Sur le même air musical guilleret de la série, cette adaptation des Griffin sur Playstation 2 démarre. Les masques ne mettent pas longtemps à tomber. Dès la première vanne sur l'homosexualité patente de Stewie, le bébé meurtrier, l'humour graveleux de Seth Mac Farlane et ses comparses semble totalement intact. Et effectivement, le titre développé par High Voltage réussit déjà cette performance. Tout le reste se révèle moins efficace.
Les Griffin, pour ceux qui ne connaissent pas, c'est une série d'animation créée en 1999, alors que South Park ou Daria commençaient également leurs existences. Taxée non seulement de copier la formule des Simpsons mais aussi de faire preuve d'humour facile et sans queue ni tête, la série a eu du mal à convaincre. Elle a même été arrêtée deux fois. Mais les ventes impressionnantes des trois premières saisons en DVD lui ont soudainement offert une seconde jeunesse. Les scénaristes et dessinateurs ont pu se remettre au boulot. Une septième saison est déjà planifiée pour 2008, et The Family Guy, son nom en VO, est désormais si populaire outre-Atlantique qu'il est l'objet de critiques presque permanentes, de la part d'autres artistes ou de censeurs. Car un épisode des Griffin est irrévérencieux, souvent bien dégueulasse et assemblé de gags qui n'ont aucun rapport entre eux. La série ne s'apprécie qu'avec un goût très prononcé pour la comédie à sketchs, le gag de répétition et les allusions cochonnes. Sans équivoque, cette adaptation s'adresse aux fans, ou du moins à ceux qui sont sensibles à ce genre d'humour. De toute manière, celui qui attend simplement un bon jeu ne sera pas intéressé.
Désolé d'être aussi brutal mais si on s'intéresse uniquement aux mécanismes de jeu, rien ne marche vraiment dans Les Griffin. Il y a de sérieux problèmes de répétition, de prise en main et un manque de fraîcheur dans ce qui nous est proposé. Vous incarnez à tour de rôle Stewie, Peter et Brian. Attention, il n'y a pas de switch, il s'agit vraiment de séquences propres à chaque personnage. Stewie est ancrée dans de la plate-forme/action. C'est le lot d'actions habituel : sauter, locker, tirer, glisser et flotter. La seule possibilité qui sort du cadre consiste à manipuler un PNJ avec le fameux "rayon de persuasion". Par exemple, vous pourrez utiliser Quagmire pour repousser un groupe d'infirmières sexy vers des lasers de sécurité, lesquels se désactiveront. L'idée est sympa et permet justement de faire entrer en jeu un bon paquet de personnages de second plan, quand il ne s'agit pas des deux autres membres (féminins) de la famille Griffin. Mais ce sont plutôt des intermèdes, courts et rares. Quand il s'agit de manipuler directement le personnage, on déplore des sauts qui manquent de dynamisme, des bugs de collisions avec le décor et une manière de pivoter vraiment rigide. C'est idiot, certains passages nous demandent justement de tirer avec précision et, pour ne rien arranger, les zones de plates-formes sont souvent exiguës et mal pensées. Pour ce qui est des bugs de collision, il suffit d'observer attentivement comment se comporte l'espèce de grappin que l'on peut utiliser par moment. Le bébé à la tête de pastèque n'est pas injouable, mais patine et manque de précision dans tout ce qu'il fait. Et se pose déjà aussi un problème de répétition et de rythme. Le parcours de Stewie est une alternance plate-forme/shoot assez fade car bourré de redites. Il y a bien quelques minis-jeux pour éviter la sclérose qui guette le joueur, mais ils sont à peine plus longs et aussi minimalistes que le moindre défi de Wario Ware.
On passe à Brian, il n'y aura pas grand-chose à dire. Le chien alcoolique, ici traqué par la police, se déplace uniquement à pas de loup et n'a qu'une seule idée en tête : progresser sans se faire voir. Le joueur doit donc veiller à ne jamais être dans le champ de vision d'un PNJ. Il peut se placer dans des zones d'ombres pour se mettre à l'abri des regards ou, s'il accomplit un mini-jeu aléatoire, devenir totalement invisible pendant quelques secondes. Avec ces quelques possibilités, le joueur doit traverser des tableaux remplis de miradors humains. Ca peut être de simples prisonniers qui jettent un oeil rapide par-delà les barreaux de leurs cellules comme des gardes qui font des rondes entre les bureaux. Le principe est vraiment très limité, et répété inlassablement. C'est très nettement le versant le moins intéressant du jeu, surtout que les ficelles pour ne pas se faire repérer sont grosses comme des cordes à voilier. Finissons sur le gros Peter, qui se propose de nous détendre avec du pur beat'm all. Il n'y a aucune finesse, peu de combos, c'est coup de tatanes et coup de boule sur crochet et vrille-balayette. Là encore, la prise en main est perfectible, avec toujours une certaine rigidité dans le pivotement. Bon, ce n'est pas catastrophique non plus, on se retrouve jamais, par exemple, à mouliner désespérément ses petits poings dans le vide. Les ennemis n'ont d'ailleurs aucune résistance ou adversité. Le parcours barbare de Peter n'est qu'un massacre sans accroches, d'une difficulté sans relief. Cette partie est donc encore plus répétitive que les autres et il faut bien, encore une fois, quelques mini-jeux et actions contextuelles rigolotes pour ne pas finir par s'ennuyer définitivement.
