Les amateurs de jeux de rôle japonais le savent, le vieux continent est trop souvent le parent pauvre en matière de localisation des jeux du genre. Même si des efforts sont visiblement entrepris ces dernières années, la grande majorité des sorties se font sur des jeux issus de séries ayant déjà fait leurs preuves. Saluons donc la prise de risque de Ghostlight qui nous gratifie de la venue du sixième épisode de la série de Falcom The Legend of Heroes, encore inédite en Europe.
Sorti dans l'indifférence générale en octobre 2011 sous le doux nom de The Legend of Heroes : Trails in the Sky - First Chapter, le titre est un portage sur PSP d'un jeu PC de 2004 jamais édité chez nous. Le joueur contrôle Estelle Bright et son frère adoptif Joshua, deux jeunes membres d'une guilde d'aventuriers appelée Bracers, au cours de leurs pérégrinations dans le royaume de Liberl. La géopolitique du territoire étant très agitée, leur père disparaîtra au cours d'une mission secrète pour le compte de la guilde. Les deux protagonistes inquiets décideront alors de partir à sa recherche, tout en gravissant les échelons de la guilde.
En effet, les Bracers ont pour tâche d'aider les citoyens en prenant en charge diverses missions, allant de l'escorte à la recherche d'objets, en passant par la traque de monstres et l'enquête policière. Chaque mission permet de gagner, en plus des diverses récompenses, des points servant à évaluer votre progression dans la hiérarchie de cette guilde d'hommes à tout faire. Les deux compères devront donc avoir à cœur de consulter régulièrement le tableau des missions, de parler aux différents PNJ, et de mettre aussi la manière dans la résolution de leurs tâches sous peine de se voir réduire leurs gains en cas de faux pas. Loin d'être trop envahissantes, la plupart des missions sont facultatives et ne sont aussi disponibles que pour une certaine durée, elles disparaîtront à mesure que l'histoire avance. Il faudra donc s'avérer extrêmement attentif si l'on souhaite terminer le jeu à 100%.
Prenant le contre-pied d'une narration classique, nous sommes ici en présence d'un croisement entre un jeu de rôle et un visual novel, ces jeux de fiction interactive typiquement japonais. Les dialogues sont en effet très nombreux et très denses, et il n'est pas rare que des évènements prennent vingt minutes à se dérouler si, bien évidemment, vous prenez le temps de lire les textes. Là, il est bon de préciser que le jeu est intégralement en anglais mais le niveau requis pour en profiter reste très abordable. Les textes sont de plus écrits avec le souci du détail et de la mise en scène, qu'il s'agisse de la trame principale ou de la moindre quête annexe. L'humour est également omniprésent, et vous offrira des situations certes classiques mais toujours bienvenues dans un contexte autrement assez tendu. Tout cela rend le monde vraiment vivant, d'autant plus que le background est assez étoffé, comme en témoignent les nombreux livres à collectionner ou encore les journaux hebdomadaires relatant les différents évènements. Attention néanmoins, comme le laisse entendre le sous-titre du jeu, ce n'est ici que le premier chapitre de l'histoire qui nous est conté, et les deux épisodes suivants n'ont pour l'instant pas été confirmés. Le jeu reste toutefois autosuffisant, et les nombreux rebondissements scénaristiques ne pourront que vous donner envie de voir la suite.
Le problème quand on édite en 2011 un jeu vieux de sept ans, c'est qu'on s'expose au vieillissement des graphismes. Trails in the Sky n'échappe pas à la règle. Sans qu'ils soient vraiment honteux, on a clairement vu bien plus beau y compris sur des jeux de rôle PSP de la même époque. Il faudra donc être indulgent sur ce point pour bien profiter du jeu. Heureusement, des efforts ont été faits dans l'habillage de l'environnement, en particulier dans les villes dont chaque magasin ou maison est meublé avec style. Lors des phases de dialogues, un portrait du locuteur vient illustrer son état d'esprit en style manga, un peu à la manière d'un Disgaea ou d'un Grandia. Les personnages sont pour la plupart intéressants, bien construits, et on devinera en filigrane les arrière-pensées sous un masque amical.
Puisque nous en sommes aux comparaisons, attardons-nous sur le système de combats. A mi-chemin entre le dynamisme de Grandia et un jeu de rôle tactique, les affrontements se déroulent au tour par tour selon un ordre qui n'est pas sans rappeler le système CTB de Final Fantasy X. En effet, une frise incluant chronologiquement les personnages et les ennemis présents sur le terrain évolue selon les actions des forces mises en présence. Par exemple, une attaque simple se déclenchera immédiatement et permettra au personnage d'obtenir un nouveau tour rapidement, tandis qu'un sort magique de haut niveau sera plus long à lancer et demandera beaucoup plus de récupération. La frise octroie aussi, à ceux qui agissent lors de certains tours, divers bonus s'appliquant sur ce tour, tels qu'une force accrue, une défense augmentée ou encore un coup critique certain. C'est là que le système devient assez tactique, puisqu'il vous faudra non seulement profiter au mieux de ces bonus, mais surtout empêcher les ennemis de s'en servir à vos dépens.
