Si Capcom est connu aujourd'hui pour les séries Street Fighter, Mega Man, Resident Evil ou encore Breath Of Fire, il ne faut pas oublier que la société japonaise avait déjà réussi quelques coups d'éclats dans les salles d'arcade au milieu des années 80. Outre le fameux 1942, Capcom a su créer en 1985 un titre qui devint un genre à part entière, maintes fois copié dans les années qui suivirent. Ce jeu s'appelle Commando.
Comme beaucoup de oldies, difficile de parler de Commando sans évoquer la situation de l'époque. Tout d'abord, même s'il est sorti la même année, le jeu n'a aucun rapport avec le film du même nom, bien qu'en y réfléchissant, les deux ont pour sujet l'opposition d'un homme contre une armée toute entière, dans un contexte de guerre. Le jeu de Capcom est un jeu de tir en scrolling vertical où l'on devra donc avancer, que dis-je, naviguer entre les balles jusqu'à la fin du niveau. Pour cela, vous disposez d'un arsenal complètement insensé constitué d'une mitraillette, de grenades et de… Et bien en fait, c'est tout ce que vous aurez pour vous défaire des centaines, voire des milliers d'hommes que s'opposeront à vous. Explications.
Commando est à la fois le prototype et l'archétype du genre run & gun. On n'a absolument aucun moyen de se couvrir, de se cacher ou d'attendre que les choses se tassent. Les ennemis fondent sur nous comme un aigle sur leur proie et ils sont tellement nombreux qu'on finit vite par paniquer et tirer dans tous les sens. Si jamais on essaie de s'arrêter pour en ajuster un, notre espérance de vie passe en dessous de la seconde tant on devient une cible facile pour leurs tirs précis. Il faut donc veiller à être en mouvement de façon constante, sans pour autant foncer n'importe où. Vous l'aurez compris, Commando fait partie de ces jeux qui sont d'une difficulté extrême, où seuls les joueurs les plus aguerris et les plus patients parviendront à ne pas exploser leur clavier à coups de joystick. A ce sujet, le jeu pouvait se jouer de deux manières (joystick et clavier donc). Seul petit problème, lorsqu'on optait pour le jeu au joystick, il fallait quand même utiliser la barre espace pour jeter les grenades. Tout sauf pratique, à moins de s'appeler Goro. En revanche, au clavier, la maniabilité était impeccable.
C'est d'ailleurs cette jouabilité qui fait de Commando une franche réussite. Joseph Gibson, alias Super Joe (le protagoniste que l'on incarne) est particulièrement rapide. Non seulement il se déplace vite, mais il peut tirer en rafale dans 12 directions différentes. Oui, vous avez bien lu, 12 directions et non pas 8, car il y a deux stades pour chaque diagonale. Si cela peut paraître anecdotique, c'est pourtant un élément extrêmement important du gameplay du jeu de Capcom. Effectivement, les ennemis pouvant arriver d'à peu près n'importe quelle direction, vous devrez souvent jongler entre ces diagonales pour réussir à tuer plusieurs ennemis en même temps. La cadence de tir est rapide et il est jouissif de mitrailler une zone et de tuer une dizaine d'ennemis en moins de deux secondes. On ne peut pas vraiment dire la même chose concernant les grenades, qui se lancent uniquement vers l'avant quelle que soit votre déplacement. Il faut donc être parfaitement bien placé pour atteindre sa cible, pas simple dans un jeu où on est constamment en mouvement, d'autant que ces grenades sont en nombre limité. Néanmoins, ces dernières peuvent s'avérer très pratiques, voire indispensables comme on le verra plus tard.
Côté ennemis, on s'extasiera de voir qu'ils sont ici bien plus intelligents que les trois quarts des jeux du genre de l'époque. Tout d'abord, certains savent rester à couvert ! Il n'est pas rare de se faire tirer dessus par un soldat derrière un rocher. Le plus surprenant est que si on fait le tour, le soldat ennemi ne reste pas bêtement dans sa position, mais tentera de s'échapper ! Incroyable pour un jeu de 1985. Ils peuvent aussi utiliser des grenades avec une précision chirurgicale, se cacher dans des tranchées ou des bunkers et même utiliser des mortiers ou des bazookas. De plus, ils ont tendance à fonctionner par groupes pour mieux vous piéger. Chaque fois que l'on passe une des nombreuses zones à risques que constitue chaque niveau, on ressent un peu de joie intérieure. On peut aussi noter que les ennemis peuvent utiliser des véhicules comme des motos, des camions, ou des jeeps. Déjà que cela paraît difficile, sachez que leurs balles sont de plus en plus nombreuses et rapides au fil des niveaux. Alors que dans le premier niveau le joueur est plus rapide que les tirs adverses, la tendance change dès le niveau 3, nous obligeant à slalomer entre les balles.
