A la fantasy champêtre, The World Ends With You rétorque par une esthétique fashion, urbaine en installant son intrigue en plein coeur d'un des quartiers les plus "hype" de la capitale japonaise : Shibuya. Néanmoins, si le lieu diffère, le but est globalement le même pour le héros du jeu qui va devoir sauver ses miches et a fortiori celles de ses compatriotes. Seulement cette fois, c'est sur fond de rythmes endiablés aux accents de J-pop que vous allez devoir latter du monstre.
Lorsque Neku Sakuraba reçoit un jour un mystérieux badge lui permettant de lire dans l'esprit des gens qui l'entourent, il ne se doute pas encore qu'il va devoir utiliser ces "reliques" pour sauver le monde. Fan de hip-hop mais surtout extrêmement renfermé sur lui-même, Neku va très rapidement devoir s'ouvrir aux autres et plus particulièrement à la truculente Shiki Misaki pour qui la couleur de son gloss est au moins aussi vitale que le petit livre rouge pour les maoïstes. Pourtant, si la belle affiche une joie de vivre doublée d'une énergie débordante, c'est pour mieux cacher un secret qui lui ronge le coeur. Des secrets, The World Ends With You n'en manque pas, à commencer par ceux des Reapers, l'organisation hiérarchisée derrière les défis délivrés au joueur. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Où achètent-ils leurs fringues branchées ? Autant de questions pour lesquelles vous ne tarderez pas à trouver des réponses.
Ainsi donc, l'aventure a pour elle de se dérouler dans un cadre relativement atypique, du moins pour les Occidentaux que nous sommes. Si vous avez probablement déjà entendu parler du quartier de Shibuya, mecque de la jeunesse tokyoïte désirant se faire voir, vous n'avez peut-être pas eu la chance d'y mettre les pieds. Eh bien grâce à la magie du jeu vidéo, vous allez enfin pouvoir fouler le sol de ce lieu de villégiature qui arbore ici des formes stylisées à mi-chemin de Jet Set Radio et Kingdom Hearts. Comme je le disais plus avant, en marge de cette atmosphère résolument adolescente, le titre reste très linéaire dans sa progression puisque chaque mission se déroulera à-peu-près de la façon suivante. Dans un premier temps, vous devrez checker vos mails pour savoir où vous rendre. Une fois atteint l'endroit mentionné dans votre courriel (magie de la langue française), cloisonné par des murs invisibles ne nous laissant finalement qu'une impression de liberté toute relative, un Reaper vous expliquera ce qu'on attend de vous, ceci se soldant la plupart du temps par un combat contre des Noises, créatures provenant d'une autre dimension. Une fois remplie votre basse besogne, l'aventure pourra continuer son petit bonhomme de chemin.
Si on est d'abord légèrement décontenancé par cette stylisation outrancière, force est de constater que l'originalité de l'oeuvre est plutôt rafraîchissante. De fait, tout en s'adressant à une frange particulière de la population (jeune, sachant manier le SMS comme un cuisinier japonais les couteaux Ginzu et surtout terriblement "in"), les développeurs ont poussé la conceptualisation jusqu'au boutisme à presque tous les étages du gameplay. De fait, si je vous parlais des badges plus avant, sachez que ceux-ci vous serviront en premier lieu à sonder votre entourage. Il suffira alors de presser le pictogramme en bas de l'écran à droite pour scanner les passants afin de connaître leurs pensées ou tout simplement afin de dénicher des Noises invisibles à l'oeil nu. Le fait est qu'en sondant l'esprit des gens, vous pourrez parfois récupérer des astuces ou des mots-clés, ces derniers pouvant être utilisés sur d'autres NPC afin d'assister à certaines réactions. Dans tous les cas, restez connecté et tenez-vous informé des dernières tendances en matière de mode. En effet, si vous portez les bons objets et badges aux bons endroits, vous pourrez recevoir différents bonus ou être plus performant lors des affrontements. A l'inverse, vous serez pénalisé si vous vous baladez dans des accoutrements inappropriés. Dans le même ordre d'idées, pensez à manger pour faire augmenter le taux de synchronisation entre vous et vos coéquipiers.
