La célèbre simulation géopolitique Europa Universalis fait un bond dans le temps pour nous emmener plus de 2000 ans en arrière. Cette fois-ci, passionnés d'histoire, tacticiens, et diplomates ont rendez-vous avec Rome et les grandes civilisations qui ont marqué l'antiquité. Un nouvel épisode toujours aussi efficace à défaut d'être vraiment innovant.
En quelques années, la série Europa Universalis s'est facilement imposée comme une référence de la stratégie sur PC. Le nombre phénoménal de nations que l'on peut y jouer, la complexité des décisions que l'on doit y prendre, ou la possibilité d'y changer la face du monde ont eu tôt fait de séduire les amateurs d'Histoire et de géopolitique. Les parties ont beau se dérouler sur un austère plateau noyé sous des tonnes d'informations, elles se sont toujours révélées diablement addictives. Traditionnellement, Europa Universalis part de la Renaissance pour couvrir la période classique mais cette fois-ci, les développeurs de Paradox Interactive ont décidé de se tourner vers l'antiquité. Bien leur en a pris puisque l'époque se prête merveilleusement à l'expression de toutes les ambitions. Que l'on veuille asseoir la puissance de Rome ou au contraire mettre à mal sa suprématie sur le bassin méditerranéen, il y en a pour tous les goûts et toutes les façons d'exercer le pouvoir.
Europa Universalis : Rome n'imposant pas de conditions de victoires particulières, les joueurs sont libres de débuter une partie à la date de leur choix comprise entre 280 et 27 av. JC. Il n'y a plus qu'à choisir une civilisation (Rome, Egypte, Macédoine, Illyrie, etc...) avant de se plonger en pleine Guerre Punique ou de se lancer dans la conquête des Gaules. Si les nations mineures promettent des sueurs froides aux tacticiens les plus expérimentés, assumer la gestion des grands empires demandera de son côté une grande rigueur et beaucoup de patience. Il faut dire que le nombre de paramètres à surveiller est impressionnant. La moindre province est bardée de chiffres et de variables qui évoluent en temps réel suivant nos décisions. Impôts, commerce, religion, politique, etc... Le joueur doit donc surveiller en permanence un grand nombre d'éléments pour faire prospérer son peuple. Il lui incombe également de planifier toutes les opérations militaires, recrutement compris. Et ce n'est pas tout ! Dans Europa Universalis : Rome, les ressources humaines ont désormais un rôle central. En effet, la classe dirigeante dans laquelle on peut piocher nos collaborateurs est constituée de nombreuses personnalités dotées de statistiques et de compétences très variées. Du prince le plus éclairé à l'incapable le plus notoire, on devra faire avec toute la diversité du genre humain. Untel sera paresseux et cruel, untel sera charismatique et perspicace, un autre encore sera schizophrène, bossu et lépreux... Les relations entre les personnages prennent en compte une vaste palette d'émotions (jalousie, amour, etc...) et des événements aléatoires les affectent régulièrement. De temps à autre, on est sommé de faire des choix qui affecteront durablement leurs caractéristique et qui pourront même les tuer. Tant et si bien que l'on ressent mieux que dans tout autre simulation historique l'influence du facteur humain sur la destinée des nations.
A l'instar de Civilization, la grande force d'Europa Universalis depuis ses débuts, c'est qu'aucun des aspects du jeu ne prime sur l'autre. Entendez par là que si l'on veut réellement progresser, il faut tout autant s'occuper des finances que de la recherche, la démographie, la politique, la religion ou évidemment l'armée. Tout un chacun est libre toutefois de privilégier tel ou tel domaine en attribuant trois progrès majeurs à son peuple. "Affermage des impôts" permet par exemple de maximiser les rentrées d'argent tandis que "recrutement tribal" permet d'enrôler des troupes plus rapidement. Durant le déroulement du jeu, d'autres progrès deviennent disponibles mais mettre en place de nouvelles idées est très coûteux en termes de stabilité interne. Chacun joue ensuite selon son inspiration.
Chacune de nos provinces produit des ressources (matérielles, humaines, militaires, scientifiques, etc...) et génère des revenus qu'il convient d'optimiser pour en favoriser l'expansion. On y établira des routes commerciales rentables et on y nommera un gouverneur compétent. On vérifiera constamment que leur niveau de loyauté reste élevé pour ne pas risquer de révoltes. Au fur et à mesure des progrès technologiques, on pourra aussi bâtir de nouvelles installations qui leur conféreront des avantages précieux. Les diverses interfaces sont relativement claires mais lorsque l'on administre des territoires constitués de plusieurs dizaines de provinces, les choses se compliquent sérieusement. A peine a t-on le dos tourné qu'il faut mater une rébellion par ci ou remplacer un gouverneur par là, on ne s'en sort plus !
