"I am Alpha and Omega, the beginning and the end, the first and the last." C'est par ces mots tirés de la Bible que s'ouvre Xenogears, RPG sur PS1 développé par Squaresoft. Sorti en 1998 au Japon et aux États-Unis, il restera inaccessible en Europe. Précurseur de la série Xenosaga, il est aujourd'hui considéré par de nombreux joueurs comme l'un des plus grands RPG. Plusieurs le jugent même comme étant celui qui possède le scénario le plus recherché et le plus complexe. Quelles sont donc les raisons d'une telle renommée ? Réponse dans ce test.
Tout d'abord, un peu d'histoire. Tetsuya Takahashi est un créateur de jeux travaillant pour le compte de Squaresoft entre 1990 et 1999. Il a participé au développement de plusieurs titres qui connurent un grand succès, notamment Chrono Triggers, Secret of Mana et les Final Fantasy 4 à 6. Par la suite il décida de créer, avec sa femme Soraya Saga, sa propre série de RPG : un space opera (chose rare dans le genre) au scénario original et complexe. D'abord prévu pour tenir sur 6 jeux, il dut se limiter à un seul suite aux réticences de Squaresoft, peu intéressé par le projet. C'est ainsi que Xenogears est né, Takahashi en étant le réalisateur et le scénariste.
Le jeu s'ouvre sur une cinématique mêlant habilement animation japonaise et images de synthèse. Aucune explication n'est donnée quant aux événements qui se déroulent, nous laissant par conséquent avec de nombreuses questions qui ne trouveront leur sens qu'après quelque 45 heures de jeu. L'histoire vous met dans la peau de Fei, un jeune homme de 18 ans amnésique depuis 3 ans. A la suite d'un accident qui détruisit son village, il se retrouve projeté dans un monde déchiré par une guerre, où il devra chercher ses origines. Plusieurs personnes l'aideront, comme Bart, un jeune pirate, et Elly, un soldat venu d'une nation dans le ciel nommée Solaris. Bien que le début puisse sembler classique, le scénario prend rapidement ses marques, livrant une aventure épique aux nombreuses références religieuses, philosophiques, littéraires, cinématographiques... Au fur et à mesure de son déroulement, l'histoire gagne en complexité et s'intensifie grâce à différentes situations apparemment sans lien. Qui est réellement Fei ? Qui est cet homme nommé Lacan qu'il voit en rêve ? Quel est le sens de cette guerre ? Quels secrets cache donc Solaris ?
Tout cela donnera lieu à une conclusion apocalyptique, pour le moins étonnante et réellement spectaculaire, remettant en cause tout ce qu'on pouvait croire. Celle-ci répond de manière originale à des questions telles que l'origine de la vie ou l'existence de Dieu. Les protagonistes sont pour la plupart charismatiques et possèdent une psychologie extrêmement travaillée, que ce soient les personnages principaux (tels que Fei et ses nombreuses facettes, ou Krellian et ses ambitions dévorantes), ou qu'il s'agisse de simples seconds rôles (le père de Billy en est un très bon exemple). Pour faire bref, le scénario de Xenogears est clairement son point fort, et constitue sans aucun doute l'un des plus complexes et travaillés dans un RPG. Selon les fans du jeu, il reste encore inégalé à ce jour.
Néanmoins, le jeu possède aussi beaucoup d'autres qualités. Les graphismes, bien qu'assez datés, restent agréables. Le gameplay est également très complet. Xenogears possède deux systèmes de combat : à pied et en Gears. Les combats à pied sont basés sur des combos à effectuer à l'aide de trois touches de la manette, pouvant déclencher un coup spécial nommé Deathblow. Quant aux combats en Gears, il sont assez similaires si ce n'est qu'on fait des coups uniques tout en gérant le fuel de la machine. Le seul moyen d'augmenter le nombre de coups en Gears est de débloquer de nouveaux Deathblow pour les personnages. Il est d'ailleurs possible d'équiper ses Gears pour les rendre plus puissants et ainsi augmenter les niveaux de fuel et de points de vie (le niveau des personnages n'affectant pas la puissance des Gears). On peut également faire des sauts, ce qui donne lieu à quelques phases de plates-formes. Le jeu est long, entre 50 et 60h. Il est assez simple, seuls certains boss risquent de vous poser problème (comme le boss de fin). Quant aux musiques de Yasunori Mitsuda (Chrono Triggers, Shadow Hearts), elles sont de toute beauté et participent vraiment au plaisir procuré (le générique de fin, Small Two of Pieces, constitue d'ailleurs la pièce maîtresse de cette bande-son).
