Difficile d'expliquer précisément ce qui rendait King's Bounty : The Legend si addictif, mais une chose est sûre : ce fut l'une des excellentes surprises de l'année 2008. Certains inconditionnels de la série des Heroes of Might & Magic ont été un peu déboussolés par certains aspects du gameplay : le jeu ne leur laissait pas le choix d'une faction, ne leur permettait pas de gérer une ville, adoptait un système de temps réel sur la carte principale et les contraignait à incarner le seul et même unique héros du début à la fin. Mais il faut se rappeler une chose : bien que considéré à juste titre comme le précurseur des HoMM, le King's Bounty original tenait plus du jeu de rôle tactique que du jeu de stratégie/gestion. L'équipe russe de Katauri Interactive a tout simplement décidé de conserver ce parti pris, que l'on retrouve dans l'absence de mode skirmish, de multijoueur et d'éditeur de maps.

Malgré tout, à l'annonce de son extension stand-alone sous-titrée Armored Princess, certains comptaient sur l'apparition de nouveaux modes de jeu pour varier les plaisirs. Ce n'est pas le cas : vous n'avez droit qu'à une nouvelle campagne, un peu moins longue que celle du jeu de base et dont le potentiel de rejouabilité semble moins garanti (nous y reviendrons). Il serait toutefois injuste de considérer qu'il s'agit d'un de ces add-on opportunistes produits à la va-vite ; c'est même tout le contraire ! Les développeurs ont juste préféré prolonger l'expérience originale en enrichissant le solo plutôt qu'en se lançant dans le développement de modes de jeu alternatifs susceptibles de dénaturer le concept. Le résultat fourni témoigne d'un énorme travail d'amélioration qui prend la forme de retouches, de contenu supplémentaire et de nouvelles fonctionnalités.

La nouvelle campagne vous met cette fois dans la peau d'Amélie : la petite princesse blonde qui trônait aux côtés du roi Marc dans le jeu d'origine est devenue une guerrière brune (!) aussi courageuse que talentueuse. Et de la détermination, la demoiselle en a bien besoin depuis que Kronberg est assailli par une horde de créatures infernales menées par l'Archidémon Baal. Seul Bill Gilbert, le mentor d'Amélie, est capable de sauver à nouveau le royaume de Darion : n'a-t-il pas déjà repoussé une telle invasion par le passé ? Hélas, ce héros a quitté depuis longtemps les terres d'Endoria pour rejoindre celles de Teana. La princesse doit pourtant le retrouver au plus vite. Le mage Shivarius suspend donc le temps pour permettre à Amélie de mener à bien sa mission. Une mission qui ne se déroulera pas tout à fait comme prévu.

Toujours aussi solide, le scénario de Armored Princess vous transporte donc dans une zone de jeu inédite, constituée d'un chapelet de petites îles aux paysages variés. Vous y croiserez de nouveaux PNJ et de nouveaux monstres (droïdes, hommes-lézards...), y trouverez de multiples occasions de quêtes (pour certaines toujours aussi délicieusement décalées) et comme nous l'évoquions plus haut, votre mission principale ne tardera pas à prendre un tournant plutôt inattendu : Amélie va vite se retrouver au coeur d'une prophétie qui l'encouragera à retrouver les huit Pierres des Dieux disséminées aux quatre coins de Teana. Certaines lui seront remises contre service, mais la plupart du temps, il lui faudra venir à bout d'un boss redoutable (un mécha contrôlé par des gnomes, un crapaud géant, un homme-lézard...) pour pouvoir s'en emparer.

En marge de cette nouvelle campagne, King's Bounty : Armored Princess s'enrichit de nombreux ajouts, notamment en termes d'évolution du personnage. Si les trois classes proposées (guerrier, paladin ou mage) restent les mêmes, les arbres de compétences se sont pour leur part bien étoffés. Sachez que vous évoluez plus vite, puisque la progression s'étale désormais sur une cinquantaine de niveaux. Un regret tout de même, il n'est plus possible de choisir quelle capacité augmenter lors d'un gain de niveau : votre héroïne se voit automatiquement octroyer des points de commandement. Autre nouveauté : les « médailles », qui permettent d'obtenir des bonus en fonction de vos accomplissements (remporter tant de combats sans perte, découvrir tant de coffres au trésor, etc.). Des compagnons, susceptibles de vous procurer divers avantages, font également leur apparition.

Qui plus est, en lieu et place des quatre Esprits Enragés du jeu de base, Amélie se voit attribuer un familier-dragon (à choisir parmi sept), qui évolue en même temps qu'elle. Il se limite à engloutir des pommes au bord du champ de bataille, jusqu'à ce que vous fassiez appel à lui une fois votre jauge de rage bien remplie. Ses compétences lui permettent de causer de gros dégâts, de créer un mur pour gêner les troupes ennemies, ou encore d'invoquer une nouvelle unité à partir d'un oeuf ! Même si dans le fond, on préférait sans doute la gestion des Esprits Enragés (qui donnait lieu à des quêtes sympas), on ne peut qu'apprécier chaque intervention de ce dragonnet à l'animation trognon !Sachez aussi qu'à haut niveau, Amélie peut chevaucher un pégase pour survoler la carte du monde. Et dans les donjons, madame descend désormais de monture, comme il se doit pour une princesse !

Pour voguer d'île en île, un système de navigation par cartes maritimes fait son apparition ; il vous permet de débloquer peu à peu les différentes zones de jeu. Cela ne suffit pas à masquer la linéarité prononcée de cette extension. Malgré votre apparente liberté d'action, il vous faut explorer les îles une par une pour pouvoir progresser. Les cartes de navigation sont de toute façon gardées par des monstres puissants, qui reflètent ce que vous rencontrerez dans l'île concernée. Dans l'ensemble, la difficulté est plus punitive que dans le jeu d'origine. Les spawns d'ennemis trop puissants, qui contraignent à recharger la partie, sont fréquents. Restent deux nouveautés bienvenues : la possibilité de mettre des troupes en réserve pour pallier des pertes sans se farcir un fastidieux aller-retour, ainsi que celle de laisser fuir un ennemi trop faible pour s'épargner un combat inutile.

King's Bounty : Armored Princess n'est donc pas avare en nouvelles fonctionnalités, intégrées avec un remarquable équilibre dans un concept de base toujours aussi addictif. De son côté, la réalisation technique n'a rien perdu de son attrait. Les environnements sont plus fins, plus détaillés et plus colorés que jamais ; l'interface est d'une impeccable propreté. Seuls deux défauts hérités de The Legend viennent ternir légèrement ce très bel ensemble. D'une part, la bande-son se montre toujours aussi répétitive, même si les thèmes musicaux de cette extension ont le mérite d'être un peu moins assommants. D'autre part, si les coquilles syntaxiques semblent avoir déserté les nombreux textes du jeu, les erreurs orthographiques sont encore trop fréquentes pour ne pas être mentionnées dans cet article. Rien de grave, mais avec un titre de ce calibre, on est plus exigeant !