Le monde dynamique et nerveusement inimitable des jeux de combats comportait il y a encore peu deux familles, voire deux clans, bien distincts. D'un côté nous avions Capcom, fier combattant du haut de ses Street Fighter et Marvel VS Capcom, et de l'autre SNK, défenseur de valeurs nommées King Of Fighters, Samurai Shodown ou encore Last Blade. Durant cet affrontement fratricide naquirent néanmoins deux "cross-over" baptisés SNK VS Capcom : SVC Chaos et bien entendu Capcom VS SNK. Les ennemis conclurent donc une simili-paix que rien ne semblait pouvoir inquiéter. Mais un beau jour, vint au monde un certain Guilty Gear qui débuta une fulgurante ascension jusqu'à occuper la place de troisième larron. Mais qu'est ce qui explique cette célébrité soudaine ?
Petite révolution dans l'univers en perte de vitesse du soft axé sur l'affrontement enragé et instable, Guilty Gear a ouvert une brèche dans la prise de pouvoir des deux plus grands studios de production cités ci-dessus. Parti en quête de nouvelles pistes ludiques et d'une identité propre, celui-ci permit de mettre en avant des concepts inédits, et apporta dans ses filets bien emplis une approche graphique innovante et ne réutilisant pas comme toile de fond le Japon médiéval ou l'époque contemporaine. Clairement orienté vers un futur alternatif et pessimiste, le titre se plaçait par conséquent à ses débuts dans la catégorie des outsiders à suivre de près, sans pour autant délaisser son Street Fighter Alpha 3. Néanmoins, on percevait déjà des illuminations dignes d'un intérêt véritable, comme par l'exemple l'"instant kill", alias une capacité permettant d'annihiler son opposant en un seul coup bien placé. Les duels diffusaient alors une tension sans cesse renouvelée, et à la portée émotionnelle non négligeable. Le seul écueil demeurait en fait à l'intérieur même de ce principe effrayant. En effet, il était vraiment trop aisé de maîtriser cette technique, ce qui rendait la plupart des combats (sauf après un certain palier) rébarbatifs, sans parler des pugilats à deux joueurs qui tournaient au drame pour la personne ne connaissant pas du tout la manière de contrer ces furies démoniaques.
D'autre part, les boss de fin donnaient envie de se jeter par la première fenêtre venue, et rares sont ceux qui n'ont pas étoffé leur galerie de jurons devant ce jeu. Toutefois, comme dirait l'autre : "Il a du potentiel le p'tit". Quelle ne fut pas la surprise de toutes les personnes ayant accroché à l'histoire tragique des Gears, lors de la parution d'un Guilty Gear X d'abord sur Dreamcast, puis sur PS2. Doté d'une finesse graphique dépassant celle d'un SF Third Strike, il demeura longtemps comme une révélation catégorique dans l'esprit de nombreux joueurs avides de jets de flammes et d'éclairs bleutés. Mais ce n'étaient que les prémices à l'arrivée d'un épisode sobrement suivi d'un X2 de circonstance. Démonstration d'une forme sublimée et d'un fond en constante progression, celui-ci conforta encore davantage sa présence dans les hauteurs autrefois inaccessibles des grandes licences aux avantages indubitables. Confiné au sein du monolithe noir de Sony, le titre d'Arc System Works paraît aujourd'hui sur Xbox, pour le plus grand enchantement des amateurs de héros charismatiques.