L'autre originalité du titre nous vient de ses combats, au premier abord bordéliques, mais finalement bien pensés même s'ils restent difficiles à maîtriser sous leur forme la plus complète. Pour commencer, sachez que vous allez devoir diriger deux personnages en même temps, chacun étant visible sur un des écrans de la DS. Ainsi, pour déplacer et faire attaquer Neku, vous devrez utiliser l'écran tactile et le stylet alors que les actions de Shiki seront réalisables grâce aux touches d'action ou à la croix directionnelle. Très déstabilisant, le gameplay offre néanmoins une certaine latitude dans le sens où la midinette combat automatiquement lorsqu'on décide de n'appuyer sur aucun bouton. Mais revenons à notre héros. Au nombre de 300, les badges/armes de Neku (récupérables en éliminant des ennemis) lui permettent d'utiliser différentes attaques/magies. Toutefois, vous ne pourrez en avoir que six en combat, ceci demandant alors une bonne préparation d'autant que l'usage de ces items répond à diverses restrictions liées à leurs types ou à une jauge de charge mettant plus ou moins de temps à se remplir. Une fois vos insignes choisis, c'est le stylet qui prendra le relais face aux ennemis, l'ustensile se voulant un prolongement de votre bras. Pour s'en servir, rien de plus simple : touchez votre ennemi, zébrez l'écran, tranchez de haut en bas ou pointez votre personnage pour le déplacer sur la surface de combat. Si vous vous posez la question, oui, le micro est aussi mis à contribution pour attaquer, ces techniques étant associées à d'autres types de badges.
Ainsi, en défouraillant des deux bords, vous pourrez parfois lancer des attaques combinées. Pour se faire, vous devrez d'abord accumuler des étoiles en réussissant des combos avec le personnage du haut. Dans ce cas, suivez une des séquences indiquées (par exemple, Droite/Haut/Gauche/Gauche) pour engranger des étoiles et ainsi pouvoir lancer une attaque spéciale. De plus, en fonction des subalternes de Neku, la façon de procéder variera sensiblement. De fait, pour obtenir plus d'étoiles avec Shiki, vous devrez vous fier à une série de trois cartes retournées placées dans le haut de l'écran et deviner quel symbole se cache au verso. Si vous réussissez à deviner le symbole derrière la carte pointée par un curseur (et se trouvant à la fin d'une chaîne de combos), votre total d'étoiles augmentera rapidement. Si l'explication est fastidieuse, le système est a contrario très simple à utiliser. Par la suite, vous ferez la rencontre de Joshua et Beat pour lesquels les techniques varieront sensiblement. En fait, les séries de cartes seront remplacées par des séries de nombres pour Joshua, le joueur devant alors reproduire une séquence numéraire. Pour Beat, il faudra aligner des symboles (trèfle, pique, coeur...) pour réaliser des enchaînements. Bref, des petites variations pour des résultats similaires. Enfin, pour dynamiser encore un peu plus les rixes, vous pourrez vous renvoyer une boule de lumière afin d'augmenter la puissance de vos badges. Ceci dit, le rythme sera ici très important puisque pour faire passer la boule de l'un à l'autre écran, il faudra effectuer dans un temps limité une attaque finale.
