Souvent pointés du doigt pour leur faible portée éducative, les jeux vidéo d'aventure rencontrent néanmoins un certain succès auprès des joueurs. A l'inverse, les jeux éducatifs appréciés par les parents, mais rarement par leur progéniture, s'avèrent souvent rébarbatifs. Pour Lankhor, ces deux genres ne sont pas incompatibles et, un an après la sortie de l'excellent Manoir de Mortevielle, le studio français nous propose de les marier avec Troubadours. Apprendre en se divertissant, tout un programme.
Troubadours nous transporte au Moyen Age, où le joueur incarne deux ménestrels itinérants qui voguent de cité en cité, de forteresse en forteresse afin de divertir les badauds et les nobles du pays en échange de quelques pièces d'or. Au détour d'un chemin, nos deux troubadours rencontrent l'enchanteur Corwin alors en quête de deux aventuriers pour accomplir une mission périlleuse que de nombreux guerriers ne sont parvenus à conclure. La force et les combats seront donc inutiles, seule votre faculté à réfléchir, à raisonner de façon logique et à mobiliser vos connaissances culturelles vous aidera à avancer.
En effet, votre aventure sera parsemée d'épreuves mettant à profit votre savoir sur les contes et les légendes, mais aussi votre aptitude de mélomane afin de reconnaître des notes de musique ou remettre en ordre des phrases musicales pour recomposer de célèbres mélodies. En outre, les amateurs de poèmes et autres proses ne seront pas en reste car leur talent sera également mis à contribution. Enfin, certaines épreuves testeront votre capacité à manier le vocabulaire de la langue française.
Troubadours se joue entièrement au clavier, ce dernier étant utilisé pour saisir les réponses aux différentes questions qui vous seront posées durant vos pérégrinations. Chaque étape est représentée par un écran fixe où le portrait animé de votre interlocuteur apparaît sur le côté de l'écran. Quant aux déplacements entre chaque zone, ils ne sont pas visibles mais simplement représentés par un interlude textuel. A l'image du Manoir de Mortevielle, Troubadours utilise le système de synthèse vocale de l'Atari qui permet à l'ordinateur de verbaliser du texte qu'il interprète d'une voix robotisée – l'ancêtre de la digitalisation vocale en somme. A cela, s'ajoute une animation des faciès lors de l'élocution des personnages participant un peu plus à l'immersion.
Le soft compte deux modes de jeu : aventure et exercices. Le premier est l'occasion de tenter la mission de Corwin qui vous emportera dans de nombreuses péripéties composées d'épreuves en tout genre. Pour passer au niveau suivant, vous devez donc réussir le défi qui vous est proposé par la personne rencontrée. Cependant, ces épreuves sont pour la plupart contournables, grâce à plusieurs embranchements scénaristiques. Ces détours vous priveront toutefois de précieux indices souvent nécessaires à la résolution des énigmes ultérieures. Certains tests sont néanmoins obligatoires et vous serez contraint de recommencer jusqu'à trouver la solution si vous voulez progresser dans l'aventure. Heureusement, vous pourrez compter sur les bons conseils de l'enchanteur Corwin qui vous guidera tout au long de votre périple et sur les codes de niveaux qui vous éviteront de recommencer les premiers défis.
Le mode exercices reprend les épreuves de l'aventure mais ne se contente pas d'en réutiliser le contenu puisque ce dernier ajoute plusieurs niveaux de difficulté pour certains défis ainsi qu'une pléiade de nouveaux poèmes, musiques, strophes, vocabulaires, etc. Ce mode peut soit faire office d'entraînement avant de vous lancer dans l'aventure, soit vous permettre de continuer à vous divertir une fois le premier mode terminé. A ces deux modes s'ajoute un jeu d'arcade-réflexion basé sur une compétition de tir à l'arc où l'objectif est de composer le plus grand nombre de mots de quatre lettres en tirant sur des lettres qui défilent sur un bandeau. Seul ou à deux, cette joute verbale n'est disponible qu'à travers un mot de passe une fois l'aventure terminée.
La faculté du studio Lankhor à produire des softs atypiques et de qualité n'est plus à prouver. Une nouvelle fois, le joueur se retrouve plongé dans une aventure éducative où le divertissement côtoie l'apprentissage sans jamais être rébarbatif ou redondant grâce à une gestion aléatoire du contenu des différentes épreuves. Un coup de maître qui ravira autant les enfants que leurs parents.
- Graphismes15/20
Sur le plan visuel, Troubadours est une véritable réussite, car même si les différents paysages sont dénués d'animation, ils n'en demeurent pas moins envoûtants et immersifs. Dommage qu'ils ne soient pas plus nombreux ! Les faciès des protagonistes s'avèrent particulièrement expressifs notamment grâce à une animation de bonne facture.
- Jouabilité18/20
Troubadours offre différentes expériences de jeu voguant du simple « questions / réponses », à la reconnaissance musicale, en passant par l'écriture de poèmes ou par l'utilisation à bon escient du vocabulaire de la langue française. Doté d'une interface simple et intuitive, le jeu permet de participer aux différents défis sans aucun problème de prise en main, seules vos connaissances et votre logique seront mises à rude épreuve. A l'image de l'aventure, la compétition de tir à l'arc est aussi efficace que divertissante.
- Durée de vie14/20
Comptez 1 à 2 heures pour terminer l'aventure selon votre capacité à résoudre les énigmes. Vous aurez ensuite l'opportunité de vous essayer à des joutes verbales, seul ou à deux, à travers le tir à l'arc ou de faire quelques exercices pour prolonger l'expérience et approfondir vos connaissances.
- Bande son18/20
Avec son système de synthèse vocale, l'Atari permet aux différents protagonistes de s'exprimer verbalement, même si leurs voix s'en retrouvent robotisées, ce qui pour l'époque est tout de même une avancée majeure et participe à l'immersion du joueur. A cela s'ajoutent des musiques médiévales de toute beauté qui collent parfaitement au décor et à l'ambiance qui se dégage du soft.
- Scénario13/20
L'histoire est au final assez classique mais elle s'avère plutôt bien conduite au point de nous faire oublier qu'il s'agit d'un jeu éducatif. Les différents embranchements qui s'offriront à vous n'influent que très peu sur la trame, ce qui est un peu regrettable car le concept était bien trouvé.
Apprendre en s'amusant, c'est ce que Troubadours parvient sans mal à nous offrir avec son ambiance médiévale particulièrement bien rendue et ses protagonistes charismatiques. En mêlant aventure et exercices éducatifs sans jamais tomber dans l'épreuve de connaissances âpre et redondante, le studio Lankhor est parvenu à trouver le juste dosage entre ces deux aspects vidéoludiques sans rogner sur la difficulté des épreuves. Si vous êtes amateur de contes et de légendes, de musiques enfantines, de poèmes ou de vocabulaire, il serait dommage de vous priver de cette expérience rafraîchissante. En outre, les cancres ne seront pas laissés sur le bas-côté car les exercices d'entraînement les aideront à affiner leur savoir et l'enchanteur Corwin répondra toujours présent pour les aider.