Et pour vous dire la vérité, les divers individus présents demeurent effectivement détenteurs d'une puissance d'admiration conséquente. Grande force de Guilty Gear X2, le chara-design permet une immersion immédiate et avec un plaisir non dissimulé dans les méandres d'un background post-apocalyptique, s'adaptant intelligemment avec les influences destructurées communes à tous les intervenants. Chaque individu dispose d'une particularité monstrueuse, d'une garde-robe orientée soit vers une utilité guerrière, soit mettant à profit des accrocs ou des matières spécifiques, de manière à exposer au yeux du joueur un ensemble cohérent et véhiculant des sentiments tour à tour de combativité, de renoncement, ou encore soulignant une volonté de s'incruster complètement dans son atmosphère. De ce fait, on apporte une attention focalisée sur ces aspects travaillés à l'extrême, découlant sur une fascination des différents guerriers. Les nombreux individus présents s'avèrent sincèrement prenants et étourdissants, du moins dans le grand ensemble. Irradiant le soft de leur classe folle, des "acteurs" comme Sol, Ky, ou encore Slayer provoquent une envie immédiate de contrôler des êtres aussi attirants. Mentions spéciales tout de même à deux d'entre eux, dont la perfection mérite d'être mise en relief, à savoir Venom et Johnny. Le premier, vêtu de vêtements larges conservant néanmoins un certain formalisme conférant à l'intéressé une assise non négligeable de par son allure un tantinet hautaine, se pare également de longs cheveux blancs et très fins, masquant un visage marqué d'un sceau inconnu. Le second quant à lui, arborant un magnifique Trench Coat aboutissant à ses chevilles, et un chapeau à bords larges, se déplace toujours avec un sabre dans une solitude touchante et inquiétante. A ce propos, ce personnage m'a fait énormément penser à Ido du manga Gunnm, détenteur du même style vestimentaire et d'une carrure commune.
Une fois en état de contemplation avancée , vous serez donc dans de bonnes conditions pour admirer la réalisation graphique exceptionnelle de ce Guilty Gear X2 Reload. Dès votre pénétration au coeur du soft, vous ne pourrez que louer la richesse des décors d'arrière-plan fourmillant littéralement de détails et de petites animations supportant largement la comparaison avec ce que l'on peut rencontrer dans des séries animées. A ce propos, et pour en revenir aux intervenants, il est également effarant de voir l'aboutissement mis en place au niveau de la décomposition des mouvements de ces derniers. Chacun d'entre eux se meut à merveille et parvient à communiquer instantanément les forces ou les faiblesses de sa stature, dans une fluidité surprenante. Le moindre doigt réagit aux injonctions des magnifiques sprites présents à l'écran et termine le travail de crédibilité artistique déferlant sur le jeu. Impressionnant, tout comme le rendu des effets accompagnant les attaques spéciales et autres déversements de puissance brute. Un véritable ravissement.
Le gameplay, quant à lui, suit avec joie les traces encore fraîches de la réalisation. En effet, ce dernier propose diverses variantes relativement intéressantes à la vue de ce que propose certains titres de la concurrence. En premier lieu, il vous faudra de toute façon maîtriser sur le bout des doigts l'ensemble des techniques de base inhérentes aux principes de jeu généraux de manière à espérer venir à bout des modes Histoire, Arcade (enchaînement de combats sans réelles raisons), Mission (ensemble d'affrontements soumis à des restrictions de santé, de temps, ou encore à des modifications d'état de votre avatar, etc...), Survie, ou encore Médaille du Millionnaire (où vous devez obtenir le plus de points en récoltant les blasons que font tomber vos ennemis) pour les principaux. A vous donc de gérer au mieux vos jauges de Psych Burst et de Tension, permettant pour la première d'octroyer à un personnage une quasi-invincibilité et une puissance hors normes, et pour la seconde de lancer un assaut foudroyant, très utile pour terminer rapidement un duel un peu trop serré. De même, la science de la récupération vous sera d'une aide indubitable. Ce mouvement donne en effet le pouvoir de se rétablir après un choc violent, afin de ne pas s'écraser au sol et subir une combinaison de coups de la part de votre adversaire sans pouvoir répliquer.
Mais la stratégie la plus utile et la plus dévastatrice sera de mélanger avec stratégie le "Perfect Guard" nécessitant une pression sur deux boutons durant la garde et annihilant tout dégât, la frappe Dead Angle qui s'apparente à une contre-attaque et qui fonctionne via deux touches d'attaque et une direction lorsque vous subissez un heurt une fois en protection, et surtout le "Cancel" qui vous octroie le pouvoir d'annuler une action pour la lier avec une seconde différente. La manipulation de cette dernière étape est un tantinet délicate, mais ouvre des possibilités de combo suffisamment convaincantes pour être utilisée. Au début, vous ne comprendrez pas vraiment ce qui se joue sur le champ de bataille, mais avec de la pratique vous parviendrez à faire face à n'importe quelle situation. Toutefois on peut regretter une valorisation quasi-exclusive d'une approche offensive par rapport à une attitude défensive.