Toujours dans un style tactical RPG, les personnages se déplacent sur un damier lors de leurs attaques, vous obligeant à prendre en compte leur capacité de mouvement et leur allonge. Les attaques peuvent en effet viser une certaine zone du terrain, ou un cercle autour d'un ennemi, et il est bien sûr indispensable de se mettre à hauteur de l'ennemi avant de pouvoir réaliser une attaque au corps-à-corps, tout comme il est déconseillé de grouper son équipe en un seul point. Il est possible de contrôler jusqu'à quatre personnages, et chacun d'eux disposera d'un style de combats particulier mêlant attaques spéciales ou crafts, sorts magiques – nommés Arts – paramétrables dans une certaine mesure, ainsi qu'une sorte de Limit Break. Au fur et à mesure qu'un personnage attaque ou prend des coups, sa jauge de craft augmente pour lui permettre d'employer les différents coups. Mais si vous économisez ces points jusqu'à en rassembler 100, ou 200 pour une version boostée, la possibilité vous est donnée de lancer un Super craft beaucoup plus puissant et bénéficiant de divers effets. Il est également possible de lancer cette attaque lors de n'importe quel tour grâce à un raccourci, ce qui est très pratique par exemple pour subtiliser les bonus aux ennemis. Tout cela donne un système très complet à défaut d'être vraiment novateur.
L'évolution des personnages n'est pas en reste. Outre les classiques équipements à trouver ou à acheter, et un système de niveaux tout ce qu'il y a d'ordinaire, chacun de vos personnages peut s'équiper de Quartz, sortes de gemmes affiliées à un élément en particulier, sur une grille formant des lignes. Le but étant de combiner les charges élémentaires portées par les Quartz de façon à obtenir des lignes chargées de niveaux d'éléments suffisants pour débloquer les Arts correspondants. Les personnages possèdent tous un agencement de lignes différent, donc des affinités différentes pour des styles de combats particuliers. Un peu de réflexion s'impose le moment venu pour doter chaque combattant des techniques leur donnant le meilleur avantage, d'autant que chaque type de quartz octroie un effet bonus unique, tel qu'une augmentation de vitesse ou d'HP.
Au final, si le jeu ne révolutionne en rien le genre, il a le mérite d'offrir un point de vue différent des autres productions, et on sait que la nouveauté est toujours appréciée. Si les textes anglais ne vous font pas peur et que vous n'êtes pas réfractaire à un style solide mais un poil daté, vous passerez très probablement un bon moment sur Trails in the Sky : First Chapter.
- Graphismes13/20
Bien que très loin des productions actuelles, les graphismes restent tout de même agréables, surtout quand on considère qu'il s'agit d'un portage d'un jeu PC de 2004. Le jeu fourmille tout de même de nombreux détails, en particulier dans les villes. A noter qu'à l'exception de l'introduction du jeu, vous trouverez rarement des cinématiques animées.
- Jouabilité17/20
A mi-chemin entre un tactical RPG et un tour par tour classique, le système de combats offre une expérience à la fois réfléchie et dynamique qui satisfera tout le monde. Loin de tomber à plat, le mélange des genres est finalement bien maîtrisé. Le jeu sait offrir un certain challenge par moments, que vous pourrez relever en ne négligeant pas le côté tactique des combats. L'ergonomie est elle aussi au rendez-vous.
- Durée de vie16/20
Préparez-vous à passer une bonne cinquantaine d'heures de jeu sur le titre si vous souhaitez en faire le tour, quêtes annexes comprises. Un mode new-game+ vous offre de plus la possibilité de refaire le jeu en gardant tous vos acquis, parfait si vous souhaitez combler quelques oublis.
- Bande son15/20
La bande originale est majoritairement constituée de musiques d'ambiance, qui font dans l'ensemble très bien leur travail. Quelques musiques épiques viendront dynamiser le tout lors des combats. Le doublage des dialogues est strictement limité aux voix en combats, d'assez bonne facture. Pas vraiment étonnant quand on considère la quantité impressionnante de textes du jeu.
- Scénario18/20
Conçu comme un véritable visual novel, le jeu offre un scénario assez étoffé, avec des rebondissements bienvenus. On alterne entre des passages très denses niveau développement scénaristique, et des phases d'exploration et combats qui permettent de n'être jamais lassé. A noter que l'on n'est ici en présence que du premier chapitre de l'histoire, qui s'étend sur trois jeux complets.
Pour peu que le parti pris résolument old-school ne vous rebute pas, et que vous ne soyez pas anglophobe, ce jeu s'avère être une très bonne surprise, d'autant qu'il s'agit probablement de l'une des dernières productions sur le système. Doté d'une durée de vie suffisamment conséquente et d'un solide système de combats, The Legend of Heroes : Trails in the Sky saura satisfaire les amateurs de jeux de rôle japonais. Croisons tout de même les doigts pour que la suite parvienne jusqu'à nous.