Sur Super Nintendo, le genre de l'action/plate-forme a acquis ses lettres de noblesse grâce à des représentants majeurs tels que Super Metroid ou Super Castlevania IV. Néanmoins, un titre plus discret voyait le jour en 1994, et exploitait avec talent le concept de ces derniers. Son nom : Demon's Crest.
Alors qu'Arthur de Super Ghouls'n Ghosts fait sa vie à travers les âges, son pire ennemi Firebrand a également l'honneur d'avoir des jeux qui lui sont dédiés. Tout comme Mario et Donkey Kong ont chacun tracé leur route de leur côté, Arthur et la célèbre gargouille font naître deux licences distinctes. Le premier jeu où l'on pouvait contrôler Firebrand se nommait Gargoyle's Quest et sortait en 1990, sous la forme d'une cartouche GameBoy. Sa suite sortait ensuite sur NES, en 1992. Puis arrive enfin Demon's Crest, le dernier épisode en date. Nous sommes donc aux commandes du démon ailé, qui part en quête d'un pouvoir mystique. Syndrome 90's oblige, l'objectif principal de cette quête demeure tout de même de sauver le monde des forces du mal. Firebrand est en fait à la recherche de six pierres élémentaires qui lui ont été dérobées par Phalanx, une autre gargouille. Selon la légende, l'assemblage de ces pierres risquerait de propager un pouvoir démentiel, et briserait l'équilibre de la planète. Le valeureux Firebrand se lance alors à la poursuite de son ennemi, les ailes au vent, pour empêcher le désastre.
Ce qui saute aux yeux dans Demon's Crest, ce sont les mécaniques de jeu qui avoisinent en quasi-totalité celles de Castlevania IV, la capacité de voler étant par contre inédite. Nous sommes ainsi face à du pur action/plate-forme, en scrolling horizontal. Le principe consiste à parcourir chaque niveau, tout en évitant les pièges et en éliminant les ennemis. Firebrand peut cracher des flammes, mais aussi sauter et s'accrocher aux murs. Comme il est dit plus haut, la gargouille peut voler tout comme dans l'épisode Gameboy, mais cette fois sans limite de temps. Bien que la possibilité de survoler tous les dangers soit jouissive, notons que le temps de vol illimité rend l'avancée un peu trop facile, du moins au début du jeu. Rassurez-vous tout de même, la difficulté se corse rapidement et nous rappelle qu'il s'agit sans conteste d'un héritier du cultissime Ghosts'n Goblins. Parallèlement, un système d'évolution est présent, à la façon d'un Megaman. Après avoir vaincu un boss, une nouvelle transformation est débloquée, correspondant à un pouvoir de chaque pierre élémentaire. De cette manière, plusieurs capacités sont mises à notre disposition, pour pouvoir ainsi nager sous l'eau, prendre de l'altitude en plein vol, etc. Le gameplay est finalement plus centré sur l'action que ne l'était Gargoyle's Quest et perd totalement la notion de jeu de rôle à laquelle nous pouvions nous attendre. Les phases d'exploration dans les villes ont donc totalement disparu et seule la collecte d'objets représente un petit aspect RPG, ce qui marque le parti pris par les développeurs, ciblant l'action avant tout.
Malgré cette affinité au dynamisme contemporain de l'ère Super Nintendo, le jeu n'est pas totalement linéaire. Vous progressez de tableau en tableau, mais vous êtes constamment redirigé vers une map à chaque fin de niveau. Présentée en 3D grâce au mode 7, la carte vous permet de voyager de lieu en lieu avec votre personnage, comme le reprendra plus tard un certain Valkyrie Profile. Mais la map vous permet surtout de parcourir chaque monde dans l'ordre que vous souhaitez, et de ce fait, elle ouvre sur une sensation d'exploration. Gardons cependant quelques réserves sur cet aspect, car son seul débouché reste les quelques secrets à dénicher dans les niveaux. Des secrets qui, récoltés en totalité, permettent de débloquer une seconde fin. La rejouabilité est donc au rendez-vous et on ne s'en plaindra pas, car l'aventure est loin d'être très longue. Ne comptez pas plus de trois heures pour terminer le jeu en ligne droite.