Or, l'armée joue également un rôle majeur dans l'antiquité et peaufiner une stratégie prend beaucoup de temps. En effet, il faut de longs mois pour mobiliser ses cohortes et les regrouper en de véritables rouleaux compresseurs. Sachant que les troupes coûtent cher en or et en hommes et que les provinces ont une capacité de support limitée, il est essentiel d'avoir un projet très clair en tête avant de partir à la guerre. Les conséquences d'un conflit s'étendent sur de nombreuses années et la patience est de mise pour retrouver la stabilité du pays, remplir les caisses et remplacer la génération sacrifiée. Cela dit, il est parfois nécessaire de prendre les armes, ne serait-ce que pour repousser des incursions barbares ou mater un voisin trop concupiscent. Les combats et les déplacements ont été volontairement simplifiés pour ne pas totalement verser dans le wargame pur et dur. Il n'y a que sept types d'unités en tout et pour tout. Chaque unité produite compte invariablement mille hommes au départ. On peut les fusionner pour obtenir un grand corps d'armée et on les envoie ensuite au contact de l'ennemi. Les pertes sont alors calculées en temps réel et l'armée qui perd le plus d'hommes bat en retraite pour être réutilisée par la suite. Les sièges aussi sont automatisés mais on a le droit de décider du moment de l'assaut. Globalement le système fonctionne assez bien. Cependant, l'interface est très mal pensée et l'I.A. n'est vraiment pas à la hauteur. L'ordinateur, en effet, est incapable de définir une stratégie élaborée et il n'hésite pas à sacrifier l'ensemble de ses unités sur notre armée simplement pour la ralentir.
L'antiquité est une période secouée de conflits et ravagée par des luttes intestines entre nations. Néanmoins, les pacifistes peuvent toujours compter sur le système politique ou les faveurs divines pour espérer survivre. Originales, ces dernières se présentent sous formes de présages que l'on peut solliciter auprès de tel ou tel dieu. Si l'oracle est favorable, la faveur du dieu (Arès : bonus militaire, Hermès : bonus de commerce, etc...) est accordée. Dans le cas contraire, notre peuple est maudit et l'on obtient l'inverse de ce que l'on avait espéré ! Les options diplomatiques quand à elles ne manquent pas de variété avec les traditionnels envois de cadeaux et autres paiements de tribut mais aussi les assassinats, les profanations de lieux saints ou les soutiens aux rebelles. Néanmoins, on s'étonne de ne pas pouvoir organiser de mariages d'intérêt. Des mariages ont lieu dans Europa Universalis : Rome, certes, mais ils sont indépendants de notre volonté et n'ont aucune conséquence politique. Pour une simulation historique aussi pointilleuse, il est incompréhensible que l'un des facteur d'alliance les plus usité à l'époque soit tout simplement absent du jeu. La recherche déçoit également. Les découvertes sont linéaires et on n'a aucun moyen d'orienter le travail des chercheurs. Le seul moyen de favoriser tel ou tel secteur est de le confier à un personnage plus compétent qu'un autre. D'autres petits défauts agaçants nous confirment qu'Europa Universalis : Rome est loin d'être un jeu parfait. Pêle-mêle, on peut relever la traduction française truffée de fautes, le tutoriel inutile, les fenêtres d'informations qui s'ouvrent à tort et à travers en se chevauchant, les personnages aux caractéristiques incompatibles entre elles ("mesuré" et "imprudent")... Mais au final, l'addiction reste décidément intacte. A savoir que si vous avez le malheur de commencer une partie, vous ne pourrez plus lâcher votre ordinateur pendant des nuits entières. Et c'est bien ça qui compte.
- Graphismes14/20
Le plateau en 3D que l'on peut orienter à son gré et sur lequel on peut zoomer à volonté est un modèle du genre. Néanmoins, les nombreuses fenêtres d'informations se chevauchent souvent et les textes en français laissent parfois à désirer.
- Jouabilité15/20
La plupart des opérations ne demandent que quelques clics pour être validées. Il est possible de régler le défilement du temps à sa convenance et on trouve toujours quelque chose à faire. L'équilibre des genres est remarquable et la gestion des ressources humaines est un plus très appréciable. Dommage que certaines interfaces soient aussi mal pensées et que le tutoriel soit aussi succinct.
- Durée de vie18/20
Déjà colossale en solo en raison du nombre de peuples présents autour de la Méditerranée et de la rejouabilité du titre, la durée de vie explose si on joue à plusieurs (LAN et Internet). Attention toutefois, l'absence de scénarios et de conditions de victoires peuvent déconcerter certains joueurs.
- Bande son12/20
La musique est agréable par moments mais elle ne restera pas dans les annales. Les bruitages sont banals.
- Scénario/
Pas de scénarios ni de campagnes mais l'environnement historique est fort bien restitué.
Europa Universalis : Rome surfe sur les acquis de la série pour nous transporter avec bonheur dans un monde antique aussi passionnant que réaliste. Que l'on soit amateur de gestion économique ou de stratégie militaire, on a toutes les raisons de se laisser tenter par cette simulation historique qui n'est pas toutefois exempte de défauts.