Atari ayant fait des adaptations d'animes son giron vidéoludique, nous n'avons pas fini de voir arriver chez nous les titres prenant pour cibles nos séries animées préférées. Remarquez, je ne vais pas m'en plaindre en grand consommateur de japanime que je suis. Cette fois, il s'agit de l'adaptation de Ghost In The Shell : Stand Alone Complex, l'excellente série de Kamiyama Kenji dont les 4 premiers DVD nous sont arrivés par l'intermédiaire de Beez. Bien qu'il soit très sympathique de retrouver sur PS2 le major Motoko Kusanagi, Batou ou encore les Tachikomas, le jeu vidéo se montre-il à la hauteur du show animé ? Et bien je vous propose de parcourir les lignes qui suivent pour avoir un début de réponse.
Tout d'abord revenons quelques instants en arrière pour s'attarder sur Ghost In The Shell. A l'origine, manga de Shirow Masamune, l'oeuvre du mangaka s'est vue entre autres déclinée en deux films de Oshii Mamoru, en un jeu vidéo sur PSOne (où nous dirigions justement les tanks du nom de Tachikomas) et tout récemment en une série de deux saisons de 26 épisodes chacune : Stand Alone Complex. Comme il serait trop complexe de résumer les deux films de Oshii qui allient philosophie et réflexion personnelles de son auteur, disons que ces derniers tournent autour du cyborg Motoko Kusanagi qui officie en tant que major dans la Section 9, une unité spéciale de la police japonaise. Si les films faisaient la part belle aux réflexions de Kusanagi quant à sa nature humaine synthétisée uniquement par son Ghost (son âme), la série suit un chemin différent. Elle privilégie en effet une approche plus directe, moins nuancée, plus scientifique qui se veut plus proche des romans d'Isaac Asimov ou de William Gibson. Brassant divers styles d'intrigues (policières, politiques...), la série TV a rapidement trouvé son rythme en alternant les épisodes qui se suffisent à eux-mêmes (Stand Alone) et ceux en rapport à l'intrigue principale liée au personnage du Rieur (Complex). Enfin, je finirai en précisant que Stand Alone Complex est censé se dérouler entre les deux longs-métrages. Par contre, Kamiyama a choisi de partir du postulat de départ qui veut que Kusanagi n'ait jamais rencontré le Puppet Master (l'entité contre laquelle lutte Kusanagi dans le premier Ghost In The Shell) et qu'elle soit donc restée au sein de la Section 9.
Le jeu vidéo reprend donc l'univers de la série TV sous couvert d'un jeu d'action à la troisième personne où vous pourrez diriger suivant les missions Kusanagi, Batou ou un Tachikoma. Bien que le gameplay ne soit pas si difficile que cela à appréhender, il sera bienvenu de passer par le tutorial d'entraînement pour se familiariser avec les commandes du jeu. Passée cette phase, qui doit beaucoup au P.N. 03 de Capcom, vous pourrez alors choisir entre le mode Scénario ou les défis Multijoueurs. Ces derniers, au nombre de deux, seront jouables de 1 à 4 joueurs. Dans le premier, Battle Royale, ce sera chacun pour soi puisque vous devrez au préalable fixer un nombre de victoires à atteindre (en plus de la durée de la partie et des munitions illimitées ou non) et essayer d'y arriver pour gagner la partie. Le but sera alors de déambuler dans des niveaux, de ramasser des munitions et d'éliminer vos adversaires avant que ce ne soit eux qui le fassent. Le second mode, Equipe, reposera sur le même principe sauf qu'il vous faudra créer deux équipes. Les environnements (tirés du mode Scénario) étant assez cloisonnés, on évitera de trop s'attarder sur ces modes, par ailleurs moyennement intéressants et peu jouables, surtout à 4 où l'écran scindé en autant de parties réduit considérablement le champ de visibilité. Reste alors le mode Scénario découpé en 12 missions réparties dans plusieurs décors.
Premièrement, bien que le titre conserve les principaux personnages de la série, les développeurs ont eu la bonne idée de concevoir le jeu comme un épisode Stand Alone. L'intrigue est d'ailleurs assez intéressante pour peu que vous adhériez aux enquêtes se déroulant dans un univers futuriste. Bénéficiant de multiples cinématiques en CG de la qualité du générique d'ouverture de la série, le joueur sera abreuvé d'informations tout au long de l'aventure. A ce sujet, signalons que le principe de l'interface de dialogue par connexion neurale a été conservé. Ainsi, vous verrez très souvent apparaître des fenêtres où les personnages de Togusa (un flic humain dont seul le cerveau est "boosté"), Daisuke Aramaki (le chef de la Section 9) ou Ishikawa (le hacker du groupe) vous renseigneront sur la suite des événements. Cependant, on remarquera quelques clins d'oeil sympathiques comme le robot de type Jameson, que Motoko pourra contrôler dans la troisième mission, qui était un des personnages centraux de l'épisode "Missing Hearts". En somme, le scénario et l'atmosphère sont très bien rendus, ce qui est une bonne chose pour rentrer dans le jeu.
