Après l'excellente trilogie Runaway et en attendant le prochain Pendulo Studio, Les Chroniques de Sadwick se présente comme la nouvelle égérie du point & click militant pour un retour à la 2D. Optant pour un antihéros évoluant dans un univers décalé devant beaucoup à la fantasy de Terry Pratchett, le titre se complaît également dans de superbes décors, fiefs d'une immersion assurée. Mais malgré ses évidentes qualités, que vaut l'aventure dans son ensemble ? Pour le savoir, je vous invite à parcourir les quelques lignes qui suivent.
Guybrush nous l'avait confirmé mais pour ceux qui en doutent, sachez que si vous êtes petit, gaffeur et un peu benêt, vous avez toutes les chances de pouvoir sauver le monde dans un point & click. Ca tombe bien car figurez-vous que toutes ces conditions sont réunies dans Les Chroniques de Sadwick : The Whispered World. Tout débute alors que notre clown de service, Sadwick, émerge d'un songe pour le moins agité et annonciateur de lendemains sombres. Le hic, c'est que vous allez très vite comprendre que vous êtes le dernier espoir de l'humanité. Sans vraiment comprendre ce qui se passe, notre petit bonhomme flanqué de son ami Spot, une limace polymorphe, va alors commencer son périple pour tenter de contrecarrer les plans d'un être forcément machiavélique. Dans l'absolu, le scénario des Chroniques de Sadwick n'a rien d'extraordinaire. Dans les faits, c'est également le cas même s'il s'appuie sur un ton décalé, une fantasy ne se prenant pas vraiment au sérieux et une fin surprenante sans vraiment l'être.
Cependant, on regrettera quelque peu que les développeurs n'aient pas été au bout de leur délire en s'inspirant par exemple d'un jeu comme Discworld. En somme, malgré quelques clins d'oeil et répliques bien senties, les dialogues s'éternisent parfois en se basant sur des échanges peu intéressants et manquant singulièrement d'humour. Il n'en reste pas moins que la plupart des situations restent incongrues et que plusieurs rencontres vous feront sourire. Au delà de ça, que vous réservent ces fameuses chroniques ? Un visuel des plus bluffants et un gameplay classique mais solide. D'un point de vue purement artistique, Les Chroniques de Sadwick mérite donc de nombreuses éloges. Chaque écran de jeu fourmille de détails, la palette de couleurs offre à chacun des quatre chapitres une véritable personnalité et ce, même si on retrouve une certaine homogénéité chromatique dans les extérieurs baignant très souvent dans de jolis tons ocre. On eut tout de même apprécié d'avoir droit à davantage d'écrans puisque sur l'ensemble du jeu, on n'en comptera qu'une petite cinquantaine. En outre, on déplorera des cinématiques maladroitement animées tranchant complètement avec la beauté des décors.
Sur un plan plus technique, on pourra aussi être surpris par l'unique résolution proposée à savoir 1024x768. Un peu limite à l'heure où les 19 et 21 pouces se démocratisent de plus en plus. De plus, il est regrettable de voir que le jeu bug par moments et nous ramène manu militari au Bureau Windows. Pensez donc à sauvegarder très souvent. Quoi qu'il en soit, si vous parvenez à faire abstraction de toutes ces considérations, vous pourrez alors profiter d'une jouabilité aux petits oignons. Non pas qu'elle révolutionne le genre mais vu qu'elle est parfaitement calibrée, aucune raison de pester contre cette dernière. En somme, vous n'aurez qu'à utiliser le clic droit de votre souris pour faire apparaître votre besace afin d'utiliser, en combinant ou non, les objets que vous aurez dûment récupérés. Le clic gauche, lui, vous permettra via un appui prolongé de saisir un élément, de l'utiliser, de l'observer ou de lui parler. Ainsi, il vous faudra une pincée de logique et un zeste de réflexion pour venir à bout des énigmes qui vous seront proposées. Si dans la majeure partie des cas, tous les éléments s'imbriqueront naturellement les uns dans les autres, il vous faudra parfois ouvrir l'oeil, et le bon, pour trouver un silex se détachant à peine d'un sol pierreux, l'engrenage dans un coin d'une pièce, etc. Enfin, la dernière méthode consistera à débloquer toutes les options de dialogue pour déclencher une réaction qui elle même vous permettra d'avancer.
