Il était fatal que le succès de l'excellent Super Meat Boy finisse par inspirer certains développeurs. Kung Fu Rabbit, la première production du jeune studio français cTools, s'inscrit à l'évidence dans la lignée du jeu de la Team Meat. On y troque toutefois le célèbre bout de viande contre un lapin expert en arts martiaux. C'est beaucoup moins saignant mais presque aussi savoureux !
Créé par d'anciens de White Birds, Punchers Impact, zSlide et Leon Brothers, cTools est un jeune studio français qui, comme bien d'autres, a choisi de développer sur smartphones. Cette plate-forme en vogue offre toute latitude pour concevoir et diffuser à grande échelle des productions originales de grande qualité, moyennant des coûts et des délais de développement relativement raisonnables. C'est pourtant un jeu issu des consoles de salon, Super Meat Boy, qui aura influencé les papas de Kung Fu Rabbit. Si le pitch vous met ici aux commandes d'un lapin expert en arts martiaux, qui doit sauver tous ses élèves des griffes du Mal Universel (un nom grandiloquent pour des créatures plutôt rigolotes !), le gameplay évoque dès les premiers instants celui du fameux bout de viande.
Votre rongeur aux grandes oreilles devra en effet sauter de plate-forme en plate-forme, s'accrocher et glisser le long des murs, se montrer suffisamment réactif pour éviter les pièges (dont les fréquentes flaques de goudron) et éliminer les sbires du Mal Universel en surgissant dans leur dos. S'il faut reconnaître que le gameplay de Kung Fu Rabbit n'est pas aussi nerveux que celui de son modèle, il se montre tout aussi exigeant. Les niveaux sont vraiment bien conçus, pièges et ennemis étant souvent placés de façon aussi retorse qu'ingénieuse. Ce n'est jamais une mince affaire que d'en venir à bout, et cela rend votre performance d'autant plus gratifiante ; vous risquez d'ailleurs d'en baver dès le mode Normal, sachant qu'il existe un second mode de difficulté intitulé Hardcore Rabbit, qui porte bien son nom ! Seul regret : le jeu est constitué de trois mondes, et si chacun introduit un nouveau mécanisme (comme ces parois destructibles directement issues de Super Meat Boy), le gameplay a tout de même un peu de mal à se renouveler. Il manque sans doute au titre de cTools ce zeste d'inventivité et ce petit grain de folie qui permettent de garder intact l'intérêt du joueur sur le long terme.
Dans chaque niveau du jeu (à l'exception de ceux de la Caverne Bonus), il est possible de dénicher trois carottes, ainsi qu'une super-carotte souvent mieux cachée que les autres. La récupération de ces délicieux légumes est optionnelle, mais elle permet toutefois de débloquer de nouveaux contenus, dont quelques upgrades et power-up susceptibles d'aider votre lapin. Ce dernier pourra, à terme, courir et sauter plus vite, éliminer plus facilement ses ennemis ou encore détecter les passages secrets. Et si vous manquez de carottes, un item shop vous permet d'en acheter moyennant micro-paiement. Ces bonus ne sont, néanmoins, nullement obligatoires, et on serait même tenté de dire qu'il vaut mieux éviter d'y recourir sous peine d'écorner l'intérêt du jeu. Ainsi, si les power-up les plus puissants, qui ralentissent la chute du rongeur ou le rendent invincible face à ses ennemis, sont heureusement les plus onéreux, il reste possible d'acheter à bon marché des "âmes de lapin" permettant de poser des checkpoints où vous le souhaitez. Voilà qui est susceptible de ruiner une expérience largement basée sur le concept du die & retry.
Mais le plus gros souci de Kung Fu Rabbit reste sa maniabilité, qui peine à offrir le confort et la précision requis par ce type de jeu. Votre lapin répond au doigt et à l'oeil pour peu que vous pressiez le bon bouton, mais encore faut-il trouver ce dernier sous vos gros doigts boudinés. Combien de fois l'auteur de ces lignes a-t-il pesté devant une mort aussi frustrante qu'inopinée, engendrée par une pression légèrement trop à gauche ou trop à droite d'un bouton ? Si le recours au pad virtuel était inéluctable, son ergonomie n'est pas irréprochable : les touches de direction sont à notre avis trop petites, trop proches l'une de l'autre et, à l'image du bouton de saut, trop décalées vers le centre de l'écran. Bref, le plaisir de jeu est parfois entaché par ce souci de maniabilité. C'est d'autant plus dommage qu'au niveau artistique, Kung Fu Rabbit envoie une claque magistrale. Graphiquement somptueux, notamment sur un écran Retina, le rendu visuel bénéficie d'un style cartoon traversé d'influences asiatiques et rehaussé d'une légère french touch. Et la partie sonore n'est pas en reste, même si elle vaut au jeu des temps de chargement un poil longuets.
- Graphismes18/20
C'est magnifique ! Le style cartoon unique est au confluent de courants US, français et japonais. Le scrolling différentiel est superbe et les animations sont de grande qualité. Seuls quelques légers ralentissements occasionnels sont à déplorer.
- Jouabilité14/20
Si le gameplay, inspiré de celui de Super Meat Boy, est vraiment bien fichu et réserve un agréable challenge, la maniabilité n'est pas exempte de tout reproche et vous fera parfois faux bond au pire des moments. Vous vous prendrez alors à rêver au même jeu pratiqué avec un joystick.
- Durée de vie15/20
La difficulté étant exponentielle, vous mettrez moins d'une heure à boucler le premier monde (toutes carottes comprises) mais bien davantage pour les deux suivants, sans parler de la Caverne Bonus et du mode de difficulté Hardcore Rabbit. Attention, tout de même : le recours au dojo ou à l'item shop est susceptible d'écorner le challenge.
- Bande son15/20
Les thèmes musicaux d'inspiration asiatique, relativement sobres, sont bien adaptés, d'autant qu'ils apportent une touche de "zen" passablement agréable entre deux arrachages de cheveux. Les bruitages sont eux aussi assez discrets, mais ils n'en restent pas moins réussis.
- Scénario/
Kung Fu Rabbit est un jeu de plates-formes visuellement somptueux, dont le style graphique unique devrait vous ravir les mirettes. Pour ne rien gâcher, son gameplay ouvertement influencé par un certain Super Meat Boy s'avère vraiment prenant, en particulier parce qu'il propose un vrai challenge. Il est donc regrettable que la maniabilité soit imparfaite, le pad virtuel peinant à offrir le confort et la précision exigés par le concept. Rien de rédhibitoire, mais de quoi frustrer légèrement l'expérience du joueur n'ayant pas des doigts de pianiste. On touche sans doute là aux limites du support, mais que cela ne vous empêche pas de télécharger ce titre réussi d'un jeune studio prometteur.