Bien que Dragon Quest III soit le dernier opus de la trilogie de Roto, il s'avère être en fait un prologue aux deux premiers épisodes de la série. Oui, après avoir participé au destin de ses descendants, vous voilà dorénavant dans la peau du héros Roto lui-même ! Malheureusement pour Enix, quelques mois avant la sortie de son jeu, un évènement majeur survient dans le monde des jeux de rôle. Un certain Final Fantasy est en effet apparu sur le devant de la scène...
Avant de débuter ce test, commençons par une anecdote assez amusante. Depuis le premier épisode de Dragon Quest, l'engouement pour la série n'a cessé de prendre une ampleur inimaginable. Ce phénomène de société est tel que le jour de la sortie de Dragon Quest III, le taux d'absentéisme dans les bureaux et les écoles a battu tous les records au Japon ! A tel point qu'Enix en est venu à devoir sortir les futurs épisodes de sa franchise uniquement les week-ends afin de ne pas reproduire ce genre d'évènement. Des rumeurs attestent même que le gouvernement japonais aurait lui-même décrété que l'éditeur ne devait désormais plus sortir de jeu de sa licence les jours ouvrés. Imaginez-donc combien cet épisode censé clôturer la trilogie Roto est attendu. Mais surprise de taille, l'histoire du jeu se situe bien avant les deux premiers épisodes de la série. Et mieux encore, elle permet de se mettre dans la peau du héros Roto ! Dans les faits, il est possible de changer son nom et même de choisir son sexe. A vous de voir si vous préférez garder une certaine cohérence scénaristique ou faire vos propres choix. Quoi qu'il arrive, cela n'influe vraiment pas sur la suite de l'aventure.
Dragon Quest III clôture donc à sa manière la trilogie de Roto. Le scénario vous met ainsi dans la peau de ce héros que l'on ne présente plus, fils du célèbre guerrier Ortega mort dans un combat mémorable face au dragon Baramos, responsable de l'apparition des monstres dans le monde. Autant dire que cet affrontement épique est d'une rare beauté pour un jeu NES, se déroulant en effet sur un volcan et avec de bien jolies animations en prime. De votre côté, vous vous réveillez paisiblement le jour de vos 16 ans. Votre mère vous invite à rencontrer le roi d'Aliahan, qui vous envoie poursuivre la mission de votre père et purger le mal de ce monde... pour changer. A l'instar du second Dragon Quest, vous n'êtes pas seul durant votre quête mais le système de compagnons a quand même été remanié pour l'occasion. En effet, la particularité de Dragon Quest III c'est de pouvoir choisir soi-même son équipe dès le départ en donnant à ses membres un nom, un sexe et une classe. Autant dire qu'à moins d'être suicidaire, il faut impérativement former une équipe homogène à ce moment-là du jeu.
Ces choix d'acolytes se font dans la première ville du jeu, dans une taverne plus précisément. Vous avez alors la possibilité de recruter des personnages créés par défaut ou de les personnaliser vous-même comme expliqué auparavant. Vous enrôlerez un maximum de trois coéquipiers avec vous, dont le choix de classe se fait parmi une liste de 6. Il y a le Soldier qui privilégie la force pure là où le Pilgrim est plus axé sur le support, et où le Wizard, peu résistant, fait de lourds dégâts grâce à un large panel de magies offensives. Quant au Fighter et au Merchant, le premier combat principalement à mains nues et possède une grande agilité, tandis que le second s'avère assez équilibré en attaque comme en défense. Reste la classe Goof-Off, comparable à une sorte de bouffon. Sa grosse particularité, au-delà du fait qu'elle puisse souvent occasionner des dégâts critiques, c'est qu'elle fuit tout simplement les combats. Cependant, cette classe révèle tout son intérêt en milieu de jeu au cours d'une petite quête annexe. Si vous voulez connaître son secret, vous savez ce qu'il vous reste à faire. Concernant Roto, il possède une classe unique appelée Héros, lui garantissant une grande polyvalence côté statistiques et la possibilité de lancer des sorts de tous types. En contrepartie, son niveau augmente moins vite que les autres. D'ailleurs, la fiche de statistiques s'est un peu étoffée avec ce nouveau système de classe, et côté équipement celui-ci reste spécifique à chaque classe, un peu comme dans le volet précédent. Notez que vous pouvez choisir l'emplacement de chaque personnage durant les combats, le plus logique étant de mettre les plus faibles en arrière même si les attaques des ennemis semblent tout à fait aléatoires. Côté sorts, le panel de magies est également un peu plus conséquent qu'auparavant. Pour finir, sachez que le jeu vous donne bien plus tard le choix de changer la classe de vos personnages, mais cela les renvoie directement au niveau 1. Pas forcément judicieux donc.