En parlant de Sadwick, sachez qu'il pourra compter sur l'aide de son ami Spot, une sorte de limace pouvant prendre feu, se multiplier, gonfler à vue d'oeil ou prendre une forma aplatie. Si le familier a souvent tendance à traîner la patte, enfin le corps, lorsqu'il s'agit de se déplacer, on devra automatiquement faire appel à ses compétences pour débloquer certaines situations. Une idée sympathique que celle d'avoir son propre couteau suisse organique même si en soi, il eut été amusant de mettre davantage en valeur la relation entre le petit clown et son compagnon de route. Pour un prochain épisode, qui sait ? En définitive, Les Chroniques de Sadwick, tout occupé à privilégier la forme au fond, n'en reste pas moins un bon petit point & click, bien calibré, profitant d'une ambiance réussie et d'un rythme agréable. Sans prétendre tenir la comparaison avec les Runaway et autres LucasArts de la grande époque, le jeu de Daedalic n'a pas pour autant à rougir devant ses illustres aînés. En effet, bien qu'imparfait, le soft réussit à distiller suffisamment de séquences amusantes pour qu'on parcoure l'aventure d'un bout à l'autre sans se soucier de l'heure. Nonobstant, si suite il y a, cette dernière devra davantage se pencher sur son scénario, ses dialogues et ses personnages. Pour l'heure, nous n'en sommes pas encore là et il ne tient qu'à vous de vous plonger dans un monde admirablement dépeint afin de découvrir ce qui se cache derrière le miroir...
- Graphismes17/20
On distinguera ici deux choses. D'un côté les cinématiques à l'animation rudimentaire et au design relativement disgracieux et de l'autre les somptueux décors peints à la main, extrêmement détaillés et forçant le respect à plus d'un titre. Au final, l'aspect graphique de Sadwick doit énormément au travail d'artistes talentueux même si on pourra lui reprocher une intégration de personnages moins réussie que dans les Runaway et une unique résolution peu élevée.
- Jouabilité16/20
Terriblement classique, la jouabilité des Chroniques de Sadwick n'en reste pas moins très bonne. Le clic gauche prolongé sur l'objet désiré pour avoir la liste des possibilités offertes fait gagner du temps et hormis quelques déplacements relativement lents, à cause de ce boulet de Spot, on navigue tranquillement et sereinement à l'intérieur des écrans de jeu. Notons tout de même plusieurs "Retours Windows" vraiment agaçants.
- Durée de vie13/20
La plupart des énigmes sont logiques et basées sur une recherche d'items à associer. Exception faite de quelques objets parfois difficiles à déceler, vous devriez avancer sans trop de heurts. Il est toutefois regrettable qu'il n'y ait pas un petit système d'aide et qu'on nous oblige très souvent à faire d'incessants allers-retours entre les divers écrans de chacun des quatre chapitres de l'aventure. En somme, comptez sur une bonne dizaine d'heures pour en faire le tour. Faites également très attention aux artworks qui se débloqueront avoir bouclé chaque chapitre. En effet, il s'avère que les développeurs les ont maladroitement placé, ce qui nous donne dès la fin du Chapitre II un indice crucial sur la conclusion de l'aventure. Bravo pour le spoiler !
- Bande son14/20
Les musiques, principalement composées de longues plages de calme parsemées de langoureuses notes de piano, dispensent une atmosphère reposante à l'aventure. Légèrement trop homogène mais s'inscrivant parfaitement dans l'ambiance de ce point & click, elles assurent un contre-poids au côté décalé de la plupart des voix. A ce sujet, si l'ensemble des doubleurs français sont dans le ton, la voix de Sadwick ne correspond pas du tout à son homologue anglo-saxon. Trop monocorde, détachée, la prestation du doubleur ne parvient pas à convaincre et on a bien du mal à ressentir de l'empathie pour le pauvre petit clown. Dommage d'autant que le doublage anglais était, lui, impeccable. Enfin, précisions que les sous-titres comportent plusieurs coquilles.
- Scénario13/20
Il est regrettable que le titre pèche à ce niveau. Moyennement drôle, des personnages souvent effacés, des dialogues manquant un peu de peps, une histoire peu originale, Sadwick ne manque pas de tares narratives. Pour autant, on se laisse porter par l'aventure, notamment grâce au côté candide et naïf de Sadwick évoquant par moments Guybrush Threepwood et George Stobbart.
S'inscrivant dans un revival fort appréciable de point & click 2D, n'en déplaise à Charles Cécile, Les Chroniques de Sadwick remplit son office grâce son admirable patte artistique. Beau comme un camion et profitant d'un gameplay classique mais efficace, le jeu n'en reste pas moins un peu décevant. En effet, entre un scénario guère original et des dialogues parfois trop longs et manquant singulièrement de peps, on peine un peu à trépigner derrière son écran. Cependant, il serait dommage de se priver de ce jeu d'aventure d'autant que grâce à une difficulté bien gérée, des énigmes logiques et le côté décalé de l'oeuvre, il y a fort à parier que les heures passées en compagnie de Sadwick vous laissent un agréable souvenir.