Après avoir brouillé notre perception de l'espace avec Echochrome, Sony s'attaque à celle du temps dans Echoshift sur PSP. Ce casse-tête ingénieux mais moins innovant que son prédécesseur ne risque-t-il pas de souffrir de la comparaison avec Braid, Ratchet & Clank : A Crack in Time et autres Mésaventures de P. B. Winterbottom, plus ou moins basés sur le même principe ?
Elu dans nos colonnes « jeu le plus révolutionnaire de l'année 2008 », Echochrome proposait un gameplay inédit, qui n'impliquait aucun bouton mais consistait seulement à bouger la caméra pour trouver la perspective permettant de progresser. Ce concept avait été inventé par Jun Fujiki, un jeune chercheur japonais, et développé par SCE Japan Studio. Cette fois, c'est l'équipe de Artoon qui a été chargée de concevoir Echoshift. Au niveau formel, le titre reprend les grandes lignes d'Echochrome : design épuré en noir et blanc rehaussé de quelques touches de couleur, retour du petit bonhomme O'Cedar visiblement ravi de sa précédente apparition, musique jazzy de circonstance, menus minimalistes immaculés... Rien ne manque à l'appel. Mais ça s'arrête là, parce qu'en termes de gameplay, Echoshift n'a pas grand-chose à voir avec son devancier.
Le concept se montre cette fois moins ambitieux et plus classique. L'objectif est de guider un petit personnage nommé Echo, que vous contrôlez à la croix directionnelle, jusqu'à la porte de sortie. Chaque niveau est truffé de difficultés de toutes sortes : plates-formes mobiles, tremplins, pièges, mécanismes reliés à des interrupteurs de même couleur, etc. Pour ne rien arranger, vous devez lutter contre le chronomètre, sachant que le temps imparti est systématiquement insuffisant pour vous permettre de franchir tous les obstacles et de rallier la sortie. Mais pas d'inquiétude, car la fin du compte à rebours n'est pas synonyme de game over : l'action se fige, se rembobine et vous ramène au début du niveau. Sauf que cette fois, vous agissez de concert avec votre « moi passé », qui réalise sous sa forme fantomatique les mêmes gestes que précédemment. Il suffit alors d'un minimum de synchronisation transtemporelle pour que l'un ouvre la voie à l'autre. Fort de ce soutien, vous pouvez espérer atteindre la porte de sortie dans les délais. Et au besoin, il vous suffira de revenir une nouvelle fois en arrière pour bénéficier de l'aide d'un troisième Echo, l'objectif étant d'en utiliser le moins possible pour obtenir le plus possible d'étoiles, qui symbolisent votre degré de réussite.
Le principe d'Echoshift réside donc dans une coopération avec soi-même à travers le temps pour accomplir des tâches dont il est impossible de s'acquitter seul. Cela semblera original aux uns, mais déjà vu pour ceux qui ont joué à Braid, au dernier Ratchet & Clank ou aux récentes Mésaventures de P. B. Winterbottom. Jusque-là, ce n'est pas très grave, sauf si l'on considère que dans les jeux pré-cités, la fonctionnalité de retour dans le temps prenait une forme bien plus souple et bien plus dynamique : vous pouviez à n'importe quel moment, d'une simple pression sur un bouton, remonter le temps pour agir aux côtés de votre double passé. Ici, il faut attendre que le compte à rebours arrive à son terme et en passer systématiquement par un rebobinage complet du niveau suivi d'un écran de chargement. Cette mise en oeuvre rigide vous condamne à anticiper, souvent à l'excès, la résolution de puzzles très linéaires, sans vous donner la possibilité de tâtonner : si un des Echos se trompe, son intervention est ratée et il vous faut alors vous reporter au suivant. Echochrome faisait constamment appel à l'astuce et à l'inventivité du joueur. Dans Echoshift, il est surtout question de planification rigoureuse, pas inintéressante en soi mais sans doute moins gratifiante.
Pour varier les puzzles et amener le gameplay à évoluer un peu, les concepteurs intègrent régulièrement quelques nouvelles idées (pièges mobiles, phases de QTE, interrupteurs aléatoires, minuteurs...), d'un intérêt pas franchement renversant. Les énigmes restent solides et bien pensées mais il leur manque la touche d'ingéniosité d'un Braid pour maintenir l'intérêt du joueur sur le long terme. C'est d'autant plus dommage que le challenge proposé, d'une difficulté progressive, est aussi bien étudié qu'il l'était dans Echochrome. A l'instar de ce dernier, Echoshift propose deux modes de jeu alternatifs : le mode Clé qui vous oblige à récupérer une clé avant d'ouvrir la porte et le mode Illusion qui vous permet d'arrêter le temps l'espace de quelques secondes (une fonctionnalité davantage vouée au scoring qu'à nuancer le gameplay). Ces deux variantes font davantage figure de gadget que celles d'Echochrome, qui proposait de surcroît 96 puzzles et un éditeur de niveaux là où Echoshift inclut seulement 56 casse-tête (ainsi que la possibilité d'en télécharger quelques autres sur le PSN). Le prix de vente a toutefois été revu en conséquence, une idée judicieuse pour un puzzle-game qui ne suscite somme toute qu'une curiosité polie.
- Graphismes11/20
Tout en adoptant une représentation latérale en 2D, Echoshift reprend le style minimaliste d'Echochrome, en l'occurrence moins justifié. Les graphismes fil de fer en noir et blanc sont toutefois égayés de quelques touches de couleurs qui sont parties intégrantes des énigmes. La lisibilité de l'ensemble est au-delà de tout reproche, et c'est bien là l'essentiel.
- Jouabilité13/20
La prise en main, rapide, est étayée par de petites séquences explicatives qui permettent d'assimiler rapidement chaque évolution du gameplay. Dommage que la rigidité des mécaniques de jeu rendent l'expérience bien moins exaltante que dans un Braid. Reste que les énigmes sont bien étudiées et la difficulté bien dosée.
- Durée de vie12/20
La longévité d'Echoshift s'appuie sur seulement 56 puzzles et deux modes alternatifs qui peinent à renouveler l'expérience de jeu. C'est un peu léger, mais convenable en regard du prix de vente.
- Bande son11/20
Moins classique, plus jazzy, mais surtout plus répétitive que celle d'Echochrome, la bande-son d'Echoshift apaisera les uns et agacera les autres. La voix féminine douce et suave, qui guide le joueur et commente ses exploits, se fait hélas peu entendre.
- Scénario/
Echoshift est un puzzle-game frais, intelligent et bien conçu qui souffre pourtant d'une double comparaison : avec Echochrome d'une part, dont il n'arrive pas à la cheville en termes d'originalité ; avec Braid de l'autre, à côté duquel il se montre fort rigide et bien moins inventif. Si l'expérience de jeu proposée est somme toute relativement quelconque, Echoshift peut heureusement compter sur ses énigmes solides et sa difficulté bien dosée pour espérer vous convaincre. Doté de seulement 56 puzzles et de deux modes de jeu alternatifs pas franchement exaltants, il a la bonne idée de se monnayer une vingtaine d'euros. A ce prix-là, vous ne risquez pas grand-chose.