Il y a quatre ans, la jeune Mina était venue s'échouer sur une île jadis occupée par les personnages du roman de Jules Verne. Au terme d'une aventure un peu brève, elle avait fini par désactiver le bouclier qui protégeait l'île et à rejoindre l'hélicoptère venu la secourir. Mais à peine l'appareil a-t-il décollé qu'il s'écrase sur l'île, ramenant notre naufragée à son point de départ. Ce pitch capilotracté, qui ferait rougir Alien Resurrection, est celui de Retour sur l'Île Mystérieuse 2. La nouvelle aventure du studio Kheops sentirait-elle le réchauffé ?
Sachez, en préambule, que le jeu propose un résumé de l'épisode précédent à l'intention des nouveaux naufragés sur cette Île Mystérieuse chère à Jules Verne. Cela leur permettra de rattraper le cours des événements, bien que cette suite regorge de situations qui parleront davantage aux joueurs du premier épisode (ils ne feront même qu'une bouchée de certains puzzles familiers). L'unité de temps et de lieu ayant été conservée, une partie des environnements reste identique. Les développeurs de Kheops ont dû rivaliser d'astuce pour parvenir à dépayser à nouveau les habitués. D'une part, en leur permettant de découvrir des zones encore inexplorées de l'île ; d'autre part, en faisant évoluer le décor à la faveur d'une catastrophe écologique qui se met à affecter la végétation. Mina devra lutter contre cette détérioration pour sauver l'île et ses habitants et espérer rentrer chez elle.
La vraie nouveauté de Retour sur l'Île Mystérieuse 2 réside dans la possibilité d'incarner Jep, le compagnon de Mina, qui n'était pas jouable dans l'épisode précédent. Dès le début du jeu, on vous met sans attendre aux commandes de ce petit primate. Par la suite, vous pourrez contrôler Jep et Mina seuls ou ensemble. Au-delà de la relation encore plus touchante qu'elle suscite entre les deux personnages, cette nouveauté donne lieu à des énigmes fondées sur la collaboration. Jep peut en effet atteindre des endroits auxquels Mina ne peut accéder. A contrario, s'il profite du même inventaire qu'elle (c'est un peu illogique, surtout lorsqu'il se trouve à distance), il ne peut pas réaliser de combinaisons d'objets, fonctionnalité heureusement réservée à Mina. Mais la particularité la plus remarquable de Jep, c'est sa capacité à interagir avec les habitants de l'île ; une faune qu'il peut essayer d'impressionner (en se montrant menaçant), de corrompre (en donnant un objet) ou bien encore de séduire (en toilettant ses congénères).... Le système est suffisamment bien fichu pour que le jeu y recoure assez souvent. Déjà présent dans l'opus précédent, l'aspect survie se manifeste par l'intermédiaire d'une jauge d'énergie pour Mina et pour Jep. Se nourrir, se laver ou échanger des caresses permet aux deux protagonistes de se maintenir en forme, ce qui s'avère indispensable pour résoudre certaines énigmes.
A côté de ça, on retrouve l'esprit du précédent volet, avec un gameplay centré sur l'exploration et la résolution d'énigmes fondées sur les associations d'objets. Vous récupérez sur l'île tout un tas d'objets hétéroclites plus ou moins utiles, qui surchargent rapidement votre inventaire et donnent l'occasion à Mina de jouer les Mac Gyver en les assemblant. Le système de combinaison sous forme d'équation reste inchangé et c'est une bonne chose, car il permet de guider le joueur sans lui fournir la solution. Héritage des occupants précédents, l'île dispose également de quelques fabriques (four à chaux, scierie, atelier de poterie...) qui sont le support de certaines énigmes. Il faut avouer que l'aspect artisanat qui ressort de l'ensemble est tout de même un peu lourd à la longue, mais le jeu a au moins le mérite de vous épargner les puzzles hors de propos et la pléthore de dialogues typique du genre... Malgré la récurrence de certaines situations, les actions à accomplir sont logiques et non dénuées d'humour (jouer de la musique pour charmer un serpent, empêcher un singe cleptomane de faire les poches de l'héroïne...). Vous avez également droit à quelques mini-jeux à l'intérêt relatif (casser des noix, attraper des fourmis...) développés dans le cadre de la compatibilité du jeu avec l'iPhone : ces épreuves peuvent être téléchargées sur App Store puis résolues sur votre iPhone avant de se voir validées sur PC. C'est une fonctionnalité innovante mais un peu gadget tout de même, à l'image du service de chat en ligne intégré.