Le schéma ludique vous pousse à attaquer sans cesse, ce qui peut parfois s'avérer problématique contre certains joueurs ou ennemis domestiquant mieux la science du combat que vous. Dommage. Au final, donc, et malgré la présence de modes plus ou moins dispensables et d'une volonté indiscutable de mettre en avant la fureur combative, Guilty Gear X2 demeure un petit chef d'oeuvre du jeu de combat 2D, trouvant aisément sa place sur une Xbox légèrement en retrait sur ce sujet particulier. De plus, la présence d'un mode Xbox Live donnant la possibilité de concourir contre le monde entier sous couvert de votre individu préféré, offre au jeu d'Arc System Works une durée de vie assez imposante. Puissant et racé.
- Graphismes17/20
Réellement somptueux, Guilty Gear X2 s'affiche comme l'un des, voire le, plus beaux jeux de combat 2D de la planète vidéoludique. Mettant en scène des personnages au design électrisant au sein de décors regorgeant de détails, le titre qui nous intéresse aujourd'hui donne une leçon d'utilisation de la 2D. Et que dire de l'animation précise et décomposée à merveille, des effets consécutifs aux mouvements spécifiques, ou encore des artworks présents lors des phases scénarisées ou en début d'affrontement. Un travail extrêmement soigné, qui réussit à convaincre immédiatement. A noter également un habillage (au niveau des menus, et de la façon dont sont amenés les phases de combat) bien pensé et respectueux de l'ambiance.
- Jouabilité17/20
Le jeu se prend en main très rapidement du fait d'une immersion fort aisée, et de l'intensité immédiate des affrontements. Les coups sortent facilement et les déplacements s'effectuent de manière très agréable sans aucun écueil. Mais ne vous attendez pas à découvrir les subtilités du gameplay dès vos premières parties. Il vous faudra pas mal d'entraînement pour espérer maîtriser les différentes techniques "de base" à votre disposition. Une découverte du soft s'amorcera alors, vous démontrant les nombreuses innovations dont vous n'aviez pas connaissance. Et toujours ce jouissif "Instant Kill".
- Durée de vie15/20
Les nombreux modes de jeu disponibles (même si certains s'avèrent dispensables), vous permettront de passer un nombre d'heures non négligeable sur les terres de Guilty Gear X2. La présence d'une partie scénarisée est un point très positif, qui repousse la lassitude de bien belle manière. Les challenges sont suffisamment relevées pour pousser à progresser, et la présence du Xbox Live vous donnera l'occasion de tester vos talents internationalement. Convaincant pour un jeu de combat.
- Bande son15/20
Les diverses compositions présentes dans le jeu demeurent bien construites et se mêlent admirablement à la fureur des affrontements. Le son s'avère vraiment bon, et aucun des morceaux ne pousse à éprouver de la lassitude ou un sentiment de redondance. Les effets sonores sont quant à eux détonnants, et permettent de bien ressentir la puissance des coups. Enfin, les voix sont en japonais, sous-titrées en anglais, ce qui est une très bonne initiative. Les acteurs sont crédibles, et on se prend au jeu.
- Scénario12/20
Les destins des protagonistes sont assez intéressants et pas trop caricaturaux, pour une fois. Chacun d'entre eux possède d'ailleurs sa propre trame, vous permettant d'en découvrir un peu plus sur l'histoire des Gears. Ca change de Street Fighter.
Ténébreux et fascinant, Guilty Gear X Reload fait un beau cadeau à la Xbox en se plaçant comme le meilleur représentant du genre des jeux de combats 2D. Détenteur d'une beauté froide et d"un plaisir de jeu dense et désirable, il démontre que la 3D peut parfois regretter ses polygones et lorgner un tant soit peu du côté d'une 2D dynamique, chamarrée, et laissant des libertés propres à la création de titres comme GGX2. Une belle carrière pour une série débutée dans un incognito assez conséquent. Si vous ne possédez pas de PS2, un conseil, laissez-vous surprendre. Mais j'attends toujours un Last Blade profitant vraiment des consoles "next generation".