Difficile, très difficile de développer le quatrième volet d'une série aussi connue et appréciée que celle des Civilization. En effet, les attentes des amateurs sont énormes, et le jeu se doit d'être meilleur que ses illustres aînés qui squattent quand même les disques durs de nombre de joueurs depuis le début des années 1990, date de la sortie du premier opus sur PC.
Véritable genre à eux tout seul, les Civilization sont l'archétype même des jeux que l'on pourrait qualifier de "dévoreurs de temps". En effet, une fois qu'on a lancé une partie, il est bien difficile de s'arrêter. Le principe est pourtant tout simple et n'a jamais changé au fil des versions : il s'agit de bâtir un empire sur plusieurs milliers d'années (la période couverte dans Civ 4 va de 4000 av. JC à 2050 ap. JC). On débute avec un explorateur, quelques guerriers et un groupe de colons pour installer un premier village et on doit prospérer jusqu'à avoir d'immenses territoires sous son contrôle avec plusieurs villes, une grande armée, des technologies poussées, des routes reliant les centres de productions et j'en passe. Le tout se déroule en tour par tour à savoir que, comme dans un jeu de société, vous jouez à tour de rôle avec les autres empires présents sur la carte. Principal avantage du système : vous avez tout le temps de planifier vos actions, de choisir ce que vous voulez bâtir, de déplacer vos unités...
Dans Civilization 4, tout comme dans ses prédécesseurs, vous n'êtes pas seul au monde et d'autres tribus tenteront elles-aussi d'évoluer jusqu'à fonder un grand empire. Le tout est évidemment de ne pas se laisser détruire par tel ou tel autre camp. La diplomatie tient à ce titre un grand rôle. Vous pouvez évidemment entrer en guerre, mais vous pouvez aussi faire des échanges de technologie, conclure des accords commerciaux... En fait, ce sera à vous de choisir comment vous souhaitez mener la partie : de façon guerrière ou pacifique. Il existe en effet six manières différentes de gagner. La plus pacifique est la victoire diplomatique qui suppose que vous constituiez des alliances fortes et qu'une fois l'ONU établi vous soyez élu chef de monde. La victoire territoriale est acquise lorsque votre empire englobe la majorité des terres émergées et qu'il regroupe au moins 1/4 de la population mondiale. Cela suppose évidemment d'avoir construit de nombreuses villes ou de s'être emparé de celles d'autres empires. Troisième manière de remporter la partie, la victoire culturelle qui impose à ce que trois de vos villes atteignent le statut de culture légendaire. Quant à la victoire spatiale, elle s'acquiert lorsque vous avez construit un vaisseau spatial capable d'atteindre Alpha du Centaure. Un haut niveau technologique est évidemment requis. La façon la plus brutale de remporter la victoire est d'éliminer toutes les autres civilisations. Enfin, si aucun des empires n'a atteint une de ces conditions de victoire en l'an 2050, le vainqueur sera celui qui a le plus de points au compteur.
Maintenant que l'on connaît un peu mieux le principe du jeu, il convient de décrire plus précisément ce qu'il est possible de faire au cours d'une partie. Et là, ceux qui connaissaient déjà les précédents opus risquent d'être surpris car c'est l'inflation ! En effet, les possibilités sont beaucoup plus nombreuses qu'auparavant. J'en veux pour preuve les ouvriers qui sont désormais capables de construire beaucoup plus de bâtiments (fermes, cottages, ateliers...), l'apparition des religions donnant des bonus particuliers à qui les découvre, la possibilité de mélanger différentes doctrines (on peut par exemple avoir un empire communiste autorisant la liberté de la presse et à tendance écologique). Cette augmentation des possibilités aurait conduit à une certaine difficulté d'accès si les développeurs n'avaient pas prévu quelques fonctionnalités nous simplifiant grandement la vie. Ainsi, même quelqu'un qui n'a jamais joué à un Civilization ne sera pas perdu. Le jeu nous conseille en effet la meilleure construction à faire sur une case donnée. De même, les lieux d'implantation conseillés pour les villes sont indiqués par des cercles bleus. Rudement pratique ! Et ce n'est pas tout car des conseillers sont là pour vous indiquer quelle recherche vous devriez lancer ou quelle unité vous devriez créer. Une aide précieuse car les technologies à rechercher sont tout de même au nombre de 86 et que l'on compte en plus une centaine de bâtiments et autant de types d'unités différentes.
Si le contenu du jeu a fortement progressé, l'intelligence artificielle a elle aussi fait un sacré bond en avant. Les civilisations contrôlées par l'ordinateur sont désormais capables de se développer de différentes façons et chacune peut adopter une ligne de conduite particulière et en changer en cours de jeu selon son propre intérêt. Ainsi, on remarque des empires plus enclins à la guerre, d'autres qui préfère le commerce... Chose appréciable, l'IA triche beaucoup moins que dans les précédents volets, du moins dans les niveaux de difficulté moyens. En effet, il semble que lorsqu'on paramètre le jeu pour qu'il soit très difficile, l'ordinateur se plaise à nous narguer avec ses personnages illustres si bien qu'on ne sait pas trop comment il s'y prend pour en avoir autant. Bref, on n'en a pas encore totalement fini avec la triche mais elle est néanmoins nettement moins prononcée que dans les précédents opus. L'autre gros changement se situe au niveau du nombre de villes que l'on peut contrôler. S'il n'y a théoriquement pas de limites, il faut dire que le coût en temps pour créer les colons est très long ce qui limite de fait le nombre de villes que l'on peut avoir. En gros, ce n'est plus le nombre de villes qui fait la puissance d'un empire mais la qualité de celles-ci. Pour vous donner un ordre d'idée, il est rare de faire une partie où l'on ait besoin de créer plus de dix cités. Mieux vaut en bâtir cinq ou six bien placées et bien équipées en infrastructures qu'une douzaine bâclées.
