Inconnu du grand public, Blackwell en est pourtant déjà à son 4ème épisode et depuis 2006, les joueurs assez curieux pour trouver leurs doses d'aventure en terres indépendantes se délectent de sympathiques enquêtes surnaturelles. Coup de projecteur aujourd'hui sur The Blackwell Deception, le dernier volet en date d'une série qui ne manque pas d'atouts pour séduire.
La série Blackwell tire son nom de son personnage principal, la rouquine Rosangela Blackwell, dit Rosa, une medium capable de voir et de discuter avec les fantômes de personnes mortes. Persuadée que ce "don" ne lui ait pas accordé pour rien, Rosa s'est toujours donnée pour mission d'aider les âmes errantes à accepter leurs états fantomatiques afin de rejoindre la lumière pour trouver la paix. C'est là qu'intervient Joey Mallone, l'autre personnage important des jeux. Joey est un spectre qu'on croirait tiré d'un film noir des années 40. Chapeau feutre sur la tête, costume tiré à quatre épingles, il suit et guide Rosa dans leur but commun, et lui sert même de point de liaison entre le monde des vivants et l'au-delà. Depuis les débuts de la série (à l'exception du second volet centré sur la tante Blackwell), le duo se retrouve continuellement imbriqué dans des affaires de meurtres plus ou moins sordides que seules la perspicacité de Rosa et les capacités surnaturelles de Joey parviennent à tirer au clair.
The Blackwell Deception ne fait pas exception à la règle. Dès le départ, le jeu propose une bonne mise en bouche grâce à une petite enquête isolée. En plus d'offrir un agréable tutorial (chose assez rare dans un jeu d'aventure point and click), l'affaire permet aussi aux joueurs n'ayant pas parcouru les trois premiers épisodes de faire connaissance avec Rosa et Joey et de découvrir leur rôles respectifs. Le joueur peut en effet passer de l'un à l'autre à loisir sachant que Rosa peut prendre des objets et parler avec tout le monde (vivants ou morts), tandis que Joey est condamné à ne converser qu'avec ses congénères spectraux. S'il ne peut rien toucher autour de lui (normal), Mallone a toutefois à sa disposition une sorte de pouvoir de l'au-delà. En soufflant sur les objets, voire sur les personnages, il peut dérégler certains appareils électriques ou encore déplacer certaines petites choses. La coopération entre les deux héros est constante, elle donne pas mal de rythme à l'aventure qui ne connaît au final pas beaucoup de temps morts.
L'aventure, justement, démarre rapidement après le tutorial, alors que Rosa est appelée par l'un de ses amis journalistes pour un coup de main. Très vite, Rosa et Joey découvrent qu'une tragédie est survenue puisque l'ami en question erre chez lui à l'état de spectre. Oui, il y a des signes qui ne trompent pas. Comme le veut la série Blackwell, les nouveaux fantômes ne réalisent pas qu'ils sont morts et l'ami Cédric agit donc comme si de rien n'était. Il pense simplement être malade et a juste besoin que Rosa puisse l'aider avec l'article qu'il était en train d'écrire. De fil en aiguille, notre médium découvre que son ami a été tué alors qu'il enquêtait lui-même sur la mort de plusieurs jeunes personnes, apparemment toutes liées au même cabinet de voyance. Rosa et Joey devront remonter la piste et découvrir non seulement pourquoi Cédric a été tué, mais aussi par qui.
On l'a dit, l'aventure de Blackwell Deception suit un rythme assez soutenu, probablement grâce à son niveau de difficulté plutôt bien dosé. Les énigmes sont toutes très logiques et puisqu'il n'y a pas d'objets minuscules à traquer dans les décors, on a constamment le sentiment d'avancer dans l'enquête. Bien sûr, il y a bien des moments où il faut réfléchir un peu, mais un minimum de jugeote permet toujours de s'en sortir avec la satisfaction d'avoir réellement pensé la solution avant de la mettre en pratique. Trop souvent, les jeux d'aventures finissent par nous faire essayer l'impossible dans l'espoir que quelque chose - n'importe quoi - puisse se déclencher pour nous débloquer. Ce n'est pas le cas ici. Tout est parfaitement logique (même le pouvoir de Joey) et il suffit généralement de parler à quelqu'un ou de faire une petite recherche Oogle sur le smartphone de l'héroïne pour faire apparaître un nouvel indice et poursuivre l'enquête. En tout et pour tout, l'aventure devrait vous retenir entre 5 et 7 heures accroché à votre souris, si tant est que vous compreniez l'anglais. Le niveau requis n'est pas forcément très élevé, mais ce serait dommage de passer à côté de l'histoire ou simplement des nombreux dialogues qui en font tout le sel.
