Twisted Lands : L'Ile Fantôme plonge le joueur dans une ambiance pesante et horrifique, proche de ce qu'on peut trouver dans les écrits de Lovecraft. L'histoire, bien plus prégnante et bien plus développée que de coutume, s'inspire d'ailleurs fortement du Cauchemar d'Innsmouth, et plus précisément de son adaptation cinématographique signée Stuart Gordon : Dagon. Elle met en scène un couple de chasseurs de trésors, Mark et Sarah, venu effectuer des fouilles dans les eaux de la Méditerranée. Sans qu'il puisse expliquer ce qui lui arrive, Mark tombe soudainement de la vedette et perd connaissance en sombrant dans les profondeurs. Il se réveille un peu plus tard sur le rivage d'une île inconnue. Son bateau a fini par s'écraser sur un des rochers de la crique et sa femme a disparu. L'île sur laquelle il a échoué semble habitée, ou plutôt semble l'avoir été. Tout n'est désormais que vestiges du passé et il ne semble plus y avoir aucun habitant... si l'on excepte ces formes étranges qui se dessinent parfois dans le brouillard.

Twisted Lands : L'Ile Fantôme bénéficie donc d'une trame scénaristique intéressante. A mesure qu'il explore l'île à la recherche de sa femme, Mark met la main sur de nombreux écrits d'époque qui le renseignent sur l'histoire des habitants de l'île. Il est même régulièrement assailli de visions : des apparitions fantomatiques hantent les différents lieux visités (village, manoir, port, paquebot, forêt, cavernes). Dommage que la mise en scène n'ait pas été un peu plus travaillée : les cut-scenes se résument à des zooms sur des plans fixes, où les personnages adoptent toujours la même posture et restent muets puisque les dialogues ne sont pas doublés. Mais il faut relativiser : pour un jeu d'objets cachés, c'est déjà pas mal ! D'autant que la réalisation a aussi progressé depuis les premiers titres du genre. On a enfin droit à des graphismes en haute résolution (qui facilitent, il faut l'avouer, les phases de recherche d'objets), avec à l'appui de petites animations sympathiques. L'ambiance musicale contribue elle aussi à immerger le joueur dans l'atmosphère oppressante du jeu ; le seul tort des thèmes musicaux est de tourner en boucle sans s'adapter à un contexte précis.

Le gameplay se compose d'un mélange de phases d'objets cachés et de séquences plus "classiques" comme on en trouve dans les point'n click traditionnels, avec une plus grande prégnance pour ces dernières. Nombreux sont les écrans de jeu qui permettent de se déplacer, de récupérer des objets (automatiquement placés dans l'inventaire) et de résoudre des énigmes basées sur des associations ou sur de petits puzzles (peu difficiles mais bien sentis). Mais régulièrement, Mark a besoin d'un outil précis pour poursuivre sa progression. C'est l'occasion de s'adonner à une de ces fameuses phases de recherche d'objets, qui prennent invariablement la même forme : après avoir déniché les 12 objets de la liste dans une composition surchargée où s'entassent les choses les plus hétéroclites, le héros conserve systématiquement l'un d'entre eux, qui lui sera utile pour la suite. Du coup, si ces séquences sont relativement fréquentes, elles restent somme toute accessoires dans la mesure où elles sont mises au service du reste de l'aventure. Et comme cette dernière est plus intéressante et plus prenante que de coutume, on ne s'en plaindra pas !

Le jeu souffre tout de même de quelques défauts qui doivent être mentionnés. Pour commencer, si la liberté de déplacement et d'action est appréciable pour un jeu d'objets cachés, la progression reste assez linéaire et impose des allers-retours incessants. Les objets se trouvent trop souvent à l'opposé de l'endroit où ils doivent être utilisés, si bien qu'on a davantage l'impression de se faire trimballer par un jeu de piste que de suivre un cheminement logique. Cela permet aux concepteurs de booster artificiellement une durée de vie assez faible puisque leur jeu se boucle en 3 à 4 heures, voire moins pour qui a la mauvaise idée d'utiliser le système d'indices intégré. Et en dépit d'un audacieux twist final (typiquement lovecraftien), il y a de trop nombreuses questions qui restent sans réponse. Le niveau bonus intégré dans cette version française (qui inclut aussi un guide de jeu étonnamment fouillé eu égard à la difficulté de l'aventure) procure toutefois 1 heure 30 de jeu supplémentaire et éclaire certaines zones d'ombre. L'ensemble divertira donc agréablement le joueur pendant 5 heures, d'autant que Micro Application s'est fendu cette fois d'une traduction française de bonne qualité.