La scène indépendante nous a déjà gratifiés de concepts plus originaux les uns que les autres. Mais A Valley Without Wind est un spécimen rare. Au confluent d'un Metroid, d'un Terraria et d'un Realm of the Mad God, le titre d'Arcen Games est l'un des plus ambitieux que nous ayons jamais croisés. Trop, sans doute ?
Après avoir connu quelques siècles de prospérité industrielle, le monde d'Environ est aujourd'hui soumis à une nouvelle ère glaciaire. Réfugiée dans des campements où elle s'abrite du vent qui balaie les plaines gelées, l'humanité survit péniblement en utilisant une technologie alimentée par la magie. Mais elle lutte également contre des ennemis robotiques venus du futur, commandés par un certain Overlord. Cette menace doit être vaincue pour espérer rebâtir une nouvelle civilisation. Et il faut pour cela que les survivants parviennent à mettre la main sur les ressources, les pouvoirs magiques et les progrès techniques nécessaires. Vous incarnez l'un des Glyphbearers, des élus désignés par les mystérieux Ilari pour s'aventurer hors du campement à la recherche de ces précieuses ressources, enfouies dans les vestiges des siècles derniers. Serez-vous à la hauteur ?
A Valley Without Wind vous assigne comme objectif final de détruire l'Overlord, mais il serait suicidaire de s'y confronter dès le départ. Il va d'abord falloir vous améliorer suffisamment pour être à la hauteur de ce terrible adversaire, qui est le seul dont le niveau restera constant tout au long de la partie. Les autres éléments du jeu (monstres, pouvoirs, PNJ...) sont divisés en cinq tiers d'une puissance croissante, auxquels vous n'accédez que progressivement à la faveur d'un "gameplay adaptatif". Lorsque vous débutez votre aventure, les quelques sorts dont vous disposez sont du premier tier, mais ils suffisent pour venir à bout des ennemis que vous croisez, relativement faibles. Ces derniers finiront pourtant par gagner en puissance. Vous venez de tuer votre centième chauve-souris ? Il est désormais temps de combattre des chauves-souris de feu ! Du coup, il est essentiel d'augmenter parallèlement le niveau de vos pouvoirs, ce qui requiert de se mettre en quête de ressources plus ou moins rares disséminées un peu partout sur le continent. La progression vous permet d'explorer librement le monde, mais plus vous gagnez en puissance, plus le défi est important. Lorsque vous aurez accès au tier 5, vous devriez vous sentir prêt à affronter l'Overlord. Si vous y parvenez, le jeu ne sera pas terminé, puisqu'un nouveau continent émergera alors à côté du précédent, vous proposant à chaque fois un "new game +". Mais si vous échouez, si vous êtes vaincu dans quelque combat que ce soit, vous devrez dire adieu à votre personnage. Définitivement.
Vous ne perdrez heureusement pas tout le bénéfice de votre progression ! On vous proposera d'incarner un autre Glyphbearer, qui conservera tout ce qui a déjà été accompli (exploration, matériaux récupérés, sorts craftés, enchantements débloqués...). Seules les améliorations liées au défunt personnage seront définitivement perdues, mais vous pourrez développer le nouveau de la même manière que le précédent – à savoir, en utilisant des pierres permettant d'upgrader à dix reprises l'une des trois caractéristiques disponibles (énergie vitale, attaque et mana). Le concept de mort permanente couplé à la possibilité de ne pas incarner un seul et unique personnage est bien trouvé, d'autant qu'il reste possible de "sauvegarder" son héros en prenant le contrôle d'un autre survivant grâce à des parchemins dédiés. Le mieux est encore de ne pas trop s'attacher à son personnage : il va mourir, c'est à peu près sûr, tant les dangers qui le guettent sont nombreux. Il est donc préférable de veiller à la progression globale dans le jeu, et notamment à celle de vos sorts, qui sont la clé de tout. Vous pouvez non seulement les améliorer, mais aussi en crafter d'autres. Certains composants, dont une encyclopédie vous indiquent la localisation, peuvent être récupérés en allant explorer des régions lointaines et inhospitalières, parfois battues par les vents. D'autres, indispensables pour franchir les différents tiers, ne peuvent être obtenus que dans le cadre de missions qui apparaissent sur la carte, et qui vous confrontent généralement à une série de boss.
Généré aléatoirement, le continent offert à vos velléités d'exploration est immense. Chaque case de la carte représente une vaste aire de jeu constituée de plusieurs sous-zones successives sur le même thème environnemental (plaine gelée, désert, forêt, ville en ruines...). Dès que vous pénétrez dans l'une de ces zones, vous profitez d'une représentation latérale avec scrolling horizontal, dans un style inspiré des jeux 16 bits avec une touche artistique postmoderne. De nombreux ennemis vous y attendent, ainsi que quelques obstacles (falaise, nappe d'eau acide...) nécessitant le recours à des caisses ou à des plates-formes que vous pouvez placer directement sur le décor. Vous y trouverez également des vestiges de l'ère industrielle que vous pourrez explorer librement dans l'espoir d'y dénicher quelques précieuses ressources. Hélas, ces zones de jeu sont elles aussi générées de manière procédurale, pour le meilleur et pour le pire. Leur design est aussi répétitif que peu inspiré, ce qui finit par ôter toute envie d'explorer "au hasard". Les bâtiments et les souterrains, qui arborent de vilains arrière-plans, sont faits d'un dédale de portes menant à des salles qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau, et sont parfois remplis de blocs destructibles aussi inutiles qu'agaçants. Ils s'avèrent peu agréables à traverser, d'autant que la navigation par le biais de warp gates est assujettie à une mini-map peu pratique pensée pour les lilliputiens. Bref, si le gameplay évoque un temps celui d'un Metroid, le level design inexistant finit par couper court à cette comparaison.
