Le 2 Avril 1993. C'est en cette magnifique journée de Printemps que débarquait chez nous un jeu qui allait à jamais changer la face du monde, que dis-je, de l'univers tout entier ! Bon c'est un peu exagéré, mais la première apparition de Mario Kart sur Super Nintendo a été un tel succès qu'aujourd'hui encore, le plombier moustachu continue de faire parler la carapace sur chacune des consoles de Nintendo. Bien entendu, un tel triomphe ne pouvait pas laisser indifférents certains développeurs, désireux de surfer sur la vague dorée. Et c'est ainsi qu'à peine un an plus tard, l'ambitieux Street Racer pointait le bout de son nez.
La défunte firme anglaise Vivid Image n'est pas franchement réputée dans le petit monde des jeux vidéo. Les plus anciens se souviendront peut-être de The First Samuraï sur Amiga qui avait su charmer avec sa réalisation soignée, une bande-son entraînante mais aussi grâce à beaucoup de bonnes idées. Et des idées, c'est justement ce qui ne manque pas dans Street Racer ! Si on retrouve bien les courses endiablées à huit sur des parcours saugrenus et l'aspect multijoueur qui ont fait la réputation de Mario Kart, de nombreux ajouts plutôt bien trouvés viennent apporter une réelle personnalité au titre. Par exemple, inutile de chercher une quelconque case mystère pour vous procurer de l'arsenal, vous aurez en permanence tout ce qu'il vous faut sur vous. En effet, chaque personnage possède deux techniques spéciales utilisables à tout moment, par la simple pression des touches A et X. Seule restriction, un petit délai de quelques secondes entre chaque utilisation. Qui plus est, grâce aux gâchettes L et R, il est possible de distribuer des bourre-pifs à gauche et à droite pour quiconque oserait venir se frotter à vous, une alternative fort sympathique qui a le mérite d'être intuitive. Cerise sur le gâteau, une pression sur le haut de la croix directionnelle vous permet de sauter afin de couper à travers des pans de décor ou simplement pour éviter quelques collisions.
Pas d'option à récupérer donc, mais le sol n'en reste pas moins truffé de petits éléments. Les cases bleues vous octroient un turbo, tandis que les cases jaunes permettent de réparer votre véhicule. L'état de celui-ci est déterminé par une barre jaune quelque peu anecdotique qui diminue au contact de vos concurrents. Que se passe-t-il quand celle-ci se vide ? A priori rien, si ce n'est une légère perte de vitesse pas franchement handicapante. Les différentes pistes sont également parsemées de petites étoiles à récupérer, permettant l'obtention d'un point bonus pour celui qui en aura amassé le plus grand nombre pendant la course. A noter que d'autres bonus sont accordés en fonction de vos performances pendant la course, ce qui offre un petit aspect stratégique non négligeable.
Tiens, parlons un peu des personnages jouables. Entre un ersatz de Frankenstein, très originalement appelé Frank, et un sumo japonais qui rappellerait presque Honda de Street Fighter, la diversité ne manque pas ! Chacun dispose d'ailleurs de ses propres statistiques même s'il faut bien l'avouer là encore, on ne se rend pas trop compte de la différence. La maniabilité quant à elle reste sensiblement identique, la vraie distinction résidant dans les techniques spéciales. Un personnage comme Helmut, aviateur allemand rescapé de 14-18, pourra par exemple s'envoler par-dessus tout le monde en transformant son carrosse en avion le temps de quelques secondes, tandis que Biff, sorte de skinhead américain fan de base-ball, pourra aimanter un rival devant lui en faisant sortir de l'arrière de son crâne un... canon. Pas très logiques, voire carrément incompréhensibles, certaines techniques paraissent ainsi inutiles tant il est difficile d'en comprendre leur sens. Une brève description de chacune aurait été la bienvenue, sauf si l'on aime expérimenter et trouver l'utilité cachée de la chose soi-même.
Graphiquement, le jeu est beau. Le Mode-7, technologie visant à reproduire une impression de profondeur et de fausse 3D avec des graphismes 2D, est une nouvelle fois utilisé avec pertinence et procure de bonnes sensations immersives si l'on se replace dans le contexte de l'époque. Aussi, le détail qui a été donné aux décors de fond est très appréciable et contribue beaucoup à nous mettre dans l'ambiance des circuits, très variés eux aussi puisque liés à la thématique de chaque personnage. Leur nombre est d'ailleurs plus qu'honorable, une vingtaine avec trois tracés différents pour chaque "thème". Les musiques sont plutôt rythmées et agréables, mais il est dommage qu'un immonde bruit de moteur vienne les couvrir en permanence pendant les courses. Si on finit bien par en faire abstraction, on aurait toutefois aimé qu'il soit un peu moins bruyant et plat.
