L'un des jeux de stratégie les plus complexes à jamais avoir vu le jour sur console s'invite aujourd'hui sur PC. Et force est de constater que Romance of The Three Kingdom XI, avec ses tonnes de menus et ses nombreux tableaux de statistiques, gagne beaucoup à se jouer à la souris. Cependant, il se destine plus que jamais aux spécialistes de la gestion et aux passionnés de wargames. Vous êtes prévenus.
Kou Shibusawa, producteur de la série Romance of The Three Kingdoms (ROTK), est un créateur de génie. Inspiré par le Japon et la Chine médiévale, on lui doit toute une collection de jeux de stratégie uniques en leur genre ainsi que la saga Dysnasty Warriors. Je me souviens avoir relevé son nom pour la première fois il y a près de 15 ans, sur le minuscule écran monochrome et mal éclairé d'un Gameboy de première génération. Il travaillait chez Koei depuis quelques années et son premier jeu prometteur se nommait Nobunaga's Ambition. Nous étions peut-être une dizaine dans toute la France à en posséder une version. Le plus fascinant, c'est que les futurs chefs d'oeuvre du maître reprendront l'essentiel des mécanismes de ce titre pratiquement inconnu chez nous. Un mélange de gestion et de wargame, un background historique romancé, des officiers charismatiques, des royaumes secoués par des guerres épiques et des événements aléatoires... On trouvait bien dans l'humble Nobunaga's Ambition tout ce qui allait faire la succès de la merveilleuse série des ROTK.
Enfin, pas "merveilleuse" pour tout le monde en fait. Il y a des pré-requis pour apprécier l'expérience à sa juste valeur. D'une part, il faut être fan de gestion et féru d'histoire. D'autre part, il faut posséder de solides notions de stratégie militaire. Enfin, il faut avoir la patience de supporter des heures de tutoriel pour assimiler peu à peu les règles exceptionnellement complexes du jeu. N'allez pas croire que j'exagère le moins du monde en évoquant ainsi la courbe d'apprentissage. Même les connaisseurs devront faire un réel effort pour découvrir les subtilités de ROTK XI. C'est que depuis le huitième épisode, paru en 2004 sur PS2, la série a encore trouvé le moyen d'évoluer. En effet, toute l'action se déroule désormais sur une carte en 3D, gérant aussi bien les mouvements de troupes que les combats. Par ailleurs, on ne s'occupe plus d'un officier en particulier mais d'une faction toute entière. On a donc le contrôle direct des villes, du personnel et des ressources.
Chacun des 25 scénarios inspiré du roman des Trois Royaumes commence à une époque donnée dans un contexte politique et militaire bien précis. On peut les modifier à l'envie pour obtenir une infinité de situations. Le joueur possède au minimum une ville et quelques officiers pour l'assister dans sa tâche. Sa mission principale consiste à développer son domaine, constituer une armée et entretenir de bonnes relations avec les royaumes voisins. Pour cela, il suffit d'attribuer à son personnel les travaux que l'on souhaite effectuer (construire des fermes, recruter des troupes ou des officiers, acheter du riz, porter un message, etc...) en utilisant le plus judicieusement possible les points d'actions dont on dispose. Une fois que l'on possède suffisamment d'argent et que le moral des troupes est bon, on peut alors raisonnablement partir à la conquête de nouveaux territoires. Mais attention, il faut respecter le réseau d'alliances que nos diplomates ont tissé et s'attirer les faveurs de son camp en participant à la lutte contre les coalitions ennemies.
Contrairement aux épisodes précédents, les déplacements des unités et les combats se déroulent intégralement sur la carte générale. Cette dernière est donc sillonnée de routes et recouverte de cases qui permettent de gérer mouvements et accrochages. Chaque unité, terrestre, navale ou montée, peut être équipée d'un type d'arme particulier (lances, arcs, catapultes, etc). Selon les officiers qui la dirigent, elle pourra même lancer des attaques spéciales fort utiles pour faire la différence sur le champ de bataille. Cependant, malgré le nombre de techniques toujours aussi impressionnant, les affrontements semblent avoir perdu en précision tactique ce qu'ils ont gagné en ergonomie. On ne peut pas tout avoir me direz-vous...
L'un des charmes de la série des ROTK réside dans les nombreux événements aléatoires qui interviennent dans le déroulement de l'histoire, donnant souvent lieu à de petits interludes voire à des séquences de jeu complètes. Ainsi, les duels de rhétorique ou d'arts martiaux se présentent sous la forme de mini-jeux basés sur le traditionnel système du pierre/feuille/ciseaux mais suffisamment complexes pour nous tenir en haleine jusqu'à leur résolution. Parfois un officier en quête de travail se présente spontanément devant nous tandis qu'un autre meurt de maladie ou de vieillesse. Il arrive aussi que des épidémies ou des catastrophes naturelles vienne bouleverser les rapports de force donnant l'occasion à un royaume de porter un coup fatal à une puissance ennemie. Tout cela, ajouté à la formidable complexité des menus de gestion des officiers, des finances ou des unités militaires, contribue à faire de ROTK XI une expérience unique et particulièrement immersive. Seuls les plus persévérants, voire les plus doués, auront cependant la patience de s'y jeter à corps perdu. Un jeu élitiste donc, mais définitivement passionnant.
- Graphismes8/20
Comme d'habitude, les graphisme de ROTK XI ne soulèveront pas l'enthousiasme des foules. Certes, on est enfin passé à la 3D mais celle-ci reste très rudimentaire. Heureusement les menus sont clairs et quelques scènes bénéficient d'un cel-shading de bonne facture.
- Jouabilité16/20
L'excellente prise en main sur PC doit beaucoup à l'usage de la souris qui simplifie vraiment la vie. Les diverses opérations à effectuer restent toutefois incroyablement complexes. Au point de nous obliger à déléguer la gestion de villes entières à nos subordonnés. Les affrontements sont moins tactiques qu'aupraravant mais ils se déroulent désormais sur la carte générale.
- Durée de vie17/20
La Guerre des Trois Royaumes s'étend sur plusieurs décennies et les parties ne sont pas loin de durer autant. Les scénarios comme les officiers sont customisables à l'envie. Par contre l'absence du online se fait cruellement ressentir pour le multijoueur.
- Bande son14/20
La bande-son contribue efficacement à restituer l'atmosphère chinoise épique du soft bien que la redondance des musiques finisse inévitablement par lasser. On se réjouit que les quelques voix originales des personnages en mandarin n'aient pas été doublées en français.
- Scénario16/20
Rarement wargame aura bénéficié d'une trame scénaristique aussi complexe. Inspirée de la célèbre épopée des Trois Royaume popularisée en Chine par Luo Guanzhong au XIVème siècle, l'histoire transporte le joueur d'un bout à l'autre de l'aventure.
D'un abord difficile et d'une profondeur impressionnante, cet épisode de Romance of The Three Kingdoms n'est clairement pas à mettre entre toutes les mains. Seuls les vétérans des jeux de stratégie et les passionnés d'histoire auront la patience d'en assimiler les mécanismes. Mais c'est avec un réel bonheur qu'ils passeront des mois à reconstituer sur leur écran la plus grande épopée virtuelle jamais imaginée pour l'Empire du Milieu.