Si la réalisation rétro, avec de gros pixels apparents ne plaira pas à tout le monde, elle est contrebalancée par l'apparition de portraits plus finement dessinés lors de chaque conversation. Là, on distingera deux publics. Ceux qui trouveront ces portraits réussis, et ceux qui les jugeront un peu plus sévèrement. Ce n'est au final qu'une affaire de goût. Notez tout de même que le design visuel a encore changé, ce qui devient une habitude puisqu'aucun des quatre épisodes ne se ressemble. Si elle n'est pas gênante, cette absence de cohésion traduit un léger manque de personnalité de la série qui semble se chercher à chaque nouvelle sortie. Fort heureusement, le casting vocal, plutôt bon, permet de garder la continuité dans la série et parvient à offrir juste ce qu'il faut pour que l'on s'attache aux personnages. On appréciera tout particulièrement les répliques sarcastiques qui donnent vie au duo principal et qui sauront à coup sûr faire mouche, et dans le cœur des fans, et dans l'esprit des nouveaux venus. Au final, The Blackwell Deception se hisse sans problème dans le haut du panier des productions indépendantes. Si vous aimez les jeux d'aventures, qui plus est les jeux d'aventures rétro, voilà donc un titre qui mérite toute votre attention.
- Graphismes12/20
Au fil des volets, la série change sans cesse d'apparence, comme si elle se cherchait un style. Côté décors et personnages, le jeu semble avoir perdu en détails depuis l'épisode précédent. A l'inverse, les portraits qui s'affichent en médaillon sont pour leur part beaucoup plus fins. L'ensemble dégage un certain charme rétro. A voir si votre cœur s'y montre sensible.
- Jouabilité16/20
Du pointez-cliquez très classique qui parvient à éviter les travers du genre. Les objets à ramasser sont relativement peu nombreux, mais les énigmes sont toujours très logiques et personne ne se froissera de neurones en jouant. L'alternance et la coopération entre Rosa et Joey est également bien exploitée. Aucun des deux n'est jamais relégué comme faire- valoir et on joue aussi bien avec la médium qu'avec le spectre.
- Durée de vie12/20
Les dialogues sont nombreux mais ne traînent jamais en longueur. Les énigmes sont bien pensées, mais jamais trop difficiles. Avec tout ça, nous nous trouvons face à un jeu qui avance à bon rythme et qui livre le fin mot de son histoire en l'espace de 5 à 7 heures.
- Bande son16/20
The Blackwell Deception reprend le même casting que les précédents volets. Les acteurs connaissent donc bien leurs personnages et livrent des dialogues que l'on a plaisir à écouter. Les musiques sont également de qualité et très agréables, exception faite de la scène du night club, mais c'est voulu. On nage constamment dans une ambiance bluesy-nostalgique qui donne un certain cachet à l'aventure.
- Scénario15/20
Les joueurs qui connaissent déjà la série seront heureux de découvrir quelques révélations sur le passé de Joey. Cela dit, même sans avoir jamais entendu parler de Blackwell, vous parviendrez sans peine à plonger dans son univers. Le couple sarcastique que forment Rosa et Joey y est pour beaucoup.
Pour les joueurs qui suivent la série depuis ses débuts, l'achat de ce nouvel épisode semble tout indiqué. Les autres trouveront avec The Blackwell Deception un titre qui devrait d'abord les séduire par son côté rétro, puis par ses personnages et son intrigue prenante. Avant même qu'ils ne puissent s'en rendre compte, ils se retrouveront ensuite collés à l'écran et le rythme soutenu de l'aventure fera qu'ils ne lâcheront la souris qu'après le générique de fin passé.