En termes de réalisation, Demon's Crest bénéficie d'un soin très particulier. Les décors font preuve d'une grande variété et nous font voyager à travers forêts, montagnes ou cryptes lugubres. Les arrière-plans sont magnifiques et mélangent les couleurs avec pertinence, ce qui nous immerge sans mal dans cet univers gothique à souhait. La technique n'est pas non plus oubliée et fait honneur aux capacités de la Super Nintendo en nous offrant des animations et des modélisations on ne peut plus crédibles. La bande-son est, quant à elle, l'atout majeur du soft, comme ce fut le cas pour l'excellent Gargoyle's Quest. Les musiques portent presque à elles seules toute l'atmosphère gothique. Elles sont du même niveau d'excellence que l'OST de Castlevania IV et sont bien entendu déconseillées à quiconque est allergique à l'orgue. Enfin, on constate une fois de plus l'influence du jeu de Konami lorsque l'on terrasse les boss, un petit jingle nous félicitant pareillement pour notre victoire. A s'y méprendre !
Pour conclure, nous pourrions dire que Demon's Crest est un très bon choix, non exempt de défauts, mais qui possède suffisamment de charme pour passionner. L'aventure est certes brève, mais son intensité comble amplement les vides. Et finalement, ce jeu passé presque inaperçu à l'époque face à ses concurrents, mérite encore d'être découvert. Espérons, au vu de la présence d'Arthur dans Marvel vs Capcom 3, que Capcom redonne aussi une chance de renouveau à l'emblématique Firebrand, personnage charismatique s'il en est.
- Graphismes17/20
Pour l'époque, la mise en scène était renversante et n'avait pas à rougir face aux jeux du genre. Demon's Crest est une véritable perle pour les yeux et ne laissera pas insensibles les plus nostalgiques. Saluons au passage l'utilisation du mode 7 qui est exploité avec habileté, mais également le design d'ensemble, tout simplement somptueux.
- Jouabilité16/20
Les contrôles de Firebrand sont extrêmement rigides et on reconnaît bien là le charme des gameplays Capcom. Les différentes transformations apportent de nouvelles possibilités à la gargouille et un peu de variété au niveau de la progression. Certains regretteront la disparition de l'aspect jeu de rôle, mais l'efficacité des phases d'action peut tout à fait se suffire à elle-même.
- Durée de vie12/20
Malgré la courte durée de vie, le jeu demeure dans la lignée des épisodes d'Arthur, alors autant dire que la difficulté est présente ! L'avancée sera donc plutôt laborieuse, d'autant que le boss final est à la limite du surmontable…
- Bande son18/20
Si Gargoyle's Quest fut une référence pour ses musiques, Demon's Crest ne déroge pas à la règle. Les compositions sont plus posées, tout autant sophistiquées et servent à merveille l'ambiance du titre. Seul bémol : les boss ont tous un seul et même thème.
- Scénario13/20
Bien que convenue, l'histoire a au moins le mérite d'introduire des personnages méconnus du monde vidéoludique, à savoir les gargouilles. De plus, soulignons que l'objet de la quête de Firebrand est constamment présent dans la narration, ce qui permet une cohérence irréprochable.
Demon's Crest n'innove pas grandement en matière de mécanique de jeu, et reprend ce qui a déjà été fait avec Megaman ou Castlevania. Quoi qu'il en soit, son gameplay est des plus efficaces et le jeu assure la digne continuité de Gargoyle's Quest, grâce à ses musiques et son ambiance fabuleuses. Du reste, il s'agit bel et bien d'une référence incontournable du genre sur Super Nintendo.