Ceville est un nouveau venu dans le petit monde des point'n click. Un titre que nous n'attendions pas forcément au tournant, mais qui se révèle pourtant très convaincant. L'école allemande du jeu d'aventure fait encore preuve de son immense talent.
Ceville (prononcez "Cévile"), en voilà un drôle de titre. Il s'agit en fait du nom du personnage principal, qui n'est autre que le tyran du royaume de Faeryanis (un univers de conte de fées). Enfin était, plutôt, car lorsque l'aventure commence, Ceville doit faire face à la révolte de son peuple. Il faut dire que la populace a des raisons d'être mécontente : en "bon" despote, le petit moustachu passait son temps à emprisonner, à torturer et à amasser des fortunes sur le dos des manants. Désormais acculé dans son château, Ceville doit échapper à la vindicte populaire, puis il fera tout pour retrouver le pouvoir usurpé par l'infâme Basilius. Pour cela, il peut compter sur l'aide de Lilly, une jeune fille naïve qui va l'accompagner pendant une bonne partie de son périple. En revanche, le paladin Ambrosius fait tout pour lui mettre des bâtons dans les roues. Le jeu alterne les séquences entre ces trois protagonistes, chacun ayant ses petites spécificités. Ceville peut compter sur l'aide de son sceptre, Lilly ne se sépare jamais de son lance-pierres, tandis que le paladin est évidemment équipé d'une épée tueuse de démons +3.
En plus de ces trois larrons, le titre de Realmforge propose une chouette galerie de personnages, comme le chef cuistot français, la Bonne Fée ou El Chollo, un escroc ambulant. Vous rencontrerez également quelques méchants issus d'autres jeux vidéo (Dungeon Keeper...), qui tentent vainement de se reconvertir en bons samaritains. Vous l'aurez compris, Ceville ne se prend pas au sérieux. L'humour est omniprésent, notamment dans les dialogues excellemment doublés (en anglais, mais des sous-titres français sont disponibles). Les possibilités de réponses sont nombreuses, c'est un régal de tester les différentes options, gentilles (Lilly) ou méchantes (Ceville). Les échanges entre ces deux derniers sont d'ailleurs particulièrement truculents. Le jeu repose beaucoup sur ce duo improbable, entre candeur et cynisme. De nombreux clins d'oeil sont glissés, ici à la littérature, là au cinéma... Quand le titre ne brise pas carrément le quatrième mur en avouant sa condition de simple logiciel de loisir. Bref, l'humour est omniprésent et fait toujours mouche. Chaque gag tombe juste, rien de lourd, tout est aérien.
L'humour ne repose pas uniquement sur les répliques des personnages, mais aussi et surtout sur les situations proposées, souvent rocambolesques. Le tyran devra ainsi se travestir en fée pour tenter de sortir de la ville. Plus tard, il lui faudra convaincre les différents membres du conseil de se rendre à une réunion, mais ce ne sera pas chose aisée : le représentant des elfes s'est attaché à un arbre, celui des génies est parti en vacances dans sa lampe... Quant à la porte-parole des héros, tout droit sortie d'un MMORPG, elle est coincée dans un jury de télé-réalité... Vous vous en doutez, résoudre ces problèmes passe par des énigmes. La plupart sont bien trouvées, avec un bon compromis entre logique et loufoquerie. S'évader de prison grâce à des poux ou saboter une machine à l'aide d'une souris sont quelques-unes des activités qui vous attendent dans Ceville. Le gameplay, bien huilé, se base sur la traditionnelle collecte/association d'objets. Tout cela fonctionne à merveille et, pris qu'on est par l'histoire, le jeu se boucle assez rapidement. C'est bien l'un des seuls reproches qu'on puisse lui faire d'ailleurs, avec quelques menus soucis graphiques (malgré une franche maîtrise artistique). A part ça, c'est un sans-faute, et Ceville est certainement le jeu d'aventure à acheter cet été.
- Graphismes14/20
Ce n'est pas par son aspect visuel que Ceville brille le plus. D'un point de vue purement technique, le moteur graphique possède en effet certaines faiblesses. Mais ces lacunes sont brillamment compensées par un design très inspiré, aussi bien en ce qui concerne les décors que les personnages. Au final, on retient surtout l'aspect mignon et coloré.
- Jouabilité16/20
Ceville applique parfaitement les mécanismes qui ont fait leurs preuves depuis que les jeux d'aventure graphiques et les souris existent. Sans réinventer la roue, le titre propose des énigmes parfaitement ficelées. L'alternance entre les trois personnages jouables ajoute un petit plus appréciable. Seul regret : les temps de chargements un peu longuets.
- Durée de vie13/20
L'aventure est un peu courte, d'autant que quand c'est aussi bon, on aimerait que ça dure plus longtemps. Il faut cependant garder à l'esprit que le titre ne coûte qu'une trentaine d'euros. Du coup, le prix de l'heure de jeu n'est pas si exorbitant.
- Bande son17/20
La musique est de bonne qualité, mais c'est surtout le doublage anglais qui force l'admiration, vu la quantité de dialogues. Chaque protagoniste est interprété avec une grande justesse par des comédiens totalement impliqués dans leurs rôles. Un enthousiasme qui fait plaisir à entendre et participe beaucoup à la réussite de l'ensemble.
- Scénario17/20
L'histoire de Ceville est un excellent prétexte pour égratigner gentiment tous les clichés de l'heroïc-fantasy, mais pas seulement. Le titre véhicule également quelques messages plus sérieux, comme la protection de l'environnement, sans jamais tomber dans le pathos. Le rire est toujours au rendez-vous grâce à des répliques truculentes bourrées de références.
Ceville est un peu le Jack Keane de 2009 : même pays d'origine, même design cartoon qui fait mouche, même humour plein de clins d'œil, même doublage anglais d'excellente facture... Et même note donc. Bref, le titre de Realforge Studios constitue une excellente surprise, pleine de fraîcheur. Un point'n click comme nous aimerions en voir plus souvent.