Cette constatation s'applique à l'ensemble du titre. Heureusement que sur les 6 malheureuses petites heures de jeu offertes (!), High Voltage n'a pas été avare en références, vannes, et autres saynètes objectivement tordantes. Ce serait abject de vous livrer en pâture quelques exemples ici-même alors je me rabats sur les screenshots pour vous donner quelques échantillons. Laissez-les de côté si vous voulez découvrir par vous-même comment cette adaptation réussit à caser Lincoln, King Kong, ou la fièvre du samedi soir en quelques vannes minables. On savait déjà que les scénaristes de la série eux-mêmes ont apporté leur "spiritualité" dans le développement du projet. Mais la bonne surprise, c'est de constater qu'ils ne se sont pas arrêtés à l'écriture des dialogues, des cinématiques ou du scénario, par ailleurs cousu de fil blanc, dans la grande tradition de la série. Ils ont aussi réussi à mettre de l'interaction dans leur humour, à s'approprier la culture du jeu vidéo (le "mur invisible" est déjà le moment le plus culte de 2007), sans concéder le moindre assainissement de son humour potache, ce qui ne gâche rien. Le jeu contient même, objectivement, parole de fan, des instants encore plus crades que tout ce que la série nous a présenté jusque-là. Cette adaptation est finalement, dans le ton, l'une des plus fidèles au matériau de base. A ce point respectueuse qu'elle nous est proposé ici dans une VO partiellement sous-titrée. C'est à dire que seules les cinématiques en ont profité. C'est bien dommage pour tous ceux qui n'ont pas la compréhension de l'anglais facile vu la masse de répliques proférés par le personnage jouable comme les PNJ en pleine partie. Les aficionados qui ont du bagage en anglais ne pourront pas résister. Les Griffin en jeu vidéo, ça revient ni plus ni moins à se procurer une nouvelle saison de la série en DVD. On peut oublier le jeu, mais restent les rires.
- Graphismes11/20
Difficile de juger. Le rendu même de la série est lui-même souvent décrié. Dans le jeu, la pauvreté des décors et la simplicité des animations sont le résultat du cartoon. Par contre, les effets spéciaux auraient pu être plus sophistiqués. Idem pour les menus, l'interface, ou les cinématiques. On a d'ailleurs l'impression qu'il manque certaines expressions phares aux personnages, comme si le moteur cel shading avait été incapable de retranscrire certaines animations faciales.
- Jouabilité10/20
Les trois gameplay (action/plate-forme, infiltration et beat'm all) s'épuisent rapidement. Comme les possibilités sont limitées, on a droit à de nombreuses redites. On finit toujours par attendre avec impatience et lassitude le prochain changement de personnage pour se relancer un peu. Le manque de challenge et la prise en main insatisfaisante n'arrangent pas les choses. Les nombreuses et délicieuses saynètes, interactives ou non, et les mini-jeux absurdes auront cependant raison du fan.
- Durée de vie9/20
Tablez dans une fourchette de cinq à six heures de jeu. C'est en dessous du raisonnable, mais c'est aussi long qu'un coffret DVD d'une saison. Et c'est le même prix.
- Bande son13/20
Les thèmes de séries animées, ni plus ni moins. A ce titre, c'est tout de même moins charmant que ceux des Simpsons et bien moins varié qu'un South Park. Cela dit, l'accompagnement, entre easy listening de centre commercial et country très léger, est sympa car un rien ridicule. Juste ce qu'il faut. Le doublage est vraiment excellent mais il est principalement en anglais ! Seules les cinématiques sont sous-titrées. Si vous ne captez pas la langue de Shakespeare, vous passerez à côté de tant de répliques que ce serait du gâchis. Oui, je compatis.
- Scénario12/20
Alors, le gros va défoncer tout le monde parce qu'il pense être victime d'une machination. Le clébard doit prouver qu'il n'a pas engrossé la chienne du beau-père de Peter. Et le mioche veut juste dominer le monde. Ca prend trois lignes, pas plus que dans n'importe quel épisode.
Les adaptations de séries animées se suivent et se ressemblent. Tout l'esprit des Griffin est là, mais la mise en forme vidéoludique laisse considérablement à désirer. Bien trop répétitif, perfectible dans sa prise en main, bien trop court et un rien désuet, le gameplay ne passionne pas. Il faut alors se rabattre, pour peu que l'on soit fan, sur tous les petits à-côtés purement comiques : mini-jeux, saynètes interactives ou non, dialogues, cinématiques. Toujours aussi méchants, idiots et absurdes, nos Américains trouvent le moyen d'exister et de nous faire vraiment rire. C'est déjà pas mal.