L'ensemble des mécanismes de jeu de Retour sur l'Île Mystérieuse 2 aurait donc tendance à en faire un point'n click original si sa réalisation ne l'inscrivait pas dans le plus grand classicisme. La jouabilité traditionnelle, avec un pointeur de souris qui change de forme en fonction du type d'interaction possible, s'accompagne de déplacements précalculés dans des environnements avec vue panoramique à 360°. On retrouve hélas les défauts inhérents aux précédentes productions Kheops. Les différents panoramas sont de qualité très inégale et souffrent d'une résolution d'écran bloquée au 1024*768. L'animation des personnages perfectible et l'effet de reverb trop prononcé des doublages audio, deux défauts techniques que nous déplorions dans Dracula 3 : La Voie du Dragon, sont une nouvelle fois de la partie. Au rayon des reproches, également, la jouabilité pas toujours très intuitive (l'interface n'est pas un modèle de praticité). On aboutit donc à une réalisation moyenne, qui laisse à penser que Kheops gagnerait à retoucher son moteur de jeu vieillissant. Ces réserves de joueur exigeant mises à part, il faut bien avouer qu'en dépit de certaines redites, nous avons aimé parcourir une nouvelle fois l'île mystérieuse. Cette robinsonade constitue donc une bonne pioche potentielle, aussi bien pour les nouveaux venus que pour les joueurs de l'épisode précédent.
- Graphismes12/20
Les décors sont très inégaux : certains panoramas sont sublimes quand d'autres égratignent passablement la rétine (superpositions hasardeuses, manque de relief). On sent aussi les limitations techniques induites par le moteur de jeu (résolution maximale de 1024*768, animation poussive et saccadée de l'héroïne). Comme dans le premier opus, de sympathiques pages de bande dessinée illustrent certaines actions spéciales.
- Jouabilité13/20
La jouabilité a beau être simple et classique, l'interface manque d'ergonomie et de praticité. On apprécie par contre la difficulté croissante et bien dosée des énigmes proposées, dont la résolution est toujours logique, et qui s'appuient sur un système d'association d'objets qui a fait ses preuves.
- Durée de vie12/20
Retour sur l'Île Mystérieuse 2 est plus long que son prédécesseur, mais l'aventure ne vous occupera guère plus de dix heures, surtout si vous êtes familier du premier opus. Même si cela ne confère pas au jeu un véritable potentiel de rejouabilité, il est appréciable que certaines énigmes puissent se solutionner de plusieurs façons différentes.
- Bande son13/20
Les thèmes musicaux, bien dans le ton, sont réussis et savamment utilisés. C'est un peu plus décevant en matière de sons environnementaux : Kheops assure un service minimum là où on espérait une ambiance bien plus immersive. Les doublages en français ont été soignés, même s'ils souffrent une fois de plus d'un reverb trop prononcé.
- Scénario12/20
Tout ça sent quand même sacrément le réchauffé. Mais au-delà de l'entrée en matière tirée par les cheveux et de la disparition de l'effet de surprise, on regrette que l'histoire se dilue dans des tâches "artisanales" astreignantes et sans doute trop prégnantes. Reste des énigmes intelligentes, sur lesquelles veille l'esprit de Jules Verne.
Si l'effet de surprise et le dépaysement procuré ne sont plus vraiment les mêmes, Retour sur l'Île Mystérieuse 2 n'est pas pour autant une suite au rabais. Ce point'n click sait se distinguer de son prédécesseur grâce à l'arrivée de Jep comme personnage jouable, une idée qui apporte beaucoup de fraîcheur et atténue le sentiment de déjà-joué. En dépit de sa propension aux tâches astreignantes et de sa réalisation perfectible, cette aventure peut donc être conseillée à tous les amateurs de robinsonades.