Comme vous aurez pu vous en rendre compte, The World Ends With You est un produit résolument moderne qui aura du mal à se faire apprécier de tous à cause (grâce ?) de son atmosphère pour le moins étonnante. Mix improbable entre Action-RPG et magazine de mode à destination des ados, on ne peut s'empêcher de sourire devant la superficialité émanant des mécanismes de jeu. Pour autant, ce n'est nullement péjoratif dans le sens où ici, superficialité rime avec complexité. En effet, en plus d'une gestion de vos decks de badges, vous devrez prendre du temps pour vous vêtir afin d'influencer la mode avant qu'elle n'influe elle-même sur vos statistiques. Pour cela, pas de secret : gagnez des combats avec vos badges et faites-en des instruments de mode avant d'en faire des instruments de mort. Eh oui, pas de repos pour les braves. Dans le titre de Square Enix, acheter des vêtements, des objets ou de la bouffe est aussi important que de traquer les Reapers pour déjouer la sombre machination qui se cache derrière ce mystérieux groupuscule. D'ailleurs, notez qu'en devenant un client habituel, plusieurs magasins vous feront des prix et vous proposeront des réductions ou des compétences spéciales. Une fois encore, à vous de voir si cette démarche consumériste ne vous rebute pas mais si vous poussez la porte de l'échoppe, il est possible que vous tombiez sur des soldes très intéressantes. L'heure du preux chevalier est définitivement passée de mode, désormais, le body aux couleurs criardes et le portable mp3 seront vos seules armes. De là à demander l'ASV des monstres après un combat, il n'y a qu'un SMS que je vous laisse envoyer.
En raison d'une incompatibilité entre notre appareil de capture et le jeu, les screens de ce test viennent de chez l'éditeur.
- Graphismes15/20
Tetsuya Nomura fait du Tetsuya Nomura et recycle pas mal de ses créations à commencer par le design très "Kingdom Hearts", synonyme d'un Neku aux allures de Sora ou de Reapers semblant entretenir des liens de parenté avec l'Organisation XIII. Néanmoins, le character design est en accord avec l'aspect fashion du titre et accentue encore plus le look "urban-style" de The World Ends With You.
- Jouabilité14/20
Evoquant par moments Chains Of Memories dans sa gestion de decks de badges, le système de combat propose quantité de petites idées utilisant parfaitement les spécificités de la console. Parfois bordéliques (surtout lorsqu'on doit déplacer Neku ou bouger en même temps les deux combattants), les affrontements sont néanmoins très dynamiques. Toutefois, la construction du jeu est linéaire, les objectifs peu originaux même si la façon d'y arriver est elle, plutôt atypique. En sus, on retiendra aussi la customisation du héros via l'achat de fringues, d'objets et l'énorme influence des tendances vestimentaires sur l'ensemble du gameplay. Enfin, carton rouge à Square Enix qui s'entête à ne pas traduire la plupart des RPGs qu'ils sortent, The World Ends With You devant se contenter de voix mais surtout de textes entièrement en anglais.
- Durée de vie14/20
L'aspect "collectionnite aiguë" pourra prolonger le plaisir si vous vous amusez à récolter tous les badges ou si vous tombez dans la spirale vestimentaire au centre du gameplay. Il faudra aussi apprendre à maîtriser le système de jeu pour venir à bout des ennemis les plus coriaces. Trois chapitres de sept jours composent l'aventure dont la difficulté exponentielle vous retiendra un bon nombre d'heures. Le multijoueur, lui, propose d'échanger des fringues, des items ou de participer à l'émission Tin Pin Slammer durant laquelle quatre joueurs peuvent s'affronter pour gagner des PP afin de booster la puissance desdits badges.
- Bande son14/20
Quelques doublages anglais qui se vont vite oublier au profit d'une bande-son principalement composée de sonorités J-pop. Il faut aimer mais comme pour le design, l'ambiance musicale n'est que le reflet de l'atmosphère générale du jeu. On regrettera quand même que le thème principal, plutôt entraînant, tourne vite en boucle.
- Scénario11/20
Stylisé, The World Ends With You n'en oublie par pour autant son scénario qui aligne quelques révélations et autres surprises dans la grande veine des productions Nomura. Pas de quoi sauter au plafond cependant même si l'histoire se laisse suivre sans pour autant utiliser pleinement le cadre dans lequel se déroule l'aventure.
Action-RPG original et stylisé, The World Ends With You ne plaira pas à tout le monde. Entre une esthétique fashion, un concept basé sur les tendances vestimentaires et un système de combat dynamique mais difficile d'accès si on veut en tirer toute la quintessence, le titre de Jupiter ne se laissera pas dompter si facilement. Toutefois, si vous parvenez à pénétrer dans ce monde de strass, vous découvrirez un titre atypique, original et frais par bien des côtés.