Le déroulement du jeu, lui, est déjà plus commun. Scindé en plusieurs missions relativement longues, vous alternerez entre plusieurs personnages et devrez aller d'un point A à un point B afin de passer au niveau suivant. Il sera alors question d'éliminer les ennemis qui entraveront votre route, de ramasser diverses armes et de mettre à profit vos facultés de cyborg pour pirater des ordinateurs ou les ghosts de vos ennemis. Eh oui, car en tant qu'androïde, vous disposez de plusieurs aptitudes bien utiles. Premièrement, en tant qu'officier de police, vous êtes on ne peut plus entraîné au combat. De ce fait, vous pourrez utiliser des armes (deux au maximum) et en changer en ramassant celles des ennemis qui seront à terre. Ainsi, suivant la situation, vous devrez opter pour des fusils à pompe, des lance-missiles, un fusil de snipe, etc. En sus, vous pourrez également utiliser des couteaux, des grenades (normales ou magnétiques) ou vous battre à mains nues. Le système est bien pensé puisque si vous tirerez avec la touche R1, vous n'aurez qu'à appuyer sur la touche Carré pour changer de style puis appuyer sur la touche R2 pour utiliser l'arme secondaire ou vous battre avec votre adversaire. A ce sujet, bien qu'il ne vous soit possible que d'effectuer des enchaînements de coups prédéfinis, vous aurez droit à une mise en scène lorsque vous porterez le coup fatal. L'angle de caméra se positionnera alors dans un endroit stratégique et sera supporté par un ralenti accentué par un effet de Blur qui rendra l'image diffuse.
Au rayon des autres techniques de combat, on notera la possibilité d'éviter les balles en appuyant rapidement sur la touche R1. Ici aussi, nous aurons droit à une mise en scène avec des mouvements de caméra qui suivront Motoko ou Batou en train d'effectuer leurs acrobaties. Bien que l'idée graphique soit bien vue, elle a le défaut de déstabiliser le joueur qui devra souvent recentrer rapidement la caméra derrière le personnage afin d'ajuster son tir s'il veut tirer dans la foulée. D'ailleurs, on aurait aimé avoir droit à une visée semi-automatique, vu que le viseur de la quasi totalité des armes est relativement petit. La seule exception qui confirme la règle tient au sniper avec lequel vous pourrez tirer en vue subjective tout en profitant d'un niveau de zoom. Si on passe rapidement sur les gadgets comme le camouflage optique, une autre idée sympathique tient aux piratages des Ghosts. Cette "activité", directement inspirée du manga, vous permettra de récupérer des données sur vos adversaires pour pouvoir ensuite savoir où se trouvent tous les ennemis d'un niveau. De plus, vous pourrez aussi utiliser cette technique pour connaître l'endroit où vous devez vous rendre ou prendre le contrôle de certains ennemis. Néanmoins cette dernière possibilité vous demandera un autre tour de passe-passe. Ainsi, vous devrez dans un premier temps viser l'ennemi dont vous pouvez prendre le contrôle puis afin d'infester son Ghost, il vous faudra réussir, en un temps donné, à imbriquer deux roues constituées d'encoches qui apparaîtront à l'écran.
