Imaginez que vous vous réveilliez dans un asile psychiatrique, entouré de fous en train de hurler et de se fracasser la tête contre le mur. Imaginez ne pas savoir pourquoi vous vous trouvez là, ou pire, ne pas vous en rappeler. Même votre propre identité vous échappe ; tout ce qu'il vous reste, ce sont les bandages qui couvrent votre figure et les flash-back chimériques qui hantent votre esprit. Qui êtes-vous ? Pourquoi êtes-vous enfermé là ? Êtes-vous vraiment devenu fou ?
Bien que le début de l'histoire sente un peu le réchauffé, il en est tout à fait autrement pour son déroulement qui est tout sauf prévisible. Le héros, dont le nom ne vous sera révélé que plus tard dans le jeu, se retrouve dans un hôpital psychiatrique dénué de tout souvenir. L'asile ressemble à une sorte de purgatoire, sale, délabré et parsemé de taches de sang, et se présente sous la forme d'une tour bordée de quelques balcons. Vous êtes seul, piégé dans un cauchemar sans fin, et vous devez vous efforcer de recouvrer votre mémoire... et avec elle, la vérité sur ce qui vous est arrivé. Après quelques déboires, vous parvenez à vous échapper de la tour, une statue d'ange vous enveloppe de ses ailes et vous emmène au chapitre suivant de votre étrange périple. Là, c'est une ville fantôme qui vous attend, dépeuplée de tout adulte et n'accueillant qu'un groupe d'enfants, tous horriblement défigurés.
Vous l'aurez deviné, votre épopée ne sera ni facile, ni amusante, et les défis qui vous attendent n'en seront que plus éprouvants. Il ne s'agit pas là d'une aventure qui se déroule dans le monde physique, mais d'une expédition dans les méandres d'une conscience emplie de folie, de colère et de terreur. Au fur et à mesure de votre progression, même votre propre apparence est altérée, et vous dirigerez entre autres une sorte de cyclope ou un dieu aztèque. Quelle est la part du rêve et quelle est la part de réalité ? Heureusement, avec un peu d'astuce, il vous sera facile de faire la différence entre les deux. Chaque personnage, qu'il soit réel ou imaginaire, dévoilera une partie de votre passé et vous permettra de mieux comprendre ce qui vous est arrivé. L'histoire, elle-même divisée en plusieurs scénarios secondaires, est complexe et recherchée, et c'est à vous qu'il incombe de découvrir l'horrible vérité sur votre passé.
Le jeu affiche une 3D isométrique aux graphismes corrects pour l'époque. Ils remplissaient parfaitement leur rôle, c'est-à-dire afficher une grande variété de lieux différents et les détails macabres qui les composent. Les personnages sont bien dessinés mais restent néanmoins assez pixellisés et manquent de finesse selon les critères d'aujourd'hui. Notons également que certains objets nécessaires à la progression sont parfois assez difficiles à déceler dans le décor. Cependant, Sanitarium propose des environnements que l'on peut aisément considérer comme les plus marquants qu'il nous ait été donné de voir dans un jeu vidéo, et arbore des scènes cinématiques d'assez bonne facture, même pour notre époque.
La jouabilité, quant à elle, diffère de celle de la majorité des point & click : il faut en effet maintenir le bouton droit de la souris puis la mouvoir dans une direction pour que son personnage s'y rende. Le bouton gauche permet d'ouvrir l'inventaire ou d'interagir avec l'environnement, bien qu'il faille souvent d'abord examiner la personne ou l'objet en question. Les énigmes sont majoritairement basées sur l'utilisation d'objets de l'inventaire, ou tout simplement sur la logique, et ne frustreront que rarement le joueur : celui-ci ne sera pas souvent bloqué mais l'aventure qui l'attend ne cède pas pour autant aux sirènes de la facilité. La bande-son est elle aussi de très bonne facture et s'adapte parfaitement à l'ambiance des différents lieux, renforçant ainsi l'immersion.
En conclusion, Sanitarium s'impose en tant qu'incontournable pour les amateurs de jeux d'aventure, en particulier ceux ayant un goût prononcé pour le fantastique. L'horreur qui empreigne le titre est davantage psychologique, et pénètre l'esprit du joueur pour le marquer de manière inoubliable. En dépit de ses graphismes aujourd'hui désuets, ses temps de chargement prolongés et son interface peu intuitive, Sanitarium est une aventure incroyable qui vous garantira de nombreuses heures de bonheur vidéoludique. À titre informatif, le jeu est à présent disponible gratuitement en abandonware sur la toile, et le joueur désireux de se le procurer pourra donc le faire en toute légalité.
- Graphismes15/20
Le jeu fait preuve d'un design soigné, les graphismes trahissent leur âge mais restent de manière générale assez agréables à l'œil. On remarquera tout de même quelques problèmes au niveau du repérage de certains objets.
- Jouabilité15/20
Tranchant avec la jouabilité typique du genre, elle peut dérouter les habitués au début mais on s'y adapte assez rapidement. Assez simpliste, elle peut cependant gêner pendant les rares séquences d'action du titre.
- Durée de vie17/20
Comptez environ une bonne vingtaine d'heures pour en faire le tour une première fois, et il est probable que vous y retourniez afin d'éclairer certains passages qui prendront dès lors tout leur sens.
- Bande son17/20
Les musiques et bruitages vous plongent directement dans l'ambiance sordide du titre. Notez aussi que les doublages français sont de très bonne facture.
- Scénario18/20
Gros point fort du jeu, le scénario grandiose de Sanitarium brille de par son intrigue et son développement. Plongée en enfer psychologique, il aborde des thèmes obscurs et matures tels que la mort, la rédemption et le deuil, et ne laissera pas le joueur indemne. Attendez-vous à découvrir un dénouement complétement inattendu qui vous poussera certainement à recommencer l'aventure une seconde fois.
Sanitarium n'est certes pas parfait, cependant, son ambiance glauque et son histoire unique en font un titre phare et le hissent parmi les meilleurs titres du genre. Sanitarium ne se joue pas, il se vit.