Mais nous n'avons pas encore parlé de l'élément de gameplay le plus marquant de Commando, les portes rouges. Effectivement, à chaque fin de niveau, on se retrouve face à une immense barricade. Lorsque les portes s'ouvrent, un flot d'innombrables soldats nous assaille ! Il en sort bien une quarantaine en quelques secondes et les contrôler peut de prime abord sembler impossible, d'autant que d'autres ennemis peuvent débarquer des côtés. C'est ici que les grenades deviennent indispensables, car leur rayon d'action permet de faire le ménage en tuant quatre ou cinq ennemis à la fois. Ces portes rouges sont de grands moments de tension qui mettront vos nerfs à rude épreuve. Du coup, réussir à les passer devient vite un exploit, de ceux qui nous font lever le poing de fierté. En y réfléchissant bien, elles font parfaitement office de boss dans un jeu qui en est dépourvu, sans pour autant casser avec le cadre du jeu de guerre.
Commando est donc un excellent jeu, où il est pratiquement plus important d'esquiver les ennemis que d'essayer de les tuer. Mais il comporte tout de même quelques défauts. Tout d'abord, même si les graphismes sont suffisants pour un jeu de 1985, il faut reconnaître que l'aspect uniforme du sol vert fait un peu vide. De plus, le jeu se met à ramer quand beaucoup d'ennemis se retrouvent à l'écran, ce qui est le cas dans à peu près 99% du temps. Le pire c'est que quand on traverse une route (la seule fois où on ne marche pas sur un sol vert), le jeu subit de sévères ralentissements et tous les sprites se mettent à clignoter. Mais le défaut majoritaire est plutôt sa difficulté excessive. Si les premiers niveaux sont certes ardus mais pas décourageants pour autant, cela ce gâte dès le niveau 5. Les balles ennemies deviennent tellement rapides qu'elles sont pratiquement inévitables dans certains cas. De plus, il arrive très souvent que l'on soit poursuivi par 3-4 ennemis qui nous mitraillent sans cesse alors qu'il est impossible de se retourner pour les tuer sans se faire allumer. Les niveaux qui suivent deviennent vite quasi impossibles, la vitesse des balles augmentant à nouveau. Même si le jeu n'a de toute façon pas de fin, les neuf niveaux du jeu se répétant inlassablement, avec une difficulté exponentielle, il n'aurait pas été de trop que le joueur lambda ne disposant pas de réflexes surhumains puisse aller plus loin que les premiers levels, au moins grâce à un système de continue. Au final, malgré ses défauts, Commando mérite de ne pas tomber dans l'oubli tant il aura apporté au jeu vidéo, et même s'il aura coûté quelques joysticks/claviers aux plus nerveux, il est à essayer dès que possible.
- Graphismes11/20
Si les décors sont sans doute excessivement épurés, c'est bien pour permettre à la machine d'afficher la tonne de sprites qui peut abonder à l'écran. Les tranchées, baraquements, bunkers et les véhicules sont toutefois très bien représentés pour l'époque. Par contre, pourquoi s'être obstiné à faire des routes alors que celles-ci sont mal faites, en plus de causer de violents ralentissements et clignotements ? Heureusement, vous n'en croiserez pas souvent.
- Jouabilité14/20
La maniabilité et la cadence de tir de Super Joe ont fait le succès de Commando. Il y a un coup à prendre pour assimiler les 12 directions de tirs possibles, mais une fois ceci fait, c'est un véritable plaisir. Les soldats ennemis tombent sous nos balles par paquets de deux ou trois à une vitesse phénoménale, d'autant qu'ils arrivent d'à peu près partout. Par contre, la difficulté devient trop vite ingérable et on a l'impression d'être du gibier passé les cinq premiers niveaux. On aurait bien voulu pouvoir jeter les grenades dans plusieurs directions aussi, mais bon…
- Durée de vie16/20
Le jeu n'ayant pas de fin, seule votre lassitude pourra vous faire arrêter le jeu et elle risque de poindre vite tant vous mourrez souvent. Néanmoins, on est irrémédiablement attiré par une nouvelle partie, juste pour essayer de faire un meilleur score, ou pour réussir à faire quelques pas de plus avant de se faire trucider. Commando est en ce sens le jeu d'arcade par excellence.
- Bande son16/20
L'unique musique, œuvre de la compositrice Tamayo Kawamoto (Ghosts'n'Goblins), est tout simplement mythique. Elle démarre comme une très bonne musique de jeu d'action pour ensuite partir dans les aigus et plus tard encore, prendre un côté épique ! Le morceau est étonnamment long, du moins si vous vivez assez longtemps pour l'entendre en entier (l'arrangement de Rob Hubbard pour la version Commodore 64 est très connu aussi). Dommage que ce soit la seule musique qui accompagnera Super Joe, l'autre morceau du jeu étant la (très bonne) musique des high-scores. Les bruitages sont plutôt anecdotiques.
- Scénario/
Alors qu'une description indiquant qu'un petit bonhomme vert doit tuer plein de petits bonshommes bleus pourrait largement suffire pour expliquer à la fois le scénario et le gameplay, Commando recèle de multiples détails qui en font un jeu addictif, drôle et fascinant. Encore faudra-t-il apprendre à surmonter la difficulté extrême du jeu, la version Amstrad CPC étant de loin le portage le plus hard. Le titre de Capcom reste une icône du jeu d'action qu'il faut au moins avoir essayé une fois dans sa vie.