Mais l'aspect le plus important de Street Racer, c'est bien évidemment le multijoueur. Et ce que l'on constate tout de suite dès l'écran titre, c'est que l'on peut jouer non pas à deux, ni trois, mais à quatre simultanément ! Et c'est là la force du jeu, celle d'intégrer le Multitap, ce petit accessoire qui permettait de relier plus de deux manettes à la Super Nintendo. Concrètement l'écran se scinde en quatre à l'horizontale, et seulement à l'horizontale. On se retrouve donc avec les 4 joueurs entassés et aplatis les uns sur les autres, alors que diviser l'écran à la fois horizontalement et verticalement aurait peut-être été plus judicieux. Mais qu'importe, le plaisir de jouer à quatre est là et c'est le principal ! Les courses prennent ainsi toute leur saveur, et c'est un plaisir de se faire envoyer dans le décor par un ami pour lui rendre la pareille 30 secondes plus tard. Il est d'ailleurs possible de créer sa propre coupe en choisissant l'ordre des courses et leur nombre. Libre à vous de faire un petit tournoi de 3 courses, ou carrément un grand championnat de 24 circuits !
Mais le plus fun reste cependant le mode Rumble. Huit participants sur une petite arène carrée, avec ou sans barrières, et une seule règle : Il ne doit en rester qu'un ! Vous l'aurez compris, le but ici est de se foutre sur la gueule joyeusement et de faire sortir ses adversaires de l'arène. C'est simple, impitoyable et diablement efficace ! Un défouloir rapide et jouissif qui donne parfois mal au crâne à force de tourner autour de l'arène, ou qui peut s'avérer long quand il ne reste plus que deux ou trois joueurs en lice, mais ce ne sont là que des détails tant on s'amuse à se caillasser mutuellement. Enfin pour terminer, sachez qu'il existe un dernier mode de jeu, le Soccer. Comme son nom l'indique, il s'agit de récupérer un ballon et de l'envoyer dans une cage pour marquer des points. Fâcheusement, si l'idée est bonne, le tout s'avère rapidement injouable et brouillon au possible. On ne sait jamais où est la balle, et quand on la trouve, pas moyen de s'en saisir. Et si miraculeusement la balle vous tombe dessus, soit il est ardu de se mettre en face du but, soit un autre adversaire vient vous cogner pour vous dérober le précieux sésame. Mais ce n'est pas ça qui enlèvera à Street Racer ce qu'il est, un jeu qui prône la convivialité avant tout.
- Graphismes17/20
Le Mode-7 prouve une nouvelle fois qu'il peut faire de belles choses avec peu de moyens. Les décors sont magnifiques et les animations soignées, rendant le jeu très agréable à l'oeil. Le design des personnages est suffisamment varié pour que chacun y trouve son compte, malgré quelques clichés et un brin de mauvais goût.
- Jouabilité15/20
Le jeu reprend les bases d'un Mario Kart, tout en leur apportant une foultitude de bonnes idées. La prise en main du véhicule nécessite un petit temps d'adaptation et faire marche arrière s'avère assez mal pensé, mais on s'y fait rapidement. La possibilité de donner des coups à droite et à gauche s'avère très intuitive et les techniques spéciales rendent chaque personnage unique, même si hélas certaines restent très ambiguës dans leur utilité. Dommage également que le mode Soccer n'apporte pas grand-chose.
- Durée de vie11/20
En solo, le jeu n'est pas très intéressant il faut bien le dire. Quelques coupes, un personnage à débloquer et basta. C'est bien évidemment en multijoueur que les heures défilent, avec la possibilité de customiser sa propre coupe et surtout grâce à un mode Rumble ô combien addictif.
- Bande son12/20
Le bruitage du moteur, omniprésent tant que vous roulez, peut s'avérer irritant à tel point que passer la ligne d'arrivée constitue un véritable soulagement pour vos oreilles. On peut aussi regretter qu'il couvre une partie des musiques, plutôt bonnes dans l'ensemble sans être exceptionnelles.
- Scénario/
Inexistant, tout simplement.
Bien qu'un peu fade en solo, le jeu ne prend réellement tout son sens qu'avec quelques amis et un Multitap à portée de main. Beau graphiquement et truffé de bonnes idées, pas toutes bien exploitées cependant, Street Racer est une excellente alternative à Mario Kart, et propose en fin de compte une expérience moins marquante que son modèle mais très différente. Perfectible, mais tellement bon.