Theft Auto c'est bel et bien l'extrême liberté offerte au joueur. Car même si la réalisation des missions principales est nécessaire pour débloquer les deux autres villes du jeu, vous pouvez évoluer dans ces cités en toute liberté et vous consacrer à divers passe-temps prohibés ou à la recherche de moults secrets. Dommage néanmoins qu'il ne soit pas possible de sauvegarder notre position car seuls notre score et nos chapitres accomplis seront enregistrés. Dès lors, il ne sera pas rare d'avoir à refaire maintes et maintes fois les mêmes missions jusqu'à parvenir à boucler un chapitre d'une traite, car au bout de quelques morts ou arrestations, la partie se termine. Heureusement, les missions sont pour la plupart relativement accessibles, à condition bien sûr de posséder la carte papier de la ville afin de trouver le chemin le plus adapté – une petite flèche vous indique tout de même la direction à prendre pour atteindre votre objectif.
Autre originalité que propose le soft, la bande-son n'est pas diffusée en continue mais n'intervient que lorsque que l'on conduit. Chaque musique émane en fait de la radio du véhicule conduit, ce qui est une excellente idée et renforce l'immersion.
Concluons par le mode multijoueur qui permet de deux à quatre joueurs de s'affronter au sein d'une course de voiture prenant place dans l'une des trois villes, ou de combattre jusqu'à que mort s'en suive. Cette option est disponible via un réseau LAN ou via Internet par échange d'IP.
En somme, DMA Design nous offre une nouvelle perle vidéoludique qui donnera naissance à une licence aujourd'hui connue de tous que ce soit à travers les diverses polémiques suscitées par l'orientation volontairement choquante du soft ou plus simplement par la reconnaissance de mécaniques de jeu novatrices et déjà très avancées sur leur temps.
- Graphismes13/20
Pourvu d'une vue aérienne et de zooms incessants variant en fonction de notre allure, l'aspect visuel n'est clairement pas le point fort du jeu et demeure même assez déroutant lors des premières parties. De plus, même si chaque ville à son propre cachet et dispose de nombreux modèles de buildings et véhicules différents, une pixellisation un peu trop prononcée joue en défaveur du soft. Néanmoins, la sensation de vitesse est vraiment bien retranscrite et ne souffre d'aucun ralentissement. L'altération de la carrosserie des véhicules en fonction des dommages subis est assez convaincante.
- Jouabilité14/20
Alors que le vol de voiture se veut particulièrement rapide et intuitif, se déplacer dans les mégapoles américaines demande un certain temps d'adaptation au vu de la prise en main atypique de notre véhicule et personnage. Une fois ce petit obstacle surmonté, vous pourrez voguer librement dans ces immenses étendues de béton et commettre pléthores de méfaits comme bon vous semble. Même si les missions sont un tantinet redondantes, elles n'en demeurent pas moins divertissantes et soutenues. En outre, bien qu'une flèche vous indique toujours la localisation de votre objectif, avoir sous la main la carte de la ville et savoir l'utiliser tout en jouant vous sera souvent d'un grand secours pour ne pas vous perdre dans les méandres des trois villes immenses.
- Durée de vie16/20
Grand Theft Auto dispose d'un contenu plutôt fourni, jugez plutôt : 88 missions réparties sur trois immenses villes ouvertes s'étalant sur des centaines de kilomètres de bitumes, 105 véhicules différents tous pilotables, des dizaines d'armes et objets, 4 à 8 gangsters jouables selon les versions, autant dire que vous avez de quoi faire. Comptez 5 à 10 heures rien que pour boucler la campagne et au vu de l'énorme rejouabilité offerte par le jeu vous n'êtes pas près de quitter les trois mégapoles afin d'en dénicher tous les secrets et de vous adonner à des passe-temps aussi illégaux que jouissifs. Seule l'absence de réel système de sauvegarde s'avère assez frustrant. En outre, le mode multijoueur même s'il n'est pas très étoffé a le mérite d'exister et prolonge un peu plus la durée de vie déjà conséquente.
- Bande son16/20
Alors que durant de vos pérégrinations pédestres aucune musique ne vous accompagne, une fois confortablement installé dans un véhicule fraîchement volé un thème musical émanant de la radio de l'engin égaillera votre conduite. Ces derniers s'avèrent en plus particulièrement variés et de qualité, à l'image des quelques bruitages qui résonnent dans les tréfonds de cet enfer urbain.
- Scénario/
Le soft ne dispose pas d'une réelle trame mais est plutôt constitué de petites histoires mises bout à bout que seuls quelques ordres de missions retranscrivent. On apprécie toutefois le ton décalé employé qui parodie à merveille le franc parlé des gangsters américains, en tout cas de l'image que l'on s'en fait.
Le premier volet de Grand Theft Auto intègre des concepts de jeu particulièrement novateurs, bien qu'encore à l'état embryonnaire, qui n'hésitent pas à jouer avec nos pulsions les plus sombres pour les transcender à travers une expérience vidéoludique unique. Seules la vue aérienne et une prise en main atypique seront diversement appréciées mais il serait réellement dommage de se priver d'une telle virée dans les rues des trois mégapoles américaines, au risque de passer à côté de la naissance d'une licence mythique : GTA.