Là où le bât blesse, c'est que Enix nous a toujours habitués à vouloir aller plus loin avec une soif continuelle d'innovation. Malheureusement pour lui, Squaresoft a déjà expérimenté ce système de classes quelques mois auparavant avec son tout nouveau bébé Final Fantasy. Dire que Dragon Quest pompe sur son concurrent est un peu prématuré, voire déplacé. Mais il faut bien avouer que cela a de quoi perturber, même si dans le fond ce système de classes existe depuis des lustres dans le monde des jeux de rôle. Au-delà, le talent d'Enix n'a en rien perdu de sa superbe. Au programme, l'éditeur propose la prise en charge d'un cycle jour et nuit. Autant dire que niveau immersion, il s'agit d'une avancée tout bonnement considérable, sans parler du côté technique toujours repoussé dans ses derniers retranchements. Vous pouvez donc vous balader sur la mappemonde et admirer la mer ou les verts pâturages s'assombrir au fil du temps. Mais cela n'a pas qu'un simple impact visuel, le cycle influe également sur la population dans les villes. En effet et en fonction du moment de la journée, certains lieux sont ouverts ou à l'inverse fermés. Les villes sont même complètement vides le soir, mise à part l'auberge fort heureusement. Ce cycle a aussi une répercussion sur les ennemis à l'extérieur qui semblent plus puissants la nuit tombée. Une autre petite nouveauté intéressante, vous pouvez désormais enfin stocker vos objets auprès d'un NPC. Vu la taille de l'inventaire de chaque personnage, l'idée est plus que bienvenue et commençait à se faire attendre.
Autre point important et qui ravira surtout les hardcore gamers, la difficulté du soft a été revue à la hausse. A mi-chemin entre ce que proposent le premier et le second volet, Dragon Quest III soumet le joueur à un sacré challenge mais qui s'avère en fin de compte très gratifiant. Au premier abord, tout ce que l'on voit c'est de nouveau du leveling intensif avec obligation de cumuler d'innombrables rencontres aléatoires pour espérer évoluer et glaner quelques pièces. Ce qui est vrai, mais on se rend finalement compte que cette difficulté pousse le joueur a être beaucoup plus attentif à ce qui se passe durant les combats et à surtout être prudent. Car les affrontements sont très difficiles du fait que les ennemis altèrent ou invoquent au besoin, aucune erreur n'est donc permise. De plus, les points de sauvegardes sont de nouveau très épars et il est clair que l'on ne peut pas se permettre de mourir souvent au risque en plus de voir son argent durement gagné être dilapidé à l'église. Combinez tous ces éléments et vous comprenez alors à présent que le simple fait de voir un personnage prendre un niveau est juste une libération et donne l'impression de revenir de très loin. Surtout que votre équipe a extrêmement peu de HP, au niveau 1 ça tourne pour ainsi dire autour de 10 HP en fonction de la classe choisie. Durant le jeu, on n'échappe pas à quelques moments de frustration, notamment quand un groupe d'ennemis décide de prendre pour cible un unique personnage durant le même tour, ou encore quand la fuite ne marche pas à tous les coups. Le jeu reste tout de même un peu moins difficile dès que les sorts de zone apparaissent, permettant de cibler tout un groupe d'ennemis en même temps. Stratégie que les boss affectionnent particulièrement d'ailleurs.