En dépit de ces louanges, Xenogears présente aussi quelques défauts, et pas des moindres. Ainsi, la gestion des menus n'est pas toujours très claire. Certaines phases de plates-formes sont chaotiques (en particulier la Tour de Babel). On passe plus de temps à regarder des cinématiques (durant parfois plus de 30 minutes) qu'à jouer. Les combats en Gears sont imposés vers la fin (excepté pour une des quêtes annexes). Pour finir, on ne débloque la carte du monde que lors du dernier donjon. Mais le plus gros souci vient du deuxième CD. Comme Squaresoft était en train de développer Final Fantasy 8 au même moment, il fut alloué un faible budget à Xenogears. Cette somme étant dépassée à la fin du CD 1, les développeurs furent contraints de finir rapidement le second, nous livrant ainsi une deuxième partie manquant de plusieurs éléments (il ne reste que 2 quêtes annexes, dont l'une apporte néanmoins un complément scénaristique non négligeable).
Malgré tout, ces défauts sont vite éclipsés par le scénario grandiose et les sublimes musiques, nous laissant avec un chef-d'oeuvre, certes imparfait techniquement mais terriblement prenant. Xenogears est un jeu que tout fan de RPG se doit d'essayer, ne serait-ce que pour son histoire qui reste aujourd'hui encore inégalée.
- Graphismes16/20
Bien qu'assez datés, même pour l'époque, les graphismes restent agréables. Les sprites, en particulier, sont très détaillés, et certains décors sont magnifiques. On regrette juste la présence de quelques zooms mettant en exergue les pixels, et les menus très sombres.
- Jouabilité17/20
Les deux systèmes de combat, étroitement liés, sont originaux et intéressants. Dommage qu'à la fin du jeu on n'ait plus la possibilité d'avancer autrement que par des combats de Gears. Dans l'ensemble le soft est simple, seuls quelques boss requièrent une certaine stratégie. Les phases de plates-formes ne sont cependant pas toujours évidentes, elles restent heureusement assez rares.
- Durée de vie18/20
Il vous faudra une cinquantaine d'heures minimum avant de voir le bout de l'aventure. Le CD 2 est cependant surtout constitué de cinématiques, ce qui casse un peu le rythme. Il n'y a que 2 quêtes annexe à la fin, et les mini-jeux risquent de ne pas vous tenir en haleine très longtemps. La durée de vie reste tout de même conséquente.
- Bande son19/20
C'est le point fort du jeu, avec son scénario. Yasunori Mitsuda nous livre des morceaux de toute beauté. Certains thèmes sont magnifiques, et le générique de fin restera dans les annales du RPG.
- Scénario19/20
Avec son histoire chargée de références dans plusieurs domaines, ses réflexions philosophiques, sa complexité et ses personnages à la psychologie fort intéressante, Tetsuya Takahashi nous livre certainement le plus grand scénario dans l'histoire du RPG, voire du jeu vidéo pour certains. Bien que l'histoire possède un rythme lent au départ, il s'accroît par la suite lorsqu'on atteint le CD 2.
Malgré ses défauts, Xenogears est parvenu à se frayer un chemin dans le panthéon du jeu de rôle. Possédant deux systèmes de combat intéressants, une bande-son superbe et un scénario culte, c'est un titre qu'il convient absolument de parcourir si l'on est un fan de RPG ou de bonnes histoires.