D'autant que les combats ne s'en tirent pas beaucoup mieux. Si les mouvements du héros ne manquent pas de dynamisme (double-saut, super vitesse, téléportation...) et s'il est intéressant de ne pas pouvoir spammer constamment le même sort, la plupart des adversaires disposant de résistances élémentaires, il reste que les affrontements manquent sacrément de pêche. Le cooldown auquel sont soumis vos pouvoirs, qui ralentit le rythme des combats, n'y est peut-être pas étranger. Mais ce manque de nervosité est surtout imputable au comportement de vos adversaires. Totalement dénués de la moindre petite IA, ils se bornent à courir stupidement de droite à gauche comme à l'ancienne, et se retrouvent souvent bloqués les uns contre les autres, ou encore par un élément du décor. On ne ressent aucun plaisir à affronter des ennemis aussi pitoyables, qui ne ressemblent de surcroît pas à grand-chose. Qu'y a-t-il de moins séduisant qu'un feu follet vous arrosant mollement de quelques projectiles élémentaires ? Quant aux skelebots, qui vous sont servis à toutes les sauces (les boss sont juste des skelebots dont on a grossi le sprite !), ils semblent nés sous le crayon de votre voisin de palier (oui, celui qui ne sait pas dessiner). Pour clore ce triste tableau, signalons que même si le jeu ne nécessite pas de grind à proprement parler, ces phases d'action/plates-formes s'avèrent si répétitives qu'elles donnent l'''impression'' de grinder. Du coup, on fait en sorte d'éviter toute exploration superflue et on se borne à rusher les tiers successifs afin de pouvoir affronter l'Overlord.
Il est regrettable que le studio Arcen Games n'ait pu se donner les moyens de ses ambitions. Ou peut-être aurait-il été judicieux de revoir ces dernières à la baisse. On a la fâcheuse impression que le développement de fonctionnalités annexes et périphériques a primé sur la mise au point d'une action décente, qui reste quand même au coeur du jeu. La gestion du campement (avec possibilité de construire des bâtiments supplémentaires, de libérer des survivants, de les envoyer en reconnaissance...) et la lutte contre les conditions météo (au moyen d'équipements adéquats ou de technologies capables d'influer sur le climat) témoignent de la grande richesse de A Valley Without Wind, qui regorge de subtilités. Mais ces dernières ne sont pas toutes expliquées, ou le sont maladroitement, au gré de vilaines fenêtres textuelles dont la pertinence est inversement proportionnelle à la prolixité. Le joueur risque donc de rester bloqué sur sa première impression et de ne pas avoir envie de pousser l'expérience plus avant. Bien entendu, les choses peuvent encore bouger, à en croire le nombre impressionnant de mises à jour publiées depuis la sortie du jeu. La présence d'un mode multijoueur, permettant de coopérer jusqu'à huit en simultané dans le même monde, pourrait même lui attirer un public issu de Minecraft ou de Terraria. Mais il n'est pas dit que la mayonnaise communautaire prenne aussi bien que dans les titres en question, et que le jeu d'Arcen Games parvienne à sortir de sa confidentialité, en un sens compréhensible.
- Graphismes9/20
Bien qu'inspiré des jeux d'action 16 bits, A Valley Without Wind prône l'expérimentation graphique, dont il ressort autant de fulgurances artistiques que de monstruosités visuelles teintées d'amateurisme, que la technique déficiente (l'animation, pour ne citer qu'elle) ne peut compenser.
- Jouabilité11/20
L'aspect procédural dessert le jeu autant qu'il le sert. Dans un sens, il innerve la progression – et son fameux gameplay adaptatif – et favorise la prise d'initiatives. Mais le revers de la médaille, c'est qu'il motive un level design d'une grande pauvreté, que ne suffisent pas à relever les combats, bien trop mous.
- Durée de vie15/20
Bien que A Valley Without Wind ne soit pas un jeu sandbox à proprement parler, il vous en donnera pour votre argent. La génération aléatoire du monde, la pléthore d'accomplissements à débloquer (qui font partie intégrante de la progression), la présence d'un "new game +" récursif et la possibilité de partager l'aventure avec 7 autres joueurs lui procurent une bonne longévité, même s'il est possible de se lasser très vite.
- Bande son14/20
La bande-son, que l'on doit à Pablo Vega, alterne les compositions rétro dans le style 8/16 bits et les morceaux contemplatifs à base de nappes de synthé planantes : une vraie réussite ! On n'en dira pas autant des effets sonores, trop peu nombreux même s'ils sont de bonne qualité.
- Scénario/
A Valley Without Wind est un titre étrange. Ultra ambitieux, peu accessible, il fait figure de chimère que l'on aurait créée en greffant le système de craft d'un Terraria et l'architecture d'un Realm of the Mad God sur l'action en 2D d'un Metroid. Doté d'un contenu et de fonctionnalités d'une grande richesse, que vous débloquez à la faveur d'un gameplay adaptatif, il propose une progression d'autant plus addictive qu'elle est basée sur l'initiative personnelle. Hélas, l'aspect procédural donne lieu à une action peu motivante dans des zones que l'on n'a que peu de plaisir à parcourir - une action qui constitue pourtant le coeur du jeu. Il nous est donc difficile de vous le conseiller sans vous inviter à essayer préalablement la démo disponible. Vous pourrez ainsi vous forger une opinion sur ce titre qui, en tout état de cause, ne devrait pas vous laisser indifférent.