En guise de conclusion, faut-il encore mentionner cette interface complètement dépassée et laborieuse dont Enix ne veut décidément pas se séparer ? Ou encore le fait de n'avoir toujours aucune information sur les magies et leur consommation de MP ? Non, contentons-nous simplement de parler de nouveau de ces petites idées qui parsèment judicieusement la série depuis ses débuts et que l'on retrouve encore aujourd'hui. Ce troisième épisode accueille ainsi la première arène de monstres de la saga, vous permettant uniquement (pour le moment) de parier sur eux et non de les entraîner. Le jeu introduit aussi un nouveau moyen de transport. Durant l'aventure, vous ne voyagerez ainsi pas simplement à pied et en bateau, mais aussi en... Phénix ! Son arrivée est tardive dans le jeu mais quel bonheur de pouvoir survoler la mappemonde pour se rendre n'importe où sans subir de rencontres aléatoires. Au final, Dragon Quest III conclût de la plus belle façon qui soit cette trilogie de Roto, qui aura su bercer durant deux années le joueur dans un monde tout aussi dangereux qu'enchanteur.
- Graphismes17/20
Graphiquement, Chunsoft puise toujours un peu plus dans les limites de la NES. Outre un visuel général toujours plus alléchant grâce à de toutes petites améliorations de texture, il faut avouer que la présence de quelques meubles dans les maisons ou encore la prise en charge du cycle jour/nuit en mettent plein les yeux tout en renforçant grandement l'immersion. Le joueur se paye même le luxe de découvrir des régions qui tentent de se démarquer les unes des autres grâce à des environnements différents. Au niveau du bestiaire, Akira Toriyama s'en donne quant à lui à cœur joie avec des monstres toujours plus originaux les uns que les autres.
- Jouabilité16/20
La principale nouveauté de cet opus réside dans son système de job très intéressant mais qui ne permet malheureusement plus d'apporter un semblant d'histoire personnelle à vos personnages. Mis à part évidemment pour le héros Roto, que l'on incarne enfin et qui se retrouve au centre de l'intrigue. Ce système de classe ne sera cependant que très peu repris par la suite. On finit néanmoins par s'attacher à cette équipe, car c'est bien en leur compagnie que le joueur avance péniblement dans un environnement toujours aussi hostile et où le leveling intensif reprend ses droits. C'est dur, on en bave, mais quelle satisfaction de voir son équipe finalement évoluer. C'est qu'on en deviendrait limite masochiste à la longue.
- Durée de vie17/20
La durée de vie explose littéralement grâce aux nombreux combats que vous devrez livrer, mais aussi en grande partie grâce à la quête principale toujours aussi bien ficelée et plaisante. On n'échappe évidemment pas au sempiternel rouage village/donjon saupoudré d'interminables allers-retours, mais la trame reste tout de même intéressante et variée. Ajoutez-y quelques quêtes annexes en prime et vous en avez pour des dizaines d'heures de jeu.
- Bande son17/20
Que cela soit dans les villes, dans les donjons, durant les combats ou encore sur la mappemonde, la bande-son demeure toujours aussi immersive et épique à souhait. C'est du grand art et on en redemande toujours plus.
- Scénario15/20
Malgré le lien logique entre les trois épisodes, l'histoire de cet opus se passe dans un tout autre monde que les deux premiers épisodes de la série qu'il est pourtant censé introduire. Une bizarrerie qui est cependant expliquée par une petite pirouette scénaristique en fin de jeu. Pour le reste, aventure classique mais très captivante puisque l'on en revient aux origines même de la légende du héros Roto. Le fait de l'incarner et de suivre son histoire permet finalement de créer une trilogie cohérente et de nous attacher à cette tripotée de personnages que l'on incarne au fil du temps. Vous avez quelques rebondissements en prime en cours d'aventure, des boss récurrents et hargneux, bref de quoi rester scotché à sa manette durant des heures.
Dragon Quest III est un condensé de toutes les bonnes choses des deux premiers épisodes, combinées à une difficulté intelligemment rehaussée. Le jeu est clairement destiné aux joueurs avides de challenge, qui peuvent aisément se perdre dans cette aventure aussi difficile qu'onirique. Un jeu d'anthologie qui conclut admirablement la trilogie de Roto, et qui est considéré à juste titre par beaucoup comme le meilleur épisode de la NES.