Vu sous cet angle, l'adaptation semble plus que correcte. Et bien, oui et non. Pour tout dire, je pense que si vous n'êtes pas fan de la série, vous pouvez passer votre chemin, le jeu n'étant finalement qu'un jeu d'action de plus. Il est aussi un peu agaçant de voir que plusieurs aspects du jeu ont été vite réglés. Je pense par exemple aux graphismes qui sont trop ternes, trop aseptisés et qui ne font pas honneur à la PS2. Les animations des personnages vont du Très bon au Mauvais. En fait, hormis le déplacement lorsque vous êtes accroupi qui est très fluide et les sauts qui nous font bien ressentir le poids des cyborgs, ce n'est pas la panacée. On pourra aussi citer la réception caractéristique des sauts qui renvoie totalement à ce qu'on voit dans les longs-métrages. Malheureusement, le reste ne suit pas. Les personnages ont une démarche mal décomposée, les voir bouger suspendus à un rebord de mur est affligeant et le gameplay est très lourd lorsqu'il s'agit de se tourner, surtout lorsqu'on est entouré d'ennemis. L'autre problème tient à la possibilité de sauter contre les murs pour progresser vers le haut. Une seule question : pourquoi avoir limité le tout à deux sauts ? De plus, ces passages sont à se taper la tête contre les murs puisqu'il arrive souvent que notre personnage saute plus ou moins haut alors qu'on a l'impression d'effectuer les mêmes manipulations (R2 + la direction vers laquelle vous voulez sauter). Au final, il arrive très souvent qu'on essaie une vingtaine de fois avant de réussir à atteindre certains endroits !
On regrettera aussi que la bande-son ne soit pas du niveau de l'anime. Les bruitages restent assez mal échantillonnés et le jeu a des difficultés dans les nuances. De plus, les doublages anglais sont uniquement disponibles, étrange surtout que Budokai 2 sur GameCube et la quadrilogie Dot Hack disposaient de voix japonaises. Enfin, les compositions de Nobuyoshi Sano ont beaucoup de mal à tenir la comparaison avec celles de la divine Kanno Yoko qui comme à son habitude a réalisé un travail fabuleux sur la série. A ce titre, Bandai aurait au moins pu nous laisser le fantastique thème d'ouverture du show, Inner Universe. Problèmes de droits ? Quoiqu'il en soit, tous ces petits soucis mis bout à bout me font penser que l'acquisition du jeu est loin d'être indispensable, contrairement à celle de la série TV qui est une priorité absolue pour peu que vous soyez fan d'animes et de cyber-culture.
- Graphismes12/20
Les décors sont désespérément vides et n'arrivent pas vraiment à évoluer d'un niveau à l'autre. Les animations du personnage vont du Très bon (réception des sauts, marche accroupie, esquives) au Très mauvais (course, déplacement quand on agrippe quelque chose, etc). Question SFX, on retiendra juste la mise en scène lors des combos et un type d'explosions assez réussi. Dans tous les cas c'est bien pauvre et ce ne sont pas les cinématiques en CG assez réussies qui relèveront la note.
- Jouabilité12/20
Le système qui permet de choisir l'arme secondaire est bien pensé et il n'y a pas de gros problèmes de caméra vu qu'on peut bouger l'objectif manuellement. Malheureusement le réticule de visée est trop petit, notre personnage se tourne très lentement et les phases où le double saut contre les murs est obligatoire sont crispantes.
- Durée de vie12/20
12 niveaux pour le mode Solo mais on les enchaîne rapidement en Normal. Cependant, quelques bonus sont à débloquer comme d'autres niveaux de difficulté. Maintenant recommencer les mêmes stages encore et encore ne représente pas vraiment le Nirvana ludique. Les modes Multijoueurs disposent de 7 maps mais bien qu'on puisse y joueur jusqu'à 4, on s'en lasse après trois ou quatre parties.
- Bande son12/20
Atari nous ressert encore une fois les doublages américains pour seul choix sonore. Enervant d'autant que le doublage français de la série est excellent, sans parler de la version japonaise. Les bruitages sont peu nombreux et très peu nuancés, surtout quand nous avons droit à une ambiance sonore différente entre deux zones mitoyennes. Quant à la bande-son, hum, et bien, si vous connaissez le somptueux score de Kanno Yoko pour la série, vous aurez un peu de mal à adhérer à celui du jeu qui est bien moins éclectique dans ses inspirations.
- Scénario14/20
Le scénario est construit comme celui d'un épisode Stand Alone (qui n'a pas de rapport avec la trame générale) et se veut bien pensé. On suivra donc l'histoire avec intérêt d'autant que l'ambiance est bien restituée et que le synopsis doit autant aux polars qu'aux romans de William Gibson.
Ghost In The Shell : Stand Alone Complex m'a fait la même impression que le récent Blood Will Tell. J'ai pris du plaisir à parcourir le titre, j'ai bien adhéré à l'ambiance en tant que fan de la série mais je suis malgré tout conscient que si vous ne connaissez pas l'anime, vous aurez bien du mal à vous plonger dans cet univers. Le jeu ayant contre lui plusieurs problèmes de gameplay et la durée de vie étant assez réduite, vous pourrez toujours acquérir ce soft en occasion, histoire d'éviter d'amères désillusions.