Du côté des modes de jeu, là non plus, on ne peut pas être déçu car ce qui est proposé est vraiment très complet. Hormis le classique mode solo dans lequel on choisit son empire, le type de carte que l'on souhaite (avec de grands continents, une multitude d'îles...) et toute une flopée d'options telles que le climat, le niveau de la mer... c'est le multijoueur qui surprend : LAN, internet (IP ou Gamespy), par e-mail ou à tour de rôle sur le même PC, le choix du type de partie est vaste. Pour ce qui est des modes LAN et internet on a le choix entre le classique tour par tour ou un système de tours simultanés. Sans temps morts, ce dernier est particulièrement intéressant puisqu'il est inutile d'attendre que vos adversaires aient fini de jouer : tout le monde joue en même temps. Signalons aussi qu'il est possible de faire des parties en équipe (chaque équipier gérant un empire différent) et que l'on peut mélanger la présence de joueurs humains et de civilisations contrôlées par l'IA. Un excellent point pour la durée de vie du jeu, longévité encore augmentée par la présence d'un éditeur de mondes permettant de créer ses propres cartes. Le jeu est en outre ouvert aux mods et un outil de développement sera prochainement mis à disposition des joueurs par téléchargement. Les plus créatifs pourront donc s'en donner à coeur joie en créant des scénarios. Il y a fort à parier que Civilization 4 sera un jeu qui disposera rapidement d'une véritable communauté et que nombre de cartes supplémentaires et de mods seront accessibles online.
L'autre grosse nouveauté de ce quatrième opus est d'ordre esthétique : c'est l'apparition de la 3D. Hélas, malgré ça, les graphismes ne sont vraiment pas convaincants car le tout reste très sommaire et le moteur 3D se permet même d'être assez gourmand en ressources. Un défaut d'optimisation que l'on peut difficilement pardonner. Autre défaut que l'on a vraiment du mal à digérer : la présence de quelques bugs tels que des instabilités sur certains systèmes ou des textes qui s'affichent mal. Espérons qu'un patch vienne corriger tout cela car pour un jeu de ce calibre, la finition est assez décevante. On peut aussi regretter une certaine absence d'audace de la part des développeurs qui ont placé la date butoir de fin de partie en 2050. Une époque plus futuriste aurait certainement pu être très intéressante à inclure avec, pourquoi pas, la possibilité de bâtir des villes sous-marines ou de coloniser d'autres planètes. Prions pour qu'un add-on voit le jour et nous donne ces possibilités très attendues par les joueurs que nous sommes. Toujours est-il que même si Civilization 4 n'est pas parfait, il demeure vraiment passionnant. Diriger son empire à travers les siècles, le faire évoluer, gérer les relations avec les autres civilisations n'a jamais été aussi intéressant si bien qu'on pardonne aisément au jeu ses quelques errances.
- Graphismes9/20
Bon, les graphismes ne sont pas le point fort de Civilization 4. La 3D, même si elle permet de multiples niveaux de zoom, est assez sommaire. En outre, l'optimisation du moteur laisse un peu à désirer.
- Jouabilité18/20
La richesse du gameplay est réellement impressionnante. Les modifications apportées à l'équilibrage général sont très réussies. L'IA est bien meilleure que dans les précédents volets et on dispose désormais d'un choix accru d'unités, de technologies et de bâtiments.
- Durée de vie18/20
Enorme ! Civilization 4 dispose d'une durée de vie absolument monstrueuse grâce à ses modes solos et multijoueurs très riches. En plus il est possible, grâce à l'éditeur fourni, de créer son propre monde et ses propres règles en modifiant les unités, les environnements... Gageons que de nouveaux scénarios créés par les joueurs apparaissent très vite sur le net.
- Bande son16/20
La musique, essentiellement composée de morceaux classiques très connus, sait s'adapter aux situations et les bruitages sont fort convaincants.
- Scénario/
N'y allons pas par quatre chemins, Civilization 4 est un excellent jeu capable de vous priver de toute vie sociale tellement il est passionnant. Hélas, quelques petits détails agacent. Ainsi, on remarque que le moteur 3D n'est ni impressionnant, ni très bien optimisé et que quelques bugs sont présents (affichage défaillant de certains textes...). Cela prouve que la finition n'a pas été un des soucis principaux de Firaxis. En outre, on aurait bien aimé un peu plus d'audace de la part des développeurs qui auraient pu nous proposer la gestion de villes sous-marines et pourquoi pas de cités sur d'autres planètes. Ce sont des détails certes, mais des détails qui, à ce niveau d'excellence, pénalisent un peu un titre qui reste cependant une valeur sûre de la stratégie/gestion.